commission élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Lundi 27 octobre 2014
Présidence de M. Dominique Lefebvre, vice-président de la Commission des finances, et de M. Jean-Jacques Urvoas, président de la Commission des lois.
La réunion de la commission élargie commence à seize heures.
projet de loi de finances pour 2015
Administration générale et territoriale de l'État
Monsieur le ministre de l'intérieur, nous sommes heureux de vous accueillir pour vous entendre sur les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État dans le projet de loi de finances pour 2015.
Nous donnerons d'abord la parole aux rapporteurs de nos deux commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes sous forme de questions au ministre. S'exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes.
Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger le ministre, leur intervention étant limitée à deux minutes.
Je suis, moi aussi, très heureux d'accueillir M. le ministre de l'intérieur. Cette année, la commission des lois a désigné deux rapporteurs pour avis : M. Michel Zumkeller, pour les programmes « Administration territoriale » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », et M. Paul Molac, pour le programme « Vie politique, cultuelle et associative ».
Conformément à l'approche retenue par la commission des lois, les rapporteurs se sont penchés sur un thème particulier dans leur avis. Notre collègue Michel Zumkeller s'est attardé aux conséquences de la réforme territoriale sur les préfectures, où une mutation profonde des services est en cours. Le Sénat examinera demain le projet de loi relatif à cette réforme.
Quant à M. Paul Molac, empêché par un déplacement en Corse prévu avant le changement de date de cette réunion, il sera suppléé par notre collègue Sergio Coronado. Il s'est livré à un travail approfondi sur le référendum d'initiative partagée, qui permet de comprendre pourquoi les textes d'application de la réforme constitutionnelle ont demandé autant de temps.
M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. La mission porte tout d'abord sur les crédits relatifs au réseau préfectoral. Le programme 307 prévoit à ce titre des crédits à hauteur de 1,7 milliard d'euros pour 2015, en légère baisse par rapport à 2014.
Le réseau préfectoral poursuit sa contribution au redressement des finances publiques puisque 180 postes seront supprimés en 2015. J'appelle votre attention sur le fait que 11 % des effectifs du réseau préfectoral ont été supprimés depuis 2010, soit plus de 3 000 emplois. Ces réductions se sont faites parallèlement à une modernisation du réseau et à une amélioration de la relation à l'usager. Pour preuve, depuis le 1er juillet 2013, l'ensemble des préfectures de métropole et des hauts-commissariats ont reçu le label Marianne ou Qualipref.
Il faut saluer la compétence et le dévouement des agents qui ont su mettre en oeuvre cette modernisation du réseau préfectoral. Je tiens aussi à souligner l'effort budgétaire qui a été accompli ces dernières années pour améliorer l'accueil des étrangers – effort qui a permis de supprimer ces longues files d'attentes que l'on voyait trop souvent devant certains bâtiments préfectoraux. C'était un point sensible.
Comme chacun sait, le réseau préfectoral est organisé sur trois niveaux : le niveau régional, le niveau départemental et le niveau infradépartemental. Le niveau régional est appelé à évoluer du fait de la réforme de la carte régionale. Mais, c'est aujourd'hui le niveau infradépartemental qui suscite le plus d'interrogations. Les agents, les élus et les citoyens ont besoin de clarté sur les évolutions à venir. Le remodelage de la carte des arrondissements, qui n'a pas été remaniée depuis 1926, paraît donc désormais incontournable. Une expérimentation réussie a été menée en Alsace en en Moselle. Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un bilan de cette expérimentation et nous dire quelles sont les orientations du Gouvernement sur l'organisation infra-départementale du réseau préfectoral ?
Le programme 232 rassemble quant à lui les moyens nécessaires à l'organisation des élections et les moyens dédiés au financement public des campagnes électorales et des partis politiques. Il joue donc un rôle fondamental, qui appelle l'attention de notre assemblée, car ces crédits représentent le coût affecté à la démocratie. Je ne crois pas que ce coût soit déraisonnable, lorsque l'on constate que le programme 232 représente un millième des dépenses du budget général de l'Etat.
Le projet de loi de finances prévoit cependant deux mesures pour réduire ce coût. La première est une baisse des dotations aux partis politiques de 15 %, qui intervient après celle de 10 % décidée l'an dernier. Ainsi, sur deux ans, les dotations aux partis politiques auront été réduites d'un quart.
Aller au-delà reviendrait à remettre en cause le principe d'un financement public des partis politiques. Ce principe est pourtant une garantie contre les financements illégaux. Il serait donc inopportun de poursuivre ces baisses après 2015. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements sur vos intentions.
Il est à noter toutefois que les dépenses de l'État concourent également au financement des partis politiques du fait des réductions d'impôt pour les dons ou cotisations qu'ils reçoivent. Aussi est-il faux de dire qu'un appel aux dons lancé par une formation politique à la suite d'un rejet des comptes de campagne de son candidat serait neutre pour le contribuable. Il n'en est rien, car ces dons font nécessairement naître les dépenses fiscales correspondantes.
La seconde est la suppression de l'envoi papier au domicile des électeurs de ce que l'on appelle la propagande électorale. Cette mesure avait déjà été prévue l'an dernier pour les élections européennes puis avait été abandonnée face aux réticences du Parlement. Si j'estime, à titre personnelle, qu'une telle suppression est inéluctable, je considère néanmoins que l'année 2015 n'est pas la meilleure année pour abandonner l'envoi de la propagande électorale. En effet, la totalité des circonscriptions cantonales et la plupart des circonscriptions régionales seront modifiées. Moins médiatisées que les scrutins nationaux, les élections départementales et régionales sont celles pour lesquelles les citoyens ont le plus besoin d'information sur les candidats et sur leurs arguments. Le groupe socialiste a déposé un amendement prévoyant le maintien de l'envoi papier : j'y suis favorable. La diffusion numérique pourrait cependant être expérimentée en parallèle en vue d'une application ultérieure.
J'en termine par le programme 216, qui assure les fonctions de pilotage du ministère de l'intérieur, avec des crédits de paiement d'environ 750 millions d'euros pour 2015.
Pour la première fois cette année, la masse salariale des inspecteurs des permis de conduire est rattachée à ce programme. Ces inspecteurs participent à la mise en oeuvre d'une réforme essentielle qui vise à réduire les délais de passage des examens du permis B. La réforme tend à rendre les inspecteurs du permis de conduire plus disponibles pour faire passer les épreuves pratiques.
