Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission de la défense a déjà auditionné M. le secrétaire d'État ainsi que toutes les associations d'anciens combattants, ce qui a permis un débat positif. Je vous renvoie donc aux comptes rendus de ces auditions.
M. Razzy Hammadi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Cette année, comme les années précédentes, la diminution de l'effectif des anciens combattants se répercute sur le budget qui leur est consacré. À périmètre constant, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » diminuent de 5,30 %. Comme chaque année également, une partie de l'érosion en quelque sorte inévitable du budget est utilisée pour améliorer certaines prestations ou en ouvrir de nouvelles. Les quatre nouvelles mesures proposées en 2015 représentent ainsi une dépense nouvelle en faveur des anciens combattants de 17 millions d'euros en année pleine, dépense à laquelle il faut ajouter l'accroissement du nombre de bénéficiaires de la demi-part fiscale supplémentaire, les anciens combattants de la guerre d'Algérie continuant à atteindre l'âge à partir duquel ils peuvent en bénéficier.
La transformation de l'allocation différentielle en faveur du conjoint survivant (ADCS) en aide complémentaire spécifique au conjoint survivant et, surtout, l'affectation à cette aide de 1,5 million d'euros supplémentaires pour porter les revenus des conjoints survivants jusqu'au niveau du seuil de pauvreté – soit 987 euros par mois – sont une promesse tenue. Il s'agissait d'une revendication ancienne. Le Gouvernement avait dit qu'il le ferait ; il l'a fait.
L'augmentation des pensions de réversion des veuves de très grands invalides et l'élargissement de leurs conditions d'attribution sont également des avancées qu'il faut saluer. Qui est aujourd'hui, et surtout qui risque aujourd'hui de devenir l'épouse d'un grand invalide de guerre ? C'est un destin difficile, mais rare. Il est sain que l'État reconnaisse à sa juste valeur le travail de ces femmes auprès de leur mari gravement blessé en servant la nation.
La majoration du montant de l'allocation de reconnaissance en faveur des harkis est bien entendu également un signe bienvenu.
C'est sur la quatrième mesure que je voudrais conclure : l'alignement des conditions pour obtenir la carte du combattant au titre des opérations extérieures (OPEX) sur celles en vigueur pour la guerre d'Algérie, autrement dit quatre mois de présence sur un théâtre d'opérations. Là aussi, le combat des associations d'anciens combattants fut long. Cette mesure me paraît présenter de nombreux aspects positifs. D'abord, elle simplifie les conditions de délivrance de la carte. Jusqu'ici, il fallait que l'unité d'appartenance du militaire soit déclarée combattante et que le militaire y ait été affecté pendant la période où elle avait ce statut. Le nouveau critère est beaucoup plus simple d'application. Ensuite, elle est structurante pour la mémoire combattante. En pratique, tous les soldats français effectuent des missions en opérations extérieures. Cette situation garantit, pour les opérations de mémoire, pour les cérémonies commémoratives, un fort vivier d'anciens combattants à l'heure où les contingents historiques d'anciens combattants vieillissent inexorablement.
Monsieur le secrétaire d'État, les modalités de reconnaissance de la participation aux opérations permettront-elles de tenir compte d'une particularité qui ne concerne pas que les marins ? On le sait, les navires de soutien aux opérations patrouillent souvent hors du périmètre de celles-ci. La même question peut aussi se poser pour les équipages des avions AWACS ou ravitailleurs en vol, qui sont souvent positionnés à l'écart du périmètre de l'opération elle-même.
Par ailleurs, pouvez-vous évoquer pour nous la situation du monument aux morts en opérations extérieures qui doit être érigé place Vauban ? Il semble que ce dossier rencontre de nombreux obstacles.
Enfin, pendant la réunion de la commission des finances qui suivra la présente commission élargie, je donnerai, bien évidemment, un avis favorable à l'adoption des articles 48, 49 et 50 du projet de loi de finances pour 2015.
Mme Paola Zanetti, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Comme nombre de mes collègues, je me réjouis de la consolidation des droits des anciens combattants que prévoit le budget pour 2015, ainsi que des mesures nouvelles qu'il comprend, notamment à l'égard de la nouvelle génération du feu : 17 millions d'euros en année pleine qui viennent s'ajouter aux 13 millions d'euros prévus déjà l'année dernière. C'est dire les efforts réalisés dans un contexte difficile.
