Monsieur Marleix, quelques chiffres précis permettront d'éclairer l'évolution des effectifs de l'administration territoriale de l'État (ATE) ces dernières années. Entre 2009 et 2012, l'ATE a diminué de 2 472 postes ; entre 2013 et 2015, elle en aura perdu 1 100. Aux termes du budget que je vous présente, la réduction nette des effectifs en 2015 ne représente que 180 postes. Si vous ne voyez pas de différence entre une diminution de 650 et de 180 personnes par an, les personnels concernés la verront nettement !
En plus de critiquer ces réductions des effectifs – pourtant moindres que celles qu'avait pratiquées votre propre Gouvernement –, vous affirmez qu'il est particulièrement pernicieux de ne pas les accompagner d'une réforme de l'ATE qui les rendrait soutenables. Or votre accusation ne tient pas puisque nous engageons précisément une réforme importante qui n'a pas été menée jusqu'à présent. Nous procédons pour commencer à une revue des missions, car contrairement à ce que vous alléguez, je suis conscient que sans une véritable réflexion sur les responsabilités des ATE, même la perte de 180 – et non plus 650 – postes par an peut poser problème. La revue des missions permettra de faire le tri entre les tâches qui restent confiées à l'administration centrale, celles qui sont déléguées à l'administration territoriale et celles qui sont assumées par les collectivités locales et doivent donc être abandonnées par l'État. En effet, optimiser l'allocation de l'argent public exige d'éviter l'enchevêtrement, la superposition et les doublons ; aussi cherchons-nous à déterminer précisément le périmètre de l'État central, régional et départemental.
Si je souhaite développer davantage l'interministérialité des préfets – notamment au niveau du département –, c'est que ces derniers en sont demandeurs. Confrontés tous les jours aux limites du fonctionnement en tuyaux d'orgues de l'administration centrale et déconcentrée, ils aspirent à davantage de transversalité. En effet, lorsque, dans un territoire, une administration ou un secrétariat général présentent des sureffectifs, alors que les collectivités territoriales souffrent d'un manque de personnels, l'impossibilité pour les préfets d'organiser la fongibilité des lignes budgétaires et de procéder à des nominations nuit à l'efficacité de leur action. Dans la charte de la déconcentration, je souhaite donc qu'on leur donne cette souplesse – que beaucoup d'élus, et même quelques organisations syndicales des collectivités locales considèrent comme un progrès considérable.
Nous menons ces chantiers – la revue des missions et la charte de la déconcentration – tout en divisant par trois la déflation des effectifs par rapport aux pratiques antérieures. C'est pourquoi, devant la manière dont nous conduisons cette réforme de l'ATE, les fonctionnaires concernés expriment de l'intérêt plutôt que des réserves.
Vous évoquez enfin la réforme de la carte des sous-préfectures et des maisons de l'État. Je le répète : au lieu de créer des cartes place Beauvau avec mes collaborateurs, j'ai décidé de promouvoir une méthode – que nous avons mise en oeuvre en Alsace-Moselle – permettant de les coproduire avec les acteurs locaux. Investis d'un mandat de négociation, les préfets de région rencontreront leurs personnels et les élus pour étudier l'évolution des territoires. Suivant un calendrier fixé, chacun d'entre eux ira au contact de leurs collaborateurs, des maires et des présidents de conseils généraux pour constater qu'à tel endroit, des sous-préfectures se sont jumelées ; que certaines ne disposent plus de sous-préfet ; que des territoires se trouvent en situation de décrochage parce que l'administration territoriale y fait depuis longtemps défaut. Après concertation, les préfets proposeront des jumelages et la création de maisons de l'État sur leurs territoires – que nous financerons dans le cadre d'une enveloppe budgétaire, afin de tout remailler ensemble. Le préfet Bouillon et le préfet Meddah ont ainsi conduit une négociation et m'ont proposé une carte que j'ai entérinée ; ils l'ont présentée aux élus et elle est entrée en vigueur. C'est ainsi que l'on procédera partout où cela sera possible, car si l'ATE doit être présente partout sur notre territoire, son organisation peut varier peut s'adapter aux spécificités locales.