Je considère qu'il est indispensable, pour la réussite de cette réforme, que soient respectés les engagements pris dans le cadre du triennal visant à maintenir les effectifs des inspecteurs du permis de conduire. À ce sujet, quelles suites connaîtra l'appel à des retraités de la gendarmerie et de la police, voire à des prestataires extérieurs, pour faire passer le code ? Dans quelle mesure le Gouvernement peut-il garantir que l'organisation des épreuves du permis de conduire, examen national qui recueille le plus de candidatures, demeurera une prérogative exclusive du service public ? Enfin, comment la réforme du permis de conduire, qui vise à fluidifier son passage, s'articulera-t-elle avec une réflexion sur la qualité de la formation et des enseignements dans les auto-écoles ?
M. Michel Zumkeller, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, je me suis plus particulièrement intéressé cette année à une question à la fois actuelle et prospective : celle des conséquences sur les préfectures de la réforme territoriale.
Pour préparer mon rapport pour avis et disposer de deux exemples très contrastés, je me suis rendu à la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre, et à Belfort, préfecture du Territoire de Belfort. J'en profite pour remercier de leur accueil les préfets concernés et leurs équipes. La réforme territoriale, lancée cette année par le président de la République, ouvre une période d'incertitudes quant à l'avenir des préfectures et à l'évolution de leurs fonctions.
Ces incertitudes restent d'autant plus grandes que, sur beaucoup d'aspects, les intentions du Gouvernement ne sont pas des plus claires : le calendrier des prochaines élections départementales et régionales est particulièrement flottant ; la nouvelle carte des régions n'est pas encore stabilisée ; l'avenir des départements et des conseils généraux fait, semble-t-il, l'objet d'intenses tractations entre les différentes composantes de la majorité ; on ne sait pas si le projet de loi Lebranchu sur les compétences des collectivités territoriales sera adopté avant ou après les prochaines élections départementales...
De tels flottements se ressentent nécessairement sur le terrain et créent de l'incertitude chez les différents acteurs. Dans le cas de l'administration déconcentrée de l'Etat, la difficulté est d'autant plus grande que les préfectures régionales et départementales n'ont cessé, depuis plusieurs années, de s'adapter à une multitude de réformes qui ont affecté leurs attributions, leurs moyens et leurs modalités de gestion. Il leur faut donc à la fois absorber les effets des réformes passées, dans un cadre budgétaire toujours plus serré, et se préparer à de nouvelles évolutions, dont les contours sont loin d'être clairs.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, vous poser quelques questions. D'abord, puisque le budget de l'État est désormais triennal, comment voyez-vous l'évolution des effectifs des préfectures au cours des trois prochaines années ? Les suppressions d'emplois vont-elle se poursuivre ? Si oui, dans quelle mesure ?
Ensuite, quel sera l'impact sur les préfectures de région de la nouvelle carte régionale ? Tous les services seront-ils regroupés en un seul et même lieu ? Comment seront choisis les préfets de ces « super-régions » ? Pensez-vous maintenir la règle actuelle selon laquelle le préfet de région est le préfet du département où se trouve le chef-lieu de région ? Par ailleurs, comment voyez-vous l'avenir des préfectures de département, à l'heure des grandes régions et dans un contexte où, quel que soit le meccano institutionnel qui sera finalement retenu, vous prévoyez de diminuer sensiblement les compétences des conseils généraux ? N'y-t-il pas là un risque de recentralisation, au profit du préfet de département, de certaines compétences ?
Le Gouvernement a récemment annoncé une prochaine « revue des missions », qui concernera notamment l'administration territoriale de l'État. De mes travaux et de mes déplacements, il ressort que l'on attend beaucoup, sur le terrain, une clarification des missions des préfectures, tout particulièrement au niveau départemental. En effet, au cours des dernières années, les préfectures ont multiplié les gains de productivité, les efforts de mutualisation, l'appel à des vacataires, etc. Mais aujourd'hui, les préfectures font face à un éparpillement de leurs compétences. Il faut donc réfléchir à une hiérarchisation de leurs missions et aller beaucoup loin dans la simplification des procédures, ce qui profiterait à la fois aux préfectures et aux citoyens.
Je vous soumets quelques exemples concrets. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout du transfert aux professionnels de l'automobile de la compétence en matière d'immatriculation des véhicules, principalement pour les véhicules d'occasion ? Pourquoi ne pas aller plus loin avec le nouveau titre sécurisé de permis de conduire et ne pas offrir, grâce à la puce électronique que contient désormais le permis, de nouvelles fonctionnalités aux usagers ? Pourquoi ne pas relancer le dossier de la carte d'identité électronique, au point mort depuis 2012, alors que la réforme des passeports est désormais bien entrée dans les moeurs ?
S'agissant maintenant du corps préfectoral, ne pensez-vous pas nécessaire de profiter de la réforme territoriale en cours pour remettre à plat sa gestion ? Je rappelle à cet égard que la Cour des comptes a récemment relevé une « dérive des effectifs des préfets hors cadre » et suggéré de supprimer la catégorie des préfets en mission de service public. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, deux dernières questions : où en est-on de la redéfinition du rôle et du réseau des sous-préfectures ? Comment comptez-vous garantir une présence de l'État au plus près des territoires et des citoyens ? Où en est le contentieux, en cours devant le Conseil d'État, du redécoupage général des cantons, en vue des élections départementales de 2015?
M. Sergio Coronado, rapporteur pour avis suppléant de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Je supplée aujourd'hui M. Paul Molac, rapporteur pour avis du programme « Vie politique, cultuelle et associative », qui s'excuse de ne pouvoir participer à nos travaux et me donne l'occasion d'aborder un sujet qui me tient à coeur.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser d'abord deux questions portant sur des aspects budgétaires du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».
Le budget proposé révèle une forte baisse du financement public des partis politiques. L'enveloppe prévue pour 2015 est de 58,3 millions d'euros de crédits, soit 10,3 millions d'euros de moins qu'en 2014, ce qui représente une diminution de pas moins de 15 % en un an.
Cette diminution s'inscrit dans un processus de baisse continue du financement public des partis. Il avait déjà été diminué de près de 10 % dans la loi de finances pour 2013 et de 5 % dans la loi de finances pour 2012. Je rappelle qu'en 2000, l'aide publique aux partis atteignait 80 millions d'euros, à comparer aux 58,3 millions d'euros proposés pour 2015.