En complément des questions que le rapporteur spécial vous a déjà posées, j'aimerais vous interroger sur l'Institution nationale des invalides (INI). Alors qu'un vaste audit interministériel avait été conduit l'année dernière, l'INI attend depuis plus d'un an la conclusion d'un nouveau contrat d'objectifs et de performance pour les années 2014-2019. Faute de directives claires et d'un financement garanti, l'Institution ne peut engager les importants travaux d'infrastructures rendus indispensables par la vétusté de ses bâtiments. Faute de perspectives, la direction est inquiète, le personnel se démobilise : le sentiment général est que l'on désarme progressivement le navire. Il serait regrettable que cette institution pluriséculaire, placée sous la protection du chef de l'État, se réduise progressivement à une sorte d'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) abrité dans un lieu prestigieux. Alors que la chaîne de prise en charge de nos blessés revenant d'OPEX est en pleine refonte, que le service de santé se réorganise entièrement, l'INI reste à l'écart de ces évolutions, sans perspective stratégique. Quel avenir comptez-vous donner à l'INI dans ce contexte général de réorganisation ? Quand les décisions pourront-elles être prises ?
Ma deuxième question porte sur les veuves des plus grands invalides de guerre. Le projet de loi de finances comprend pour la première fois une mesure qui leur est destinée. À la suite du débat budgétaire de l'an passé, vous aviez amorcé une démarche volontariste pour résoudre la question. Vous aviez d'abord accordé une majoration de 360 points aux veuves dont l'époux disposait d'une pension supérieure à 10 000 points. Sept veuves ont pu en bénéficier au 30 juin 2014. Vous aviez ensuite demandé au Contrôle général des armées un nouveau rapport d'évaluation des effectifs concernés : le rapport du Secrétariat général pour l'administration remis en 2013 souffrait de contestations, la population étant manifestement surestimée. Ce nouveau rapport formule des hypothèses plus réalistes et des effectifs concernés proches de ceux avancés par les associations. Par ailleurs, vous avez installé un groupe de travail rassemblant administration et associations d'anciens combattants, mais, comme il ne s'est réuni que trois fois en 2014 et n'a pris connaissance que trop tardivement du nouveau rapport, les propositions qu'il a formulées n'ont pu être inscrites dans le projet de budget pour 2015. Quelles suites comptez-vous donner au rapport du Contrôle général des armées ? Quels seraient les contours d'une démarche plus globale que vous souhaitez engager avec l'appui de ce groupe de travail ?
Enfin, je souhaite vous interroger sur la situation des orphelins de la Seconde Guerre mondiale. La question est débattue depuis une quinzaine d'années, mais on a le sentiment que les décrets de 2000 et de 2004 n'ont pas répondu aux attentes légitimes de personnes qui n'avaient rien demandé pendant cinquante-cinq ans. Compte tenu de l'ampleur du sujet et de ses conséquences financières, il n'est pas question, chacun semble en convenir, d'indemniser les orphelins de toutes les guerres, à moins de reconsidérer totalement notre droit à réparation et d'engager un débat national. La question ne concerne donc que les orphelins de la Seconde Guerre mondiale.
Il est important de rappeler l'esprit qui a présidé à l'élaboration de ces deux décrets : reconnaître le drame particulier vécu par les orphelins de la barbarie nazie, avec parfois la complicité du régime de Vichy. Ce sont bien les circonstances de la mort ainsi que la reconnaissance d'une certaine responsabilité de l'État français qui fondent ce droit à réparation. Étendre le dispositif à d'autres catégories de victimes – je pense aux victimes civiles de parents morts dans l'armée régulière – nous ferait entrer dans une nouvelle logique, ce que je ne souhaite pas pour autant.
Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, quelques cas comme ceux des résistants morts les armes à la main restent aujourd'hui en marge des textes. Vous avez également indiqué appliquer les textes de la façon la plus éclairée possible en interprétant le dispositif avec beaucoup de souplesse. Il est possible d'aller un peu plus loin pour rassurer pleinement les populations concernées en intervenant par circulaire interprétative rendue publique. Par rapport à la situation actuelle, cette solution présente l'avantage d'engager une démarche plus transparente aux yeux des principaux intéressés et de fixer des directives claires au service instructeur. Toucher aux décrets ne serait pas opportun, car les interprétations qui pourraient en être faites ouvriraient certainement la porte à de nouvelles revendications.
Dans le même temps, il serait temps de fixer une date de forclusion à ces dispositifs. 44 000 personnes ont été indemnisées et les dossiers nouveaux se raréfient d'année en année. Deux seulement sont attendus au titre du décret de 2000 pour l'année prochaine, et quarante-quatre au titre du décret de 2004. Un dispositif a été largement appliqué. Il est désormais temps d'y mettre fin, par exemple d'ici à 2017.