Monsieur Popelin, en matière de permis de conduire, la situation en Île de France est en effet pire encore qu'ailleurs ; la durée moyenne entre la première et la seconde tentative d'examen y est si élevée que certains habitants vont passer leur permis dans d'autres régions, entrant dans des dépenses supplémentaires. Nous comptons allouer les moyens là où les besoins se font sentir. Monsieur Borgel, nous sommes conscients de la nécessité de revoir les modalités d'attribution des places pour les candidats qui passent l'examen une seconde fois et d'encourager les auto-écoles ayant une vocation sociale. Dans le cadre de la réforme du passage du permis, le ministre de l'économie et moi-même avons engagé une discussion avec les auto-écoles pour remettre à plat tous ces dispositifs en concertation avec elles. Des groupes de travail ont été constitués, et une première réunion – que je coprésiderai avec Emmanuel Macron – se tiendra dans les prochains jours en présence des représentants des auto-écoles pour essayer de poursuivre le dialogue.
Rapportée au budget réellement exécuté l'année dernière, la baisse des dotations allouées aux partis politiques représente 5 et non 15 millions d'euros. Il faut débattre cette question en séance, mais je garantis que mon ministère n'exigera pas d'autres diminutions au-delà de 2015.
Monsieur Larrivé, je suis un passionné du corps préfectoral et n'entends nullement vilipender les préfets, ces grands serviteurs de l'État qui travaillent sous de fortes contraintes. Le ministre de l'intérieur doit disposer d'un minimum de souplesse dans la gestion de son administration et pouvoir organiser les mutations comme il l'entend ; le corps préfectoral doit aussi bénéficier du sang neuf. Mais l'on ne doit pas non plus s'interdire de faire des efforts pour mieux le gérer. C'est dans cet esprit que nous travaillons avec le secrétariat général du ministère, en avançant dans trois directions : la réflexion sur le statut stigmatisant des préfets hors cadre ; la formation et l'évaluation ; une plus grande mobilisation des compétences dans l'ensemble de l'administration. Lorsque je m'exprimerai devant les préfets à l'occasion de l'assemblée générale du corps préfectoral, je préciserai les orientations que nous entendons faire prévaloir après le rapport de la Cour des comptes. Les modifications que nous proposerons iront dans le sens du confortement, de la reconnaissance et de la protection de ce corps plutôt que de son démantèlement. Nous n'avons jamais eu autant besoin de préfets qui incarnent l'État sur les territoires.
Monsieur Marleix, l'instauration du dispositif de la CNIE paraît compliquée depuis qu'il a été fait observer qu'il posait des problèmes constitutionnels. Pour lutter contre la fraude documentaire, le Gouvernement a donc opté pour des mesures compensatoires et a mené en cette matière un travail approfondi. Nous nous sommes d'abord engagés dans une lutte résolue contre les contrefaçons et les falsifications de titres. L'efficacité des détections faites en préfecture étant fonction des formations continues dispensées par les agents spécialisés des directions départementales de la police aux frontières, 1 768 agents de préfectures et de sous-préfectures ont été formés en 2013 – ce qui représente près de 12 000 heures de formation. Deux dispositifs majeurs ont été généralisés en 2014 : dans le cadre de l'instruction des demandes de passeport, les actes de naissance émis par les communes raccordées au projet COMEDEC sont désormais transmis aux préfectures par voie dématérialisée et totalement sécurisée. L'apposition, sur les justificatifs de domicile, d'un code barre à deux dimensions – pleinement opérationnel pour les factures émises par SFR, Bouygues, France Télécom, GDF Suez et EDF – devrait permettre d'améliorer encore la fiabilité des procédures. Nous avons également renforcé la lutte contre les obtentions indues de titres, l'effort portant d'une part sur la sécurisation de la chaîne de délivrance, et d'autre part sur la traçabilité des titres édités.
Monsieur Lebreton, une plateforme RH interministérielle existe déjà à la Réunion ; nous envisageons de nouer un dialogue avec les collectivités ultramarines pour favoriser au maximum les mobilités locales et développer ce type de plateformes.
Quant à l'utilisation de la visioconférence, monsieur Fauré, le ministère a engagé une réflexion sur la numérisation et la dématérialisation – qui excède le seul enjeu de la propagande électorale. Il est non seulement envisageable, mais souhaitable de développer de nouvelles modalités de communication entre l'administration et les usagers. Le recours à la visioconférence fait partie des propositions concernant le développement de la relation numérique qui s'inscrivent au coeur de la réflexion que nous conduisons avec Thierry Mandon sur la réforme de l'ATE.