Le système actuel de financement public doit, certes, être amélioré : le contrôle des comptes des partis doit être renforcé, la parité entre femmes et hommes mieux assurée. Mais la démocratie a un coût. Et certains partis politiques pourront difficilement supporter ces coupes budgétaires successives.
Ma question est donc double : selon quels critères a été décidée cette baisse de 15 % de l'aide publique aux partis? Jusqu'où ira cette réduction continue, d'année en année, du financement des partis ? Avez-vous fixé un seuil de survie pour les partis politiques. En ce cas, pouvez-vous nous éclairer sur leurs perspectives financières ? En tout cas, vous l'aurez compris, je proposerai tout à l'heure un amendement de crédits maintenant le financement des partis au même niveau qu'en 2014.
Deuxième question ayant des incidences budgétaires : l'article 46 du projet de loi de finances, rattaché à la mission dont nous discutons aujourd'hui, prévoit de dématérialiser la propagande électorale aux élections départementales et régionales. Je comprends la nécessité de s'adapter aux nouveaux moyens de communication. Je suis également conscient des contraintes budgétaires qui s'imposent à nous, l'économie attendue en 2015 étant de 131 millions d'euros.
Mais il me semble audacieux, pour mettre en oeuvre cette dématérialisation, de commencer par les élections départementales de mars, qui seront les premières à être organisées sur l'ensemble du territoire, dans le cadre de grands cantons entièrement remodelés et en vertu de règles qui imposent des binômes paritaires de candidats. Et croyez-vous pertinent d'expérimenter la dématérialisation de la propagande électorale aux élections régionales qui auront lieu, de façon tout à fait inhabituelle, en décembre, dans le cadre d'une nouvelle carte régionale en cours d'élaboration et qu'aujourd'hui personne ne connaît ?
Pour terminer, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser quelques questions plus ciblées sur le thème qu'a retenu cette année M. Paul Molac dans son avis budgétaire, à savoir la mise en oeuvre du référendum d'initiative partagée.
Cette procédure, prévue à l'article 11 de la Constitution, entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Je ne m'étendrai pas sur les obstacles juridiques qui ont été dressés par le constituant de 2008 sur le chemin de l'organisation d'un référendum de ce type : je rappelle seulement qu'il sera bien difficile de rassembler 185 parlementaires et environ 4,5 millions de signatures d'électeurs pour déclencher une procédure qui n'aboutira, dans la plupart des cas, qu'à un débat au Parlement, et non à un référendum.
D'ici au 1er janvier 2015, il revient au ministère de l'intérieur de prendre les mesures techniques et réglementaires permettant de faire fonctionner cette nouvelle procédure. Tout en renvoyant sur ce point au rapport de mon collègue Molac, trois questions se posent aujourd'hui : où en est la préparation et la publication des décrets d'application des lois du 6 décembre 2013 qui mettent en oeuvre la procédure d'initiative partagée ? Dès lors que le recueil des signatures des électeurs se fera sous forme électronique, selon quelles modalités les citoyens devront-ils s'identifier sur le futur site internet dédié au référendum d'initiative partagée ? Enfin, comment l'identité, mais aussi la qualité d'électeur, du citoyen apportant son soutien électronique à la proposition de loi seront-elles contrôlées, tant par le ministère de l'intérieur que par le Conseil constitutionnel ?
Avant de répondre à vos questions, je vais apporter quelques éléments généraux sur la réforme territoriale en cours et sur la manière dont l'État engage ses moyens pour faire monter parallèlement en gamme les services de son administration territoriale. La réforme de cette administration revêt un rôle particulièrement important au moment où s'engage la réforme des collectivités territoriales. Il en va de la cohérence de cette politique, l'administration générale et territoriale se plaçant au coeur du projet.
Les efforts portent dans trois directions. D'abord, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a créé de grandes métropoles compétentes en matière de transition énergétique, de transport et de recherche. La métropole de Lyon exerce déjà ces compétences, d'autres capitales régionales s'y préparent encore. Ensuite, dans son discours de politique générale, le Premier ministre s'est engagé à faire naître de grandes régions. Le projet sera examiné demain au Sénat et s'inspire notamment de rapports parlementaires, tel le rapport Raffarin-Krattinger. Ces grandes régions compteront demain grâce à leur force démographique et à leur capacité d'investissement. Je rappelle que les régions françaises actuelles n'ont en moyenne que 2,6 millions d'habitants, alors que leurs consoeurs italiennes en comptent 4,1 millions et les régions allemandes 5,3 millions. Il convient donc de s'adapter à la compétition européenne. Enfin, l'intercommunalité devrait être réformée et une nouvelle répartition des compétences voir le jour entre départements et régions, grâce à une loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dans la foulée de la réforme régionale. Il apparaît en effet que les intercommunalités de moins de 21 000 habitants sont particulièrement dispendieuses en argent public, leurs dépenses de fonctionnement et de personnel ayant crû de manière spectaculaire au cours des dernières années, comme l'a mis en lumière la Cour des comptes.
Tel est le cadre de la mission Administration générale et territoriale de l'État, qui tiendra compte également de la disparition des conseils départementaux en zone urbaine et de la reconfiguration des cantons en zone rurale. Avec le ministre chargé de la réforme de l'État, je travaille à la rénovation parallèle des services de l'État. Nous avons pour principe de nous fonder sur le nouveau cadre de l'organisation territoriale. La région devenant le territoire de référence, l'État doit organiser ses services à l'échelle des régions fusionnées et répartir les compétences entre ses services en tenant compte de cette réforme.
Nous nous sommes fixés pour deuxième principe de définir de manière précise, au sein des services de l'État, le partage des missions entre les services centraux et les services territoriaux. Une revue des missions est désormais engagée sous la houlette du secrétariat général du Gouvernement et du secrétariat général du ministère en charge de la réforme de l'État. Mission par mission, administration par administration, nous examinons si les compétences aujourd'hui exercées méritent d'être prises en charge à l'avenir par les services centraux ou par les services territoriaux – ou bien si elles doivent être abandonnées, car les collectivités territoriales les exercent désormais, seules, de manière plus efficace. Actuellement, des doublons et des enchevêtrements nuisent encore à la rationalité et à l'efficacité de l'action de l'État.
