L'an dernier, en ne prenant aucune des précautions qui s'imposent lorsque l'on touche aux fondements mêmes de notre organisation territoriale, la nouvelle majorité sénatoriale s'empressait d'adopter l'abrogation du conseiller territorial, initialement destiné à remplacer les conseillers généraux et régionaux.
Depuis, les élections ont eu lieu, les états généraux de la démocratie territoriale se sont achevés.
Sur la forme, la méthode qui consiste à supprimer, par la voie d'une proposition de loi, certaines des dispositions de la loi du 16 décembre 2010, est plus que contestable. Elle est révélatrice de la volonté de la majorité de rayer au plus vite une réforme qu'elle désapprouve. Nous sommes bien loin du dialogue « serein et respectueux de chacun » que le président du Sénat avait appelé de ses voeux lors de l'ouverture des états généraux de la démocratie territoriale, bien loin de sa volonté d'engager une « nouvelle réflexion sur les droits et libertés des collectivités locales, sur les compétences, sur les financements, sur les solidarités territoriales, en un mot : sur le devenir de la France des territoires ».
On aurait légitimement pu attendre d'un gouvernement qui entend faire de la concertation sa méthode de gouvernance, qu'il soumette à la représentation nationale un projet de loi abouti, qui comprenne, outre la question du conseiller territorial, un certain nombre de sujets qui lui sont fondamentalement connexes. Qu'en est-il de la répartition des compétences entre département et région ? Qu'en est-il de la question du mode de scrutin ? Qu'en est-il des dates des élections ? Qu'en est-il, encore, du statut de l'élu ?
De nombreux points restent en suspens et c'est là le deuxième reproche que nous adressons aux auteurs de cette proposition de loi. Aucune des conséquences d'une décision dont l'issue, que l'on choisisse son maintien ou sa suppression, sera déterminante pour le devenir de notre organisation territoriale, n'est anticipée.
Demeure une totale incertitude en ce qui concerne le calendrier électoral : 2014 devait être une année de profond renouvellement électoral, l'année des municipales, des territoriales, des européennes, des sénatoriales. Selon le Gouvernement, la fusion des élections prévue par la réforme territoriale ne sera pas appliquée et les élections cantonales et régionales, à nouveau différenciées, seront reportées à 2015. Or ces décisions auront des conséquences sur la base électorale des élections sénatoriales.
On nous a également annoncé une probable vaste réforme du système électoral, notamment une modification du mode de scrutin des conseillers généraux qui irait de pair avec ce nouveau calendrier. Dans ces conditions, quel type de scrutin allez-vous prévoir pour les élections cantonales ?
À en croire le discours de clôture des états généraux de la démocratie prononcé le mois dernier par le Président de la République, le Gouvernement envisage, pour les cantonales, un scrutin majoritaire paritaire binominal, espèce de mariage obligatoire pour les conseillers généraux. Rappelons qu'une telle réforme entraînerait un redécoupage des cantons afin d'effacer les disparités démographiques : leur nombre devrait passer de 4 000 à 2 000. Ces éléments devraient également être pris en compte, et ils ne le sont pas dans ce texte.
En fait, on nous demande de voter un texte qui rétablit un système dont on sait qu'il sera supprimé a priori avant mars prochain si l'on entend respecter la tradition qui veut que l'on ne modifie pas les règles du jeu électoral moins d'un an avant l'échéance.
En réalité, cette proposition de loi n'a qu'une vocation, exprimée de façon récurrente depuis six mois : supprimer une des réformes emblématiques du précédent quinquennat, sans réflexion d'ensemble sur l'équilibre politique et institutionnel de nos institutions. Nous estimons que la question du conseiller territorial ne peut être examinée isolément. Elle doit s'accompagner d'une véritable analyse et d'une clarification des compétences car notre responsabilité d'élus locaux et nationaux est de ne pas bâcler des chantiers essentiels pour notre pays en termes d'organisation territoriale.
Gommer hier pour revenir à avant-hier n'est pas écrire demain, surtout quand aujourd'hui reste dans la brume.
Vous nous demandez de sauter de l'avion dans le vide en expliquant que le parachute nous attend au sol. Nous n'irons pas nous écraser avec vous. C'est pourquoi le groupe UDI ne prendra pas part à ce vote mascarade. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)