La légère hausse des crédits de la mission n'est qu'un effet optique, dû à un changement de périmètre : la part des APL qui était financée par la sécurité sociale a été réintégrée dans le budget de l'État et le programme 147, « Politique de la ville », a été sorti de la mission alors que son objectif principal est bien l'égalité des territoires. En réalité, ces évolutions vont de pair avec une baisse des crédits. Le ministère du logement perd 670 postes, la baisse des aides à la pierre n'a pas été enrayée, le budget alloué à la lutte contre l'habitat indigne chute de près de 20 % et celui de l'hébergement d'urgence demeure insuffisant, le taux de refus du 115 atteignant 47 % en région parisienne.
Certes, je constate avec satisfaction que le taux réduit de 5,5 % de la TVA s'appliquera désormais aux opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et que le PTZ est renforcé. Mais le Gouvernement a cédé à la pression des lobbies. La décollecte du livret A se poursuit, tout comme la ponction sur le 1 % logement ; la garantie universelle des loyers a été détricotée ; l'encadrement des loyers a été enterré, alors qu'il était vital pour nos concitoyens puisque le loyer absorbe près de 40 % du revenu des familles. Enfin, avec les abattements du dispositif Pinel, le Gouvernement avantage les familles aisées qui veulent offrir un logement à leurs proches.
Plus profondément, je m'interroge sur le projet de société qui sous-tend ce budget. Au vu des annonces concernant le Grand Paris, on s'apprête une fois de plus à concentrer des dizaines de milliers de logements dans les villes populaires – Sevran, Le Blanc-Mesnil, Aulnay, Gennevilliers, pour ne citer qu'elles – au lieu d'obliger les communes qui ne respectent pas la loi Solidarité et renouvellement urbain à construire des logements sociaux. La loi Boutin n'a pas été abrogée : le surloyer continue de s'appliquer, ce qui chasse les classes moyennes du parc social et contribue à ghettoïser les HLM. Nous persistons à demander qu'en soit exemptée l'intégralité du territoire des communes incluant des quartiers de la politique de la ville ; je regrette que notre amendement en ce sens n'ait pas été accepté.
Par ces décisions, comme par la fin de l'universalité des allocations familiales, le Gouvernement accepte une société à deux vitesses dans laquelle 30 % de la population serait condamnée à la pauvreté et aux aides, à habiter dans les grands ensembles et en voie de ghettoïsation. Il renonce ainsi totalement à faire bénéficier les plus fragiles de l'ascenseur social et rompt fortement avec la conception française de la République et son idéal d'égalité.