Les contours précis de cette réflexion en cours seront connus d'ici à la fin de l'année 2014, mais je peux d'ores et déjà vous donner quelques indications. Les compétences économiques et les compétences d'aménagement du territoire seront dévolues au niveau régional. Les services de l'État ayant perdu beaucoup d'emplois, les marges de manoeuvre sont étroites et il faut veiller à ce que les réformes soient soutenables en termes de ressources humaines. Mais des plateformes mutualisées au niveau régional devraient pouvoir être mises en place, quand le service rendu ne relève pas d'une mission de proximité. Ainsi, des plateformes interdépartementales de naturalisation devraient voir le jour au niveau régional, pour accomplir ces actes uniques au cours d'une existence.
Après la formation de grandes régions, la proximité s'incarnera quant à elle au niveau départemental. Certes, en zone urbaine, les conseils départementaux peuvent disparaître, mais la zone administrative subsiste. Il faut faire vivre l'interministérialité à ce niveau-là, qui offre aussi le cadre naturel de la fongibilité budgétaire. Dans ce contexte, l'État central ne gardera pas tous les pouvoirs. La coordination interministérielle s'animera autour des préfets de département. D'ici à la fin de l'année, une charte de la déconcentration définira la répartition des compétences entre l'État central et les services déconcentrés.
Après la revue des missions et l'adoption de cette charte, un dialogue sera conduit avec les élus et les organisations de personnel sur les perspectives de niveau infra-départemental. Il n'est pas question de supprimer ou de réorganiser les sous-préfectures. Aucune carte de ce genre ne reflète une prétendue volonté du ministère de l'intérieur. Des réflexions d'inspection ont eu lieu, mais elles ne répondaient pas à une commande de notre part. En Alsace-Moselle, en revanche, les deux préfets de région ont proposé aux élus des jumelages de sous-préfectures et la construction parallèle de maisons de l'État. Sur la base de cette expérience, j'ai proposé au président de la République et au Premier ministre de confier à chaque préfet de région un mandat de négociation pour se concerter d'ici à 2017 avec les élus et les organisations de personnels sur la meilleure manière de couvrir le territoire.
Cela suppose naturellement de disposer de crédits. Dans le projet de loi de finances pour 2015, les crédits consacrés aux maisons de l'État passent ainsi à deux millions d'euros, contre 1,3 million d'euros en 2014. Ces crédits permettront d'en ouvrir une dizaine dans les départements concernés. Je souligne également que la déflation des effectifs sera moindre que les années précédentes. Messieurs les rapporteurs, vous avez dit que 3 000 emplois ont été supprimés entre 2010 et 2013, dont plusieurs milliers avant 2012. Depuis cette date, les postes étaient supprimés au rythme de 550 par an. En 2015, ce seront 180 postes supprimés. Pour l'administration générale et territoriale de l'État, cela ne devrait pas déboucher sur des apories de fonctionnement, grâce à la mutualisation accrue et aux plateformes régionales. Couplés à l'augmentation des effectifs de sécurité, ces efforts explique la création nette d'emplois au ministère de l'intérieur : alors qu'il en perdait 289 en 2014, il en gagnera 116 en 2015. Voilà pour la philosophie qui inspire la réforme en cours et les moyens alloués à l'accomplissement de nos missions.
Quant au corps préfectoral, il faudra réfléchir à de nouvelles manières de l'organiser. Si le nombre des régions se réduit de vingt-deux à treize ou quatorze, les perspectives de carrière des préfets de région ne peuvent demeurer identiques. La Cour des comptes a formulé à ce sujet des remarques qui ont nourri des reportages et des articles de presse à l'emporte-pièce. Le rapport dénonçait une prétendue dérive des préfets hors cadre. Cette dénomination est impropre, car elle suggère qu'ils sont inoccupés, ce qui n'est pas le cas.
Vous sachant soucieux du bon emploi de l'argent public, je tiens à vous rassurer : les préfets sans mission ou sans affectation sont au nombre de six. Ceux qui viennent en appui temporaire sur une mission ponctuelle sont dix-neuf, parmi lesquels, par exemple, un est chargé de la coordination des services contre l'épidémie d'Ebola, un autre de l'accueil des minorités persécutées en Syrie et en Irak. Non moins de 93 préfets occupent un emploi permanent au ministère de l'intérieur, ou dans une autre administration ou dans le secteur privé. Huit d'entre eux sont en cabinet ministériel. Pour le corps préfectoral, il est d'ailleurs souhaitable que ses membres aient des expériences variées pour enrichir leur parcours. Les magistrats de la Cour des comptes ne sont-ils pas d'ailleurs eux-mêmes actifs à 40 % hors des juridictions financières ?
Au sujet des propositions de la Cour des comptes, le Premier ministre a répondu qu'il ne remettrait pas en cause l'existence du corps préfectoral pour y substituer un simple cadre fonctionnel. Mais une réflexion peut s'engager sur la gestion du corps. La notion de préfet hors cadre, qui stigmatise à tort certains de ses membres, sera supprimée. La professionnalisation sera en outre renforcée, tandis qu'un accompagnement à la prise de poste et un accompagnement de carrière seront mis en place. Des réflexions sont en cours sur la durée des carrières et sur la titularisation.
Monsieur Zumkeller, vous avez appelé mon attention sur la question des inspecteurs du permis de conduire. Nous avons engagé en ce domaine une réforme qui doit fait baisser le coût du permis de conduire. Ce sont 800 000 candidats qui le passent chaque année, le plus souvent des jeunes, et en tout cas rarement des personnes de plus de trente ans. Beaucoup ne sont pas très argentés. Or le coût moyen d'un permis de conduire s'élève à 1 500 euros pour ceux qui réussissent dès le premier passage. Pour les candidats qui doivent le passer deux à trois fois, les délais s'allongent, parfois jusqu'à six mois. En moyenne, il faut 98 jours en France pour repasser le permis, alors que la moyenne européenne s'établit à 45 jours. Cela porte le coût total des leçons à 2 500 ou 3 000 euros.
Aussi concentrons-nous désormais les inspecteurs sur les épreuves du permis B hors surveillance du code. L'épreuve de conduite a également été diminuée de trois minutes pour dégager des places. Depuis l'été, des réservistes font passer l'épreuve du code ; l'expérience est positive. Ainsi, 145 000 possibilités de passage supplémentaires ont pu être offertes aux candidats. Alors que les effectifs d'inspecteur ont diminué de 35 postes en 2014, ils seront stables en 2015 et tous les postes budgétaires seront pourvus.
