Mesdames et messieurs les députés, je veux tout d'abord remercier les parlementaires, et plus largement l'ensemble des acteurs – élus locaux, associations – pour le succès du cycle mémoriel de cette année 2014. Le 6 juin, le 14 juillet, le 15 août, le 12 septembre – et le 11 novembre dans quelques jours – sont de grands événements qui ont donné à notre pays une image à la hauteur de son histoire. Nous avons su dépasser ce qui peut nous séparer et rendre hommage à ces combattants qui ont donné leur vie pour le premier ou le second conflit mondial, quelle que soit leur origine sociale, leur nationalité, leur confession. Le 6 juin dernier, c'est la première fois qu'un Président de la République rendait hommage, à Caen, aux 20 000 civils victimes des bombardements du débarquement des forces alliées. Voilà une belle image donnée à notre jeunesse.
J'essaie, pour ma part, de faire en sorte que la concertation avec l'ensemble du monde combattant soit au coeur du travail que je mène. Le budget que je vous présente a été discuté avec le monde combattant tout au long de l'année et récemment encore lors de la réunion du G12 qui représente l'ensemble des grandes associations patriotiques françaises. De même, je viens de l'évoquer au début de l'après-midi au conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG). Une concertation a eu lieu également avec les parlementaires. Nous avons toujours essayé de trouver des solutions, même si des interrogations, et parfois des désaccords, demeurent.
Pour pouvoir tenir, il ne faut pas trop promettre. Plutôt que de faire des annonces qui n'auraient pas de sens, j'ai essayé, budget après budget, de présenter toujours des mesures nouvelles. C'est encore le cas pour le budget que je vous soumets pour 2015. L'année dernière, c'est la carte dite « à cheval » qui a été octroyée. Elle va bénéficier aujourd'hui à 8 400 personnes. Le débat sur l'abondement spécifique de la rente mutualiste a duré trois mois. Un décret, entré en application le 1er janvier, est venu rétablir ce qu'était la réalité de la rente mutualiste. La question de la remise en cause de la demi-part fiscale supplémentaire a été posée. L'aide différentielle en faveur du conjoint survivant a été revalorisée. Elle est passée de 900 euros à 933 euros dans un premier temps, pour atteindre 987 euros dans le budget que je vous propose, c'est-à-dire le seuil de pauvreté. C'était une volonté commune. Nous avons permis que soit financé, pour la première fois, à hauteur de 1 million d'euros, l'appareillage de nos soldats victimes de blessures graves en situation de combat. Jusqu'à présent, il fallait trouver des financements croisés pour aboutir à un appareillage de qualité. En définissant les mesures nouvelles inscrites dans ce budget, nous avons été guidés par un souci de justice sociale et de solidarité.
Pour 2015, le budget des anciens combattants s'élève à 2,64 milliards d'euros. Il baisse de 5,4 % par rapport à 2014, mais l'augmentation des dépenses fiscales ramène cette diminution à 3,3 %. La dépense moyenne par ancien combattant s'élèvera à 2 994 euros en 2015, contre 2 933 euros en 2014.
Le budget de l'action sociale est en hausse de 1,5 million d'euros, soit une augmentation de 16,5 % en trois ans. Ces crédits seront utilisés pour mettre en place des avancées nouvelles en direction d'une population en difficulté.
L'aide complémentaire spécifique au conjoint survivant va se substituer à l'actuelle allocation différentielle en faveur du conjoint survivant. Comme son nom l'indique, cette aide viendra en complément d'autres aides. Des inquiétudes ont été exprimées quant à sa base juridique : devait-elle bénéficier de la même manière aux conjoints survivants de la rive sud de la Méditerranée ? Cette modification lui offre une base juridique solide.
Mme Zanetti m'a interrogé sur la revalorisation du dispositif en faveur des conjoints survivants des grands invalides. Elle a rappelé que, l'année dernière, certaines pensions avaient été revalorisées de 360 points par l'abaissement du seuil d'accès de 11 000 à 10 000 points. Certaines associations ont formulé des propositions qui auraient conduit à ce que 2 % seulement de la population soit concernée, ce qui n'était pas acceptable. Une autre proposition, d'origine parlementaire, avait un coût estimé de plus de 8 millions d'euros. Je vous propose une revalorisation de la majoration spéciale de pension de 50 points le 1er janvier 2015, puis à nouveau de 50 points le 1er janvier 2016. Cela représente 117 euros par mois, soit plus de 1 400 euros par an, c'est-à-dire l'équivalent d'un SMIC brut mensuel. C'est donc une augmentation de plus de 10 % de la pension moyenne actuelle. Cette revalorisation est liée aux réflexions menées avec les différents groupes de travail. Pour augmenter le nombre de bénéficiaires, la durée de soins nécessaire pour pouvoir percevoir la majoration spéciale passera de quinze à dix ans.
Un effort est engagé en faveur de nos compatriotes harkis. La question – parfois méconnue, souvent oubliée – n'est pas réglée. Les difficultés sont énormes, à la mesure des attentes d'une communauté qui est en souffrance. Le choix a été fait de lui redonner de l'espoir. La dotation globale est aujourd'hui de 19,4 millions d'euros, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2014. Cette augmentation intègre une revalorisation de l'allocation de reconnaissance de 167 euros par an, soit un effort total de 1 million d'euros. C'est la plus forte revalorisation de cette allocation depuis sa création, même si l'on peut considérer qu'elle n'est pas substantielle.
L'État s'engage également à venir en aide aux enfants de harkis, en particulier ceux de la première génération qui ont vécu dans les camps entre l'âge de seize ans et de vingt et un ans, et qui n'ont pas pu bâtir une carrière professionnelle complète. Ils pourront racheter jusqu'à quatre trimestres de cotisation qui seront financés pour 50 % par l'État, c'est-à-dire à hauteur de 2 000 euros par trimestre.
Je souhaitais aussi faire de ce ministère un ministère de l'avenir, alors qu'il apparaît parfois comme un ministère du passé. Ce ministère de l'avenir est représenté par nos jeunes soldats engagés aujourd'hui en opérations extérieures et qui ont de fortes attentes. Je me suis saisi de cette question dès mon arrivée. Les critères de l'attribution de la carte OPEX n'étaient plus adaptés à la spécificité et à la nature variée des opérations extérieures que nous connaissons aujourd'hui, et créent des inégalités de traitement entre les armées et les unités. Le 1er octobre 2015 sera généralisé le critère de 120 jours de présence sur un théâtre d'opérations pour permettre une large extension des conditions d'attribution de la carte du combattant aux anciens des OPEX. L'ensemble des unités sera concerné. Cette mesure permettra notamment de régler la question des soldats engagés dans la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), qui n'était pas considérée comme une unité combattante et dont les membres ne pouvaient donc bénéficier de la carte du combattant. Près de 9 000 cartes ont été attribuées au 1er juillet 2014, ce qui confirme la tendance de 2013, où 16 500 cartes avaient été délivrées, soit deux fois plus qu'en 2012.
Cette reconnaissance passe aussi par l'accompagnement des soldats blessés qui est une priorité du ministre de la défense Jean-Yves Le Drian. Nous avons amélioré la prise en charge des invalides mutilés. Le ministère de la défense a décidé de financer entièrement en 2014 les prothèses, à hauteur de 1 million d'euros. Cette dotation est maintenue en 2015. C'est le témoignage que nous devons à ces jeunes.
Notre politique mémorielle est tournée vers l'avenir. C'est la consolidation d'une politique ambitieuse, puisque 22,7 millions d'euros sont inscrits dans le budget pour 2015, en baisse de seulement 500 000 euros par rapport à 2014 qui était une année comportant nombre d'événements majeurs. Les crédits sont réorientés vers la rénovation et la valorisation du patrimoine de pierre ainsi que le tourisme de mémoire. L'enveloppe globale sera de 12,9 millions d'euros, c'est-à-dire deux fois plus qu'en 2014.
Un effort particulier est consenti en faveur de l'entretien, de la rénovation et de la valorisation culturelle et touristique des nécropoles nationales et des hauts lieux de la mémoire nationale. Notre-Dame-de-Lorette en a déjà bénéficié. Nous y serons le 11 novembre.
L'enveloppe dédiée au tourisme de mémoire augmente de 10 %, pour atteindre 1,65 million d'euros en 2015. L'État accompagne donc la croissance de cette filière, qui est en progression année après année.
Au moment où l'on considère qu'il faut renforcer le lien entre l'armée et la nation, il faut réfléchir à la modernisation de la Journée défense et citoyenneté. J'ai plusieurs fois déploré la fin du service national et je suis surpris de voir que, chaque fois que des mesures nouvelles sont proposées en faveur des anciens combattants, on va prendre l'argent sur le budget de la Journée défense et citoyenneté. Pour 2015, celui-ci s'élève à 19,05 millions d'euros et concerne plus de 760 000 jeunes.
Je suis favorable à la mise en place rapide d'une commission sur la campagne double. C'est une attente du monde combattant.
La question des veuves en général – je ne parle pas des veuves des grands invalides de guerre – n'a pas été traitée depuis longtemps. Je pense que l'on peut essayer d'avancer sur ce dossier qui correspond à une question de justice sociale.
Il y aura bien un monument dédié aux militaires morts en OPEX, pour lequel il est prévu 1 million d'euros. Il devait être initialement érigé place Vauban, mais l'action des associations de riverains a compliqué le projet. Après le rapport du général Thorette, un deuxième rapport a été demandé au général de Percin. Nous sommes en train de réfléchir, avec la mairie de Paris, à un nouvel emplacement. Le parc André-Citroën, près de Balard, retient l'attention du ministère de la défense, mais la décision n'a pas été arrêtée. Il subsiste une autre question : faut-il inscrire les anciens du bataillon de Corée sur le monument ?
Ma position sur les orphelins n'a pas varié. On peut penser ce que l'on veut des décrets de 2000 et 2004 qui concernent la barbarie nazie : ils ont le mérite d'exister. Ouvrir le statut des orphelins à l'ensemble des orphelins du second conflit mondial coûterait entre 500 millions et 1,3 milliard d'euros. Certes, un orphelin du second conflit mondial n'est pas plus orphelin qu'un orphelin de la guerre d'Algérie ou d'un autre conflit, et je suis tout disposé à étudier, dans le cadre d'une commission travaillant dans la plus grande transparence, des cas qui n'auraient pas été traités et que les associations ou les élus connaissent, pour éventuellement faire droit à réparation. Mais je ne souhaite pas ouvrir la question des orphelins telle qu'elle est posée par certaines associations.
Enfin, je suis prêt à voir si, dans le budget de l'an prochain, l'aide différentielle au conjoint survivant ne peut pas être versée aux anciens combattants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ce serait une manière de répondre à l'impératif de justice sociale qui s'impose à nous. C'est, là aussi, une attente forte du monde combattant.