Nous avons géré dans le dialogue le mouvement revendicatif qui a eu lieu. Il n'y aura donc pas de privatisation du service, mais seulement une délégation de service public sur les épreuves du code. Ni la formation, ni le passage du permis poids lourds ne seront privatisés. Nous fournirons des efforts pour intégrer plus franchement les inspecteurs du code dans notre administration. J'ai formulé en ce sens des propositions à Nevers à l'occasion de la sortie de leur dernière promotion.
Quant à la propagande électorale, elle engendrera une économie de 130 millions d'euros si elle est dématérialisée. Cette dématérialisation est effective dans toute l'Union européenne. Aucune corrélation n'est observable entre la diffusion sur papier et la participation électorale. La numérisation peut elle aussi renforcer la proximité, en permettant des mises à jour en continu ou en améliorant à terme les modalités d'inscription sur les listes. Pour les prochaines élections cantonales, elle semble cependant compliquée à mettre en place compte tenu des délais ; pour les régionales, qui auront lieu dans un cadre nouveau, cela ferait sans doute trop de changement à la fois.
Hier comme ministre du budget, aujourd'hui comme ministre de l'intérieur, je suis partisan de la dématérialisation, même si le Parlement a ses propres souhaits. Elle mérite à tout le moins d'être expérimentée en parallèle de la diffusion sur papier, si vous faisiez le choix de conserver cette dernière au moins pour les élections cantonales. En bénéficiant de retours d'expérience, nous pourrions alors nous engager progressivement dans la voie de la numérisation.
La réduction des déficits publics exige des efforts de tous et les partis politiques, qui sont titulaires de financement public, ne font pas exception. Ce financement passe d'ailleurs non seulement par des subventions, mais aussi par des mécanismes de remboursement, qui font naître des dépenses budgétaires ou fiscales. Les crédits exécutés en 2014 n'étaient supérieurs que de cinq millions d'euros aux crédits proposés en projet de loi de finances initiale pour 2015. Or, l'année 2014 a été marquée par des élections. Il est donc exagéré de soutenir que les crédits baisseront de 15 %. L'économie concrète est beaucoup plus faible si l'on prend en considération les dépenses effectivement réalisées par les partis. Certes, la démocratie n'a pas de prix mais elle a un coût, et chacun doit faire des efforts. En revanche, il ne s'agit pas d'une peine au long cours. Les efforts qui sont demandés pour 2015 le seront pour solde de tout compte. Je m'y engage devant vous. Au total, c'est donc assurément mieux que de ne rien faire, et beaucoup moins horrible que la rumeur le voudrait.
Pour le référendum d'initiative partagée, prévu par la loi organique du 6 décembre 2013, prise en application de l'article 11 de la Constitution, il doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015. Compte tenu de la phase parlementaire de l'initiative et du contrôle de constitutionnalité prévu, les premiers soutiens à une initiative de ce genre pourront s'exprimer au plus tôt à partir de mars 2015 sur le site de communication grand public du Gouvernement. Un décret en Conseil d'État, rendu après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixera les délais de dépôt, les modalités de réclamation et de recours. Un avant-projet a déjà été transmis pour avis aux collectivités d'outre-mer, au Conseil national d'évaluation des normes, à la CNIL et au Conseil d'État, et sera présenté au Conseil constitutionnel, qui veillera à la régularité des opérations de recueil des soutiens. Les développements informatiques se poursuivent de telle sorte que le système sera opérationnel le 1er mars 2015.
Monsieur le ministre, le groupe SRC tient à saluer le travail réalisé par votre ministère – qui transparaît dans le budget que vous présentez – et la réforme que vous avez engagée au niveau à la fois national et territorial. En tant que députée d'une province lointaine située au bord de la Méditerranée, je vous remercie pour l'équilibre en termes de postes et de missions que vous avez su trouver dans le cadre de cette réorganisation. La rationalisation de l'État central – notamment en matière immobilière – représente un chantier qu'il fallait mener jusqu'au bout.
Les choix effectués en matière de propagande électorale touchent, vous l'avez rappelé, à la question essentielle du mode de scrutin – expression du suffrage universel – et au rapport entre la Nation et l'électeur. On pouvait se demander si cette réforme – que l'on aurait pu introduire avant les élections européennes – devait intervenir maintenant. Sachant que 18 % des foyers français ne disposent pas d'accès à internet, ce changement complexe – qu'il faut annoncer et débattre – nécessitera du temps. En admettant que la mesure peut être différée afin de laisser passer les prochaines échéances électorales, vous me rassurez. En effet, les élections cantonales à venir verront s'appliquer la nouvelle règle explicite de parité – une révision considérable du mode de scrutin ; quant aux élections régionales, elles s'accompagneront d'une transformation des régions tant dans leurs contours que dans leurs fonctions et d'une affirmation des métropoles. Il nous semble donc pertinent que cette réforme n'intervienne pas tout de suite.
Enfin, s'agissant du budget des partis politiques, vous avez exprimé une idée claire et simple : comme tout le monde, les partis doivent contribuer à l'effort national qui n'est pas facile pour les Français.
Ce budget pour 2015 donne l'impression de tourner en rond ; depuis 2012, on ressasse les mêmes questions sans que le Gouvernement y apporte une quelconque forme de réponse. Ainsi, en matière d'effectifs des services déconcentrés – préfectures et sous-préfectures –, 287 emplois sont cette année supprimés dans les départements, après 379 en 2014. Au total, plus de 1 000 emplois ont été supprimés à l'échelon départemental depuis que vous êtes aux responsabilités. Le groupe UMP n'est nullement opposé au maintien de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux ; mais la baisse des effectifs est aujourd'hui menée sans réorganisation des services ni réflexion sur leurs missions. Cette réduction au fil de l'eau – où des préfets de région diminuent les enveloppes des préfets de département, chacun s'adonnant à des calculs d'épicerie pour couper au mieux dans les contingents – engendre le ras-le-bol des personnels et une baisse de la qualité du service public rendu. Ainsi, selon vos propres indicateurs, monsieur le ministre, le nombre de passeports délivrés en moins de quinze jours est passé de 82 à 75 % depuis l'année dernière ; le délai d'instruction des dossiers d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) va quant à lui s'allonger pour atteindre 320 jours – un délai énorme pour une administration –, alors que chaque dossier représente des créations d'emploi en suspens. Cette évolution ne peut manquer d'inquiéter.
Vous annoncez la résurrection, sous une autre forme, de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ; on aurait pu saluer cette initiative si vous ne faisiez pas les choses à l'envers. En effet, c'est une fois qu'il aura réorganisé les régions, les départements et les intercommunalités que l'État verra ce qui lui reste. Les membres du corps préfectoral reliront vos propos avec attention ; mais comment devront-ils comprendre la promesse absconse de « faire vivre l'interministérialité » ?
En juillet 2012, Manuel Valls avait annoncé tout feu tout flamme une grande réforme, « un exercice largement inédit visant à redéfinir les missions et l'organisation des sous-préfectures ». Or, le rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) sur la question n'ayant jamais été publié, c'est par la presse qu'on en apprend les contours. Ainsi, Challenges a-t-il publié au mois de juillet la carte des quarante-sept sous-préfectures sur la sellette. Si vous ne voulez pas donner libre cours aux fausses interprétations, publiez ce rapport que l'on attend depuis deux ans ; cet exercice de transparence serait le bienvenu. Sans être hostile à une évolution de la carte des services, le groupe UMP souhaite qu'elle repose sur une réflexion largement partagée et non sur la seule expérience des départements pilotes. Après la réforme Poicaré-Sarraut de 1926, y aura-il, d'ici à 2017, une réforme Valls-Cazeneuve ? Pour l'instant, ce scénario semble compromis, risquant de décrédibiliser la parole du Premier ministre qui, dès son installation place Beauvau, en avait fait une priorité. Monsieur le ministre, on attend des précisions supplémentaires sur ce point.
Les conditions d'apprentissage de la conduite et de passage des épreuves du permis sont, depuis plusieurs décennies, très insatisfaisantes. Ce constat est unanimement partagé par les candidats et les associations de consommateurs et de sécurité routière, mais également par les exploitants d'auto-écoles qui subissent au quotidien les remontrances et le vif mécontentement de leur clientèle, ainsi que par les examinateurs. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, le coût de la formation et les délais de présentation aux examens – qui s'allongent encore lorsque le candidat échoue –, et nous avez présenté la philosophie générale de la réforme envisagée. Pourtant, si dans les départements les mieux pourvus, le délai pour retenter sa chance à l'épreuve de conduite avoisine aujourd'hui les 100 jours, il peut être deux fois plus long là où la situation est la plus critique, comme dans mon département de la Seine-Saint-Denis. Pour nombre de jeunes, ces délais représentent un frein à l'accès à l'emploi et à l'autonomie, les différences selon le département de résidence constituant de plus une rupture flagrante d'égalité. Dans ce contexte, la refonte du permis de conduire se fixera-t-elle également pour objectif d'homogénéiser les délais de passage de l'examen – y compris en cas de nouvelle tentative – sur l'ensemble du territoire national ?
Les propositions avancées par la Cour des comptes dans son référé sur le corps préfectoral me laissent sceptique. Parmi les quatre recommandations, les deux premières me paraissent méconnaître l'exigence de souplesse qui doit continuer à prévaloir dans les nominations. La première fixe ainsi « l'objectif d'une durée minimale de fonctions de trois ans pour les préfets de département et de quatre ans pour les préfets de région » – des chiffres arbitraires –, alors que la durée des affectations doit pouvoir varier. La deuxième recommandation – « regrouper dans le temps, autant que possible, les nominations des préfets sous forme de mouvements cohérents » – me semble également douteuse. La troisième – supprimer, dans le cadre du corps préfectoral actuel, la catégorie des préfets en mission de service public (PMSP) – n'est pas véritablement justifiée et appelle de la part du Gouvernement une position claire de rejet. Quant à la quatrième – avancer sur la voie de la fonctionnalisation des préfets –, elle revient, comme l'a expressément reconnu le Premier ministre dans sa réponse à la Cour, à supprimer le corps préfectoral au bénéfice d'un nouveau système dans lequel ne seraient préfets que ceux des hauts fonctionnaires qui disposent d'un poste territorial. Le corps préfectoral représentant l'un des rares éléments solides qui font tenir la République, le Gouvernement doit prendre ses distances avec ces propositions inopportunes et insuffisamment documentées, quel que soit le bruit médiatique dont elles bénéficient.
En matière de permis de conduire, une réflexion devrait être ouverte sur la manière dont sont attribuées les places d'examen. Le fait de les octroyer en fonction du taux de réussite des auto-écoles conduit celles-ci à repousser le passage des candidats qui ont échoué afin de ne pas voir baisser le nombre de places qu'elles se voient allouer. Faut-il garder ce système ou bien le candidat doit-il s'inscrire directement en préfecture pour le passage de l'examen ?
Le réseau des auto-écoles sociales – qui aident les personnes en difficulté à obtenir le permis de conduire – devrait bénéficier d'un système spécial d'attribution des places car ses candidats ont beaucoup de mal à réussir l'examen du premier coup. Or pour ces personnes éloignées de l'emploi, avoir le permis représente un véritable enjeu.
Si je ne suis pas opposé par principe au fait d'exiger un effort de la part des partis politiques, celui qu'on leur demande – une baisse de la dotation de 10 % l'année dernière, puis de 15 % cette année, soit un effort total d'un peu moins de 25 % – me paraît élevé. Le financement public des partis étant inscrit dans la loi, le Parlement devrait revenir sur cette exigence du Gouvernement.
Enfin, monsieur le ministre, en matière de propagande électorale, vous ouvrez une véritable réflexion qui mérite d'être poursuivie. L'effort consenti par la Nation pour assurer l'envoi postal – pratique qui n'existe dans quasiment aucune grande démocratie – n'a de sens que si celui-ci favorise réellement la participation. Or, l'augmentation des taux d'abstention à toutes les élections dans notre pays montre que ce n'est pas forcément le cas. Les parlementaires devraient donc s'atteler au travail sur le dossier de la dématérialisation, en lien avec le Gouvernement. La justesse de vos remarques sur les élections à venir ne doit pas nous conduire à éliminer cette réflexion car on dépense beaucoup d'argent pour une mesure dont l'effet sur la participation électorale n'est pas prouvé.
Selon le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), le nombre de fraudes à l'identité s'élevait en 2009 à 210 000 par an. En mars 2012, le ministère de l'intérieur a fait adopter une loi instaurant la carte nationale d'identité électronique (CNIE). Il est dommage que ce texte soit resté lettre morte, tant l'usurpation d'identité représente un problème difficile à combattre pour ceux qui en sont victimes. Vos services, monsieur le ministre, m'ont récemment indiqué délivrer chaque année plusieurs centaines de vraies fausses pièces d'identité – carte nationale d'identité (CNI) ou passeport. La CNIE constituerait un moyen supplémentaire de lutte contre ce phénomène.
Votre prédécesseur, Manuel Valls, s'était montré assez favorable à la CNIE en 2013, moins l'année suivante. Le sujet mériterait pourtant d'être relancé, notamment parce que ce type de document pourrait vous aider à réaliser des économies. On évalue le coût de production d'une CNI à environ 20 euros ; si son support physique coûte un peu plus cher à produire, la CNIE engendrerait un gain de temps important pour les personnels des préfectures en facilitant la saisie des données. Selon vos services, elle ferait passer le temps de traitement d'un dossier de vingt à six minutes, générant une économie de 6 euros par document d'identité, soit, pour 6 millions de titres, 36 millions d'euros par an – une somme non négligeable.
La CNIE représente également un sujet important pour nos entreprises. La France dispose d'industries performantes dans le domaine des technologies de la sécurité. Alors qu'au niveau mondial, le marché des cartes d'identité électroniques – dont le projet est développé dans plusieurs autres pays – représente plusieurs milliards d'euros par an, il est dommage que nos industriels ne puissent pas concevoir un modèle français.
Passer à la CNIE permettrait enfin – et surtout – d'accélérer le déploiement des téléprocédures entre l'État et les citoyens. Monsieur le ministre, ne pourriez-vous pas relancer ce dossier en cherchant à établir un consensus comme vous avez récemment su le faire sur la question du terrorisme ?
Réussir à maintenir l'équilibre entre un État financièrement vertueux et un État garant d'un service public efficace relève d'un véritable défi.
Le rapport sur l'intégration professionnelle des ultramarins dans leurs régions d'origine – que j'ai remis au Premier ministre l'année dernière – proposait des solutions permettant aux fonctionnaires d'outre-mer de connaître un déroulement de carrière dynamique sans nécessairement être contraints à une mobilité forcée qui s'apparente parfois à l'exil. Ainsi, pour passer en catégorie A, un agent administratif de catégorie B de la préfecture de l'île de la Réunion est souvent contraint de trouver un poste dans une préfecture de l'Hexagone. La mobilité des fonctionnaires représente une nécessité ; toutefois les conditions de vie particulières des outre-mer la rendent souvent très complexe, ce qui décourage la plupart des candidats. L'une des pistes que nous avons évoquées avec les membres du corps préfectoral que j'avais auditionnés consiste à développer davantage les plateformes de ressources humaines (RH) facilitant le passage d'une administration de l'État à une autre sur un même territoire. Cela encouragerait les ultramarins à dynamiser leur carrière administrative tout en contribuant à l'émergence d'élites locales qui – vous avez pu le constater, monsieur le ministre, lors de votre visite à la Réunion – manquent cruellement. Qu'en est-il du déploiement de ces plateformes RH qui restent pour l'instant largement conceptuelles ?
Monsieur le ministre, je me réjouis de l'arrêt de la suppression des postes d'inspecteurs du permis de conduire. Dans le cadre de la réorganisation des services de l'État, il faudrait même prévoir des recrutements de personnels.
Vous avez évoqué la nécessité d'adaptation des services de l'État à la réforme territoriale ; je suis pour ma part préoccupé par le contrôle de légalité des décisions – porteuses de lourdes conséquences économiques – prises par les différentes collectivités, notamment les futures grandes régions. Comment l'État compte-t-il s'organiser pour répondre rapidement à la nouvelle situation ?
L'État a bien progressé en matière de mise à disposition en ligne de documents, mais le recours à la visioconférence reste peu développé. Il pourrait pourtant permettre aux citoyens éloignés des pôles de décision d'éviter des déplacements longs et pénibles. Serait-il possible de faire étudier cette option par vos services ?
Monsieur Marleix, quelques chiffres précis permettront d'éclairer l'évolution des effectifs de l'administration territoriale de l'État (ATE) ces dernières années. Entre 2009 et 2012, l'ATE a diminué de 2 472 postes ; entre 2013 et 2015, elle en aura perdu 1 100. Aux termes du budget que je vous présente, la réduction nette des effectifs en 2015 ne représente que 180 postes. Si vous ne voyez pas de différence entre une diminution de 650 et de 180 personnes par an, les personnels concernés la verront nettement !
En plus de critiquer ces réductions des effectifs – pourtant moindres que celles qu'avait pratiquées votre propre Gouvernement –, vous affirmez qu'il est particulièrement pernicieux de ne pas les accompagner d'une réforme de l'ATE qui les rendrait soutenables. Or votre accusation ne tient pas puisque nous engageons précisément une réforme importante qui n'a pas été menée jusqu'à présent. Nous procédons pour commencer à une revue des missions, car contrairement à ce que vous alléguez, je suis conscient que sans une véritable réflexion sur les responsabilités des ATE, même la perte de 180 – et non plus 650 – postes par an peut poser problème. La revue des missions permettra de faire le tri entre les tâches qui restent confiées à l'administration centrale, celles qui sont déléguées à l'administration territoriale et celles qui sont assumées par les collectivités locales et doivent donc être abandonnées par l'État. En effet, optimiser l'allocation de l'argent public exige d'éviter l'enchevêtrement, la superposition et les doublons ; aussi cherchons-nous à déterminer précisément le périmètre de l'État central, régional et départemental.
Si je souhaite développer davantage l'interministérialité des préfets – notamment au niveau du département –, c'est que ces derniers en sont demandeurs. Confrontés tous les jours aux limites du fonctionnement en tuyaux d'orgues de l'administration centrale et déconcentrée, ils aspirent à davantage de transversalité. En effet, lorsque, dans un territoire, une administration ou un secrétariat général présentent des sureffectifs, alors que les collectivités territoriales souffrent d'un manque de personnels, l'impossibilité pour les préfets d'organiser la fongibilité des lignes budgétaires et de procéder à des nominations nuit à l'efficacité de leur action. Dans la charte de la déconcentration, je souhaite donc qu'on leur donne cette souplesse – que beaucoup d'élus, et même quelques organisations syndicales des collectivités locales considèrent comme un progrès considérable.
Nous menons ces chantiers – la revue des missions et la charte de la déconcentration – tout en divisant par trois la déflation des effectifs par rapport aux pratiques antérieures. C'est pourquoi, devant la manière dont nous conduisons cette réforme de l'ATE, les fonctionnaires concernés expriment de l'intérêt plutôt que des réserves.
Vous évoquez enfin la réforme de la carte des sous-préfectures et des maisons de l'État. Je le répète : au lieu de créer des cartes place Beauvau avec mes collaborateurs, j'ai décidé de promouvoir une méthode – que nous avons mise en oeuvre en Alsace-Moselle – permettant de les coproduire avec les acteurs locaux. Investis d'un mandat de négociation, les préfets de région rencontreront leurs personnels et les élus pour étudier l'évolution des territoires. Suivant un calendrier fixé, chacun d'entre eux ira au contact de leurs collaborateurs, des maires et des présidents de conseils généraux pour constater qu'à tel endroit, des sous-préfectures se sont jumelées ; que certaines ne disposent plus de sous-préfet ; que des territoires se trouvent en situation de décrochage parce que l'administration territoriale y fait depuis longtemps défaut. Après concertation, les préfets proposeront des jumelages et la création de maisons de l'État sur leurs territoires – que nous financerons dans le cadre d'une enveloppe budgétaire, afin de tout remailler ensemble. Le préfet Bouillon et le préfet Meddah ont ainsi conduit une négociation et m'ont proposé une carte que j'ai entérinée ; ils l'ont présentée aux élus et elle est entrée en vigueur. C'est ainsi que l'on procédera partout où cela sera possible, car si l'ATE doit être présente partout sur notre territoire, son organisation peut varier peut s'adapter aux spécificités locales.
Monsieur Popelin, en matière de permis de conduire, la situation en Île de France est en effet pire encore qu'ailleurs ; la durée moyenne entre la première et la seconde tentative d'examen y est si élevée que certains habitants vont passer leur permis dans d'autres régions, entrant dans des dépenses supplémentaires. Nous comptons allouer les moyens là où les besoins se font sentir. Monsieur Borgel, nous sommes conscients de la nécessité de revoir les modalités d'attribution des places pour les candidats qui passent l'examen une seconde fois et d'encourager les auto-écoles ayant une vocation sociale. Dans le cadre de la réforme du passage du permis, le ministre de l'économie et moi-même avons engagé une discussion avec les auto-écoles pour remettre à plat tous ces dispositifs en concertation avec elles. Des groupes de travail ont été constitués, et une première réunion – que je coprésiderai avec Emmanuel Macron – se tiendra dans les prochains jours en présence des représentants des auto-écoles pour essayer de poursuivre le dialogue.
Rapportée au budget réellement exécuté l'année dernière, la baisse des dotations allouées aux partis politiques représente 5 et non 15 millions d'euros. Il faut débattre cette question en séance, mais je garantis que mon ministère n'exigera pas d'autres diminutions au-delà de 2015.
Monsieur Larrivé, je suis un passionné du corps préfectoral et n'entends nullement vilipender les préfets, ces grands serviteurs de l'État qui travaillent sous de fortes contraintes. Le ministre de l'intérieur doit disposer d'un minimum de souplesse dans la gestion de son administration et pouvoir organiser les mutations comme il l'entend ; le corps préfectoral doit aussi bénéficier du sang neuf. Mais l'on ne doit pas non plus s'interdire de faire des efforts pour mieux le gérer. C'est dans cet esprit que nous travaillons avec le secrétariat général du ministère, en avançant dans trois directions : la réflexion sur le statut stigmatisant des préfets hors cadre ; la formation et l'évaluation ; une plus grande mobilisation des compétences dans l'ensemble de l'administration. Lorsque je m'exprimerai devant les préfets à l'occasion de l'assemblée générale du corps préfectoral, je préciserai les orientations que nous entendons faire prévaloir après le rapport de la Cour des comptes. Les modifications que nous proposerons iront dans le sens du confortement, de la reconnaissance et de la protection de ce corps plutôt que de son démantèlement. Nous n'avons jamais eu autant besoin de préfets qui incarnent l'État sur les territoires.
Monsieur Marleix, l'instauration du dispositif de la CNIE paraît compliquée depuis qu'il a été fait observer qu'il posait des problèmes constitutionnels. Pour lutter contre la fraude documentaire, le Gouvernement a donc opté pour des mesures compensatoires et a mené en cette matière un travail approfondi. Nous nous sommes d'abord engagés dans une lutte résolue contre les contrefaçons et les falsifications de titres. L'efficacité des détections faites en préfecture étant fonction des formations continues dispensées par les agents spécialisés des directions départementales de la police aux frontières, 1 768 agents de préfectures et de sous-préfectures ont été formés en 2013 – ce qui représente près de 12 000 heures de formation. Deux dispositifs majeurs ont été généralisés en 2014 : dans le cadre de l'instruction des demandes de passeport, les actes de naissance émis par les communes raccordées au projet COMEDEC sont désormais transmis aux préfectures par voie dématérialisée et totalement sécurisée. L'apposition, sur les justificatifs de domicile, d'un code barre à deux dimensions – pleinement opérationnel pour les factures émises par SFR, Bouygues, France Télécom, GDF Suez et EDF – devrait permettre d'améliorer encore la fiabilité des procédures. Nous avons également renforcé la lutte contre les obtentions indues de titres, l'effort portant d'une part sur la sécurisation de la chaîne de délivrance, et d'autre part sur la traçabilité des titres édités.
Monsieur Lebreton, une plateforme RH interministérielle existe déjà à la Réunion ; nous envisageons de nouer un dialogue avec les collectivités ultramarines pour favoriser au maximum les mobilités locales et développer ce type de plateformes.
Quant à l'utilisation de la visioconférence, monsieur Fauré, le ministère a engagé une réflexion sur la numérisation et la dématérialisation – qui excède le seul enjeu de la propagande électorale. Il est non seulement envisageable, mais souhaitable de développer de nouvelles modalités de communication entre l'administration et les usagers. Le recours à la visioconférence fait partie des propositions concernant le développement de la relation numérique qui s'inscrivent au coeur de la réflexion que nous conduisons avec Thierry Mandon sur la réforme de l'ATE.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-huit heures vingt-cinq.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale