La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, aujourd'hui, en Corse, une personne a encore été assassinée. Il s'agit du dix-huitième assassinat depuis le début de l'année.
Il y a une semaine, j'ai rencontré M. le ministre de l'intérieur et Mme la garde des sceaux à la préfecture de Corse, à Ajaccio. Je leur ai fait part de notre volonté, à nous, les élus de la Corse, de marcher main dans la main, en bons républicains, avec le Gouvernement qui souhaite faire en sorte que cesse cette situation dramatique.
Je vous rappelle aujourd'hui la volonté, partagée sur l'ensemble des bancs de cette assemblée, que cessent ces événements terribles. Il ne saurait y avoir la moindre polémique politicienne sur ces sujets d'une grande gravité. (Applaudissements.)
La Corse souffre, monsieur le Premier ministre. Elle souffre aussi d'approximations, de clichés parfois diffusés dans la presse, de mots parfois mal utilisés.
Mon devoir d'élu de cette terre de Corse m'appelle aujourd'hui à demander au Gouvernement une chose très simple.
Monsieur le Premier ministre, devant la représentation nationale, je vous demande une nouvelle fois de confirmer la volonté du Gouvernement de venir à bout de ce fléau qu'est la criminalité, fléau qui met à genoux trop de familles en Corse, fléau qui frappe de manière aveugle et violente.
Monsieur le Premier ministre, je ne vous demande qu'une seule chose : que ce qui va se passer ne tourne pas au procès contre tout un peuple, contre toute une région qui est la principale victime de ces événements, une région dont les habitants ne veulent pas se résigner, une région dont les habitants veulent pouvoir vivre dignement dans le respect des lois de la République. (Applaudissements.)
Monsieur le député, vous avez raison, cela suffit : trente-trois meurtres ou tentatives de meurtres chaque année depuis une décennie, dix-sept meurtres, plus un aujourd'hui, à midi, à Cervione. Les Corses, l'ensemble des Français, ne supportent plus cette violence. Les mots ne suffisent plus à rassurer, à convaincre. Le Gouvernement, nous le savons, est attendu non sur des discours, mais sur des actes.
Le Premier ministre, le 22 octobre, a proposé un plan d'action, et nous allons le mettre en oeuvre pour nous attaquer à des dérives mafieuses, à une mafia qui a pris une partie de la Corse, de son économie notamment. Nous devons nous attaquer, ministre de l'intérieur, ministre de la justice, ministre de l'économie et des finances, à cette dérive, à cet argent qui corrompt et permet à certains de prospérer.
Monsieur le député, la Corse, c'est la France, c'est la République. Les Corses sont des Français, ils ont droit à la protection de l'État et de la République, et vous pouvez être certain de la détermination du Gouvernement à lutter contre le crime organisé, contre cette dérive mafieuse. Pour cela, il faut que l'État assume totalement ses responsabilités, que les Corses assument leurs responsabilités et que, tous ensemble, nous combattions ce fléau car la France a besoin de cette protection. (Applaudissements.)
La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, chers collègues, ma question s'adresse au ministre des affaires étrangères.
Depuis plusieurs jours, une nouvelle flambée de violence a éclaté au Proche-Orient. D'un côté, des tirs de roquettes de Gaza vers le Sud d'Israël et, pour la première fois, jusqu'à Tel-Aviv ; de l'autre, des bombardements d'Israël sur Gaza qui ont fait de nombreuses victimes palestiniennes, y compris des femmes et des enfants. Il est urgent d'arrêter ces violences. Il est urgent d'éviter une nouvelle escalade et d'établir enfin un cessez-le-feu durable. En effet, dans cette région déjà soumise à de fortes tensions, il y a tout à craindre d'une radicalisation et d'une contagion du conflit.
Nous savons, monsieur le ministre, que la France est très engagée dans la recherche d'une solution politique et qu'elle soutient la cause du peuple palestinien, dont les aspirations sont légitimes, ainsi que le droit d'Israël à la sécurité. Vous êtes allé dimanche à Jérusalem et à Ramallah. Vous avez multiplié les contacts, notamment avec les dirigeants d'Égypte, de Turquie et du Qatar ainsi qu'avec le secrétaire général des Nations unies et avec nos partenaires européens.
La nuit dernière, les Israéliens ont examiné une proposition de trêve issue de la médiation égyptienne. Ils ont annoncé la suspension provisoire de tout projet d'offensive terrestre. Pensez-vous, monsieur le ministre, qu'Israël puisse prolonger cette trêve et qu'un cessez-le-feu durable puisse être conclu rapidement ?
Mais au-delà, lorsque ce cessez-le-feu, comme nous l'espérons, sera obtenu, il faudra redonner vie au processus de paix, car il n'y a pas d'autre solution durable qu'une paix juste et négociée entre deux États, garantissant une sécurité mutuelle à la Palestine et à Israël. Monsieur le ministre, comment selon vous les obstacles à la reprise des négociations pourraient-ils être levés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, un cessez-le-feu urgent et durable : voilà ce que vous souhaitez tous et ce à quoi travaille la France. À la demande du Président de la République, je me suis rendu dimanche à Ramallah, à Jérusalem et à Tel-Aviv. J'y ai vu les responsables. Comme vous, j'ai constaté l'extrême gravité de la situation, aussi bien dans la bande de Gaza qu'en Israël.
J'étais au téléphone avec plusieurs de mes collègues juste avant de me rendre dans cet hémicycle, et je puis vous dire que les choses semblent avancer. Je n'en suis pas moins extrêmement prudent, car les revendications d'Israël et du Hamas sont en sens opposé. De quoi s'agit-il ?
Israël demande, avec raison, que le cessez-le-feu concerne non seulement les attaques du Hamas, mais aussi celles de l'ensemble des groupes concernés. Les Égyptiens, le Hamas et d'autres demandent quant à eux un desserrement du blocus de Gaza. C'est là toute la difficulté. Nous engageons notre énergie, nos contacts et nos connaissances pour essayer de faciliter la négociation. Nous avons dit que nous étions disponibles, en particulier à l'Égypte dont il faut saluer le rôle primordial dans toute cette affaire.
Bref, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, il n'y a qu'un objectif : un cessez-le-feu urgent et durable et la recherche de la paix. Il faut reconnaître les droits des Palestiniens et garantir la sécurité d'Israël. C'est dans ce sens que la France, conformément à sa tradition, essaie d'avancer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances.
Moody's, la plus grande agence de notation, a pris acte de l'aggravation de la situation économique de la France en annonçant hier qu'elle abaissait sa note. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Cette sanction constitue un signal extrêmement inquiétant et aura deux répercussions : l'augmentation prévisible du coût de notre dette et la fragilisation de la France au sein de la zone euro.
Monsieur le ministre, ce matin encore vous tentiez désespérément de fuir vos responsabilités en évoquant une sanction de la gestion passée. Il s'agit en réalité d'une condamnation sévère de la politique menée par ce gouvernement depuis six mois. C'est vous qui avez retenu des prévisions de croissance irréalistes. C'est vous qui ne lancez pas les réformes structurelles dont le pays a besoin. C'est vous qui ne réduisez pas les dépenses publiques, contrairement à ce que vous prétendez. C'est vous qui allez asphyxier entreprises et ménages par 27 milliards d'euros d'impôts supplémentaires en 2 013. Pire, votre pacte de compétitivité est toujours au point mort. Pas un euro dans le budget ! Pas une mesure concrète ! C'est vous, enfin, qui avez annoncé que le chômage augmenterait pendant encore une année, sans que ce gouvernement ne réagisse massivement. C'est vous qui devez désormais répondre de vos choix pour sortir la France de la crise !
Après la dégradation de la note de la France par Standard and Poors il y a dix mois, la France avait réagi en renforçant la discipline budgétaire au sein de la zone euro. Écoutez ce que vous dit le socialiste Gerhard Schröder, qui a redressé l'Allemagne et qui vous exhorte à réagir !
Monsieur le ministre, ma question est simple. Quand allez-vous arrêter de vous défausser et assumer enfin une politique courageuse pour lutter contre la dette, pour améliorer la compétitivité de l'entreprise France et pour combattre le chômage ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cher Philippe Vigier, vous êtes membre de la commission des finances et assidu aux travaux de cette commission depuis de nombreuses années. Vous vous souvenez comme moi des débats que nous y avions eus sous la prochaine législature (Rires sur les bancs du groupe UMP)…
Plusieurs députés du groupe UMP. La prochaine ?
…lorsque Standard and Poors avait déjà dégradé la notation de la dette souveraine de l'État. Vous vous souvenez également probablement qu'à l'époque cette décision fut unanimement reçue dans cette assemblée comme une mauvaise nouvelle pour notre pays. Mais vous savez aussi les raisons pour lesquelles cette dégradation s'était produite sous l'empire de la précédente majorité à laquelle vous participiez sous l'autorité du Président de la République précédent.
Cette décision de Moody's, monsieur Vigier, était en réalité inscrite dans son communiqué de l'an dernier et, surtout, dans les perspectives qu'elle avait envisagées dès le mois de février dernier. Cette décision ne peut, hélas, être considérée comme une surprise au regard précisément de ce que cette agence avait pu constater au mois de février 2012, c'est-à-dire, vous me l'accorderez, sous l'empire d'une autre majorité.
Le constat est le suivant. Hier, la France empruntait à dix ans à un taux de 2,07 %. Aujourd'hui à midi, la France emprunte à 2,10 %, c'est-à-dire trois points de base de plus.
C'est beaucoup moins que les taux d'intérêt que la France a eu à payer sous l'empire de la précédente majorité. Surtout, le capital de confiance dont nous disposons est en train de s'accroître et non de se dégrader comme vous semblez le sous-entendre. Si tel est le cas, je le regrette.
En effet, le spread avec l'Allemagne, c'est-à-dire la différence des taux d'intérêt auxquels la France et l'Allemagne empruntent, et donc l'écart de confiance portée par les investisseurs à l'Allemagne et à la France, est en train de se réduire, monsieur le député. Au moins de mai, avant même l'élection présidentielle, il était de 140 points de base. Il a diminué de moitié depuis lors. Cela conforte le choix fait par les Français le 6 mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre des droits des femmes, plusieurs drames survenus ces dernières semaines nous ont rappelé que la lutte contre les violences faites aux femmes est plus que jamais d'actualité. Je pense notamment au procès des viols collectifs commis à Fontenay-sous-Bois, dans ma circonscription, mais aussi au triple meurtre de Vienne la semaine dernière, ou à l'enlèvement d'une jeune fille il y a quelques jours dans le Gard.
Au-delà de ces affaires très médiatisées, les violences faites aux femmes sont un drame quotidien dans notre pays et partout dans le monde.
Il est indispensable de prévenir et d'empêcher toutes formes de violences, qu'elles soient morales, physiques ou sexuelles, intraconjugales, intrafamiliales ou extérieures. Agir avant le drame, avant que la vie d'une femme soit brisée, est indispensable.
Il faut tout faire pour que les comportements changent. Il faut tout faire pour que cesse la promotion des schémas les plus sexistes. L'éducation a un rôle à jouer : l'éducation sexuelle au sein des établissements scolaires doit être abordée dès l'école primaire et ne pas se cantonner aux questions de contraception.
Il est aussi indispensable de mieux protéger les femmes victimes de violences, qui très souvent, trop souvent, n'osent pas porter plainte et qui, lorsqu'elles franchissent le pas, sont insuffisamment prises en charge et doivent affronter des procédures judiciaires beaucoup trop longues. Rappelons que les viols collectifs de Fontenay-sous-Bois ont été jugés treize ans après les faits.
Aussi, madame la ministre, je souhaiterais savoir ce que vous comptez entreprendre pour prévenir et empêcher ces violences, notamment pour les femmes qui se savent menacées, et pour renforcer la protection et la prise en charge des femmes victimes de violence ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, comme vous et comme beaucoup de Français, j'ai été effarée par le triple meurtre de Vienne auquel vous venez de faire allusion. Mes premières pensées vont évidemment à la famille et aux proches des trois victimes.
L'enquête est en cours, il est trop tôt pour en tirer des conclusions, mais cette affaire nous appelle à agir contre les violences conjugales, et nous sommes, sachez-le, au travail sur ce sujet depuis des mois déjà.
C'est important car, aujourd'hui, seulement la moitié des femmes qui poussent la porte d'un commissariat portent plainte. Trop souvent, elles doivent se contenter d'une simple main courante qui les laisse dans l'impasse. C'est contre cette impasse que nous voulons lutter, c'est contre cette impasse que je proposerai au Premier ministre une série de mesures en vue de leur adoption par le comité interministériel du 30 novembre prochain.
Ces mesures, qui s'appuieront sur les enquêtes régulières conduites par l'Observatoire national des violences faites aux femmes, en cours de création, reposent sur quatre piliers.
L'accueil et l'accompagnement des femmes victimes de violences constituent le premier d'entre eux. Nous renforcerons l'écoute téléphonique, ainsi que la présence d'assistants sociaux dans les commissariats.
La réactivation de l'ordonnance de protection est le deuxième pilier sur lequel s'appuieront ces mesures. Il s'agit d'un bon dispositif, qui permet aux femmes d'être protégées même lorsqu'elles ne portent pas plainte. Il faut l'activer pour qu'il soit davantage mis en oeuvre qu'il ne l'est aujourd'hui. Les professionnels auront droit à des formations qui les inciteront à y recourir.
Le troisième pilier, c'est la sécurité. Il existe dans certains départements des systèmes qui ont prouvé leur efficacité, comme le téléphone portable de grande urgence, qui sera généralisé sur tout le territoire en 2013.
Enfin, ces mesures s'appuieront sur la lutte contre la récidive, car les auteurs de violences sont souvent des récidivistes. Nous travaillons sur le sujet avec ma collègue garde des sceaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Christian Eckert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du budget, le 5 février 2009, le président Sarkozy annonçait au cours d'une émission de télévision la suppression de la taxe professionnelle. À la fin de la même année, un amendement de cent pages, rédigé par celui qui m'a précédé dans la fonction de rapporteur général de la commission des finances, était adopté aveuglément par cette commission, sans simulation ni étude d'impact.
Mais, en fait, les 30 milliards d'euros que rapportait la taxe professionnelle n'ont pas été supprimés. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ils ont été remplacés par une kyrielle de taxes, la CFE, la CVAE, les IFER, la TASCOM (Même mouvement), si bien qu'aujourd'hui on ne sait plus très bien qui paie quoi et combien, ni qui reçoit quoi et combien.
La seule vérité sûre, c'est que le coût de cette réforme pour l'État a été de 5 milliards d'euros par an, uniquement financés par la dette.
Une correction apportée à la loi de finances initiale pour 2011 a permis de fixer une cotisation minimale acquittée par les entreprises. Aujourd'hui, il advient ce que nous avions dénoncé à l'époque : cette mesure, adoptée elle aussi sans simulation ni étude d'impact, provoque des inégalités et les accroît. Elle met en péril la situation financière de certaines entreprises qui avaient cru échapper à la taxe professionnelle, mais qui, en fait, contribuent aujourd'hui plus qu'auparavant, même si le nom de la taxe a changé. (Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour aider les entreprises et les collectivités à passer le cap de cette année difficile ? (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Le Gouvernement entend-il profiter de l'acte III de la décentralisation pour remettre à plat la fiscalité locale, domaine dans lequel nous ont été laissées quelques bombes à retardement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
Monsieur le député, vous soulignez à juste titre que la situation que connaissent aujourd'hui un certain nombre d'entreprises, notamment commerciales, est la conséquence directe de la réforme de la taxe professionnelle, dont la majorité sortante semble tirer fierté chaque fois qu'elle l'évoque.
Il est vrai que, depuis le vote largement improvisé d'une réforme bien mal préparée, nous constatons chaque année des conséquences et des effets que nous nous devrons de corriger progressivement. La situation que vous décrivez en fait partie puisque, au nom du principe de libre administration communale, la majorité précédente a instauré cette cotisation minimale pour les entreprises commerciales, en confiant à chaque collectivité le soin d'en fixer le niveau sans mesurer à quel point ces entreprises se trouveraient en difficulté.
En fin de compte, cette fiscalité locale sert de succédané à la taxe professionnelle.
La majorité actuelle se doit de corriger cette situation, tant certaines entreprises se trouvent aujourd'hui en difficulté.
Monsieur le rapporteur général, si vous en êtes d'accord, nous pourrons envisager ensemble, dans le cadre de la loi de finances rectificative un dispositif qui devra respecter plusieurs impératifs.
Tout d'abord, il devra ne pas aggraver encore la situation des finances de l'État. Vous l'avez rappelé : pour les deux premières années de son application, la réforme de la taxe professionnelle a coûté 7 à 8 milliards d'euros, intégralement financés par l'emprunt. Depuis, en vitesse de croisière, elle coûte 5 milliards d'euros par an, également financés par l'emprunt. Aujourd'hui, il est inimaginable de charger davantage la barque.
Il faudra aussi respecter le principe de libre administration communale.
Je vous propose en conséquence que les collectivités locales décident selon quelles modalités la cotisation minimale pourra être soit réduite soit annulée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le Premier ministre, le 2 octobre, je vous disais, ici, que la criminalité en Corse est, par habitant, quatre fois plus importante que dans les Bouches-du-Rhône. En six semaines, il s'est commis, dans notre île, quatre nouveaux crimes – et même cinq, depuis ce midi –, dont deux ont frappé l'opinion publique nationale parce que les victimes étaient respectivement un avocat de renom et le président de la chambre de commerce de Corse-du-Sud.
La venue des ministres de l'intérieur et de la justice, quelques heures après l'assassinat du président Jacques Nacer, a été bien reçue parce que, pour une fois, on a reconnu d'abord le devoir de la République de protéger les citoyens avant d'en appeler à leur responsabilité et que l'on s'est abstenu de demander au peuple corse de régler lui-même cette question par je ne sais quelle rébellion, parfaitement contraire à la République et à ses lois.
Mes chers collègues, le brouhaha dans lequel je m'exprime, alors qu'est évoquée une question aussi grave, me paraît malvenu.
Les Corses manifestent publiquement leur attachement à la justice et leurs représentants s'attachent à traiter les questions avec méthode et détermination. Ainsi, l'Assemblée de Corse a mis fin aux désordres des transports maritimes et conduit une politique exemplaire pour régler la question foncière et les excès de la spéculation.
Votre gouvernement a annoncé de bonnes mesures pour lutter contre la criminalité économique. Toutefois, j'ai trop l'expérience de réactions justes mais aussitôt oubliées, d'annonces sans autre effet que médiatique, pour ne pas vous interroger à nouveau.
Monsieur le Premier ministre, combien de fois, depuis dix ans, ai-je eu, hélas, à intervenir à l'Assemblée à propos de la criminalité en Corse ? Je mesure le risque qui est le mien à nouveau. J'ai déjà reçu, il y a deux ans, le plus tragique des avertissements, sans changer pour autant les habitudes d'une vie réglée et limpide, ni renoncer à mon devoir de liberté.
C'est au nom de ces valeurs…
…que je vous demande d'informer cette assemblée de ce que vous avez décidé de faire. (Mmes et MM. les députés du groupe RRDP se lèvent et applaudissent.)
Monsieur le député, bien entendu, le Gouvernement éprouve le plus grand respect pour le courage des élus et de l'ensemble des citoyens corses face à cette situation insupportable et très fortement chargée d'angoisse au quotidien.
Vous savez que la criminalité et, d'une façon générale, la délinquance suivent, en Corse, une courbe persistante, liée à des rivalités d'influence et à des pratiques dont le caractère mafieux semble établi. Ainsi, 30 % des assassinats perpétrés sur l'ensemble du territoire le sont en Corse. Nous avons eu le sentiment, ces deux dernières années, que les chiffres se tassaient. Mais ces chiffres recouvrent des vies humaines, arrachées aux familles, et, systématiquement, un défi adressé à l'État.
Le 22 octobre dernier, le Premier ministre a décidé de créer un comité interministériel (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), placé sous son autorité directe. Le ministre de l'intérieur et moi-même nous sommes rendus en Corse la semaine dernière et nous avons apprécié la qualité du travail que nous avons pu mener avec l'ensemble des élus, de toutes sensibilités politiques. Nous sommes persuadés qu'au moins au plan local, une mobilisation républicaine est possible.
S'agissant de la politique judiciaire, une circulaire pénale territoriale sera diffusée avant la fin de la semaine. Elle comprendra cinq axes forts. L'un concerne directement les assassinats et porte sur l'amélioration du taux d'élucidation et de la rapidité de la réponse pénale.
Un autre doit permettre de s'attaquer à la racine du mal, grâce à l'amélioration de l'identification et de la confiscation des avoirs criminels. Nous allons également renforcer les effectifs grâce à des créations de postes et à une amélioration de leur qualification.
Nous comptons sur l'ensemble des Corses et sur l'ensemble des élus pour faire face à cette urgence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire. (De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Asseyez-vous, mes chers collègues. Quant à ceux d'entre vous qui ont des commentaires à faire, ils les feront salle des Quatre-Colonnes.
Maintenant, nous écoutons M. Copé.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)
S'il vous plaît, mes chers collègues. Si vous avez des commentaires à faire, je vous le répète, vous les ferez salle des Quatre-Colonnes. Laissez parler M. Copé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le Premier ministre, je veux vous dire mon inquiétude pour la France et pour les Français. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Jamais un tel discrédit n'avait atteint un Président de la République et son gouvernement, six mois seulement après les élections (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP) : aggravation de la situation sociale, avec une augmentation du chômage et, surtout, de la précarité ; aggravation de la situation économique, dont la dégradation de la note de la France est une nouvelle illustration – Xavier Bertrand l'évoquera dans un instant – ; explosion de la délinquance, dont nous vous avons parlé la semaine dernière ;…
…inquiétante prise de distance vis-à-vis de nos amis allemands ; grand silence de la France sur la scène internationale et puis division de la société (Exclamations prolongées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP)…
…à travers le projet de loi sur le mariage homosexuel, dont on voit bien qu'il provoque beaucoup de tensions. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Votre mise en cause systématique de l'héritage est classique, mais elle n'est pas crédible, car le compteur tourne. Tout cela est, hélas ! lié à cet immense malentendu sur lequel François Hollande a été élu par les Français. (Vives protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Plusieurs députés du groupe SRC se lèvent et invectivent l'orateur.)
Je vois que le sectarisme n'a toujours pas changé de camp, monsieur Ayrault. Quel dommage de ne rien pouvoir dire contre votre politique !
Il est grand temps qu'un débat, par exemple sous la forme d'une motion de censure, nous permette d'avoir enfin un échange. Sachez que, si vous acceptez de changer de politique (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), de baisser les dépenses publiques et les charges, de faire de véritables réformes structurelles, nous serons constructifs. Dans le cas inverse, les Français qui vous sanctionneront, par exemple lors des prochaines élections de 2014. Nous serons alors au rendez-vous. (Plusieurs députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent. – Huées sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
Mes chers collègues, songez à l'image que vous donnez de notre assemblée.
Monsieur Cambadélis, retrouvez votre calme.
La parole est à M. le Premier ministre.
Monsieur Jean-François Copé, je vous ai écouté attentivement. Vous avez évoqué une élection et un malentendu ; vous avez également parlé de discrédit.
Je ne sais pas exactement qui vous visiez, mais ce n'était certainement pas ceux qui, dans la clarté, ont reçu mandat du peuple français pour redresser le pays. (De nombreux membres du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
Monsieur Jean-François Copé, vous avez été élu, dimanche, président de l'UMP…
Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n'est pas si clair !
…et je vous en félicite – j'ai remarqué, mesdames et messieurs les députés de l'UMP, que vous ne vous associiez pas tous à ces félicitations. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mais ce n'est pas là l'essentiel de mon propos.
J'y arrive. Je crois que, dans une démocratie, il est important que le débat soit le plus clair possible entre la majorité et l'opposition,…
…à condition que ce débat soit placé au niveau qu'exige la situation du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) C'est ce que je souhaite, monsieur Copé, car la situation de la France est grave. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les Français, comme moi, comme le Gouvernement et la majorité, n'acceptent pas le déclin de la France et se battent, chaque jour, pour redresser le pays dans la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Vous avez fait allusion à la notation de notre pays par l'agence Moody's,…
…qui a confirmé la note qu'une autre agence, Standard and Poor's, avait donnée à notre pays en janvier dernier. Eh bien, l'appréciation de cette agence porte, pour l'essentiel, sur la situation que nous avons trouvée après l'élection présidentielle (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP) et à laquelle nous devons faire face.
Dès les premiers jours du Gouvernement, nous avons pris les mesures de redressement, dans la justice je le répète.
L'objectif qui est le nôtre de réduire, pour 2013, les déficits à 3 % sera tenu. Personne ne nous le demande ; c'est nous qui le décidons, pour préserver la souveraineté et l'indépendance de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Par ailleurs, le rapport Gallois, qui avait été commandé par le Gouvernement, a porté un jugement d'une sévérité sans égale sur la situation de notre économie depuis dix ans et sur sa dégradation au cours des cinq dernières années.
Nous n'avons pas attendu un seul instant pour mettre en oeuvre l'essentiel des propositions contenues dans ce rapport. Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi nous permettra de redresser l'économie et notre industrie, de favoriser l'investissement et l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) C'est cela que nous voulons faire, monsieur Copé, plutôt que polémiquer.
Mon devoir, c'est de dire la vérité. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Vous n'y avez certainement pas été assez attentif, mais, dès le 3 juillet, dans ma déclaration de politique générale, j'ai annoncé que je dirai la vérité sur la situation de la France, et je l'ai dite. Mais je ne m'en contente pas : le Gouvernement agit parce que nous avons la passion de la justice, la passion de la croissance et la passion de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, lors des états généraux de la démocratie locale qui se sont tenus en octobre dernier, le Président de la République a développé sa conception ambitieuse d'une France décentralisée et a délivré un message de reconnaissance et d'estime aux élus locaux, si souvent stigmatisés lors du quinquennat précédent. En soulignant leur rôle fondamental dans le maintien du lien social et de la sauvegarde du pacte républicain, il a rendu un hommage mérité à tous les élus de France, qui agissent inlassablement pour l'amélioration de leur vie quotidienne.
Je salue tout particulièrement l'annonce d'un pacte de confiance et de responsabilité entre l'État et les collectivités locales, qui permettra aux élus locaux de jouer pleinement leur rôle de remparts contre la crise et de leviers pour la croissance. Je salue également le budget 2013 relatif aux crédits des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Ainsi, l'augmentation de 120 millions d'euros de la dotation de solidarité urbaine et celle de 79 millions d'euros de la dotation de solidarité rurale constituent un signe fort envoyé aux collectivités locales. La progression très importante du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, qui passe de 150 à 360 millions d'euros, est également à souligner.
Au-delà d'un discours de chef d'État, François Hollande a aussi fait entendre la voix de l'élu local qu'il a été pendant près de vingt ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui connaît les territoires, qui les aime, les comprend et croit profondément en leur rôle et en leur potentialité, considérant que les collectivités locales sont des partenaires pleinement responsables.
Les dispositions que j'ai évoquées doivent être présentées prochainement dans le projet d'acte III de la décentralisation…
C'est terminé, monsieur Villaumé. (« Il n'a même pas posé de question ! » sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, nous avons effectivement commencé à débattre ce matin, dans le cadre du 95e congrès des maires de France, de la façon de sortir de la spirale infernale où nous sommes restés trop longtemps. Après avoir dit que les collectivités territoriales dépensaient trop et qu'il fallait réduire leur dotation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), certains ont entrepris de leur transférer des compétences « à l'euro près », pour reprendre une expression que nous avons souvent entendue ici – mais, comme cette expression ne correspondait pas à la réalité, les collectivités ont perdu confiance !
Il est temps de nouer avec les communes de France le pacte de confiance que vous avez évoqué, car ce sont elles qui s'occupent du logement, de l'accompagnement des entreprises, des écoles,…
Pour la semaine de quatre jours et demi, vous leur avez fait confiance ?
…de l'accès au droit, à la culture et au sport, entre autres.
Ce que dit le Président de la République est tout simple : nous devons faire confiance aux collectivités locales en respectant leurs compétences – car nos élus sont compétents –, en étant solidaires, en augmentant les dotations de péréquation. Nous devons également leur faire confiance en leur disant que, dans le redressement de la France que nous attendons, chaque territoire de France a la possibilité d'apporter sa pierre à l'édifice : par exemple les régions et les métropoles en matière de développement économique, les départements en matière de solidarité. Placés au coeur du projet, les maires attendent de nous quelque chose de très fort : que nous leur rendions la clause de compétence générale à l'occasion de l'acte III de la décentralisation.
Dans le cadre de cette concertation qui fait partie des méthodes que nous employons, je rencontre des maires qui nous font confiance parce que nous leur faisons confiance (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en leur disant qu'ils sont acteurs du redressement de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, il est peut-être temps que nous nous donnions un peu moins de leçons les uns aux autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En tout cas, ce n'est pas vous, issu d'une formation politique qui nous a donné l'exemple des congrès de Rennes et de Reims, qui êtes le mieux placé pour donner des leçons à l'opposition ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Contrairement à vous, l'UMP n'a pas eu besoin d'une tragi-comédie se jouant sur plusieurs jours pour savoir qui l'avait emporté ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Élevons-nous au-dessus des partis, monsieur le Premier ministre, pour évoquer la nouvelle de la dégradation de la note de la France par l'agence Moody's, une nouvelle qui ne réjouira personne sur les bancs de cet hémicycle. Elle signifie en effet que le crédit de notre pays est affecté et qu'à terme, l'État, les ménages et les entreprises emprunteront plus difficilement – et qu'en tout état de cause cela leur coûtera plus cher. Vous ne pouvez pas, comme l'a fait votre ministre de l'économie et des finances, vous réfugier en permanence derrière le passé et derrière le bilan et de vos prédécesseurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L'agence Moody's déclare en effet avoir l'intention de dégrader encore la note de la France à moyen terme, du fait que les réformes engagées n'ont pas l'ampleur nécessaire pour rétablir la compétitivité. Où est la référence au passé dans cette déclaration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous voulez absolument parler du passé, monsieur le Premier ministre, alors il faut tout dire. Il faut rappeler, par exemple, qu'en 2008, quand l'économie entière a failli s'effondrer en France et dans l'Europe tout entière, heureusement que Nicolas Sarkozy était là pour empêcher que nous ne sombrions – ce que vous avez d'ailleurs reconnu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous voulez absolument parler du bilan, n'oubliez pas de dire que nous avons fait la réforme des retraites, la réforme du dialogue social, la réforme des universités, la réforme du service minimum. N'oubliez pas non plus qu'en matière sociale nous n'avons pas de leçons à recevoir, car l'augmentation de 25 % de l'allocation aux adultes handicapés et du minimum vieillesse, c'est nous, et pas vous ! Dites tout, monsieur le Premier ministre ! Le débat politique pourra alors prendre un peu de hauteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Une chose est certaine, c'est que des réformes sont à conduire. Vous ne pouvez pas dire aux agences de notation que les riches vont payer et que cela réglera tout. Le temps est venu de la vérité, de l'action et des vraies réformes. Le temps n'est plus au socialisme de François Hollande ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)
Monsieur le député, alors que vous nous exhortez à prendre de la hauteur dans le débat, chacun appréciera la façon dont vous illustrez votre propos. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous semblez regretter que nous rappelions à l'occasion ce qu'a été l'action d'une majorité et d'un gouvernement dont vous avez régulièrement fait partie depuis 2002. Souffrez que nous le fassions encore pendant quelque temps, tant il est vrai que la décision de l'agence Moody's s'inscrit précisément dans une histoire à laquelle vous avez – hélas, oserai-je dire – contribué.
Monsieur Bertrand, vous êtes en train de nous expliquer que le gouvernement dont vous faisiez partie a procédé aux réformes indispensables à notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Si c'est le cas, comment expliquez-vous que, sous l'empire de la majorité UMP et sous l'autorité du président Sarkozy, l'agence Standard and Poor's ait déjà dégradé la note de la dette souveraine de l'État ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Puisque vous semblez faire des agences de notation les arbitres des élégances politiques en France, puisque vous semblez, d'une certaine manière, vouloir abandonner la souveraineté de notre pays à ces agences et à leur jugement (Mêmes mouvements), puisque vous faites appel à ces agences, plutôt qu'au peuple français, pour juger des politiques menées, la dégradation de la note décidée par Standard and Poor's signifiait-elle donc que vos réformes étaient mauvaises, ou tout au moins inutiles ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Puisque vous avez fait part de votre inquiétude pour les entreprises et les ménages, je vais m'efforcer de vous rassurer, monsieur Bertrand : contrairement à ce que vous avez affirmé, les entreprises et les ménages vont emprunter à meilleur coût qu'ils ne le faisaient quand vous étiez ministre sous l'autorité de François Fillon.
Ils emprunteront moins cher car, au mois de mai dernier, avant que François Hollande ne soit Président de la République, l'écart de confiance entre la France et l'Allemagne était double de ce qu'il est aujourd'hui. Si cet écart s'est réduit, c'est précisément parce que les marchés ont pu constater que l'action publique menée sous l'autorité de Jean-Marc Ayrault a pour objet de réduire les déficits considérables que vous nous avez laissés et de mener les réformes structurelles qui conduiront la France sur le chemin de la prospérité et de l'autorité en Europe – un chemin dont votre action l'a, hélas, écartée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe, écologiste.)
La parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Les manifestations organisées ce week-end contre le mariage pour tous ont donné lieu à des violences inacceptables (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : violences physiques à l'encontre des militantes et des militants féministes – je pense en particulier aux militantes du mouvement FEMEN –, mais aussi des journalistes et des photographes qui suivaient la manifestation ; violences morales également, car des insultes homophobes sur les banderoles des manifestants ont accompagné ces agressions physiques.
Ces agissements sont des insultes aux principes de notre République. Ils ont blessé tous ceux qui refusent que l'on juge la valeur d'un individu à l'aune de son orientation sexuelle.
Madame la ministre, nous voyons tous combien les propos et les actes homophobes se multiplient aujourd'hui, à la faveur des discours hostiles à l'égalité des droits.
Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. C'est faux !
Toute la société en est victime.
La réaction de nombre d'entre nous, sur tous les bancs de cet hémicycle, a montré à quel point, si nous accordions une grande place au débat, nous étions farouchement opposés à l'usage de la violence et attachés à la lutte contre les discriminations.
L'Assemblée nationale l'a d'ailleurs prouvé l'an passé en votant quasi unanimement en faveur d'une proposition de loi, dont j'étais l'auteure, qui visait à harmoniser les délais de prescription des propos discriminatoires à raison de l'identité de genre, de l'orientation sexuelle et du handicap avec ceux s'appliquant aux insultes à caractère racial et religieux.
Madame la ministre, vous avez présenté un programme d'action contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Ce plan permet de donner une cohérence à l'ensemble des initiatives visant à lutter contre les violences et les discriminations.
Comment comptez-vous agir pour que cessent ces violences ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, j'ai été choquée autant que vous par les débordements de ce dimanche à l'égard des homosexuels, de leurs familles et de tous ceux qui défendent leurs droits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Il faut le redire clairement ici : aucune insulte, aucune agression, aucune violence homophobe n'a sa place dans une République dont les mots d'ordre sont la liberté, l'égalité des droits et la laïcité.
Oui, le Conseil des ministres a adopté, le 31 octobre dernier, le principe d'un plan très ambitieux en matière de lutte contre l'homophobie et contre toutes les violences liées à l'identité de genre. J'en livrerai les détails dans les jours qui viennent, mais je voudrais, dès maintenant, vous indiquer quelques-unes des mesures.
Sachez d'abord qu'il s'agit d'agir en profondeur sur la société. Parce que les réflexes en matière d'homophobie s'acquièrent dès le plus jeune âge, l'éducation à la sexualité redeviendra effective dans les établissements scolaires ; nous n'éluderons plus la question de l'homosexualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Parce que la violence symbolique que constituent les propos homophobes est extrêmement grave, nous veillerons, dans le cadre d'un travail avec le CSA, à ce que les chaînes de télévision puissent lutter contre les stéréotypes et informer sur le délit que représente l'homophobie.
Parce l'homophobie est aujourd'hui insuffisamment dénoncée par les personnes qui en sont victimes, nous ferons en sorte que celles-ci puissent bénéficier d'une écoute. À cette fin, nous financerons la ligne d'écoute SOS-Homophobie, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Parce que l'homophobie est, encore aujourd'hui, insuffisamment poursuivie, nous formerons tous les professionnels qui sont amenés à accompagner les victimes. Vous pouvez évidemment compter sur nous pour tenir compte, dans ce plan très global, de votre proposition de loi, qui va dans le bon sens. En effet, il n'y a aucune raison d'opérer une discrimination entre les différentes discriminations. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes appelés à voter le premier budget de votre gouvernement. Si l'engagement d'un retour du déficit public à 3 % pour 2013 est, en soi, louable, ce qui l'est beaucoup moins, c'est la méthode utilisée : 24 milliards d'euros de hausse d'impôts ; un projet fondé sur une hypothèse de croissance totalement irréaliste, aux dires de beaucoup d'économistes ; une pression fiscale sans précédent sur les créateurs de richesses et donc les créateurs d'emploi ; l'alignement purement dogmatique de la fiscalité des revenus du capital sur celui du travail, quand bien même vous avez déconsidéré ce dernier en taxant les heures supplémentaires ; l'abrogation de la TVA sociale, pour nous annoncer que vous la rétablirez dans les semaines à venir, sous une autre forme ; le refus d'opter pour de véritables mesures d'économies dans les dépenses de fonctionnement de l'État.
Voilà le triste sort qui attend aussi bien les consommateurs que les investisseurs. L'annonce d'une Banque publique d'investissement – objet bricolé – ou d'un pacte de compétitivité, au travers duquel vous promettez de donner d'une main ce que vous vous êtes employés à retirer de l'autre, n'y changeront rien. Avec vos improvisations, votre gouvernement utilise un langage économique qui va totalement à rebours.
Alors, quand est-ce que vous comprendrez que, à l'instar de ce que font nos voisins, il est fort possible de soutenir un capitalisme tonique, avec un coût du travail révisé et une économie sociale de marché modernisée ?
Quand est-ce que vous abandonnerez votre vision purement idéologique pour adopter une fiscalité réaliste, susceptible de créer la dynamique dont notre pays a besoin et qui saura reconnaître et encourager nos talents ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la députée, vous abordez en vérité deux questions : celle du retour à l'équilibre de nos finances publiques et celle de la compétitivité de notre pays.
Sur la première question, je me permettrai de vous faire remarquer que vous avez voté, avec la majorité à laquelle vous apparteniez, le plan de redressement Fillon I, créant 11 milliards d'impôts nouveaux, sans économies ; que vous avez voté le plan Fillon II, créant 8 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires, sans économies. Onze plus huit font dix-neuf, auxquels se rajoute près d'une dizaine de milliards d'euros de prélèvements nouveaux décidés en loi de finances initiale pour 2011, loi que vous avez naturellement votée. Le compte est bon : vous avez voté, madame la députée – et avec vous l'ensemble de la majorité UMP –, sous l'empire du précédent gouvernement, dirigé par M. Fillon, près de 30 milliards d'impôts nouveaux.
Il est vrai que, sous l'autorité de Jean-Marc Ayrault,…
Un député du groupe UMP. Sous l'autorité de qui ?
…il a été estimé qu'un effort supplémentaire devait être demandé aux Français. Nous ne le faisons pas de gaîté de coeur ; nous avons une parole à respecter, celle que la France a donnée. Tous, que nous appartenions à la majorité ou à l'opposition, nous sommes comptables du respect de cette parole ; je vous y sais attachés.
Cet effort demandé aux Français est considérable. Il se partage pour moitié entre une majorité précédente, à laquelle vous apparteniez, et la majorité actuelle, qui s'efforce, elle, de demander cet effort en étant plus soucieuse peut-être de justice et d'équité que vous ne l'étiez vous-mêmes.
Souvenez-vous, par exemple, de l'augmentation de la TVA. Vous nous critiquez sur la suppression de la TVA sociale, mais comment pouviez-vous imaginer préserver le peu de croissance qui pouvait rester à la France en 2013 avec une mesure qui revenait à amputer le pouvoir d'achat des Français, donc la consommation, de près de 11 milliards d'euros en 2013 – car tel était bien son objectif dans votre esprit ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Il est d'ailleurs assez paradoxal, madame la députée, que vous reprochiez au gouvernement et à la majorité actuels d'augmenter les prélèvements obligatoires tout en semblant lui reprocher d'avoir supprimé l'augmentation de la TVA au seul motif que c'est vous qui l'aviez votée. Au fond, il y aurait selon vous les bons impôts – ceux que vous votez – et les mauvais, ceux que nous proposons aux Français. Nous avons une vraie divergence sur ce sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen
Cette question, à laquelle j'associe Nathalie Chabanne, David Habib, Philippe Martin et Marie-Line Reynaud, s'adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Plusieurs députés UMP. Allo ! Allô !
Il y a quinze jours, le groupe de presse Sud Ouest a présenté au comité d'entreprise un plan de restructuration. Aujourd'hui en négociation, celui-ci repose sur la suppression de 180 postes, dont 41 postes de journalistes, ainsi que sur la fermeture des agences de Pau, deuxième ville d'Aquitaine, d'Auch et d'Angoulême.
Cette réduction des moyens de production, tant journalistiques que techniques, porte un mauvais coup à la réalisation d'une édition de qualité, au pluralisme de la presse et au dynamisme de nos territoires.
De toute évidence, ce plan de restructuration témoigne de la crise qui ébranle la presse écrite depuis plusieurs années, notamment avec l'essor du numérique.
Il a été décidé par la direction du groupe Sud Ouest ; il ne vous appartient pas, madame la ministre, de décider en lieu et place des propriétaires. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) En revanche, comment comptez-vous accompagner cette évolution de la presse, une presse aujourd'hui en situation très difficile ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la députée, nous partageons votre inquiétude face à la situation de la presse, de la presse écrite notamment. Les presses quotidiennes, nationale et régionale, traversent, du fait du développement du numérique, des difficultés structurelles.
Face à ces difficultés, le Gouvernement, sans se substituer bien entendu aux responsabilités des entreprises de presse – qu'il s'agisse du groupe Sud Ouest ou, dans d'autres régions, du groupe Hersant Média – accompagnera, avec les moyens qui sont les siens, les mutations de la filière.
D'ores et déjà, nous avons mis en place avec Presstalis un plan de sauvetage pour la distribution de la presse. Par ailleurs, nous travaillons dans deux directions. Dans le domaine du numérique, de grands acteurs de l'Internet créent de la richesse grâce aux contenus produits par les entreprises de presse. Ils doivent donc participer au financement de ces entreprises : c'est le sens du droit voisin que nous cherchons à créer. Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'économie numérique, et moi-même avons nommé un médiateur, Marc Schwartz. S'il n'était pas trouvé d'accord avant la fin de l'année, nous passerions par une loi, comme l'a annoncé le Président de la République, très mobilisé sur ce dossier.
La remise à plat des aides à la presse est aussi à l'ordre du jour. L'État dépense 1,2 milliard d'euros pour aider et accompagner la presse, ce qui représente beaucoup d'argent mais n'empêche pas, malheureusement, les difficultés que nous connaissons. Dans la lignée du rapport de Michel Françaix, j'engage un travail de fond sur un meilleur ciblage des aides à la presse, afin d'accompagner la restructuration de la filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture. Au cours d'une précédente séance de questions d'actualité, vous avez asséné une contre-vérité flagrante relative aux droits de plantation en matière viticole.
Comme vous le savez, le gouvernement précédent, sous l'impulsion du Président de la République et des parlementaires, très impliqués, s'est largement mobilisé pour contrer la décision prise à Bruxelles de mettre fin aux droits de plantation, mesure qui prendra effet le 1er janvier 2016 au niveau communautaire.
Je rappelle brièvement que cette libéralisation serait dramatique pour nos producteurs viticoles puisqu'elle permettrait de planter n'importe où et n'importe comment.
L'accord sur l'organisation commune du marché vitivinicole a ainsi été trouvé, non pas sous présidence française, comme vous l'avez souligné, mais sous présidence portugaise, le 19 décembre 2007 – ce qui change tout.
Si ce gouvernement s'est fait une spécialité d'accuser ses prédécesseurs de tous les maux qu'il n'arrive pas à conjurer, ce n'est tout de même pas une raison pour avancer des contrevérités aussi flagrantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous rappelle que la Commission européenne avait entériné la disparition des droits de plantation pour 2010, au plus tard pour 2013. C'est l'ancien gouvernement qui avait obtenu à l'arraché, avant votre nomination, la décision de maintenir le régime jusqu'en 2015, même si cela ne nous satisfait pas.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle est votre position et confirmer que votre attitude est aussi ferme que l'était celle de Nicolas Sarkozy sur ce dossier ? (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Dans ces conditions, que pensez-vous des déclarations du commissaire Dacian Cioloş à Chypre il y a quelques semaines ? Tout en indiquant qu'il ne s'opposerait pas à une régulation, il en a fait une exception, semblant ainsi retenir la règle commune de liberté de plantation. Ce serait évidemment contraire aux intérêts d'une viticulture de qualité et à la démarche d'excellence dans laquelle la viticulture française s'est impliquée depuis plusieurs décennies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, c'est un étrange procès que vous nous faites là. La libéralisation des droits de plantation, c'est vous ! Elle a été acceptée et autorisée en 2008. Alors, nous ne voulons pas recevoir de leçons de votre part, mais agir. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Lors des premières réunions du « groupe à haut niveau », la France a défendu le maintien du dispositif européen de régulation du potentiel de production. Comme vous le savez, le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll,…
…a impulsé la rédaction d'une plateforme commune avec d'autres États membres, qui a été transmise à la Commission européenne en septembre.
Lors de la dernière réunion du groupe à haut niveau, la Commission, pour la première fois, a présenté aux États membres une proposition de régulation de l'offre, revenant ainsi sur sa proposition initiale. Mais le gouvernement français a jugé que cette position n'était pas satisfaisante, particulièrement pour les vins sans indication géographique.
La France prépare donc avec les treize États signataires de la plateforme commune une nouvelle proposition, afin de soutenir la compétitivité de la filière. Nous la défendrons devant la Commission européenne en décembre. Nous comptons sur le soutien des parlementaires et des élus de terrain, car nous sommes convaincus qu'il faut poursuivre avec énergie ce débat auprès de la Commission et des autres États. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Céleste Lett, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais je vois qu'il est déjà parti ; je voulais donc la poser à M. le ministre de l'économie et des finances, qui n'est malheureusement pas présent… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) J'espère néanmoins qu'il se trouvera un ministre pour me répondre.
Je souhaiterais appeler l'attention du Gouvernement sur un grave problème qui touche les travailleurs frontaliers, lorrains et alsaciens en particulier, ayant exercé l'essentiel de leur activité en Allemagne. J'associe à ma question mes collègues députés mosellans et alsaciens, avec lesquels nous avons travaillé ces dernières années pour tenter de faire évoluer cette situation.
En effet, vous le savez, de nombreux retraités domiciliés en France et percevant une pension de retraite de source allemande subissent les conséquences de la mise en oeuvre de la loi allemande du 5 juillet 2004 relative aux modalités d'imposition des pensions et retraites. Concrètement, cela se traduit par la mise en place d'une situation fiscale fondée sur une méthode de calcul injuste et rétroactive jusqu'en 2005. L'administration fiscale allemande demande à ces retraités d'acquitter un impôt en Allemagne sur les retraites versées dans ce pays, augmenté des majorations et intérêts de retard en vigueur, alors même que ces contribuables ont déjà été partiellement imposés en France.
Aujourd'hui, le constat reste sans appel : nos ex-travailleurs frontaliers ne bénéficient en aucune façon des souplesses fiscales accordées à leurs homologues allemands. Ce constat est d'autant plus grave qu'il est contraire à l'esprit et au bon sens de la convention fiscale franco-allemande de 1959.
Bon nombre de personnes visées, souvent des veuves, se retrouvent en grande difficulté, car leur situation financière ne leur permet en aucune manière de s'acquitter des sommes réclamées. Je souhaiterais donc savoir quelles sont les solutions proposées par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, la situation que vous décrivez est délicate à traiter, car il est deux principes que vous connaissez bien et qui ne sont évidemment pas négociables.
Le premier, qui fait consensus sur ces bancs, est le principe de territorialité, sur lequel est fondé notre droit fiscal, comme le droit fiscal allemand : on acquitte ses impôts dans le pays où l'on réside.
Le second principe, qui fait également consensus non seulement sur ces bancs mais dans l'ensemble de la communauté internationale, est le principe qui interdit la double imposition : les conventions fiscales passées entre les États veillent au respect de ce principe.
Si le premier principe est respecté dans le cas sur lequel vous attirez notre attention, ce n'est pas le cas du second : c'est en cela que la situation n'est pas satisfaisante. Nous devons donc trouver avec l'Allemagne les voies et moyens pour que, dans le cadre de la convention existante, le respect de ces deux principes soit assuré, d'abord parce qu'il faut respecter le droit, ensuite parce que c'est l'intérêt de nos concitoyens auxquels vous vous référez et qui ne peuvent qu'éprouver un sentiment d'injustice en étant imposés à la fois en Allemagne et en France sur les mêmes sommes.
Soyez bien persuadé que le gouvernement français travaille avec le gouvernement allemand pour que, dans le respect du principe de territorialité, auquel la France ne peut et ne doit renoncer, nos concitoyens dont vous venez d'évoquer la situation n'aient pas à subir une double imposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, dont je souhaite appeler l'attention sur la situation pénalisante, évoquée il y a un instant, dans laquelle la contribution foncière des entreprises plonge de nombreux EPCI.
En effet, en 2009, sans concertation aucune, Nicolas Sarkozy supprimait la taxe professionnelle. Les députés de l'opposition d'alors ont combattu cette décision qui entraînait une dépendance forte des collectivités par rapport à l'État en leur supprimant un levier fiscal essentiel.
À l'automne 2011, de nombreux EPCI ont fixé, dans le cadre de textes restrictifs, leurs taux de contribution foncière des entreprises, qui représente, avec la CVAE, une part de la contribution économique territoriale.
Petits entrepreneurs, artisans et commerçants, qui vivent parfois des situations difficiles, ressentent aujourd'hui comme une injustice d'être imposés en fonction d'un critère, le chiffre d'affaires, qui n'a pas du tout la même valeur suivant les activités. Voilà le résultat de la suppression de la taxe professionnelle !
J'ai entendu, il y a un instant, la réponse du ministre, mais je pense qu'il faut peut-être aller plus loin. Dans un souci de justice, qui doit être au coeur des politiques que vous défendez, c'est d'une réforme globale de la fiscalité sur les entreprises et de la fiscalité locale dont nos territoires et les citoyens ont besoin.
Dans l'attente de cette grande réforme – et j'ai apprécié à cet égard l'intervention tout à l'heure de notre collègue M. Eckert –, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de décider l'annulation des rôles émis pour 2012 en fixant, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, de nouvelles règles plus équitables relatives au nombre de seuils, différenciant les activités et dépassant le critère du chiffre d'affaires, afin que les EPCI puissent procéder à une nouvelle délibération avant le 31 décembre 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Monsieur le député, vous avez raison d'indiquer que la situation que connaissent bon nombre de chefs d'entreprise résulte directement de la réforme de la taxe professionnelle improvisée il y a quelques années. Outre qu'elle fut très coûteuse pour nos finances publiques, et que la France a dû emprunter cette année 5 milliards d'euros pour en assurer le financement, cette réforme a également eu pour conséquence de mettre dans une situation délicate ces chefs d'entreprise, qui doivent, au titre de la cotisation foncière minimale des entreprises, acquitter des sommes que beaucoup d'entre eux ne peuvent verser.
Pour autant, vous n'êtes pas sans savoir que les collectivités locales ont décidé de leur côté de relever le niveau de cette cotisation foncière dans des proportions dont elles n'ont pas parfaitement mesuré les conséquences sur ces entreprises.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement se propose de soumettre au Parlement par voie d'amendement une disposition qui, dans le respect de la libre administration communale et si la représentation nationale en est d'accord, rendrait à ces collectivités la possibilité de revenir sur des délibérations déjà prises.
En attendant, le Gouvernement est naturellement prêt à accorder tous les délais de paiement qu'il faudrait, le temps que les élus locaux prennent les décisions qui s'imposent. Je suis certain que chacun le fera avec à la fois un grand sens des responsabilités pour les finances de sa collectivité et le souci de l'avenir de ces entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Conséquences de la suppression de la taxe professionnelle
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251 à 258).
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce premier budget signe la stratégie de la nouvelle majorité au début du mandat. Cette stratégie, comment l'apprécier ? Comme cet hebdomadaire international reconnu qui qualifie la France de « bombe à retardement » ?
Votre programme, c'est le déni de l'austérité, et nos concitoyens subissent un matraquage fiscal ; c'est le déni de l'Europe, et vous vous êtes soumis au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance tel qu'il était initialement rédigé ; c'est le déni des problèmes de compétitivité, et vous êtes aujourd'hui en session de rattrapage.
Comment apprécier encore votre stratégie ? Comme ce que suggèrent la dégradation de la note de la France par l'agence Moody's et, ce qui est plus grave encore, les perspectives négatives qu'elle trace. Car autant, s'agissant de la note, vous pouvez essayer d'argumenter sur le passé, autant, s'agissant des perspectives, vous êtes confrontés à la critique même du programme dit de compétitivité.
Dans ce travail budgétaire, il y a quelques analyses justes mais aussi – vous le savez vous-même – des réponses souvent inopérantes.
On pourrait sourire.
Sourire, lorsque vous établissez le prélèvement à 75 % et que vous rétablissez dans le même temps un bouclier fiscal fort coûteux : au total, les finances publiques y perdront.
Sourire encore, lorsque le plafonnement des niches fiscales que vous proposez crée tant de trous nouveaux qu'en réalité, comme le rapporteur général le précise très bien dans son rapport, l'article en question aura – aimable terme, s'agissant d'un impôt – un « rapport négatif ». Dans le contexte lourd de matraquage fiscal de ce budget, le rendement de l'impôt va baisser, au bénéfice des plus favorisés et au détriment des classes moyennes et des classes moyennes supérieurs.
Mais, en réalité, sourire, on ne le peut pas, car votre projet est dangereux.
Dangereux pour les contribuables. Dans le texte que vous aviez adopté en Conseil des ministres, monsieur le ministre, il était prévu plus de 23 % d'augmentation pour l'impôt sur le revenu.
Dangereux pour les entreprises : plus de 30 % d'augmentation pour l'impôt sur les sociétés. Tout cela a conduit à une révolte fiscale alors même que l'une des réalités solides de notre pays était le consentement à l'impôt. Vous avez réussi à l'abîmer.
Dangereux pour l'État, puisque les perspectives budgétaires sont incertaines, comme l'agence Moody's l'a souligné, et qu'il n'y a guère d'efforts en matière de réforme de l'État : d'un projet de loi de finances à l'autre, de 2012 à 2013, il y aura 5 491 emplois de plus. L'effort d'économies est insuffisant et les dépenses appellent tout de même quelques commentaires. Nous avons voulu lancer quelques pistes, que vous n'avez pas retenues, en particulier s'agissant des économies à faire sur les opérateurs, notamment les agences. De surcroît, vous avez eu une approche très clientéliste. Il suffit de regarder la manière dont vous avez construit le budget de la culture, qui massacre les initiatives en faveur du patrimoine au seul bénéfice de ceux que vous pensez faire davantage partie de votre clientèle électorale.
Au-delà du présent projet de loi de finances, il y aurait, à ce qu'on entend, de nouvelles dépenses à venir. L'aide sociale au carburant que vous envisagez est-elle vraiment nécessaire ? Faut-il vraiment créer des aides supplémentaires dans notre pays ? Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'en termes de transferts sociaux, il y a toujours à améliorer, évaluer, perfectionner ?
Cette stratégie est incohérente : des augmentations d'impôt dans le projet de loi de finances, puis un petit effort de réalisme après le rapport Gallois. Le bilan, hélas, restera lourd pour les contribuables. Ajoutons à cela la suppression de la TVA sociale dans le collectif budgétaire de juillet et la réapparition de celle-ci à la suite du rapport Gallois. En vérité, entre les décisions de l'été et les pistes qui s'annoncent pour l'hiver et le printemps, on a bien du mal à comprendre où se situe le projet de finances.
Votre politique fait courir des risques à la France.
Un risque budgétaire, puisqu'il n'y a pas suffisamment d'économies.
Un risque financier : si par malheur demain, après Moody's, après The Economist, les taux d'intérêt devaient augmenter en France, mesurez-vous, monsieur le ministre, ce que cela impliquerait pour nous, sans compter que votre projet de loi bancaire va arriver à un curieux moment lorsque d'autres pays font des choix fort différents ?
Ajoutons à cela un risque industriel – un coût de 10 milliards pour la fermeture de Fessenheim – et un risque pour les entreprises.
Bref, votre projet fait peser un risque pour les Français, qui justifie que notre groupe vote contre votre projet de loi de finances. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui appelés à nous prononcer sur le projet de loi de finances initiale pour l'année 2013. Monsieur le ministre, le groupe UDI ne votera pas ce projet, pour plusieurs raisons. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Tout d'abord, il est aujourd'hui clair que les prévisions de croissance sur lesquelles vous avez fondé ce projet de budget ne sont plus crédibles. Plus personne ne croit que la croissance atteindra 0,8 % en 2013 et encore moins 2 % par an de 2014 à 2017 sans discontinuer. Un peu de sérieux ! Il est nécessaire de réajuster ces prévisions le plus vite possible. Un taux maximum de 0,3 % ou 0,4 %, et même de 0 %, serait plus réaliste en 2013. Les prévisions à moyen terme de la Commission européenne établissent à 1,1 % la croissance potentielle.
D'autre part, nous sommes en désaccord total avec vos trois choix budgétaires. Ces choix sont contraires aux préconisations du groupe UDI. Dans la majorité comme dans l'opposition, nous avons dit et répété que, pour être supportable, l'effort de réduction des déficits publics devait porter pour les deux tiers sur des réductions de dépenses et pour un tiers seulement sur des hausses de prélèvements obligatoires. Vous avez choisi un effort de redressement de 30 milliards répartis par tiers égaux, soit 10 milliards d'économies, 10 milliards d'augmentation de la pression fiscale sur les 10 % des ménages français les plus riches et 10 milliards d'augmentation de la pression fiscale sur les grandes entreprises.
Tout d'abord, vous ne faites pas, globalement, de réelles économies, notamment en matière d'effectifs de fonctionnaires et de dépenses sociales.
En effet, la proportion des dépenses publiques dans le PIB restera en 2013 à son niveau de 2012, c'est-à-dire à 56,3 % du PIB. Il n'y a donc pas là globalement d'économies mais seulement un freinage de la hausse des dépenses. Vous n'arrivez pas à faire baisser la part de la dépense publique dans la richesse nationale et a posteriori, la moindre croissance, quasiment certaine, va encore augmenter leur part dans la richesse nationale.
Par contre, il y a bien des augmentations massives d'impôts : 28 milliards d'euros en 2013, soit 1,4 point de PIB. Les prélèvements obligatoires passeront ainsi de 44,9 % du PIB en 2012 à 46,3 % en 2013. Cette augmentation va en outre se poursuivre jusqu'en 2015, date à laquelle le taux des prélèvements obligatoires devrait culminer à 46,7 %, record historique depuis la guerre ! Record d'Europe !
La hausse des impôts, c'est apparemment votre seule réponse face à la crise que traverse notre pays. Nous aurions rêvé d'un peu plus de courage en matière de dépenses publiques.
Au lieu de cela, vous dites vouloir faire payer les riches. Encore une fois, c'est tout à fait inexact, car qui va payer les 13 milliards d'impôts et de cotisations sociales supplémentaires ?
Mes chers collègues, combien y a-t-il de riches parmi les presque neuf millions de salariés effectuant des heures supplémentaires ou complémentaires, qui vont perdre 1,6 milliard d'euros, soit en moyenne 1,2 % de leurs revenus à cause de la fin de l'exonération de charges sociales et de la majoration de leur impôt sur le revenu ?
Combien de riches parmi les 7,5 millions de retraités imposables qui vont voir leur retraite amputée de 0,3 % à compter du 1er avril 2013, pour un montant en année pleine de 700 millions alors même qu'on ne réévaluera pas leurs retraites ?
Combien de riches parmi les dix millions de foyers fiscaux imposables qui seront frappés par le gel du barème – gel que vous aviez condamné lorsque vous étiez dans l'opposition et que vous maintenez à présent, en atténuant son coût de plus d'un milliard par un système de décote qui ne concernera que la première tranche de l'impôt sur le revenu ?
Combien de riches parmi les milliers d'élus locaux dont vous augmentez de 140 millions les cotisations sociales dès qu'ils bénéficient d'une indemnité dépassant 900 euros par mois ?
Combien de riches parmi les fumeurs de cigarettes et les buveurs de bières ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Combien de riches parmi les millions de bénéficiaires de l'épargne salariale ?
Combien de riches, enfin, parmi les 827 000 travailleurs indépendants et auto-entrepreneurs, dont vous augmentez les prélèvements sociaux de 1,1 milliard d'euros en année pleine, alors que 334 000 d'entre eux gagnent moins que le plafond de la sécurité sociale ?
Je pourrais continuer ainsi cette litanie. Et ce n'est pas avec de pseudo impôts sur les riches, comme la tranche d'imposition sur le revenu à 75 %, qui ne rapportera officiellement que 200 millions d'euros mais fera en réalité perdre des recettes fiscales à l'État par la délocalisation d'une partie des 1 500 foyers fiscaux concernés, que vous tromperez les Français.
Quant aux 14 milliards d'euros dont vous accablez les grandes entreprises, ils auront des effets tout aussi désastreux, alors que la compétitivité constitue plus que jamais un enjeu crucial. De plus, vos mesures sont loin de ne concerner que les grandes entreprises car, en touchant celles-ci, vous affaiblirez toute la chaîne des sous-traitants.
Avec vous, c'est « deux pas en arrière, un pas en avant » : vous aggravez tout d'abord les charges sur les entreprises de 14 milliards en 2013, puis vous annoncez, sans aucune concertation, un allégement de 10 milliards de charges sociales pour 2014. Vous menez une politique incohérente, qu'a sanctionnée Moody's aujourd'hui par la perte du triple A.
Mes chers collègues, je dirai pour conclure que nous voyons parfaitement à quel point le projet de budget qui nous est présenté est déséquilibré et dangereux pour notre pays : beaucoup trop de hausse de prélèvements obligatoires, et un effort de réduction des dépenses très faible, qui n'est pas à la hauteur des enjeux.
Ce budget ne répond pas aux priorités de notre pays que sont la compétitivité des entreprises et l'emploi d'une part, et le pouvoir d'achat des familles d'autre part.
C'est pourquoi le groupe de UDI votera contre ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, arrivés au terme du débat budgétaire, nous disposons désormais de tous les éléments d'appréciation pour prendre notre décision. Ainsi, le groupe écologiste votera ce budget pour 2013. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Celui-ci constitue-t-il réellement un budget de changement ? Pour en juger, l'on pourrait se contenter d'observer les commentaires et les attitudes de l'opposition parlementaire : il serait alors facile de conclure qu'il s'agit bien d'un budget de changement, tant les tentatives d'empêchement se sont multipliées.
Mais comme il n'est pas certain que la posture l'emporte toujours sur la raison, mieux vaux tenter d'analyser objectivement ce budget 2013 au vu de la dette, des dépenses et des recettes.
Le premier élément marquant tient au fait que, pour la première fois, un gouvernement a pris la question de la dette à bras-le-corps. C'est un premier changement – le mot est faible –, une première rupture. Il revenait naturellement à la gauche de préserver nos enfants de la dette, cette dernière posant une éminente question de solidarité avec les générations futures.
La droite aura été doublement responsable de la dette : d'une part, en multipliant les avantages – à crédit – lors de la précédente législature ; d'autre part, en soutenant depuis trente ans la politique libérale qui a consisté à faire le choix du capitalisme d'endettement.
La baisse de la dépense publique constitue le deuxième changement engagé par cette majorité, avec dix milliards d'euros d'économie en 2013. Je n'ai pas souvenir de budgets antérieurs qui puissent faire valoir une telle évolution : c'est, là encore, une première.
Les écologistes ont proposé d'apporter leur contribution à cette démarche, par la réduction des niches fiscales anti-écologiques, par exemple en réintégrant le diesel dans le droit commun, celui-ci bénéficiant aujourd'hui d'une détaxe incompréhensible. Pourquoi les utilisateurs de véhicules à essence n'en bénéficient-ils pas, alors qu'ils nuisent moins à la santé ? De plus, cette niche fiscale égare notre économie, en pénalisant l'exportation des voitures diesel et en déséquilibrant le raffinage ; cette situation devient intenable.
Concernant la réduction de la dépense, nous nous attendions à un assaut de propositions de l'opposition, mais nous n'avons rien vu venir ! Nous avons même entendu M. François Rochebloine demander la sanctuarisation du budget de jeunesse et sport, et M. Éric Ciotti proposer une dépense de 3,5 milliards d'ici à 2017 pour créer 20 000 places supplémentaires de prison – bref, aujourd'hui comme sous la précédente législature, la baisse de la dépense constitue davantage un slogan qu'une réalité concrète pour l'UMP.
L'objectif de réduction des dépenses publiques que nous nous sommes fixé est élevé. Il n'est pas certain qu'il soit tenable sans conséquence grave pour les plus fragiles et pour la cohésion de la société. Rappelons toutefois l'effort consenti en faveur de l'éducation, de la justice, de la sécurité, du maintien de l'effort de l'État en faveur des agriculteurs, du service civique, des collectivités locales, et j'en passe.
Concernant les recettes, la majorité a fait preuve de courage en faveur de la justice fiscale, en revenant notamment sur l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Si cette décision a privé certains ménages de ressources complémentaires, elle aura permis, je l'affirme, de créer des emplois.
Certes, il faudra un peu de temps pour mesurer l'impact en matière d'emplois dans les entreprises ; mais les 4,5 milliards d'économie permettront de créer rapidement 100 000, puis 150 000 emplois d'avenir, et prochainement 100 000 contrats de génération. Tel est l'effet des 4,5 milliards économisés sur l'exonération des heures supplémentaires, et cela au titre de la priorité absolue donnée à l'emploi par cette majorité, alors que nous avons perdu un million d'emplois lors de la législature précédente.
Parce qu'il fallait préserver les plus modestes, les prélèvements sur les revenus du patrimoine ont été alignés sur ceux du travail. Cet effort de justice est pleinement partagé par les écologistes, même si le Gouvernement a réduit le niveau de fiscalisation prévu sur la transmission des entreprises. Cela suffira-t-il pour que nos pigeons ne se transforment pas en pigeons nicheurs ou en pigeons voyageurs ? Nous verrons.
Parallèlement aux orientations adoptées pour la loi de finances pour 2013, les écologistes plaident pour une réforme fiscale ambitieuse, plaçant notre pays dans le camp des pays modernes, qui ont mis en avant la fiscalité écologique pour tout à la fois libérer le travail et consolider leur économie. Il faudra pour cela passer outre certains blocages hérités de tentatives antérieures malencontreuses. Si cela fonctionne chez nos voisins, il n'y a pas de raison que nous n'y parvenions pas.
Pour aborder sereinement ce débat, il convient d'annoncer au préalable que des compensations seront apportées à celles et ceux, ménages ou entreprises, qui restent encore dépendants des énergies fossiles pendant quelque temps. On ne doit plus tarder : il est temps de mettre à contribution l'énergie fossile plus que 1'énergie humaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de ce projet de budget pour 2013 intervient dans des conditions assez insolites. En effet, depuis le vote de sa première partie par notre assemblée le 23 octobre dernier, le Premier ministre le 6 novembre, puis le chef de l'État le 23 novembre, ont annoncé un ensemble de mesures nouvelles qui changent la donne et risquent de rendre ce texte partiellement périmé avant même son adoption.
Chacun pressent qu'une loi de finances rectificative pour 2013 interviendra en janvier ou en février, modifiant la loi de finances initiale soumise aujourd'hui à notre vote. À certains égards, ce projet de budget présente donc un caractère temporaire ou éphémère.
Comme vous le savez, Oscar Wilde (Murmures sur divers bancs), manifestement apprécié par l'ensemble de cette assemblée, a intitulé l'une de ses comédies L'importance d'être constant. Cette règle, qu'il applique aux moeurs, pourrait sans doute s'appliquer également aux finances. D'un côté, pour redresser les comptes publics, pour réduire le déficit et la dette laissés par l'équipe précédente, le projet de budget 2013 que vous nous proposez comporte un effort fiscal accru demandé aux entreprises, à hauteur de dix milliards d'euros. Mais, d'un autre côté, le Gouvernement a annoncé le 6 novembre dernier un pacte national pour la croissance, destiné à renforcer la compétitivité des entreprises. Ce pacte comporte pour celles-ci 20 milliards de baisse de charges patronales sur trois ans, dont 10 milliards de façon effective dès la première année, en 2014 – et d'une certaine manière dès 2013.
En théorie, en effet, les entreprises continueront d'acquitter en 2013 les mêmes charges patronales qu'aujourd'hui, mais en pratique elles seront remboursées au titre de l'exercice 2013. Cet allègement de leurs charges affectera donc le produit fiscal du budget 2013, du moins a posteriori. Le budget garde le silence sur ce qui sera, à terme, une opération quasiment blanche pour le monde de l'entreprise considéré globalement : 10 milliards d'augmentation des impôts au budget 2013, puis 10 milliards de baisse ensuite au titre de ce même budget. Il n'est pas absolument sûr que ce double coup d'accordéon soit parfaitement logique.
Par ailleurs, lors de sa conférence de presse du 13 novembre, le chef de l'État a annoncé 60 milliards d'euros d'économies sur la dépense publique durant le quinquennat, soit 12 milliards par an. Mesure courageuse et nécessaire, que nous ne pouvons qu'approuver.
Pourtant, le budget 2013 qui nous est soumis semble fondé sur un autre choix. En effet, l'augmentation des impôts sur les ménages et les entreprises fournira les deux tiers de l'effort de redressement, tandis que les économies sur les dépenses publiques en fourniront un tiers seulement. Cette répartition inégale entre la hausse des impôts et la baisse des dépenses est-elle la plus opportune ? Il est permis d'en douter.
D'une part, en effet, le pourcentage des prélèvements obligatoires atteint déjà 44,9 % du PIB en 2012, et atteindra même 46,3 % en 2013, ce qui est beaucoup, et même trop.
D'autre part, la France se classe au deuxième rang des pays de l'OCDE, après le Danemark, pour le rapport des dépenses publiques sur le PIB, établi à 56,3 % ; il est donc nécessaire de dépenser moins. J'ajoute d'ailleurs, concernant la réduction des dépenses publiques, que le compte n'y est pas tout à fait – M. le ministre du budget acceptera sans doute cette analyse –, puisque le Président de la République annonce 12 milliards de réduction des dépenses publiques par an alors que, à ce jour du moins, le projet de budget qui nous est soumis, avec talent, comporte seulement 10 milliards de mesures d'économies.
Mais j'en termine par l'essentiel : nous voterons cette loi de finances, parce qu'elle stabilise, voire réduit les crédits des secteurs non essentiels, et parce qu'elle accorde à juste titre des moyens accrus aux vraies priorités, comme l'éducation ou la justice.
En dépit des quelques réserves dont j'ai pu faire état, avec une extrême modération, le groupe RRDP votera donc ce texte. Le vote du budget est, comme on le sait, l'acte d'appartenance à la majorité, ce qui ne laisse donc pas un choix excessif. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, au terme de ce débat budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2013, la doxa néolibérale se rappelle à nous par l'intermédiaire de l'agence de notation Moody's, pour tenter de tuer dans l'oeuf toute politique alternative à la soumission aux marchés financiers.
Ces trente dernières années, la captation d'une part toujours plus grande des richesses produites vers les revenus du capital, au détriment des revenus du travail et des services collectifs, a généré des inégalités considérables.
La politique conduite par la droite ces dix dernières années n'a fait qu'accélérer la soumission de notre pays et de l'Union européenne au règne d'une économie financiarisée, au seul service des détenteurs du capital.
Les dégâts ont été considérables : un million de chômeurs en plus ; 720 000 emplois supprimés dans l'industrie ; une dette publique qui a quasiment doublé, passant de 900 à 1 700 milliards d'euros ; 8,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Dans le même temps, les entreprises du CAC 40 n'ont jamais autant distribué de dividendes, les richesses de quelques-uns ayant atteint des niveaux insolents.
Oui, la droite a abîmé la France. La droite a fait le choix d'une Europe des marchands, et d'une Europe du marchandage selon le bon mot d'un de nos collègues sur ces bancs.
Le traité européen d'austérité budgétaire, soutenu par le gouvernement d'aujourd'hui comme par celui d'hier, perpétue les solutions néolibérales, avec des mécanismes coercitifs qui brisent les peuples et les territoires, comme le vivent nos amis grecs, espagnols, italiens et comme le vivent les salariés de PSA, de Florange, de Gandrange, de Doux, de Renault. C'est pourquoi nous avons combattu ce traité.
La crise a bon dos. Elle a permis de justifier l'injustifiable, de serrer, cran après cran, la ceinture au peuple.
Face à l'urgence sociale, face à l'urgence économique, la gauche a donc une lourde tâche. Une seule question intéresse ceux qui nous ont fait confiance et attendent le changement : est-ce que les priorités affichées vont se traduire par un mieux-vivre de nos concitoyens ? Est-ce que les budgets proposés pour le pays, pour la sécurité sociale, et, par ricochet, pour les collectivités locales, vont permettre de sortir de la crise ? Voilà les questions à poser.
Pour notre part, nous avons l'intime conviction que la France et l'Europe sont malades du capitalisme financier, l'intime conviction qu'on ne pourra pas sortir du marasme sans une vigoureuse politique de relance visant à soutenir l'emploi, les salaires et l'investissement. Nous sommes persuadés qu'il faut un nouveau partage des richesses, plus favorable aux salariés, aux retraités, aux travailleurs indépendants.
Monsieur le ministre, en première partie de la loi de finances, vous avez affiché la volonté d'aligner les revenus du capital sur ceux du travail. Cette volonté doit continuer de vous animer. La contribution demandée aux plus aisés est légitime. Les efforts en matière d'éducation, de justice et de sécurité, notamment, vont dans le bon sens.
Toutefois, avant même la fin de l'examen de ce PLF, des reculs dommageables ont émaillé nos débats. Comment ne pas s'arrêter sur le lamentable épisode des autoproclamés « pigeons », qui, au mépris de l'effort national, ont conduit le Gouvernement à vider le système de taxation des plus-values de 800 millions d'euros ?
Comment ne pas faire le parallèle avec les nouveaux efforts demandés aux collectivités locales, qui se traduiront nécessairement par une baisse des investissements publics et le risque de suppression ou de privatisation d'un certain nombre de services publics ?
Comment ne pas rapprocher les 10 milliards d'euros demandés aux entreprises dans le projet de loi de finances pour 2013 et les 20 milliards de nouveaux cadeaux fiscaux prévus dans le pacte dit improprement de compétitivité ? Il y a manifestement un peu de confusion.
Monsieur le ministre, mes chers collègues de gauche (« Et nous ? » sur les bancs du groupe UMP), depuis 2008, nous avons gagné ensemble toutes les batailles électorales avec l'objectif de faire vivre nos valeurs. Nous avons gagné les batailles électorales en proposant une véritable réorientation des richesses, en nous appuyant sur notre volonté d'une fiscalité plus juste, plus progressive, en réaffirmant la nécessité d'une meilleure efficacité de la dépense publique par la diminution des niches fiscales et sociales, en instituant un réel contrôle de la délinquance financière qui prospère autour de l'évasion et de la fraude fiscales.
Je conclus, madame la présidente.
Le projet de loi de finances pour 2013 aurait dû être l'occasion de traduire en actes cette nouvelle orientation.
Plusieurs députés du groupe UMP. Votre temps de parole est écoulé !
C'est le souci qui a été le nôtre durant tout le débat budgétaire, car les victoires électorales ne sauraient se traduire par des défaites idéologiques.
Plusieurs députés du groupe UMP. Coupez-lui le micro, madame la présidente !
En conséquence, monsieur le ministre, mes chers collègues, en pleine cohérence avec les propositions que nous avons portées, les députés du Front de gauche s'abstiendront sur ce projet de loi de finances pour 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collèges, la première vertu de ce budget, c'est de corriger dix années de dérives financières (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP), dix années qui ont vu la dette de notre pays doubler. Les gouvernements qui se sont succédé ont accumulé autant de dettes que tous ceux qui les ont précédés dans l'histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Dix années qui ont vu notre excédent extérieur se transformer en déficit, s'aggravant tous les ans à partir de 2004 pour atteindre 75 milliards d'euros.
Dix années qui ont vu les inégalités s'accroître au rythme du creusement du déficit en raison de cadeaux fiscaux aux plus fortunés de nos concitoyens.
Dix années qui ont vu le chômage s'aggraver dans notre pays, alors que l'Allemagne, qui avait le même taux de chômage que nous avant la crise, l'a réduit.
Redresser la France, c'est réduire tous ces déficits, mais de façon cohérente, adaptée à la conjoncture.
Et c'est cette voie étroite, difficile, courageuse que construit ce budget et que prolonge le pacte de compétitivité présenté la semaine dernière par le Premier ministre.
Le Gouvernement a raison de tenir l'objectif de 3 % de déficit. Ce n'est pas seulement un engagement européen, c'est aussi le seuil qui arrête l'hémorragie de la dette et qui commence à la réduire.
Ce projet de loi de finances réduit la dette en préservant les deux moteurs de la reprise que sont l'emploi et la consommation, car préserver la croissance dans la conjoncture actuelle, c'est ne rien faire qui pèse sur la consommation des ménages.
Ce budget réduit les dépenses de 10 milliards d'euros, non par des mesures aveugles, non par des coupes brutales, non par un rabot uniforme, mais par une politique sélective qui supprime des dépenses inefficaces et qui fixe trois priorités : l'emploi, l'éducation, le logement.
En créant 100 000 emplois d'avenir, nous n'apportons pas seulement une réponse à l'urgence sociale, mais aussi du revenu durable pour les jeunes de nos quartiers, et nous redonnons confiance aux familles.
Ce projet de budget évite toute hausse générale des impôts, il supprime et plafonne des niches inefficaces, il rétablit la progressivité de l'impôt, il corrige l'inégalité entre les PME et les grandes entreprises et entre le capital et le travail. Ce budget comporte la plus importante réforme fiscale réalisée ces dernières années. En effet, en supprimant les prélèvements libératoires ou forfaitaires sur les revenus du capital, il aboutit à ce que, pour la première fois, les revenus du capital seront taxés comme les revenus du travail.
Ce budget est remarquablement construit, juste et bien calibré. Conjugué au pacte de compétitivité, il constitue la réponse équilibrée et pertinente aux trois déficits dont nous avons hérité : le déficit des finances publiques, le déficit d'emplois, le déficit de compétitivité.
En choisissant, dans le pacte de compétitivité, un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi plutôt qu'un transfert de charges des entreprises aux ménages, le Gouvernement consolide l'offre et redresse la compétitivité en 2013 sans peser sur la demande, puisque la contrepartie n'interviendra qu'en 2014.
Avant de conclure, je veux remercier le ministre du budget, Jérôme Cahuzac et le rapporteur général du budget, Christian Eckert (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) car la qualité des débats que nous avons eus dans cet hémicycle leur doit beaucoup.
En conclusion, le groupe socialiste votera un budget marqué par le courage, la justice et l'efficacité économique. Car il faut le répéter, mes chers collèges, dans la situation conjoncturelle actuelle, la justice fiscale se conjugue parfaitement avec l'efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble du projet de loi de finances pour 2013.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 548
Nombre de suffrages exprimés 534
Majorité absolue 268
Pour l'adoption 317
Contre 217
(Le projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, je tiens à remercier la représentation nationale pour avoir contribué à ce débat et avoir voté ce budget.
Je remercie plus particulièrement l'ensemble des orateurs qui se sont exprimés pour la richesse de nos échanges, et peut-être plus particulièrement encore celles et ceux qui se sont exprimés en faveur de cette politique budgétaire et de cette loi de finances initiale.
Mesdames, messieurs les députés, vous qui avez accordé votre confiance au Gouvernement en votant ce budget, sachez que le Gouvernement vous remercie par ma voix très sincèrement et du fond du coeur. Et merci à notre rapporteur général. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre de l'égalité des territoires et du logement, mes chers collèges, nous sommes favorables à l'abrogation du conseiller territorial (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste), ce conseiller à la fois général et régional, ce cumulard institutionnalisé, cette espèce d'hybride comme le soulignait notre collègue Hugues Fourage.
On s'interroge. Quel était le but du conseiller territorial ?
Faire des économies ? Mutualiser les moyens du département et de la région ? Dans ce cas, il aurait fallu l'accompagner d'une remise à plat des compétences.
Lier la région et le département pour parvenir, à terme, à l'effacement de l'une de ces collectivités ? Dans ce cas, il eût fallu le dire clairement.
Ou n'était-ce pas, tout simplement, une recentralisation ? En élisant ces fameux conseillers territoriaux sur de petites circonscriptions, ils auraient d'abord été les élus de leur canton, c'est-à-dire élus sur une profession de foi locale, ce qui aurait signifié tout simplement la négation de la région comme territoire stratégique.
Cela aurait aussi signifié la fin des schémas directeurs. Nous sommes bien placés pour le savoir, nous qui sommes élus de la nation certes, mais dans une circonscription. Parfois, notre vision a un peu de mal à dépasser les horizons de cette circonscription, voire de la collectivité locale dont nous sommes élus.
Finalement la région, partenaire parfois exigeant de l'État, en serait sortie affaiblie.
Autre problème : ce conseiller aurait été contraire au principe de libre administration des collectivités. Il présentait, à notre sens, trois défauts majeurs.
Premièrement, il remettait en cause la parité. Avec le mode de scrutin choisi, uninominal majoritaire à deux tours, on peut estimer que le nombre de femmes aurait été de 20 % environ. En termes d'égalité et de parité, on peut faire beaucoup mieux !
Deuxièmement, ce scrutin majoritaire aurait participé au quart du financement public des partis. Évidemment, ce n'est pas un scrutin de ce type qui peut amener un petit parti comme le nôtre à avoir beaucoup d'argent dans ses poches.
Troisièmement, ce type de scrutin n'assurait pas la représentation des différentes tendances politiques. Rappelons que, lors des élections de mars 2011, les écologistes ont eu vingt-sept élus, et le MODEM quatorze. Pour la représentativité des partis, on peut aussi faire mieux.
Dès lors que le principe de la suppression du conseiller territorial est acté, le principal enjeu reste le mode de scrutin. Pour les régionales, on reviendra au mode de scrutin antérieur, c'est-à-dire à un scrutin de liste. Pour les conseillers généraux, c'est un peu plus compliqué : en fait, on ne sait pas encore quel sera le mode de scrutin. Nous serons donc très attentifs aux propositions qui nous seront faites.
Nous ne cachons pas que notre préférence va clairement au scrutin de liste proportionnel à deux tours, avec constitution de circonscriptions d'élection infradépartementales. En instaurant une stricte alternance homme-femme, ce mode de scrutin réunirait tous les avantages : parité, représentation des territoires et représentativité politique.
Il est connu des Français, puisque c'est celui qui est déjà en place pour les élections municipales et régionales. Les Français s'y reconnaîtraient facilement.
C'est donc sans regret que nous voterons l'abrogation du conseiller territorial. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous enterrons aujourd'hui l'institution du conseiller territorial mis en place par la loi du 16 décembre 2010 portant réforme territoriale.
Cette nouvelle catégorie d'élu bicéphale, à la fois conseiller régional et général – un « Janus », pour reprendre le mot de notre collègue Marietta Karamanli –, créée dès l'article 1er de la loi, était la pierre angulaire de la réforme. Lors de l'adoption en Conseil des ministres, le 21 octobre 2009, du projet de réforme territoriale, divisé en quatre projets de lois dont deux n'ont jamais été inscrits à l'ordre du jour de la Haute assemblée, on pouvait s'attendre, tant les obstacles se dressaient sur la route tortueuse qu'il avait prise, à ce que le Gouvernement avance le retrait du volet « conseiller territorial » lorsqu'il aurait l'assurance de faire adopter, dans une configuration proche de ce qu'il proposait, le volet « carte territoriale ».
Or, il n'en a rien été. Par idéologie, faisant de ce conseiller territorial dont on savait déjà qu'il ne verrait jamais le jour, un objet de fixation qui l'a menée à la défaite électorale des sénatoriales du 25 septembre 2011, la droite a jusqu'au bout tenté d'imposer la création de cet élu hybride, sorte de super-représentant local, cumulant fonctions de conseiller général et de conseiller régional, fondé de pouvoirs locaux ne recouvrant pas les mêmes compétences et les mêmes logiques territoriales.
Le Gouvernement d'alors, confronté à l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire et à des difficultés croissantes rencontrées par le pouvoir exécutif dans la mise sur l'agenda des différentes réformes, a abouti à l'inversion de la logique initiale : la réforme de la taxe professionnelle aurait dû être subséquente à celle des collectivités territoriales. L'adoption en Conseil des ministres des quatre projets de loi est intervenue alors que le débat sur la première partie de la loi de finances battait son plein. La réforme des collectivités territoriales ne justifiait plus alors la suppression de la taxe professionnelle. Cette réforme a ainsi, logiquement, été immédiatement ressentie par les élus locaux comme le parachèvement d'une recentralisation effectuée au détriment des libertés locales. Question aggravée par l'ajournement de la question de la clarification des compétences, qui devait faire l'objet d'un autre texte de loi, pris dans l'année suivant la promulgation des quatre premiers, question finalement réintégrée dans le texte pivot de la réforme avec l'aménagement de la clause générale de compétences pour les départements et les régions.
Comment pouvait-on s'y prendre plus mal pour faire passer une réforme aussi importante ? Je pense que ce n'était pas possible. Voilà l'exemple d'une réforme mal conduite, mal ficelée, mal votée.
Je sais que le Gouvernement nous donnera bientôt l'assurance qu'un tel carambolage législatif ne se renouvellera plus, ainsi que la certitude que l'acte III de la décentralisation que nous appelons de tous nos voeux sera une réforme cohérente, complète, respectueuse des prérogatives des collectivités territoriales et de leurs élus. Elle sera l'armature d'une réforme nécessaire de l'organisation de la décentralisation et de la déconcentration françaises.
Je rappelle ici qu'en vertu de l'article 1er de notre Constitution, l'organisation de la République française est décentralisée.
En tous cas, la première pierre de cet édifice consistait évidemment en la suppression du conseiller territorial, nouvel élu appelé à siéger théoriquement à partir des prochaines élections territoriales désormais concomitantes au sein des conseils généraux et régionaux, sous prétexte d'organiser la complémentarité des régions et des départements. Réforme hypocrite s'il en était, puisqu'il s'agissait, sous couvert d'économies très hypothétiques, de permettre à la majorité de l'époque de reprendre quelques couleurs lors du scrutin de 2014.
C'est maintenant chose faite et les députés du groupe RRDP s'en félicitent. Comme j'ai eu l'occasion de le dire à cette tribune jeudi dernier, se servir des élus comme d'un cheval de Troie en vue d'une fusion déguisée des départements et des régions était une erreur. Et comme la majorité d'hier ne pouvait supprimer le département, ainsi que le recommandait le rapport Attali, elle s'était résolue à cantonaliser la région, à rebours de la réforme de l'État qui, elle, accentuait la place de la région au sein des services extérieurs. Or, nous savons bien que la décentralisation et la déconcentration doivent aller de concert pour une administration générale et territoriale efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec détermination que les députés du Front de gauche voteront cette proposition de loi adoptée il y a déjà un an par le Sénat à l'initiative du groupe communiste. Nous nous réjouissons en effet de l'abrogation du conseiller territorial créé en 2010 contre l'avis des élus locaux et de leurs associations.
Loin de simplifier l'architecture territoriale, la création de cet élu opérerait un rapprochement artificiel du couple département-région, en méconnaissance de la spécificité de ces deux échelons, et signifierait une régression démocratique sans précédent.
Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, sous couvert d'une rationalisation des compétences et des dépenses publiques, la création du conseiller territorial visait en réalité, par la fusion programmée des départements et des régions, à supprimer les départements.
Cette création soulèverait aussi de multiples problèmes. D'abord, contrairement à ce qu'avait asséné le précédent gouvernement, elle engendrerait une augmentation nette des charges de fonctionnement des conseils généraux et régionaux. Et paradoxalement, elle entraînerait une augmentation des effectifs des conseils régionaux, créant inévitablement des difficultés de fonctionnement.
Ensuite, la création du conseiller territorial institutionnaliserait le cumul des mandats en faisant d'un seul élu le détenteur de deux fonctions. La charge de travail et l'étendue du territoire amèneraient inévitablement cet élu à sacrifier la nécessaire proximité avec les habitants et les élus locaux. Un tel cumul irait évidemment à l'encontre d'une clarification des compétences de chacun des échelons territoriaux.
De même, l'instauration du conseiller territorial entraînerait de facto la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, les délibérations d'une collectivité composée de membres identiques ayant forcément de l'influence sur les délibérations de l'autre.
Comme l'a d'ailleurs rappelé notre rapporteure dans le débat, la doctrine a clairement établi que confier la gestion d'une collectivité à des représentants élus pour siéger également dans un autre cadre n'était pas conforme au principe constitutionnel d'autonomie des collectivités territoriales.
Enfin, le mode de scrutin retenu pour l'élection de ces conseillers, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, porte atteinte au respect du pluralisme et se traduirait par une régression sans précédent de la parité.
L'abrogation du conseiller territorial est donc pour nous absolument incontournable, même si nous la concevons comme une première étape de l'abrogation de la réforme territoriale du 16 décembre 2010 dans son ensemble, préalable indispensable à une réorganisation de l'action publique et des territoires visant à redonner tout son sens à la décentralisation, pour mieux répondre, sur tout le territoire, aux besoins et aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, mes chers collègues, l'abrogation de la loi instituant le conseiller territorial, qui devait se substituer au conseiller général et au conseiller régional, revêt aujourd'hui un caractère symbolique fort. Ce qui était présenté comme la pierre angulaire de la prétendue réforme territoriale imposée au forceps par l'ancien Président de la République va s'effondrer et nous allons une fois encore mettre en application l'un des engagements de campagne, un de plus, du Président de la République François Hollande. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Adopter cette proposition de loi instituant le conseiller territorial, c'est se situer dans une démarche positive, c'est poser les bases sereines d'une nouvelle réforme, c'est le préalable à un nouvel acte de la décentralisation, un véritable acte III de la décentralisation.
Le choix d'une procédure par étapes – d'abord l'abrogation du conseiller territorial, puis l'examen de nouvelles modalités de scrutin – est une marque de respect pour notre travail de parlementaires, là où la réforme de 2010 avait été bâclée.
Cette réforme trouve d'ailleurs aujourd'hui bien peu de soutiens sur les bancs de l'opposition, tant sont nombreux les élus UMP à s'exprimer contre le conseiller territorial et tant était cruellement absent le groupe UMP pendant le débat parlementaire, incapable qu'il était, une fois de plus d'assumer son bilan. (Mêmes mouvements.)
Mais on les comprend. Car comment pourrait-on envisager un débat démocratique serein et clair, si une même élection avait dû décider de la politique de deux collectivités aux compétences pourtant différentes ?
Comment justifier également le recul dramatique de la capacité des régions à piloter une politique à leur échelle, par une cantonalisation de l'intérêt régional ?
Pour les régions, c'était revenir, de fait, à la situation d'avant 1986, mais une partie de la droite affichait là sans doute une certaine constance. Leurs aînés du RPR s'étaient en effet opposés à la loi de 1985 instituant le suffrage universel au niveau régional. Mes chers collègues de l'opposition, je vous le dis : n'ayez pas peur, n'ayez pas peur de la démocratie, n'ayez pas peur de la démocratie locale !
Nous, nous voulons une démocratie territoriale vivante, car nos assemblées locales doivent représenter la société française d'aujourd'hui : une société plurielle, métissée, socialement ouverte à tous. C'est le sens du rétablissement du scrutin proportionnel aux régionales qui nous est proposé aujourd'hui.
Le conseiller territorial mettait également un terme à la parité dans les conseils régionaux. Or, c'est un acquis majeur que nous ne pouvons pas accepter de voir remis en cause. C'est pourquoi nous allons rétablir la parité dans l'ensemble de nos régions. Et, dans la droite ligne du discours du Président de la République, nous ferons bientôt la parité dans l'ensemble des assemblées départementales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Recul du pluralisme, recul de la parité, le conseiller territorial était également la première étape de la fusion inavouée mais bien programmée des départements et des régions. Car le texte instituant le conseiller territorial participait d'une sorte de darwinisme institutionnel conduisant lentement à l'extinction de l'une des deux collectivités et, au pire, à une Saint-Barthélemy des territoires. Les élus locaux l'avaient d'ailleurs bien compris, en sanctionnant durement les candidats de la précédente majorité au Sénat, en septembre 2011. À bien y réfléchir, le défunt texte aura au moins eu ce mérite : avoir permis à la gauche de devenir majoritaire au Sénat !
Le pire, c'est que cette réforme était supposée économiser les deniers publics. Pourtant, à y regarder de près, cette création aurait été fort coûteuse : explosion des frais de déplacement et d'hébergement, augmentation des indemnités, création de véritables petits sénats locaux avec l'agrandissement des hémicycles…
Oui, j'y viens : le conseiller territorial institutionnalisait le cumul des mandats à l'échelon local, allant ainsi à l'inverse des efforts conduits par la gauche depuis 1997 en vue d'instaurer le non-cumul des mandats, efforts que, sous l'impulsion du Président de la République, nous allons poursuivre !
Alors je le dis clairement, notre vision de la démocratie locale n'est pas celle qui avait inspiré la création du conseiller territorial. Nous, nous sommes attachés aux départements. Nous, nous sommes attachés aux régions.
En résumé, l'abolition du conseiller territorial qui nous est demandée aujourd'hui, c'est l'abolition de la peine de mort pour les départements (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP), c'est les rétablir dans leur plein exercice, c'est garantir le pluralisme et la parité au sein des assemblées locales, c'est empêcher la dilution des responsabilités, l'institutionnalisation d'un cumul des mandats, c'est empêcher la dérive des coûts financiers, bref, c'est préparer le terrain législatif à une réforme territoriale nouvelle, plus juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
La parole est à M. Olivier Marleix, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe UMP, cela ne vous surprendra pas, ne votera pas ce texte, et ce pour trois raisons principales.
La première, c'est votre méthode. Vous nous présentez une sorte de salami juridique avec cette proposition de loi qui restaure un mode de scrutin dont le Président de la République et le ministre de l'intérieur nous ont d'ores et déjà annoncé qu'il allait être modifié : quel respect du travail parlementaire !
C'est oublier bien vite le charcutage électoral opéré par la précédente majorité !
Pourquoi ne pas nous présenter un texte unique ? Faut-il simplement y voir la poursuite d'une méthode gouvernementale déjà expérimentée avec la suppression, annoncée en juillet, d'une TVA en fait restaurée quelques semaines plus tard ? Ou bien faut-il y voir – c'est peut-être plutôt le cas ici – une vraie intention de contourner l'article 39 de la Constitution, qui vous aurait obligé à faire une étude d'impact. Or qu'aurait révélé une telle étude ? Elle aurait révélé que vous allez recréer 2 500 postes d'élus locaux que nous voulions supprimer. Comme si la France, en pleine crise économique, avait besoin de cela ! C'est cette réalité que vous voulez cacher aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Sur le fond, vous tournez le dos à une réforme de structure dont notre pays avait besoin. Oui, madame la ministre, cette réforme a été examinée tardivement au cours du quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais ce fut au moment où, l'État engageant une politique très volontaire de réduction de ses propres dépenses publiques, il est apparu que les collectivités territoriales ne pouvaient pas rester en dehors de ce mouvement de recherche d'économies.
Ce n'est pas faire injure aux élus locaux, madame la rapporteure, que de dire qu'il y a aujourd'hui une sorte de concurrence inutile et parfois dispendieuse entre région et département ; on ne peut pas les blâmer d'exercer des compétences que la loi leur permet d'exercer. C'est nous qui avons été coupables – et vous aujourd'hui – de laisser perdurer une situation où la loi organise ce millefeuille territorial, ce désordre territorial auquel plus personne ne comprend rien.
Le conseiller territorial, c'était un élu local identifié, élu dans un canton, qui conservait le meilleur du département – la proximité – et le meilleur de la région – la vision d'ensemble, la cohérence régionale –, capable, enfin, de les réconcilier.
En refusant cette réforme au moment même où vous allez imposer une cure d'austérité sans précédent aux collectivités territoriales, vous allez les obliger à réduire non plus les dépenses de structures, mais leurs dépenses d'intervention dans les territoires.
Enfin, dernière raison de rejeter ce texte, la seule logique que l'on comprend dans vos réformes, c'est celle de vos projets électoraux. Vous allez restaurer des conseillers régionaux autonomes. Je ne reviens pas sur le coût de votre texte, là où nous n'avions plus que 3 500 conseillers territoriaux, vous restaurez près de 6 000 conseillers généraux et régionaux, soit 2 500 élus locaux supplémentaires, et cela, j'y insiste, en pleine crise.
Les Français, dont vous augmentez chaque jour un peu plus les impôts, apprécieront.
Incidemment, en modifiant le calendrier électoral et en reportant les régionales à 2015, vous permettez aux assemblées régionales élues en 2010 de voter deux fois aux sénatoriales : en 2011 et en 2015. Vous avez raison : pourquoi changer une équipe qui gagne ?
Il reviendra au Conseil constitutionnel d'apprécier cette modification subreptice, honteuse, du corps électoral sénatorial.
Mieux, mais nous n'osons pas l'imaginer – je ne vous fais pas de procès d'intention –, si vous suiviez la proposition de M. Jospin, ces conseillers régionaux ne mettraient pas un bulletin dans l'urne mais quinze ! Ce qui est évidemment beaucoup plus sûr. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, madame la ministre, le Gouvernement annonce, en exclusivité mondiale, en quelque sorte, la création d'un être nouveau,…
…le conseiller général à deux sexes, hermaphrodite. Je ne développerai pas, sauf pour tirer une sonnette d'alarme en ce jour d'ouverture du congrès des maires de France : le dispositif intéressera tous les élus ruraux et vous devrez l'assumer jusqu'au bout. Si vous ne voulez pas en rajouter par rapport aux 3 900 conseillers généraux actuels, cela signifie très clairement que vous allez devoir supprimer un canton sur deux. Vous ne conserverez que 2 000 cantons, c'est-à-dire que dans de nombreux départements, vous allez abaisser le nombre de cantons à neuf ou onze. Je n'en ferai pas la liste ici, ce serait cruel pour la Lozère, la Creuse, les Hautes-Alpes, l'Ariège, et j'en passe. J'invite mes collègues des territoires ruraux à bien y réfléchir. Ce texte est une atteinte sans précédent à la structuration de nos territoires ruraux.
Dès lors, madame la ministre, quitte à renoncer aux réformes, au point au vous en êtes, écoutez vos propres amis socialistes élus des territoires ruraux, qui vous demandent de ne plus toucher à rien et en particulier de ne plus toucher à nos cantons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le fils du charcutier qui nous demande de ne toucher à rien, c'est incroyable !
La parole est à M. Gilles Bourdouleix, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où s'ouvre le congrès des maires de France, est-il utile de rappeler que nos territoires sont une richesse pour la République ? Ils méritent mieux qu'une réforme présentée à la hâte sans la moindre considération des enjeux qui l'entourent.
La réforme créant le conseiller territorial, elle ne s'est pas faite à la hâte ?
L'an dernier, en ne prenant aucune des précautions qui s'imposent lorsque l'on touche aux fondements mêmes de notre organisation territoriale, la nouvelle majorité sénatoriale s'empressait d'adopter l'abrogation du conseiller territorial, initialement destiné à remplacer les conseillers généraux et régionaux.
Depuis, les élections ont eu lieu, les états généraux de la démocratie territoriale se sont achevés.
Sur la forme, la méthode qui consiste à supprimer, par la voie d'une proposition de loi, certaines des dispositions de la loi du 16 décembre 2010, est plus que contestable. Elle est révélatrice de la volonté de la majorité de rayer au plus vite une réforme qu'elle désapprouve. Nous sommes bien loin du dialogue « serein et respectueux de chacun » que le président du Sénat avait appelé de ses voeux lors de l'ouverture des états généraux de la démocratie territoriale, bien loin de sa volonté d'engager une « nouvelle réflexion sur les droits et libertés des collectivités locales, sur les compétences, sur les financements, sur les solidarités territoriales, en un mot : sur le devenir de la France des territoires ».
On aurait légitimement pu attendre d'un gouvernement qui entend faire de la concertation sa méthode de gouvernance, qu'il soumette à la représentation nationale un projet de loi abouti, qui comprenne, outre la question du conseiller territorial, un certain nombre de sujets qui lui sont fondamentalement connexes. Qu'en est-il de la répartition des compétences entre département et région ? Qu'en est-il de la question du mode de scrutin ? Qu'en est-il des dates des élections ? Qu'en est-il, encore, du statut de l'élu ?
De nombreux points restent en suspens et c'est là le deuxième reproche que nous adressons aux auteurs de cette proposition de loi. Aucune des conséquences d'une décision dont l'issue, que l'on choisisse son maintien ou sa suppression, sera déterminante pour le devenir de notre organisation territoriale, n'est anticipée.
Demeure une totale incertitude en ce qui concerne le calendrier électoral : 2014 devait être une année de profond renouvellement électoral, l'année des municipales, des territoriales, des européennes, des sénatoriales. Selon le Gouvernement, la fusion des élections prévue par la réforme territoriale ne sera pas appliquée et les élections cantonales et régionales, à nouveau différenciées, seront reportées à 2015. Or ces décisions auront des conséquences sur la base électorale des élections sénatoriales.
On nous a également annoncé une probable vaste réforme du système électoral, notamment une modification du mode de scrutin des conseillers généraux qui irait de pair avec ce nouveau calendrier. Dans ces conditions, quel type de scrutin allez-vous prévoir pour les élections cantonales ?
À en croire le discours de clôture des états généraux de la démocratie prononcé le mois dernier par le Président de la République, le Gouvernement envisage, pour les cantonales, un scrutin majoritaire paritaire binominal, espèce de mariage obligatoire pour les conseillers généraux. Rappelons qu'une telle réforme entraînerait un redécoupage des cantons afin d'effacer les disparités démographiques : leur nombre devrait passer de 4 000 à 2 000. Ces éléments devraient également être pris en compte, et ils ne le sont pas dans ce texte.
En fait, on nous demande de voter un texte qui rétablit un système dont on sait qu'il sera supprimé a priori avant mars prochain si l'on entend respecter la tradition qui veut que l'on ne modifie pas les règles du jeu électoral moins d'un an avant l'échéance.
En réalité, cette proposition de loi n'a qu'une vocation, exprimée de façon récurrente depuis six mois : supprimer une des réformes emblématiques du précédent quinquennat, sans réflexion d'ensemble sur l'équilibre politique et institutionnel de nos institutions. Nous estimons que la question du conseiller territorial ne peut être examinée isolément. Elle doit s'accompagner d'une véritable analyse et d'une clarification des compétences car notre responsabilité d'élus locaux et nationaux est de ne pas bâcler des chantiers essentiels pour notre pays en termes d'organisation territoriale.
Gommer hier pour revenir à avant-hier n'est pas écrire demain, surtout quand aujourd'hui reste dans la brume.
Vous nous demandez de sauter de l'avion dans le vide en expliquant que le parachute nous attend au sol. Nous n'irons pas nous écraser avec vous. C'est pourquoi le groupe UDI ne prendra pas part à ce vote mascarade. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi d'abrogation du conseiller territorial.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 507
Nombre de suffrages exprimés 501
Majorité absolue 251
Pour l'adoption 332
Contre 169
(La proposition de loi est adoptée.)
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
La parole est à Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, mesdames et messieurs les députés, c'est toujours un plaisir d'être devant vous, mais aujourd'hui c'est un plaisir renouvelé. (Sourires.)
J'espère qu'il est partagé, puisque nous allons ensemble étudier le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
D'aucuns ont souhaité que je m'exprime à nouveau devant vous : c'est pour moi un plaisir, et je le fais avec la conviction affermie que permet l'expérience du trébuchement.
Ce projet de loi répond à l'urgence de tous ceux qui attendent d'accéder au logement social, faute de pouvoir se loger dignement dans le parc privé. Les Français exigent que nous allions vite. La situation des plus fragiles est d'autant plus grave en temps de crise et je mesure chaque jour davantage l'urgence dans laquelle nous nous trouvons.
C'est pour cette raison que les objectifs de construction sont si ambitieux. C'est pour cette raison qu'il faut construire davantage de logements sociaux, en particulier en zone tendue. C'est pour cette raison qu'il nous faut renforcer les obligations en termes de mixité sociale, et cela en dépit de l'opposition de certains, qui voudraient continuer à conforter les logiques de séparatisme social à l'oeuvre dans notre société.
L'annulation par le Conseil constitutionnel, le 24 octobre dernier, pour une pure question de procédure, du texte que vous aviez adopté n'a en rien entamé, vous l'avez compris, la volonté du Gouvernement…
…de mettre en oeuvre une réforme qui traduit dans les faits deux engagements de campagne du Président de la République : d'une part, la cession du foncier public avec une forte décote, pouvant aller jusqu'à la gratuité, pour la construction de logements sociaux ; d'autre part le renforcement des dispositions de l'article 55 de la loi SRU, avec le relèvement de l'objectif de 20 à 25 % de logement social par commune et le quintuplement des pénalités pour les communes qui ne respectent pas leurs engagements.
Nous avons eu l'occasion, lors du premier examen de ce texte, d'échanger de manière très riche et très constructive – je vous en remercie encore. Lors du débat parlementaire, le texte a été amélioré sur bien des points, notamment de manière à ce que l'effort demandé aux communes profite en particulier aux ménages les plus modestes, par le développement du logement locatif très social financé en prêt locatif aidé d'intégration, ou PLAI. Un équilibre a également été recherché pour tenir compte de la situation particulière de certaines communes, concernées par des normes d'inconstructibilité.
Lors de ces débats, j'ai pu constater avec beaucoup de satisfaction que la loi SRU, qui avait été si vivement critiquée au moment de son adoption, était devenue, en une dizaine d'années, une référence commune pour la majorité, voire la totalité d'entre nous, alors même que les obligations qu'elle instaurait étaient d'abord apparues à certains comme inadmissibles ou irréalistes.
Aujourd'hui, il nous faut franchir une nouvelle étape et ma détermination à agir, tout comme celle du Gouvernement, est entière. Je vous appelle à partager une même volonté et une même ambition, de manière que ce texte puisse être adopté d'ici à la fin de l'année et qu'il soit effectivement applicable dès le début du mois de janvier.
Sur le fond, le texte que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, qui a été adopté mercredi dernier en Conseil des ministres et jeudi par la commission des affaires économiques, sous la conduite, toujours aussi éclairée, du président Brottes, est, dans sa quasi totalité, identique à celui qui a fait l'objet d'une adoption dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée nationale les 9 et 10 octobre derniers.
Comme j'ai pu le souligner lors des travaux menés par votre commission des affaires économiques, les principales modifications sont des précisions d'ordre juridique, apportées au texte à la suite de son nouvel examen par le Conseil d'État.
Les premières modifications ont pour objet de sécuriser les conditions dans lesquelles la décote accordée sur le foncier public sera assortie de contreparties et de garanties, sujet sur lequel vous êtes, à raison, particulièrement vigilants. Ainsi, il est notamment explicité dans le projet de loi : que l'avantage financier résultant du système de décote sera exclusivement répercuté sur le prix de revient des logements locatifs sociaux, ou sur le prix de cession des logements en accession à la propriété ; qu'un logement social ayant bénéficié d'une décote devra demeurer dans le secteur locatif social pendant une durée minimale de vingt ans ; que seront encadrées les plus-values éventuellement réalisées par l'acquéreur-accédant lors d'une cession ultérieure du bien, ou, pour une opération d'accession sociale, lors d'une mise en location ultérieure ; enfin, que la décote octroyée pour les logements en prêt locatif social ou en accession sociale sera expressément limitée à 50 %, afin de privilégier la construction de logements sociaux réservés aux plus modestes.
Ces dispositions permettent de renforcer la constitutionnalité du dispositif sans en atténuer la portée : je crois que tout le monde aura compris combien je suis sensible à la constitutionnalité parfaite de ce texte.
D'ores et déjà, forts de ce nouvel examen, les services de mon ministère ont pu s'atteler à la préparation des décrets d'application du dispositif, afin qu'ils puissent être transmis au Conseil d'État dès la promulgation de la loi. D'ores et déjà, j'ai, le 13 novembre dernier, mobilisé les préfets de région en leur indiquant que la loi que vous avez l'occasion de voter leur donnerait une responsabilité majeure, en leur confiant le soin d'établir la liste des terrains qui devront être cédés avec décote pour permettre d'équilibrer les opérations de construction comportant des logements sociaux, après avis du comité régional de l'habitat et des communes et EPCI concernés.
Les préfets seront – ils en sont bien conscients – évalués sur leur engagement dans la bonne application de la loi. Je leur ai donc demandé de mettre en ordre de bataille les services chargés de l'évaluation domaniale, de l'aménagement opérationnel et du logement, pour travailler avec les collectivités bénéficiaires et s'assurer de la qualité de la programmation urbaine bénéficiant de l'effort consenti par l'État ou les établissements publics propriétaires. Je leur ai, enfin, rappelé le rôle déterminant de suivi qu'ils devront jouer pour satisfaire aux demandes légitimes que vous avez exprimées en exigeant un compte rendu fiable et exhaustif de l'application du dispositif en passe d'être adopté.
Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis comporte aussi une modification des dispositions applicables en matière de réquisition de logements vacants, que vous aviez souhaité renforcer à l'initiative du président Chassaigne, auteur de deux amendements sur ce noble sujet.
Je voudrais, à cet instant, redire ma détermination s'agissant de la possibilité de recourir à la réquisition. Je voudrais aussi vous dire que j'ai conscience des limites de la loi adoptée en 1998. À l'occasion du débat devant votre assemblée, j'avais évoqué la nécessité de réviser ce dispositif législatif dans le cadre de la loi qui sera présentée au premier semestre 2013, mais j'avais aussi souhaité donner un avis favorable du Gouvernement à ces amendements, afin de renforcer le signal clair adressé aux propriétaires qui laissent leurs logements vacants.
Le premier de ces amendements visait à accélérer la procédure de réquisition, en abaissant à douze mois le délai pendant lequel un bien devait avoir été laissé vacant pour être réquisitionné : il a été conservé tel quel. Le second amendement visait, quant à lui, à faire obstacle à ce qu'un propriétaire indélicat puisse échapper au régime de réquisition en présentant un échéancier de travaux purement dilatoire. Je partage complètement, aujourd'hui comme hier, et je le dis devant vous, cet objectif fondamental.
Néanmoins, tel qu'il était rédigé, l'amendement supprimait purement et simplement cette possibilité pour tous les propriétaires, y compris pour ceux qui s'engageaient de bonne foi à faire des travaux pour mettre leur bien en location, après avoir été menacés de réquisition par le préfet. Or, cet amendement était, semble-t-il, contraire à la Constitution : c'est en tout cas ce qu'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1998 sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Une autre rédaction avait donc dû être trouvée à l'époque.
Au-delà des formulations juridiques, permettez-moi de réaffirmer devant vous que mon ambition, partagée publiquement par le Premier ministre, ne fléchira pas. Permettre au plus grand nombre de nos concitoyens, et notamment aux plus démunis, d'accéder à un logement, passe aussi, quand c'est nécessaire, par la réquisition. Faites-moi confiance : compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons à la date du 20 novembre, je peux vous dire que nous réquisitionnerons dès cet hiver. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Les démarches de repérage des bâtiments vacants annoncées par le Premier ministre sont en cours de finalisation. Dès la fin de cette semaine, je mandaterai le préfet de la région Île-de-France afin que ses services s'organisent pour mettre en oeuvre les modalités pratiques. Et j'élargirai le dispositif à d'autres régions lorsque le besoin s'en fera sentir. Le nouveau régime des réquisitions nous fournira donc toutes les armes nécessaires.
L'objectif, que le Gouvernement partage pleinement avec le président Chassaigne et la majorité qui a adopté le texte il y a maintenant quelques semaines, est de poser un verrou sur le dispositif de réquisition pour empêcher les manoeuvres dilatoires des propriétaires, qui permettaient jusqu'alors à certains bailleurs de se prévaloir d'un engagement de travaux dont l'unique finalité était d'échapper à la procédure de réquisition, sans mise en oeuvre de location.
Nous sommes obligés de maintenir, dans son principe, cette possibilité de s'engager à effectuer des travaux car elle constitue une composante de la protection du droit de propriété reconnue par le Conseil constitutionnel. Mais elle est désormais clairement encadrée.
Les travaux devront être prévus pour une mise en location, et non pour une autre fonction. Le délai consenti pour réaliser les travaux de remise en location, qui ne connaissait pas jusqu'alors de limite dans la loi, ne pourra désormais plus excéder une durée de vingt-quatre mois.
Je sais que certains, dans cet hémicycle mais aussi en dehors, même parmi mes amis et mes compagnons de route, se sont émus de voir inscrit dans la loi ce délai possible de réalisation des travaux. Je tiens ici à rappeler qu'il s'agit d'un délai maximum, dont la pertinence sera examinée par le préfet, qui en contrôlera précisément les composantes.
Pourquoi vingt-quatre mois plutôt que six ou douze, me direz-vous ? Tout simplement parce que ce délai sera parfois nécessaire pour intervenir sur des bâtiments lourdement dégradés et qui nécessiteraient des travaux de rénovation particulièrement importants. Mais ce délai n'est pas valable pour l'ensemble des opérations, il sera évalué par le préfet, lequel pourra considérer que l'échéancier de travaux qui lui est présenté n'est pas exact.
Ce délai de vingt-quatre mois demeurera toutefois l'exception, je le redis. Je donnerai en effet des instructions de grande vigilance aux préfets pour que les échéanciers qu'ils examineront s'inscrivent dans des délais raisonnables, responsables et volontaristes.
Par ailleurs, je souhaite vous apporter d'ores et déjà, et avant même le débat, certaines précisions sur le décret d'application de cette mesure, qui sera strictement encadrée.
Le propriétaire devra tout d'abord soumettre au préfet l'échéancier de réalisation des travaux dans un délai d'un mois à compter de l'engagement initial de la procédure de réquisition. Un mois, c'est un délai très court, ce qui permettra d'évaluer la bonne foi du propriétaire. Dès ce stade, en plus d'un échéancier, il lui appartiendra de fournir tous les devis d'ores et déjà à sa disposition pour justifier de manière précise son plan de travaux.
Le reliquat des devis exigés par l'échéancier, notamment pour les travaux plus complexes, devra pour sa part parvenir au préfet revêtu de l'accord formel du propriétaire, c'est-à-dire signés, dans un délai maximum de deux mois que le préfet pourra abaisser à quinze jours s'il l'estime justifié au regard des circonstances de l'espèce.
Le suivi de la réalisation des travaux, et donc du respect scrupuleux de son engagement par le propriétaire, sera en outre précisé et encadré.
Le propriétaire devra rendre compte tous les trois mois de l'état d'avancement des travaux, ce qui permettra au préfet de contrôler avec précision l'échéancier, la réalité et le suivi des travaux. En cas de manquement, le préfet aura la possibilité de procéder directement à la réquisition du bien sans reprendre à zéro la procédure contradictoire.
Aucune manoeuvre dilatoire ne sera donc plus possible avec le nouveau régime de réquisition résultant de notre texte. Soit les logements vacants seront remis aux normes rapidement pour être reloués, soit ils seront réquisitionnés.
Tel est l'engagement que je prends devant vous de manière précise, car les choses qui s'énoncent clairement sont beaucoup plus confortables pour les uns et les autres. Vous en verrez les résultats rapidement, au service des plus démunis et dans le respect du droit.
Le troisième type de modifications, mineures, concerne les dispositions relatives à l'article 55 de la loi SRU.
Comme vous le savez, la disposition incluant, hors de l'Île-de-France, les communes de plus de 1 500 habitants en zone tendue, avec un taux de 10 %, a été retirée à la suite d'un engagement politique pris par le Premier ministre.
S'agissant du quintuplement des pénalités applicables aux communes ne respectant pas leurs engagements, prévu à l'article 16, le Conseil d'État a proposé de fixer leur plafonnement à 7,5 % des dépenses réelles de fonctionnement de la commune pour sécuriser encore davantage cette disposition et la rendre compatible avec le principe de libre administration des collectivités locales. Je crois ce geste utile.
Enfin, le régime transitoire prévu à l'article 26, permettant d'appliquer les nouvelles dispositions du projet de loi dès l'issue du triennal en cours, a été retouché de manière à tenir compte de la probable nouvelle date d'entrée en vigueur du texte. Il instaure ainsi, pour l'année 2013, une nouvelle période de référence, pendant laquelle les communes devront réaliser des objectifs spécifiques, dont le non-respect pourra être sanctionné selon les nouvelles modalités.
Quant aux dispositions relatives au Grand Paris, elles sont aujourd'hui stabilisées de sorte que les CDT qui seront conclus le seront dans le cadre du SDRIF qui sera prochainement adopté.
C'est donc un texte conforme à la volonté partagée du Gouvernement et du Parlement que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
L'enjeu de cette loi, au-delà de l'objectif quantitatif de construction, c'est l'engagement de l'État et des collectivités locales, ensemble, au service de la cohésion nationale. Pour répondre à l'urgence, l'État mobilise le foncier et les collectivités territoriales prennent, elles aussi, leurs responsabilités.
C'est une question d'efficacité : en libérant du foncier, l'État facilite l'équilibre des opérations portées par les collectivités. C'est aussi une question de justice : il n'y aura pas d'égalité territoriale sans mixité sociale.
Il nous faut, en matière de politiques d'égalité des territoires et du logement, un cap, une volonté et un outil. Le cap, c'est l'égalité territoriale. La volonté, c'est celle de mobiliser toutes les ressources disponibles en faveur de la construction de logements et en particulier de logement social. L'outil, c'est cette loi de mobilisation générale pour construire des logements, que je vous présente avec conviction et avec une détermination intacte, parce que c'est une loi qui sera efficace et juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)
La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, chers collègues, je suis moi aussi ravie de vous retrouver.
Le logement est un thème que nous avons déjà abordé à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, lors de la session extraordinaire comme depuis l'ouverture de cette session ordinaire.
Nous en avons évidemment parlé à l'occasion des débats sur le premier projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, mais également à l'occasion du projet de loi de finances pour 2013, que nous venons d'adopter et qui comporte plusieurs mesures fiscales visant à lutter contre la crise du logement.
Je pense notamment au renforcement de la taxe sur les logements vacants, à l'inversion de la fiscalité sur les plus-values pour lutter contre la rétention foncière, à la majoration de la taxe foncière des terrains constructibles situés en zone tendue, à l'augmentation de la taxe sur les friches commerciales, et enfin au nouveau dispositif de soutien à l'investissement locatif, pour lequel je me réjouis que l'on ait retenu un zonage plus ciblé et des critères de plafonnement des loyers et de conditions de ressources plus restrictifs et plus sociaux.
Ces mesures, qui s'ajoutent au décret d'encadrement des loyers pris cet été ainsi qu'au relèvement du plafond du livret A et du livret de développement durable, montrent que la mobilisation générale pour lutter contre la crise du logement qui touche de plein fouet toutes les catégories sociales, et depuis trop longtemps, est bien engagée et que rien ne la freinera. Aucun obstacle ne nous arrêtera.
Je ne reviendrai pas sur les multiples raisons qui me conduisent à soutenir ce projet de loi, aujourd'hui comme hier. Il permettra de construire plus de logements, plus de logements sociaux, et de mieux les répartir sur le territoire.
Le texte s'articule, comme le précédent, autour de deux grands axes qui sont autant d'engagements du Président de la République et du Premier ministre. Le premier est de mobiliser le foncier public en cédant plus vite et moins cher des terrains de l'État et de ses établissements publics, pour y construire des logements et y donner une priorité plus forte au logement social.
Le second est de renforcer les objectifs de la loi SRU, car l'impératif de mixité sociale ne se satisfait pas du seul jeu de l'offre et de la demande, et que si la loi SRU a fait ses preuves dix ans après, elle montre aussi que l'effort doit être accentué et mieux réparti.
Le troisième titre du projet de loi porte sur le Grand Paris, et je laisserai le soin au rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire le soin d'y revenir.
Pour ma part, je me réjouis que les dispositions du texte que nous avons voté ici le 9 novembre, tel qu'il était issu de la commission mixte paritaire, aient été reprises presque intégralement. Cela marque la convergence de vues entre le Parlement et le Gouvernement, et cela permettra surtout, cette fois-ci, une mise en application rapide afin de répondre à l'urgence économique et sociale à laquelle sont confrontés les Français.
Avant nos débats, et afin de les éclairer, je voudrais rapidement revenir sur les enrichissements qu'a permis d'apporter le précédent travail parlementaire et que la commission des affaires économiques a entérinés la semaine dernière en examinant le projet de loi sans y intégrer d'amendements nouveaux.
S'agissant du titre Ier, relatif à la mobilisation du foncier public, nous avions précisé, en octobre, les circonstances locales qui entourent la fixation de la décote pour la cession des terrains de l'État et des établissements publics. Nous avions proposé que les organismes privés, notamment dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, puissent également bénéficier de cette décote. Nous avions offert la possibilité aux établissements publics, notamment scolaires, situés sur ces terrains de se voir appliquer eux aussi une décote. Nous avions fixé des clauses anti-spéculatives d'une durée de dix ans, introduit la nécessité de prendre en considération le patrimoine naturel des terrains concernés et, surtout, veillé au suivi, au contrôle et à l'évaluation de la liste des terrains et de leurs cessions. En cela, nous avions contribué à créer une Commission nationale de l'aménagement de l'urbanisme et du foncier, car nous avions bien noté que la décision politique doit être encadrée pour être suivie d'effets. Voter une loi, c'est bien, mais la faire appliquer vite et bien, c'est encore mieux.
Lors de ces précédents travaux parlementaires, nous avions également beaucoup discuté des baux emphytéotiques. Nous avons rappelé leur existence, encouragé leur utilisation en l'état actuel du droit, mais surtout fait en sorte qu'une décote puisse s'appliquer sur la valeur de référence du terrain qui, bien que non cédé, fera l'objet d'un bail emphytéotique.
Enfin, nous avions longuement débattu de la mixité sociale – « dans tous les sens », selon l'expression de notre collègue Benoist Apparu – et demandé au Gouvernement de nous remettre un rapport sur la règle des trois tiers bâtis, qui constitue un engagement du Président de la République, afin de ne pas construire n'importe quel logement, ni n'importe quel logement social, n'importe où.
S'agissant du titre II, renforçant les obligations de production de logement social, je vous rappelle que nous avions défini une procédure pour régler un éventuel désaccord entre le maire et le préfet lors de la vente d'un logement HLM. Nous avions surtout introduit des planchers pour les PLAI, les logements très sociaux, et des plafonds pour les logements PLS, les logements sociaux intermédiaires, aussi bien pour les communes soumises aux obligations triennales que pour les communes carencées. Pour ces dernières, nous avions étendu les obligations non seulement aux communes qui ne sont pas couvertes par un PLH, mais aussi à celles qui le seront demain, ou dont le PLH aujourd'hui existant pourrait être modifié.
De plus, nous avions étendu l'application de l'obligation de construire des logements sociaux aux villes dites « champignon », en leur imposant une obligation de 20 % de logements locatifs sociaux. Ce sont les communes de plus de 15 000 habitants qui sont en forte tension mais qui ne se situent pas dans une agglomération et n'étaient donc pas soumises à la loi.
Par ailleurs, nous avions demandé un inventaire complémentaire afin de savoir enfin, ce qui n'est pas le cas jusqu'ici, quels types de logements sociaux sont construits et quel est leur financement.
Nous avions également demandé au Gouvernement un rapport sur la possibilité de mettre en place un permis de louer pour lutter contre l'habitat indigne, ce qu'il a accepté. C'est aussi un sujet qui nous tient à coeur.
Enfin, à l'initiative d'un certain nombre de députés, nous avions abordé la question des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, celle des syndicats d'agglomération nouvelle, ou SAN, celle de l'exposition au bruit à Roissy, ainsi que celle des différents cas d'inconstructibilité.
Voici tous les éléments que je tenais à vous rappeler. Si la procédure recommence au point de départ, je crois qu'il est important de garder en tête que nous ne repartons pas de zéro sur le fond.
Les différents points, que nous avions précédemment introduits par voie d'amendement se retrouvent maintenant dans le texte qui nous est présenté. Cela traduit le respect du Gouvernement vis-à-vis des intentions exprimées par la représentation nationale, mais aussi la qualité des échanges que nous avons eus jusqu'ici.
Madame la ministre, vous avez rappelé certaines précisions techniques qui ont été ajoutées à ce projet de loi. Je n'y reviens pas. La commission des affaires économiques les a étudiées et les a toutes adoptées sans observation particulière.
J'aurai un dernier mot concernant l'introduction d'une obligation de production de logement social dans les communes de 1 500 à 3 500 habitants. J'ai bien conscience que cette mesure fait encore débat, et je ne souhaite pas que cette disposition bloque un processus général que j'estime vertueux.
À titre personnel, je continue de penser que cette mesure ne fragiliserait pas les communes concernées, et qu'elle permettrait de répartir les logements sociaux sur tout le territoire.
Pour conclure, je veux souligner à nouveau que ce projet de loi s'inscrit dans une feuille de route plus large, que Mme la ministre a détaillée à de nombreuses reprises dans cet hémicycle. Encadrement des loyers, éradication de l'habitat indigne, remise à niveau des copropriétés dégradées, sécurisation des relations locatives dans le parc privé comme dans le parc social, attributions, DALO, rénovation thermique, habitat participatif : les défis à relever en matière de logement sont nombreux.
Le texte que nous examinons aujourd'hui n'a pas vocation à épuiser tous ces sujets, que nous devons néanmoins prendre à bras le corps, parce qu'ils mettent à mal notre pacte républicain et qu'ils permettront demain de mettre fin au mal-logement qui frappe notre pays.
Mes chers collègues, ce texte représente en tout cas une étape incontournable pour améliorer rapidement le quotidien d'un grand nombre de nos concitoyens. Je vous invite à franchir cette étape définitivement. Plus que jamais, madame la ministre, nous sommes prêts à nous mobiliser avec vous, et à nous engager sur le chemin du changement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
La parole est à M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la ministre, messieurs les présidents de commissions, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui est un texte important. L'incident technique qui nous impose de le réexaminer n'entame en rien la volonté du Gouvernement et de la majorité de renforcer la production de logements sociaux et, pour ce qui nous concerne ce soir, de poursuivre également les projets du Grand Paris. Au-delà des polémiques stériles ou des manoeuvres dilatoires, le Gouvernement continue d'avancer sur ce projet fondamental pour la région capitale et ses habitants.
Depuis de trop nombreuses années, les inégalités d'accès au logement s'accroissent. La pénurie de logements conjuguée à la baisse du pouvoir d'achat des ménages aggrave les effets de la forte hausse des prix. Parmi les zones tendues identifiées dans la loi, l'Île-de-France est probablement la région où la situation est la plus critique. C'est pourquoi l'augmentation de la construction de logements sociaux est l'objectif à atteindre sur l'ensemble du territoire.
En Île-de-France, cet objectif est directement lié au projet du Grand Paris et au schéma directeur de la région Île-de-France. L'une des ambitions de la loi sur le Grand Paris votée en 2010 était de mener à bien la construction de 70 000 logements par an en région parisienne, c'est-à-dire de doubler le rythme de construction actuel. Je rappelle que nous construisons actuellement 35 000 logements par an en moyenne dans notre région. De la coupe aux lèvres, un effort important reste à faire. C'est dans ce but qu'ont été crées les contrats de développement territorial, outils innovants de partenariat entre collectivités qui déclinent les objectifs dans les territoires, et notamment en Île-de-France, par bassin et par secteur. Si aucun cadrage n'a été imposé par la loi, le préfet de région, M. Canepa, avait indiqué en 2011 qu'il était souhaitable d'inscrire dans les CDT un objectif de construction de 30 % de logements sociaux. De fait, les CDT précisent le pourcentage de logements sociaux à réaliser dans chacun des territoires.
Cependant, vous l'avez compris, les CDT vont bien au-delà de la question du logement. Ils constituent la traduction des opérations liées notamment au métro du Grand Paris. Il s'agit d'allier des projets pour l'emploi, la maîtrise de la densification urbaine, les réseaux de transports et l'environnement, mais également l'enseignement supérieur, la recherche, les équipements culturels et sportifs. Adapter très précisément les engagements du Grand Paris à chaque territoire : tel est l'objet des CDT.
À cet égard, l'article 31 du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui comporte une modification par rapport au texte adopté en commission mixte paritaire : c'est la conséquence de l'examen d'un projet de nouveau schéma directeur par le conseil régional d'Île-de-France le 25 octobre dernier. Ainsi, jusqu'à l'approbation définitive du nouveau SDRIF, attendue pour l'automne 2013, c'est avec les dispositions du projet de SDRIF de 2008 – du moins avec celles qui ne sont pas contraires à la loi relative au Grand Paris – que les CDT élaborés avant l'adoption du nouveau SDRIF devront être compatibles. Cette modification renforce la sécurité juridique des futurs CDT, qui ne sont pas encore signés – rappelons qu'une vingtaine de contrats sont à ce jour en cours d'élaboration –, ainsi que des projets importants d'urbanisme et de développement économique mis en place par des collectivités locales d'Île-de-France dans le cadre de la poursuite du projet du Grand Paris, qui font l'objet de l'article 32. Mes chers collègues, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a approuvé ces articles 31 et 32.
En conclusion, je voudrais élargir mon propos. Si le Grand Paris concerne de prime abord les 12 millions de Franciliens qui y vivent, ses enjeux sont nationaux, car de ces projets dépendent l'ouverture sur le monde et le rang international de la région capitale.
Si les engagements pris par le Gouvernement pour la mise en oeuvre de ce projet d'envergure et de ses projets connexes dans la région capitale sont clairs, nous devrons néanmoins apporter des réponses innovantes et efficaces dans le domaine essentiel de la gouvernance.
Madame la ministre, vous le savez : les objectifs en matière de construction de logements en Île-de-France sont ambitieux. Sans une coopération renforcée de l'ensemble des acteurs concernés, y parviendrons-nous ? Certes, une partie de la réponse figure dans le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui et qui doit être adopté, car cette étape est indispensable. Mais une autre partie de la réponse réside dans les débats et les décisions qui seront prises au printemps 2013, dans le cadre du troisième acte de la décentralisation. En Île-de-France, si nous voulons atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés en matière de logement, nous devons absolument aller vers une évolution de la gouvernance. Sans un échelon institutionnel métropolitain ou régional doté d'un financement, de compétences et d'un périmètre lui permettant d'intervenir sur la question du logement, ces objectifs ambitieux seront difficiles à atteindre. Nous faisons confiance au Gouvernement pour apporter des réponses dans le débat qui se précisera au printemps. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.
Madame la présidente, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mesdames et messieurs les élus, j'ai l'honneur de défendre pour la seconde fois, au nom du groupe UMP, une motion de rejet sur le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
Lors du premier examen de ce texte en commission et en séance publique, les députés de mon groupe se sont inscrits dans une logique d'opposition constructive. Ils l'ont d'ailleurs démontré par les amendements qu'ils ont présentés, malgré des conditions de travail contraires à la Constitution.
Nous sommes opposés à ce texte à la fois pour des questions de forme et de fond que je souhaite rappeler.
Sur la forme, on peut légitimement s'interroger, à nouveau, sur la manière dont les parlementaires sont traités par le gouvernement de M. Ayrault, d'autant que les ministres qui étaient précédemment parlementaires – ce qui n'est pas le cas de tout le monde (Mme la ministre agite la tête en direction de la tribune) – comptaient parmi les premiers à critiquer, il y a quelques mois, la précipitation de leurs prédécesseurs.
Madame Duflot, ce n'était pas une critique mais un constat !
Mais je n'ai rien dit !
Moi non plus ! Je peux vous le dire en ukrainien si vous voulez : il n'y a pas de problème ! (Sourires.)
Chiche ?
Comme je l'avais indiqué à cette tribune lors de la première présentation de ce texte, la méthode utilisée par le gouvernement de M. Ayrault au début de la session extraordinaire de septembre était contraire à tous les principes constitutionnels résultant de la réforme de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy, et même à ceux qui lui préexistaient. L'avenir nous a donné raison. Le Gouvernement avait imposé au Sénat d'examiner en moins de six jours ce texte d'une grande importance pour l'avenir de nos collectivités territoriales. Il avait également imposé à l'Assemblée nationale une procédure accélérée qui n'avait pas permis un travail sérieux en commission.
Pourtant, le logement est une question complexe et particulièrement importante, qui mérite toute l'attention des parlementaires et justifierait la recherche d'un consensus national par la concertation plutôt que par la coercition.
La précipitation du Gouvernement prive notre assemblée du travail de fond indispensable en amont pour aboutir à une loi bien construite au service de l'intérêt général. Pour remplir un agenda politique insuffisant, le Gouvernement préfère à nouveau contourner les droits du Parlement et de l'opposition, notamment le droit d'amendement, et risquer l'adoption d'une loi bâclée. En agissant ainsi, il va à l'encontre de l'objectif initial et réduit l'efficacité des outils mis à disposition des collectivités et des constructeurs, qu'ils soient bailleurs ou qu'ils aient un autre statut.
En 2008, les parlementaires de gauche – communistes, socialistes et écologistes – estimaient que les pouvoirs du Parlement n'étaient pas suffisants. Nous avons procédé en juillet 2008 à une réforme constitutionnelle qui visait trois objectifs majeurs : le meilleur contrôle du pouvoir exécutif, le renforcement profond du Parlement, et la création de droits nouveaux pour les citoyens. Afin de renforcer les pouvoirs de la représentation nationale, la procédure législative a été encadrée dans un certain nombre de délais pour que le travail parlementaire puisse se dérouler dans des conditions raisonnables.
Chers collègues de gauche, vous estimiez vous-mêmes, autant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, que six semaines constitueraient un délai minimum pour permettre un travail sérieux et qu'il faudrait, sur des textes aussi importants que celui-ci, non seulement garantir la navette parlementaire autant que nécessaire, mais aussi donner aux commissions la possibilité de réaliser en amont des analyses, des expertises et des études d'impact en prévoyant des délais complémentaires. En somme, vous nous demandiez à l'époque de respecter le Parlement et de vous laisser faire votre travail.
Et voilà que vous faites exactement le contraire : quand on regarde la manière dont vous procédez, on peut se demander où sont passés les articles 42 et 44 de la Constitution. Où sont les délais prévus ? Les droits des parlementaires s'exercent naturellement en conférence des présidents, à qui la Constitution reconnaît désormais la possibilité de se prononcer sur l'opportunité de l'engagement de la procédure accélérée par le Gouvernement – c'est l'article 45 de la Constitution – et sur le respect par l'étude d'impact accompagnant chaque projet de loi des prescriptions édictées par la loi organique – c'est l'article 39 de la Constitution. Le 24 octobre, le Conseil constitutionnel, saisi par les sénateurs et les députés du groupe UMP, a pris acte de ce déni des droits du Parlement en déclarant votre loi inconstitutionnelle parce qu'elle ne respectait pas les articles 29, 39, 42, 44, 45 et 51-1 de la Constitution – excusez du peu ! –, ni l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires.
Notre motion de procédure était donc bien justifiée la fois dernière. À cette époque qui n'est pas si éloignée, vous nous aviez traités avec mépris et arrogance dans vos réponses : vous m'aviez dit que je n'avais pas démontré l'inconstitutionnalité du texte.
Je suis obligé de vous renvoyer à la décision du Conseil constitutionnel. Un peu d'humilité fait du bien à tout le monde, sur tous les bancs de cet hémicycle !
Madame la ministre, comme vous l'avez dit, le projet de loi a dû être modifié par le Conseil d'État, ce qui montre bien que nous avions raison de demander un nouvel examen du texte. Vous avez dû amender un certain nombre de dispositions qui étaient contraires à la libre administration des collectivités locales – nous vous l'avions dit – et à l'égalité des communes devant la loi – nous vous l'avions dit également. Vous avez dû modifier un certain nombre de seuils et de pourcentages.
Permettez-moi de vous redire que vous auriez eu beaucoup à gagner à approfondir le travail en commission et à respecter les droits et le travail des parlementaires. Un examen approfondi de ce texte avec des auditions publiques des acteurs concernés, comme nous avons pu le faire par le passé, aurait révélé l'inopportunité de ce projet.
Madame Linkenheld, voulez-vous que je vous renvoie au nombre d'auditions que nous avions organisées lors de l'examen du plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Voulez-vous que je vous renvoie au nombre d'auditions que Jean-Louis Borloo et moi avions organisées à l'occasion du plan de cohésion sociale ? Voulez-vous que je vous rappelle que nous avions consulté le Conseil économique et social, et la masse de documents qu'il en a résulté ?
Voici donc que vous récidivez : le Gouvernement impose à nouveau un rythme infernal à notre Assemblée. Vous l'avez dit vous-mêmes, le projet de loi a été adopté en conseil des ministres mercredi dernier, le 14 novembre, transmis à l'Assemblée nationale le jour même à 17 heures 30, et examiné en commission des affaires économiques le lendemain matin, ce qui laisse beaucoup de temps aux députés pour l'examiner ! Le dépôt des amendements a été clôturé hier matin à 10 heures, et le texte est discuté en séance publique aujourd'hui, moins d'une semaine après son adoption en conseil des ministres.
Compte tenu de votre première mésaventure, vous auriez pu faire amende honorable, et nous permettre d'examiner un texte aussi important en commission au moins un mois avant la séance publique. En outre, nous aurions dû examiner ce projet de loi non seulement en commission des affaires économiques, mais aussi en commission des finances, puisqu'il emporte des conséquences sur les finances de l'État et modifie les règles applicables aux communes éligibles à la loi SRU, ainsi qu'en commission des lois, pour envisager les implications directes de ce texte dans le fonctionnement de nos communes et de nos territoires. Nous aurions aussi dû avoir aussi le temps d'examiner une étude d'impact, et le droit de prendre le temps d'amender le texte et d'examiner dans le détail les amendements en commission. Les délais sont évidemment bien trop courts pour réaliser le travail de fond nécessaire !
Je le répète : vous nous imposez un examen du texte à la hussarde. Pourquoi une telle précipitation ? Vous nous direz que la situation du logement est calamiteuse, et qu'il est plus qu'urgent d'agir. Excusez-moi de vous répondre que nous nous en étions aperçus avant vous, et que nous avons pris le problème à bras le corps depuis 2004.
Si l'on fait preuve d'un minimum d'objectivité, on arrive à la conclusion que la crise du logement est d'abord liée à un problème démographique, que vous refusez de voir. Comme on vit de plus en plus longtemps et qu'il y a de moins en moins de personnes par maisons et appartements, cela nécessite de plus en plus de constructions. Dans une ville moyenne de 30 000 habitants comme la mienne, il faut mille logements supplémentaires pour garder la même population qu'il y a vingt ans. Vous vous refusez également à prendre en considération des phénomènes de société, comme la décohabitation, dont les conséquences ne sont pas nulles.
Pour notre part, nous nous avons tenu compte de ces problèmes. En cinq ans, nous avons construit deux millions de logements – contre 1,6 million entre 1997 et 2001 – dont 600 000 logements sociaux alors que vous n'en avez même pas construit les deux tiers.
Non ! Je rappelle seulement que c'est à grâce à l'efficacité de la loi SRU.
Nous serons vigilants, madame la rapporteure. Dans le cadre de l'examen de chaque budget du logement de ce quinquennat, nous ferons le compte de ce que vous aurez réalisé !
Les mauvais chiffres ne sont pas uniquement dus à la crise. Tous les gouvernements ont traversé des crises.
Lorsque, avec Jean-Louis Borloo, je me suis occupé du secteur du logement, il y avait, je vous le rappelle, 10,3 % de chômage. À la fin de 2006, celui-ci s'élevait à 7,6 %. Je vous rappelle également que nous avons triplé le financement du logement social HLM et quadruplé l'accession sociale à la propriété (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)…
…et quintuplé, chers collègues, le financement du logement très social, sans même parler du parc privé.
Soyez assurés que nous ne manquerons pas, année après année, de vous rappeler quels étaient les chiffres au moment où vous êtes arrivés au pouvoir. Que vous ne les assumiez pas pour cette année, cela peut se concevoir. Mais au bout d'un an, de deux ans, de trois ans, de quatre ans, nous ferons les comptes et serons en mesure de faire des comparaisons.
Mes chers collègues, ce n'est pas en refusant le débat sur le fond, ce n'est pas en privilégiant la contrainte plutôt que le contrat, la coercition plutôt que l'incitation, ce n'est pas en refusant la concertation que vous sortirez de cette crise.
J'ai bien entendu Mme Duflot nous annoncer d'autres lois à venir. Pour avoir été moi-même ministre, je sais que l'on peut annoncer plusieurs lois, mais je sais aussi que, le temps s'accélérant, on s'aperçoit bien souvent que ce n'est pas si simple et que, sur la durée d'un quinquennat, on ne réussit à faire qu'une seule loi à peu près correctement. En outre, à force de modifier les dispositifs, de tricoter et détricoter les mesures fiscales, et de ne pas en assurer la pérennité, on aboutit à l'effet inverse.
Je vous rappelle très calmement et sans a priori idéologique – je m'adresse aussi à mes collègues communistes pour qui j'ai beaucoup d'estime – que deux ministres se sont essayé à faire des lois sur la réquisition des logements vacants : une ministre de gauche et un ministre de droite, Mme Lienemann et M. Périssol pour ne pas les nommer. Le résultat est là !
D'une part, très peu de logements ont pu être mis à disposition de personnes en grande difficulté.
D'autre part, cela a cassé le processus de mise à disposition par les propriétaires de logements sur le marché du locatif privé et, en conséquence, diminué l'offre de logements.
Non !
Je prends date pour l'avenir : vous n'aurez guère plus de succès que Mme Lienemann et M. Périssol !
J'en viens à la question de la question de la mobilisation du foncier public. En cette période où l'argent public est de plus en plus rare, prenons garde de ne pas faire une politique à la manière du sapeur Camember ! Mettre à disposition des terrains de l'État avec une décote n'est pas une idée neuve : dans la loi de cohésion sociale, j'avais prévu une décote pouvant aller jusqu'à 35 %. Et avec la loi portant engagement national pour le logement, nous sommes même allés plus loin. Benoist Apparu a également approfondi cette question. En théorie, on peut mettre des terrains de l'État sur le marché pour faire face à la crise du foncier : le logement étant rare, il devient de plus en plus cher, et inversement. Mais les choses ne sont pas si simples. En réquisitionnant avec une décote pouvant aller jusqu'à 100 %, et même si le Conseil d'État a fait valoir un certain nombre d'arguments en la matière, vous privez l'État de moyens financiers.
Permettez-moi de remarquer qu'au-delà de la crise du logement il y a la crise de l'emploi et celle du secteur du bâtiment. Ce secteur connaîtra sa crise la plus grave depuis les années cinquante, qui ont abouti à l'appel de l'Abbé Pierre, voire depuis 1929. L'année prochaine sera une année noire, j'en prends, hélas, le pari.
Si vous cherchez de l'argent chez RFF, à la SNCF, à l'Assistance publique, au sein des organismes parapublics de l'État ou même au ministère de la défense et dans les grands ministères, vous empêcherez la réalisation d'autres projets. Mobiliser de l'argent pour réaliser un nombre de logements, somme toute limité au regard de l'objectif escompté, empêchera la réalisation du canal Seine-Nord et perturbera le secteur du bâtiment. Ce n'est donc pas ainsi que vous allez activer le levier de production du foncier. En revanche, je suis d'accord – je l'ai dit à plusieurs reprises, notamment sous la précédente législature – pour dire que les enjeux des plus-values, de la rétention du foncier et de la spéculation foncière sont autrement plus importants pour mettre du foncier à disposition.
J'en viens à la loi SRU, votre second outil pour lutter contre le mal-logement consistant à relever le seuil de logements sociaux. Vous faites une grossière erreur en persistant à penser qu'un logement est social à partir du moment où il s'agit d'un HLM public. La vérité, c'est qu'un logement est social à partir du moment où il est occupé par des personnes dont les caractéristiques de revenus et de charges de famille le rendent social. C'est la raison pour laquelle il y a autant de logements sociaux dans le parc privé ancien, en particulier dans la région parisienne et la Seine-Saint-Denis. Vous faites une erreur en affectant à des communes des quotas qui ne dépendent que de la production de HLM publics par des offices ou des sociétés de HLM.
Alors que les questions de l'offre de logement social et de mixité sociale se traitent au regard du nombre de personnes ayant des revenus très faibles et des charges de famille lourdes. Tout cela peut se faire très tranquillement en prenant les personnes éligibles à l'APL ou à l'allocation logement. Il faut donc révolutionner ce système, quitte à prévoir des pourcentages plus importants.
J'ai essayé de le faire, cher collègue. Mme Duflot vous le dira peut-être dans le livre qu'elle écrira prochainement ! (Sourires.) Les arbitrages ministériels, ce n'est pas un long fleuve tranquille…
Évitons la langue de bois et disons les choses simplement. Que fait un ministre du logement ? Il commence par se battre à Bercy pour essayer d'obtenir des arbitrages favorables. Or Bercy ne donne pas forcément satisfaction surtout dans des contextes de crise. Ce n'est pas lié à la qualité des ministres, mais à la difficulté des temps et au fait qu'ils se heurtent à une forteresse.
C'est pourquoi il faut essayer de trouver des solutions innovantes. La vérité, et je sais qu'elle vous déplaira, c'est que l'une des sources majeures de financement du logement, et qui ne repose pas sur la dépense publique, c'est la vente d'une partie du parc HLM. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est la seule solution pour avoir les moyens d'une grande politique du logement, à la hauteur des objectifs que vous vous assignez. Mais d'un point de vue idéologique, cela ne correspond pas aux discours ambiants.
Si : il suffit de faire en sorte qu'un certain nombre d'offices ne refusent pas de vendre une partie de leur parc alors que leurs habitants et locataires ne demanderaient pas mieux que de devenir propriétaires de leur logement dans un quartier qu'ils apprécient.
Madame la rapporteure, prenons date. Dans deux ans, voire trois ans, vous serez toujours là.
Vous êtes une brillante rapporteure...
Que se passe-t-il actuellement, madame la rapporteure, dans la communauté urbaine de Lille, où la densité de construction est forte, où l'on impose des taux de 25 ou 30 %, voire plus encore, de logements locatifs sociaux, financés de surcroît en PLUS ou en PLAI ? Cela aboutit au fait que des maires, qui sont loin d'être tous UMP, arrêtent leurs programmes de construction. Je vous donne rendez-vous dans deux ou trois ans pour faire le point sur vos objectifs.
À Lille même, vous aurez sans doute des résultats, mais dans la périphérie – 800 000 habitants sur un total d'un million –, ce ne sera sûrement pas le cas. Et cela vaut aussi pour Lyon, Toulouse et bien d'autres agglomérations.
Un autre contresens de ce projet de loi est de ne pas faire confiance aux communes. Que s'est-il passé avec la loi SRU ? Les différents ministres qui se sont succédé et qui ont accompagné ce dossier ont demandé aux préfets d'appliquer la loi. J'ai pour ma part fait inscrire dans la loi un principe de carence ; les préfets devaient faire saisir les terrains et faire construire autoritairement en cas de mauvaise volonté évidente de la commune. Or, en regardant les choses dans le détail, on s'aperçoit que seule une minorité de communes se refuse à construire des logements sociaux. Dans les premiers plans triennaux, les deux tiers des communes ne respectaient pas les objectifs imposés par la loi ; dans les suivants, seulement la moitié. Il suffit de regarder les chiffres : de plus en plus, les communes respectent la loi SRU et l'objectif triennal progressif des 20 %.
Une majorité de communes respectent désormais l'objectif triennal, les ministres ici présents peuvent en témoigner. En fait, elles sont davantage entravées par des contraintes techniques qu'animées par une volonté politique de refus.
Si on veut les aider, dans un contexte où l'argent est rare et où le Gouvernement a fait des annonces sur les ressources des collectivités locales – car il n'est plus question de désengagement de l'État, mais de nécessaire contribution à la maîtrise des déficits publics : que tout cela est dit élégamment ! –, nous pouvons, sur les 50 milliards d'euros des collectivités locales,…
Des agglomérations ont pris des décisions, je pèse mes mots, en toute irresponsabilité, dont les mesures correctrices étaient destinées à compenser les effets. La différence porte sur le flux et la dynamique de cette taxe, mais certainement pas sur le stock et la compensation.
Sur les 50 milliards d'euros de dotations des collectivités locales, on nous demande pour l'année 2013 de faire 0 % d'augmentation en valeur, alors que le Gouvernement a indiqué – avant même le plan Ayrault sur la compétitivité, pour lequel je me demande bien comment il trouvera l'argent – qu'il y aurait moins 1,5 % sur les dotations et plus 1,5 % sur les dépenses, ce qui revient à dire que, sur 50 milliards d'euros, il y aura 1,5 milliard d'euros en moins en 2014, auquel s'ajoutera encore 1,5 milliard, soit 3 milliards d'euros en moins. On peut mesurer la difficulté dans laquelle se trouveront les communes !
Pourquoi ne pas plutôt mettre en oeuvre un dispositif de type bonus-malus, comme nous l'avons exploré dans le passé ?
Pourquoi ne pas mettre en place un véritable dispositif de péréquation, donnant plus aux communes qui dépassent les objectifs de production de logements locatifs sociaux et moins à celles qui ne les atteignent pas ?
Le dispositif serait neutre pour les finances de l'État, et infiniment plus productif…
…car, au moins, les communes qui vont plus loin que les objectifs attendus, ce qui est le cas de la mienne, par exemple, seraient bien davantage incitées à faire les choses, a fortiori quand elles n'ont pas beaucoup de foncier pour cela, ce qui est le cas d'un certain nombre d'entre elles dans les secteurs où nous sommes élus.
Je termine…
J'ai encore un peu de temps, mes chers collègues ! Je peux même parler trois heures si vous le voulez…
Madame la présidente, ayant été vice-président, je respecte toujours mon temps de parole.
À regarder attentivement la politique du logement, la vraie question n'est pas aujourd'hui d'augmenter les moyens de cette politique, mais de la recentrer sur des objectifs prioritaires, en utilisant simultanément les trois leviers du foncier – vous l'avez dit –, de l'ingénierie foncière et de la fiscalité.
Libérer le foncier pour la construction, ce n'est pas aller chercher de l'argent dans les terrains appartenant à l'État pour diminuer les recettes dudit État pour mettre à disposition des maires. C'est, au contraire – je viens d'en faire la démonstration –, encourager les maires bâtisseurs, pas seulement par des dispositifs financiers incitatifs, mais aussi par des dispositifs qui libèrent de certaines contraintes urbanistiques excessivement rigides empêchant toute construction. Car quand vous lancez un projet de construction, ce n'est pas un, deux ou trois ans, mais souvent cinq qui s'écoulent entre le moment où vous le concevez et le moment où il se réalise. L'urbanisme n'a jamais été aussi rigide, planificateur et bureaucratique.
Le deuxième levier d'une politique du logement, c'est l'offre locative privée.
Chacun fait comme il l'entend. Pour notre part, nous avions élaboré un plan de cohésion sociale et Benoist Apparu a fait en son temps un autre plan visant à résoudre le problème du logement dans les zones tendues. On peut le critiquer, mais c'est une action majeure qui a été menée. Ces plans avaient été présentés dans leur globalité. Ils prenaient en compte une offre supplémentaire de logements locatifs sociaux HLM, mais ils mettaient également en place une politique d'accession sociale à la propriété, éminemment souhaitable et que bloquent désormais totalement la chute, accompagnée par l'État, du crédit immobilier et le fait que les banques ne prêtent plus aux particuliers. Il n'y a donc plus d'accession sociale à la propriété. Nous avions, nous, une politique d'accession sociale à la propriété avec des prêts à taux zéro rénovés qui nous ont permis d'avoir à la fois le levier fiscal, le levier financier et le levier foncier.
Il y avait aussi, dans ces plans de cohésion sociale, des dispositifs qui nous permettaient de remettre sur le marché des logements, notamment locatifs intermédiaires, par le biais d'une politique d'accompagnement et de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, que je connais bien pour l'avoir présidée.
Aujourd'hui, on est en train de mettre en place des taxations et des taux de TVA qui, au lieu de s'attaquer au vrai problème, c'est-à-dire la lutte contre les produits importés et les emplois délocalisés, sont précisément en train de tuer tous les dispositifs qui créent de l'emploi dans notre pays non délocalisable. Quant aux politiques de lutte contre la précarité énergétique, que vous soutenez, madame la ministre, et que, pour ma part, je voterai des deux mains sans problème, vous allez être coincée par une série de nouveaux dispositifs fiscaux qui vont à l'encontre de cet objectif.
Vous serez coincée pour ce qui est du parc locatif privé parce que vous n'avez pas réussi à mettre en place un amortissement fiscal unique fusionnant tous les dispositifs. Votre futur dispositif n'est pas mal, mais ce n'est qu'un dispositif de plus, qui se superpose aux Méhaignerie, Borloo et Robien en tous genres, alors qu'il faudrait un dispositif pérenne : c'est ce qu'attendent les propriétaires…
Je pourrais aussi citer les dispositifs Lienemann et Besson…
Il faudrait un dispositif pérenne qui comporte une réduction et qui, ensuite, soit d'autant plus puissant que le loyer pratiqué est plus faible. Il s'adresserait donc aux populations les plus démunies.
S'agissant enfin de la mixité sociale, j'ai expliqué la nécessaire réforme du critère définissant ce qu'est un logement social.
Je termine en regrettant que vous n'ayez pas mené la concertation que j'appelais de mes voeux tout à l'heure et que vous n'ayez pas voulu prendre le temps d'écouter tous les acteurs du logement. Il n'y a pas que les mouvements HLM. On peut contractualiser avec le mouvement HLM, et on d'ailleurs fait de belles contractualisations avec M. Michel Delebarre, quand il présidait l'Union sociale pour l'habitat. Mais il n'y a pas que cela. Quand on rackette le 1% logement comme on le fait actuellement, on se prive d'un levier très important de production. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que je suis intervenu sur ce sujet. Retrouvez les procès-verbaux, chers collègues, car je sais que tout le monde n'était pas là ! Je suis intervenu dans cette assemblée pour dénoncer ce dispositif. Oui ou non ?
J'étais peut-être le seul, mais je suis cohérent!
Quand on va chercher de l'argent dans les « poches » du 1% logement, on obère la capacité de production de logements sociaux, notamment destinés à une population d'ouvriers et d'employés qui en auraient bien besoin.
Voilà ce que je voulais vous dire, mes chers collègues. Je ne vais pas refaire la politique du logement dans son ensemble puisque, juste après moi, mon bon ami Benoist Apparu va vous expliquer d'une autre façon comment nous aurions fait si nous avions été à votre place.
Nous aurions au moins essayé de mutualiser nos expériences, et serions peut-être parvenus à un résultat plus consensuel qui nous aurait permis, comme ce fut le cas à certaines époques, de voter ensemble des lois sur le logement ou sur l'emploi.
Malheureusement, compte tenu de tout ce que je viens de vous dire et de la démonstration que je viens de faire, je dois vous demander d'adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Daubresse, vous avez évoqué beaucoup de sujets.
Je tiens à souligner un point car, vous l'aurez compris, je suis désormais très portée sur la chose constitutionnelle… On ne retrouve dans votre intervention aucun des motifs soulevés dans le recours qui a abouti à l'annulation de cette loi. C'est intéressant… Mais cela nous donne l'occasion de débattre à nouveau.
Je ne pointerai pas les nombreuses incompréhensions entre nous, mais je voudrais tout de même dire quelques mots sur la réquisition.
On ne peut pas à la fois considérer qu'il y a, selon les évaluations, 2 à 3 millions de logements vacants dans notre pays, considérer, comme vous le faites, que la crise du logement va aller en s'aggravant du fait de la modification de la composition des familles et de l'allongement de la durée de la vie, et ne pas essayer toutes les méthodes. Or, tel est bien le sens de ce projet de loi et du projet de loi très complet sur lequel vous aurez l'occasion de travailler après que la concertation aura été menée par le ministère de manière approfondie avec l'ensemble des acteurs. Nous nous retrouverons pour examiner ce texte au printemps.
Nous devons utiliser tous les moyens existants, et la réquisition en fait partie. Vous ne pouvez pas dire que la possibilité de recourir à la réquisition aurait pour conséquence – j'ai noté votre formulation – de diminuer l'offre de logements.
Vous ne pouvez pas dire, monsieur Daubresse, que cela ferait baisser l'offre de logements.
Quelle est la conséquence de cette disposition, qui connut d'ailleurs son application la plus large sous et par le président Chirac ?
Le but est d'inciter le propriétaire à mettre son bien en location. L'alternative est très simple et constitue, de fait, une traduction du droit au logement. Les logements n'ont pas vocation à être conservés vacants. C'est un nouveau principe ou, plus exactement, la mise en application d'un principe qui devrait sembler évident à tous ceux qui ont la volonté de s'attaquer à la crise du logement. Soit ces logements sont cédés, soit ils sont loués par leur propriétaire, soit nous trouvons les moyens de les utiliser par le biais de la réquisition pour ceux et celles qui en ont besoin.
Tel est le choix que nous faisons. Je le dis, car il est toujours intéressant de franchir les frontières…
Il va falloir flirter un peu plus avec la « chose constitutionnelle » !
Ne vous inquiétez pas, monsieur Daubresse, cela ne me pose aucun problème de « flirter », comme vous dites, avec la chose constitutionnelle. Il me semble nécessaire de considérer que, constitutionnellement, le droit au logement doit revêtir une force très importante, en tout cas dans un État républicain comme le nôtre qui a pour devise « Liberté, égalité, fraternité ». Je rends d'ailleurs hommage à ceux qui ont fait rendu le droit au logement opposable. Peut-être faudrait-il faire un pas de plus, je l'ai dit – vous pourrez retrouver les termes exacts dans mon discours – en remerciant largement ceux qui ont fait voter cette loi malgré toutes ses difficultés d'application.
La question est intéressante car elle montre bien qu'à un moment nous décidons, ou non, de considérer que le droit de propriété des personnes morales n'autorise pas celles-ci à laisser vides, pour des raisons purement spéculatives, pendant plusieurs années parfois, des immeubles comportant de nombreux logements. Nous pouvons légitimement considérer que ce n'est pas normal et que la remise en location doit être faite par les propriétaires eux-mêmes ou par le biais de la réquisition.
Je précise que la réquisition, dans la loi de 1998, vise les propriétaires personnes morales, afin de ne pas affoler certaines personnes qui, partant en vacances, m'enverraient des messages pour me dire qu'ils sont simplement partis en vacances et qu'il ne faut pas réquisitionner leur logement !
Nous aurons un débat intéressant puisque, de toute façon, la présente loi n'est qu'une première étape et que nous aurons l'occasion de nous retrouver dans quelques mois sur d'autres sujets, passionnants, relatifs au droit de la copropriété et à la profession d'agent immobilier.
C'est pourquoi, étant donné l'urgence et la nécessité de cette loi, je suis défavorable à l'adoption de cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
Au titre des explications de vote, la parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mes chers collègues, nous mesurons, à l'occasion de l'examen de ce projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement, de quoi la droite est capable pour empêcher la mixité sociale dans l'habitat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Bien sûr, nous connaissions déjà la tendance de certains maires à freiner le plus possible la construction de logements sociaux, et nous savions que bon nombre d'entre eux contournaient purement et simplement l'esprit et la lettre de la loi SRU. Il était difficile, en revanche, de prévoir que nos collègues de l'UMP iraient jusqu'à faire annuler un projet de loi de mobilisation pour le logement pour des motifs procéduraux. Après le recours au Conseil constitutionnel, à quand la grève de la faim pour éviter à Neuilly de construire des HLM ?
Vous l'avez compris, les députés du Front de gauche sont scandalisés par les différentes manoeuvres de l'opposition. Car la situation des mal-logés ne souffre aucun délai. Les associations sont en état d'alerte, l'attitude nonchalante et obstructionniste de la droite ne reflète en rien la mobilisation des élus de nos communes populaires, quelle que soit d'ailleurs leur sensibilité politique.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons l'adoption rapide de ce texte, même s'il ne résout pas tous les problèmes. Nous soutenons en particulier la mise à disposition du foncier public pour relancer la construction de logement social à travers une décote pouvant aller jusqu'à 100%, même si nous connaissons les limites de cette mesure. Elle sera notamment entravée par la logique de marchandisation animant les opérateurs privés bénéficiaires d'éventuelles cessions.
S'agissant du volet du projet de loi qui vise à renforcer la loi SRU, nous le soutenons totalement, en regrettant toutefois qu'il n'aille pas assez loin. Il est nécessaire de porter le taux de logement social à 25% en zone tendue. Certes, décréter la hausse d'un taux ne suffit pas : ce sont les aides à la pierre qu'il faut augmenter, les financements qu'il faut débloquer. Mais exiger par la loi l'accélération des constructions est un premier pas qui ne se concrétisera que si l'État donne aux collectivités et aux bailleurs sociaux les moyens de construire plus. Quant au renforcement des sanctions pour les communes malveillantes qui s'obstinent à refuser la mixité sociale, il était indispensable. Le projet de loi y pourvoit, même si nous souhaitions une plus grande sévérité.
Il y a urgence sociale à adopter ce projet de loi. Aussi ne voterons-nous pas la motion de rejet préalable défendue par M. Daubresse. Dix années d'échec de politique du logement ne doivent pas servir de prétexte au blocage de la mise en oeuvre d'une nouvelle politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
J'ai écouté attentivement l'intervention de M. Daubresse, mais n'y ai trouvé aucun argument de rejet en constitutionnalité.
Vous aviez dit la même chose la dernière fois ! Vous avez vu le résultat ?
J'allais en effet dire : « comme la fois précédente », puisque, dans votre longue intervention portant d'ailleurs sur des points très intéressants, sur le fond de la politique du logement, rien, indépendamment du fait que nous partagions ou non votre propos – ce n'est pas le sujet ici –, ne vient étayer ce qui permettrait au Conseil constitutionnel de rejeter ce texte.
Vous avez critiqué la forme, vous avez cherché le bon filon pour que ce texte soit de nouveau mis en difficulté, en critiquant la manière dont il avait été discuté au Sénat, puis à l'Assemblée nationale. J'espère qu'avec nos arguments nous allons vous couper l'herbe sous le pied.
Le seul filon qui s'est avéré exploitable, c'est l'unique motif finalement retenu par le Conseil constitutionnel pour annuler le dispositif. Ce motif, c'est qu'au Sénat le texte discuté en commission n'était pas le même que celui discuté en séance. C'est une erreur, il faut la reconnaître, mais c'est la seule. À aucun moment le Conseil constitutionnel n'a statué sur la base des arguments que vous avez développés. À aucun moment, en particulier, le Conseil constitutionnel n'a pris en considération les conditions du débat dans l'hémicycle.
Un motif suffit ! Vous savez comment fonctionne le Conseil constitutionnel !
Tout à fait, cher collègue, mais ce n'est pas l'argument que vous avez développé ! Le deuxième point sur lequel je suis au regret de vous dire que vous avez tort, c'est que vous avez critiqué la différence entre le texte adopté par la commission mixte paritaire et le texte qui nous est soumis aujourd'hui. Or, vous ne pouvez pas à la fois critiquer les modifications du texte et invoquer les mêmes raisons pour qu'il soit de nouveau rejeté.
Je ne relève donc aucune critique valable, ni sur le fond ni sur la forme. Votre filon est épuisé ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je crois que nous devons considérer cette motion de rejet préalable avec beaucoup d'intérêt. Il est tout de même très rare, en effet, que le Conseil constitutionnel censure un texte. Il l'a fait parce que les droits du Parlement n'avaient pas été respectés. Et, à nouveau, c'est un festival ! Une heure et demie pour déposer nos amendements !
Si vous voulez respecter le Parlement, la première chose à faire, c'était de considérer qu'il n'y a pas eu de deuxième lecture, puisqu'il y avait urgence. C'était donc l'occasion d'une deuxième lecture. C'était l'occasion de travailler sur le fond. Pour ma part, je suis très heureux d'avoir entendu des discours intelligents et argumentés. Vous pouvez être contre, et nous pour : au moins, il y a échange. Mais il aurait été tellement précieux de travailler réellement sur le fond en commission ! Las, vous n'avez accepté aucun de nos amendements. Il a fallu attendre la CMP pour que, du fait d'un certain nombre de dissensions entre vous, il y ait des modifications. Il a fallu attendre l'avis du Conseil d'État pour que vous repreniez et modifiiez trois de vos articles !
Nous voulions vous faciliter le travail et travailler sérieusement, comme de vrais parlementaires. Je sais que le Conseil constitutionnel est attentif à ce genre d'arguments. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.
La position du groupe UDI sur cette motion est proche de celle du groupe UMP. Nous la soutiendrons. Je ne reviendrai pas sur les motifs de constitutionnalité qui ont été évoqués. Je regrette l'absence de travail de fond.
Même si M. Chassaigne se plaît à citer Neuilly, tant il est facile de montrer du doigt par le discours, je pense que le débat mérite d'être élevé. Le logement est un problème grave, et je crois que tous les maires et députés qui siègent ici sont en mesure de considérer en conscience le problème du logement et, plus généralement, les problèmes de nos concitoyens qui ont du mal à se loger.
Cela dit, le sujet est complexe, car tributaire de contraintes territoriales. Or, le projet est sans nuances et instaure des pénalités qui ne sont pas négligeables. Il faut examiner la bonne foi des uns et des autres, comme j'avais eu l'occasion de le dire lors du premier débat. Il faut déterminer objectivement ce qu'on peut faire et ce qu'on ne peut pas faire.
J'espère que nous pourrons débattre à nouveau de ce texte pour en améliorer la faisabilité, faire prévaloir son caractère applicable sur son aspect centralisé et systématique, car faire passer tous nos territoires sous la même toise serait contre-productif.
C'est uniquement pour des questions de procédure que le Conseil constitutionnel a sanctionné la précédente loi. Tout le monde le sait. Aujourd'hui, M. Daubresse se plaint d'être maltraité et dénonce une précipitation qui l'aurait empêché de déposer des amendements. Or, la droite en a déposé plus de cent cinquante, excusez du peu, sur un texte déjà largement discuté et voté par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Sur le fond, le Conseil constitutionnel n'a pointé aucune irrégularité. Tout le monde le sait.
N'oublions pas que des millions de personnes en France attendent un logement, qu'il faut beaucoup de temps pour construire et que la construction est bonne pour l'économie. Il est donc indispensable de voter au plus vite cette loi. Sans faire de mauvais esprit, il est clair que la motion de rejet présentée par M. Daubresse a pour objectif d'y faire obstruction. Nous ne la voterons donc pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Benoist Apparu.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, c'est avec beaucoup de plaisir que nous nous retrouvons aujourd'hui, après quelques semaines, sur ces mêmes bancs pour un même débat. Je voudrais revenir sur le constat qui fonde votre texte de loi, sur les préconisations que vous en tirez et sur quelques dispositifs que vous mettez en place pour lutter contre la raréfaction du logement dans notre pays.
Le constat, nous le partageons tous, sur l'ensemble de ces bancs. Il y a une crise du logement dans notre pays, ou plutôt des crises de l'offre et de la demande en fonction des territoires. La question est évidemment de déterminer comment nous tentons, les uns et les autres, par nos projets et nos préconisations, d'y répondre. L'essentiel, nous semble-t-il, c'est de produire du logement, de tous types, sur les territoires dits tendus. Sur les territoires qui le sont moins, l'essentiel est d'avoir une politique permettant de récupérer le patrimoine existant pour le mettre à disposition de ceux qui souhaitent des logements dans ces territoires. Votre texte résout-il cette équation ? Du point de vue de l'UMP, déjà exprimé en première lecture, ce texte ne permettra pas de produire un logement de plus.
Tout d'abord, vous avez souhaité mettre en place un outil particulier de libération du foncier public. La liste que vous avez communiquée permet la production de 110 000 logements dans les cinq ans qui viennent. Cette programmation existait déjà et ce n'est pas la gratuité du foncier public qui vous permettra de produire un logement de plus.
Ensuite, votre texte porte le taux de la loi SRU de 20 à 25 %. Cette augmentation vous permettra probablement de faire plus de logements sociaux, certes, mais cette production, eu égard au nouveau calendrier prévu par la loi, se fera au détriment d'autres types de logements, en accession ou en investissement locatif, dans les collectivités concernées.
Bref, avec l'ensemble de ce projet de loi, vous ne produirez pas un logement de plus !
S'agissant de la première partie du texte, nous partageons naturellement votre volonté de mettre à disposition des collectivités locales du foncier public, pris aux ministères ou aux établissements publics. Nous avions nous-mêmes, en notre temps lancé des programmations similaires. Nous vous rejoignons donc sur ce point.
Nous partageons moins votre analyse sur la gratuité, pour deux raisons. D'abord, la gratuité du foncier public revient à appauvrir l'État à l'heure où l'on cherche partout des économies ou des ressources nouvelles. Malheureusement, vous ne prenez pas cette direction. Surtout, vous prenez le risque de ralentir la mise à disposition du foncier en question. Un ministère est en effet intéressé par la vente de son foncier, pour lequel il bénéficie d'une ristourne. De même, les établissements publics, APHP, SNCF ou autres, financent une partie de leurs investissements actuels par la cession de terrains. Sans rétrocession financière aux ministères ou aux établissements publics concernés, des coups de frein de leur part sont malheureusement à craindre.
Vous me répondrez que vous créez une commission nouvelle pour veiller à l'application de cette loi. Je souhaite à cette commission une notoriété moindre que celle de la désormais célèbre COCOE. (Rires)
Il n'en reste pas moins que nous devrons veiller de près, les uns et les autres, à ce que cette commission travaille et, surtout, rende compte de ses travaux de façon régulière au ministre concerné. En la matière, je suis davantage convaincu par l'idée, que vous avez évoquée tout à l'heure, d'évaluer les préfets à leurs résultats en la matière.
Je reste convaincu, pour ma part, que le bail emphytéotique est une solution à encourager très fortement, plus fortement que vous ne le faites. Une moins-value imposée au ministère ne mettant pas à disposition les terrains publics dans les délais prévus serait également utile. De même qu'un promoteur privé engagé auprès d'une collectivité locale et ne respectant pas les délais subit des pénalités de retard, il me semble judicieux d'inventer un dispositif de pénalités de retard pour un ministère qui s'engage à libérer un terrain et ne le libère pas à la date fixée.
Le deuxième volet du texte concerne la loi SRU. Vous préconisez une augmentation de son taux de 20 à 25 %. Comme je l'ai dit en première lecture et en commission, je partage cette analyse, dès lors que cette augmentation est réservée aux territoires les plus tendus. Il me paraît en effet nécessaire de produire plus de logements sociaux là où existe un différentiel important entre les prix du marché privé et ceux du logement social. Je vous rejoins sur ce point.
J'ai des doutes, en revanche, sur le nouveau calendrier adopté. Je vous rappelle que le calendrier traditionnel de la loi SRU, que vous aviez fixé en votre temps, est fondé sur ce qu'on appelle les « vingt ans glissants ». Autrement dit, tous les vingt ans, on recalcule, dans le cadre des objectifs triennaux, les quotas de production de la collectivité locale concernée. Or, le projet change radicalement le calendrier, puisque vous imposez d'atteindre les 25 % en 2025. Je crains qu'à vouloir trop accélérer la production de logements sociaux, vous aboutissiez, dans les collectivités concernées, à une substitution de production.
Que s'est-il passé depuis dix ans ? Nous avons réussi à faire beaucoup plus que les obligations de la loi SRU. Nous devions construire 200 000 logements sociaux ; 306 000 exactement ont été réalisés au titre de la loi SRU dans les communes concernées. Parallèlement, dans ces mêmes communes, en particulier celles qui sont soumises à une vraie pression démographiques, nous avons réussi à produire plus de logements privés. Je crains que le nouveau calendrier n'ait un effet de substitution.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP a une position plus que réservée sur votre projet : non pas tant sur les principes, que nous pourrions partager, mais plutôt sur ses modalités d'application, qui ne nous semblent pas répondre aux besoins de logements.
Je vous propose, pour élargir un peu notre horizon, d'en venir à la politique du logement que vous conduisez depuis maintenant six mois. Concernant ce que vous avez fait ou annoncé, j'ai la même inquiétude que celle que j'ai déjà exprimée sur le texte.
Vous avez annoncé des objectifs quantitatifs que nous partageons, puisqu'ils étaient aussi les nôtres durant la campagne pour l'élection présidentielle de 2012. L'objectif de construire 500 000 logements privés, dont 150 000 logements sociaux, peut être partagé sur tous les bancs de l'hémicycle, en ajoutant, évidemment, qu'il faut produire là où c'est nécessaire.
Cela dit, parmi les différents outils que vous avez mis en place, je n'en vois pas qui réponde aujourd'hui aux objectifs de production que vous annoncez. Je les vois d'autant moins que nous sommes très loin de pouvoir atteindre les objectifs en question, que ce soit cette année, l'année prochaine, ou en 2015.
M. Marc-Philippe Daubresse le soulignait, la chute de production constatée en 2012 n'est pas de votre fait. La crise que traverse notre pays en est évidemment la première responsable.
Autrement dit, quand ça ne peut vraiment pas être de notre faute, c'est celle de la crise ! (Sourires.)
En 2011, si mes souvenirs sont bons, nous avons produit environ 430 000 logements en France, dont 120 000 logements sociaux. En 2012, nous aurons probablement une chute de 100 000 logements, soit 25 % de logements produits en moins. Et, en 2013, si j'en crois les prévisions, nous devrions passer sous la barre des 300 000.
Si je ne mets pas en cause votre politique, je considère que vous ne prenez pas les mesures nécessaires pour essayer de contrecarrer cette crise du logement.
Marc-Philippe Daubresse l'a rappelé : lorsque, en 2009, nous avons enregistré une chute similaire de 100 000 logements produits, nous avons créé des outils qui, dans le cadre du plan de relance, nous ont permis d'opérer un rattrapage très rapide. Pour ma part, je ne vous cache pas que mon inquiétude est grande pour les trois années qui viennent.
Au-delà de la question du nombre de logements produits, je crains surtout que l'on revive ce que nous avons connu dans les années 1990, précisément lors de la crise de 1991. À l'époque, nous avions perdu beaucoup de logements, mais nous avions surtout détruit l'appareil de production. Nous avions alors mis sept à huit ans pour reconstruire un appareil de production qui nous permette de produire environ 400 000 logements par an.
Il y a un risque majeur que le même phénomène se reproduise dans la période que nous traversons. Après avoir survécu à la crise de 2008-2009 grâce à leur trésorerie, certaines entreprises du BTP ont récupéré des commandes grâce au plan de relance mais elles se trouvent aujourd'hui avec une trésorerie asséchée. Demain, une partie d'entre elles va disparaître, ce qui entraînera la destruction d'un appareil de production pourtant nécessaire pour remplir les objectifs qui sont les vôtres et que nous partageons.
Je veux aussi revenir sur certaines de vos annonces. Vous voulez bloquer les loyers, réquisitionner et interdire les expulsions des publics DALO. Ces trois éléments me semblent totalement contre-productifs.
Vous voulez bloquer les loyers. Vous savez mieux que quiconque qu'il existe trois types de production de logements. La production de logements sociaux est en général un phénomène contracyclique. Elle nous permettra de nous maintenir à 100 000 ou 120 000 logements par an. La production de maisons individuelle est en chute. Quant à l'investissement locatif, il s'agit d'un outil de production très important.
Or sur le plan tant politique que technique, vous faites passer un message qui dissuade très fortement l'investissement locatif. Demain, si vous respectez les engagements de campagne de François Hollande, non seulement vous bloquerez les loyers, mais vous les encadrerez, y compris à la baisse dans les zones tendues, jusqu'à moins 20 %. Vous réduirez la rentabilité locative. Ce n'est pas ainsi que vous attirerez des investisseurs sur le marché afin de produire les logements locatifs dont nous avons besoin.
Vous voulez réquisitionner. Certes, madame la ministre, vous dites ne vouloir réquisitionner que les immeubles d'entreprises. Je veux tout de même vous rappeler quelques éléments historiques. À deux reprises des gouvernements se sont essayés à la réquisition. À Paris et en Île-de-France, Mme Marie-Noëlle Lienemann a royalement réussi en 2000 à réquisitionner cent quarante-six logements sur un potentiel de 100 000. Pourquoi une si faible performance ? Tout simplement parce qu'il ne suffit pas de claquer des doigts pour réquisitionner un logement. Madame la ministre, si vous voulez faire une jolie opération de communication et vous rendre avec dix-huit caméras devant un immeuble vide pour montrer que telle est votre politique, vous y parviendrez.
Si vous voulez répondre de façon massive à la crise du logement via la réquisition, vous n'y arriverez pas, et cela pour une raison très simple. Jusqu'à preuve du contraire, un propriétaire à plutôt intérêt à louer pour gagner de l'argent.
Il perd de l'argent s'il laisse un logement ou un bureau vacant. J'imagine que M. Chassaigne, qui passe son temps à dénoncer les propriétaires qui veulent évidemment se gaver d'argent, doit comprendre qu'un propriétaire qui ne loue pas perd de l'argent. S'il ne loue pas, c'est qu'il y a des raisons pour ne pas louer.
Ce n'est pas l'objet de la réquisition ! Elle concerne les personnes morales !
De ce point de vue, je crains que la réquisition ait un effet contreproductif sur le niveau de production que vous souhaitez.
Au-delà de l'efficacité du dispositif, la réquisition pose un second problème en termes de droit constitutionnel.
Madame la ministre, si j'ai bien compris, vous souhaitez élever le droit au logement au même niveau constitutionnel que le droit à la propriété. Cela me semble déjà limite. Mais vous allez plus loin encore en nous disant, me semble-t-il – je parle sous votre contrôle –, que les propriétaires ne devraient plus avoir le droit de ne pas louer ou de ne pas vendre un logement vacant. La vacance selon vous devrait être, de fait, interdite, ou du moins très fortement limitée. Jusqu'à preuve du contraire, permettez-moi de vous dire, qu'un propriétaire a acheté un bien avec son argent, pas avec le vôtre, ni avec le mien, ni avec celui de l'État.
Jusqu'à preuve du contraire, il me semble qu'il a le droit d'administrer son bien comme il l'entend.
Certes il faut lutter contre la vacance, je vous rejoins sur ce point, mais il y a d'autres manières de le faire. Prenons l'exemple de Paris – je parle sous le contrôle de Mme Annick Lepetit – où nous finançons six mille logements sociaux par an : 2 000 relèvent de productions neuves et 4 000 d'acquisitions-réhabilitations. La ville de Paris achète des immeubles entiers déjà occupés, des immeubles haussmanniens par exemple. Les logements concernés ne deviennent véritablement « sociaux », qu'une fois que le locataire privé a quitté les lieux. Étant donné les taux de rotation du secteur privé à Paris, l'immeuble entier n'est entièrement libéré qu'au bout de quinze ans. À ce moment seulement, il est devenu entièrement « social » et tous ses occupants sont des demandeurs de logements sociaux. Pour lutter plus efficacement contre la vacance dans le parc privé parisien ou francilien, il me paraîtrait judicieux de demander aux bailleurs sociaux concernés d'acheter des logements vacants, y compris en diffus, même si la gestion en est plus complexe, plutôt que de faire de l'acquisition-réhabilitation d'immeubles déjà occupés. Avec cette méthode, vous lutteriez plus efficacement contre la vacance que vous dénoncez, ce que je comprends bien, et vous mettriez plus rapidement des logements sur le marché social.
Bref, des solutions alternatives à la réquisition existent, qui permettent de lutter contre la vacance.
Vous voulez aussi interdire l'expulsion des publics dits DALO. On mesure en effet le côté absurde des obligations qui sont les nôtres consistant à reloger un expulsé DALO. Pourquoi l'expulser s'il faut le reloger ? Je comprends que vous souhaitiez réformer le caractère absurde du droit actuel. Il n'en demeure pas moins, madame la ministre, qu'en n'expulsant plus les publics DALO, en réquisitionnant potentiellement les logements, en réduisant la rentabilité locative, vous adressez un message particulièrement négatif aux propriétaires. Étant donné l'état du marché bancaire et du marché immobilier, je crains que, résultat des courses, vous n'arriviez pas à relancer l'investissement locatif, aujourd'hui en chute libre.
Sur les marchés tendus, si, du fait des mauvais signaux que vous adressez, 4 ou 5 % des propriétaires dans l'ancien fuient le marché locatif et vendent leur bien, votre politique aura déséquilibré le jeu de l'offre et de la demande en région parisienne avec toutes les conséquences que l'on connaît.
Les trois éléments de votre politique que je viens d'évoquer envoient un signal très négatif aux propriétaires.
J'en viens au dispositif Duflot qui est une sorte de Scellier bis. Je ne peux m'empêcher de sourire quand je me souviens de ce qui se disait sur les bancs de la gauche contre le dispositif Scellier. De fait, vous le reproduisez. Cela dit, je partage l'analyse qui préside à la création du dispositif. Je m'interroge tout de même sur son calibrage. Je pose la question ; nous verrons à terme ce qu'il en sera. Je crains que face à la situation actuelle de l'investissement locatif et à l'effondrement du marché, le dispositif ne soit pas suffisamment « boosté » pour relancer la production. On verra. En tout cas, je souhaite qu'il y parvienne, même si je ne suis pas sûr qu'il soit suffisamment intéressant sur le plan fiscal et en termes de compensation de loyers pour attirer les investisseurs en nombre suffisant.
Nous avons eu l'occasion de débattre en commission et en séance de l'inversion de la fiscalité foncière. En la matière nous partageons encore les mêmes objectifs. Il s'agit évidemment d'un outil essentiel si l'on souhaite libérer du foncier privé, au-delà du foncier public, pour construire du logement dont nous avons besoin.
Dans ce domaine, mon souci est d'ordre technique. Lors de la précédente législature, avec Michel Piron, nous avions préconisé la mise en place d'une « carotte », un dégrèvement fiscal sur les biens vendus, autrement dit un abattement sur les plus-values. Votre dispositif est similaire dans son principe sauf qu'au lieu d'utiliser une carotte, vous utiliser un double bâton. En 2015, vous placez les plus-values du foncier non bâti sous le régime général de l'impôt sur le revenu, vous les « barémisez ». D'ici à 2015, vous prévoyez un alourdissement de la fiscalité en espérant que les propriétaires profiteront tout de même de cette première période pour libérer du foncier. Je crains un effet exactement inverse. M. Cahuzac espère que les propriétaires préféreront un petit coup de bâton à un plus gros. Madame la ministre, je crains que vous ne renouveliez l'erreur que nous avons commise il y a un an et demi avec la réforme des plus-values, qui a figé une bonne partie des ventes.
En tout cas, et M. Cahuzac nous en a parlé lui-même, il nous semble indispensable de disposer très vite d'une évaluation du dispositif.
Comme, nous le savons tous, le foncier est très sensible à la fiscalité, il faudra, dès le milieu de l'année prochaine, évaluer votre dispositif pour savoir ce qu'il en est. Mais, encore une fois, je crains que l'on ne fige le foncier au lieu de le relancer.
Un mot sur les mesures alternatives que nous pourrions proposer. Marc-Philippe Daubresse les a rapidement évoquées tout à l'heure ; je souhaiterais, quant à moi, revenir sur quatre ou cinq d'entre elles.
Premièrement, une réforme de l'urbanisme est nécessaire. Je sais que nous partageons cette analyse ; je suppose que les études sont en cours et que le projet de loi que vous nous présenterez au mois de mars prochain comportera un volet consacré à ce sujet. A ce propos, monsieur le président de la commission, il me semble, compte tenu de la densité des sujets présentés par la ministre, que de nombreuses journées seront nécessaires pour examiner ce texte, qui devrait compter au moins 150 à 200 articles.
Certes. Pourtant, je crois me souvenir que, lorsque nous en avons débattu, vous étiez particulièrement opposé au PLU intercommunal, qui est précisément l'un des moyens de privilégier la densité et de lutter contre le mitage. Mais, puisque la ministre nous proposera un dispositif de ce type au mois de mars, je suppose que vous nous expliquerez, à ce moment-là, que vous y êtes un peu plus favorable.
Ce texte, disais-je, comptera, au bas mot, 150 articles. Mais, comme le Parlement aime beaucoup déposer des amendements sur les textes relatifs à l'urbanisme, je ne sais combien d'articles il comptera au final – et je ne parle pas des décrets d'application. Bonne chance !
Vous donnerez beaucoup de travail à la DHUP, mais je connais son efficacité et sa compétence et je ne doute pas que les décrets seront publiés rapidement.
La deuxième réforme, tout aussi indispensable et tout aussi compliquée à mettre en oeuvre, concerne la question normative. Nous l'évoquons tous dans nos discours, mais nous avons, hélas ! trop peu souvent utilisé cet outil pour réduire les coûts de production. En matière de production de logements, l'enjeu économique est, certes, lié à l'investissement public. Mais nous savons, les uns et les autres, que celui-ci a ses limites et qu'il se répercute très rapidement sur le prix des logements. Si nous souhaitons solvabiliser une clientèle et augmenter notre production de logements, nous devons donc jouer sur le levier normatif.
Nous devrons utiliser un autre outil, également important : la taille des logements. Une étude très intéressante, publiée il y a quelques années montrait qu'à Paris et en Île-de-France, lorsque l'on intégrait au coût locatif d'un logement l'augmentation du mètre carré par personne, l'augmentation des loyers était inférieure à l'inflation. N'oublions jamais que, dans le prix d'un logement, le nombre de mètres carrés par personne est un élément inflationniste.
Enfin, je ne reviendrai pas sur la question des droits à construire, que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Je crois, madame la ministre, que vous serez obligée, un jour ou l'autre, d'user de cet outil, si vous souhaitez produire plus de logements avec un foncier plus rare. Pour l'anecdote, lorsque nous examinions l'abrogation de la loi majorant les droits à construire, il m'avait semblé entendre une grande partie de l'hémicycle et vous-même, madame la ministre, dénoncer ce texte scandaleux qui faisait fi des pouvoirs des collectivités locales. Or, lorsqu'il s'est agi de porter de 20 % à 25 % l'objectif de logements sociaux contenu dans la loi SRU, je vous ai peu entendue défendre le principe de la libre administration des collectivités territoriales, dont vous étiez pourtant l'une des championnes quelque temps auparavant. Entre-temps, votre discours a évolué, semble-t-il. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Non !
Je peux vous transmettre la retranscription de votre intervention d'ici à la fin de nos débats, madame la ministre.
Dernier point : la vente de HLM. Dans notre modèle économique, il s'agit d'un outil important, si nous voulons produire plus de logements sociaux en dépensant moins d'argent public. Je vous rappelle en effet que les bailleurs sociaux possèdent quelque 4,5 millions de logements, qui valent, au bas mot, 400 milliards d'euros.
Je n'ai pas dit qu'il fallait tout vendre, monsieur le député. Vous savez aussi bien que moi que l'objectif que s'était fixé le gouvernement précédent – objectif approuvé et même signé par l'Union sociale pour l'habitat – était de vendre 1 % de logements chaque année, ce qui devait permettre d'allouer environ 4 milliards d'euros à la production de logements sociaux. Dans votre budget, madame la ministre, les crédits consacrés à l'aide à la pierre s'élèvent à 550 millions. Certes, ils augmentent de 50 millions, mais nous sommes encore loin des 4 milliards que représenterait la vente de ces logements HLM. Je sais que c'est compliqué, mais des bailleurs sociaux y parviennent sans aucune difficulté.
Enfin, monsieur le président – car je sens que vous allez m'interrompre dans quelques instants –, je dirai quelques mots de la motion de renvoi en commission.
J'y viens – tardivement, certes. Le projet de loi – je parle sous le contrôle du président de la commission – a été mis en ligne à dix-sept heures vingt-deux, pour être précis, alors que la clôture du dépôt des amendements est intervenue à dix-neuf heures. Nous avons donc disposé d'une heure trente-huit pour déposer des amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Comme, dans l'opposition, nous sommes très limités sur le plan intellectuel et que notre capacité d'initiative n'est pas aussi grande que celle des membres de la majorité, nous n'avons pas eu le temps de déposer des amendements.
C'est la raison pour laquelle nous avons défendu cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(M. Christophe Sirugue remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.)
Monsieur Apparu, votre intervention était intéressante, non pas tant parce qu'elle visait à dénoncer le fait que vous n'avez pas eu le temps de déposer des amendements sur ce texte – texte qu'au demeurant, vous connaissez bien – que parce qu'elle vous a permis d'engager un débat – c'est le lieu adéquat – sur la politique du logement mené par le Gouvernement. Or, ce qui est pratique, c'est que vous avez assumé celle du précédent gouvernement ; nous pouvons donc comparer votre action et la nôtre.
Vos arguments concernent la réquisition, le DALO, le dispositif « Duflot » et le blocage des loyers. Sur ce dernier point, je précise qu'il s'agit d'un encadrement des loyers à la relocation, puis d'un encadrement des loyers. Ne parlez donc pas d'un blocage : soyez précis.
Nous ne pouvons pas nier la réalité de la crise du logement, en particulier l'emballement des prix. Une étude, publiée hier, a ainsi montré que, pour acquérir un logement en France, il faut un revenu net de 4 000 euros par mois et un apport personnel de 50 000 euros. Ce seuil, constaté par les promoteurs et qui participe de la crise, est donc devenu inatteignable pour la majorité des Français. Or, si nous sommes dans une telle situation, c'est parce qu'au prétexte que le marché du logement peut s'équilibrer comme n'importe quel autre marché de biens et services, c'est-à-dire par la concurrence, vous avez laissé prospérer un marché de la rente foncière et immobilière – je rappelle que le foncier représente jusqu'à 40 % du prix des opérations de construction de logements sociaux. Mais ce marché de la rente a trouvé ses limites, car, en matière de logement, la loi de l'offre et de la demande ne permet ni de répondre à la demande sociale ni de créer une stabilité économique. En revanche, je suis d'accord avec vous sur un point, un seul : le risque d'une perte de l'appareil de production, comme celle que nous avons connue dans les années 1990, nous menace. C'est pourquoi il faut agir, et agir vite. Le Gouvernement est donc déterminé, car nous ne pouvons pas laisser la crise s'aggraver.
De même que le marché immobilier n'obéit pas à la logique de l'offre et de la demande – sinon, compte tenu du niveau des loyers, le nombre des constructions devrait être massif –, nous ne pouvons pas considérer que l'effondrement des prix stimulerait l'acquisition et relancerait le marché immobilier. En effet, en cas d'effondrement du marché, une dynamique négative s'instaurerait et la baisse des coûts ne permettrait pas de stimuler la demande. La politique du Gouvernement s'inscrit donc dans une autre logique, qui consiste à lutter contre la rente et à maîtriser le coût des loyers, car – j'en viens au deuxième point sur lequel nous divergeons –, outre qu'elle est inefficace économiquement, votre analyse est socialement injuste.
Aujourd'hui – je tiens à le préciser, car ce point a été peu souligné –, parmi les éléments qui nuisent à la compétitivité française, il y a le prix de l'immobilier. En France, le niveau des loyers est très élevé – beaucoup plus que dans tous les autres pays européens – et pèse de manière extrêmement importante sur le budget de nos concitoyens. Dès lors, non seulement les conditions de logement sont mauvaises, mais il est difficile d'accepter un emploi éloigné de son domicile, car, en raison de l'augmentation non régulée des loyers, il est extrêmement coûteux, lorsqu'on loue un logement depuis plusieurs années, d'emménager dans un nouveau logement. La question du logement est donc déterminante dans le choix de la mobilité professionnelle.
Par ailleurs – nous divergeons également sur ce point, et sans doute est-ce là une des raisons pour lesquelles nous n'appartenons pas à la même famille politique –, selon vous, un propriétaire a le droit de laisser son immeuble vide s'il le souhaite.
Eh bien, je considère qu'un logement n'est pas un bien comme un autre : c'est un bien de première nécessité.
Savez-vous ce que je fais, sans être accompagnée de caméras, monsieur Apparu ? Des maraudes avec des membres d'associations qui viennent en aide aux sans domicile fixe.
Je n'ai jamais non plus été accompagné de caméras dans ces circonstances !
Eh bien, je ne trouve pas normal qu'un propriétaire parfaitement à l'aise financière puisse laisser ses logements vacants simplement parce qu'il en a envie, quand des familles, des femmes seules avec des enfants qui ont un emploi à temps partiel, ne peuvent pas se loger.
Parlons-en ! Économie de la rente, hausse du prix de vente, coût inaccessible : les deux logiques s'entremêlent.
Vous avez évoqué le « Duflot », que certains ont critiqué. Moi, je l'assume, pour deux raisons. Premièrement, face à une crise, il faut faire feu de tout bois. Deuxièmement, cela permet de mettre à disposition du logement à coût maîtrisé, c'est-à-dire à un niveau de loyer compris entre le prix du logement social et celui du logement privé : celui qui était pratiqué dans un parc qui a disparu, celui des investisseurs institutionnels.
Je vais vous le dire, monsieur Apparu. Il a disparu parce que la hausse des prix de l'immobilier a rendu la cession de ces appartements beaucoup plus rentable que leur location. C.Q.F.D. !
C'est en menant une politique économiquement pertinente, qui permettra de relancer ce secteur et de créer de l'emploi de proximité et durable, que nous parviendrons à mener une politique socialement juste. Je le répète, je n'accepterai jamais que, par confort, un propriétaire puisse décider de laisser ses appartements vides quand des familles sont à la rue. Il s'agit sans doute d'une différence fondamentale entre nos deux approches politiques, mais je l'assume.
Non, c'est tout à fait juste. Je ne vois pas quelle raison morale pourrait s'opposer à la réquisition. D'autant que celle-ci aura un rôle dissuasif : elle incitera les propriétaires à mettre leurs logements en location. Si la volonté très forte du Gouvernement le conduit à devoir utiliser l'outil qu'est la réquisition et que les logements sont remis en location, je m'en féliciterai. Car l'objectif du Gouvernement est que les logements soient occupés. Ainsi, si vous avez voté, dans le cadre du projet de loi de finances, l'augmentation de la taxe sur les logements vacants, c'est, là encore, pour dissuader les propriétaires de laisser leurs logements vides. La logique est la même et, je le répète, elle est économiquement efficace, dans la mesure où elle stimulera le marché immobilier et permettra de diminuer la charge du logement dans le budget des familles.
Enfin, vous avez parfaitement raison sur un point : la loi que vous aurez, je l'espère, le grand plaisir d'examiner vers la fin du printemps, comportera de très nombreux articles sur des sujets sans doute un peu arides, mais absolument nécessaires.
Il s'agira en effet de revenir sur une loi de 1965 régissant les copropriétés et sur une loi de 1970 régissant les professions d'agent immobilier et d'administrateur de bien…
…les nouvelles dispositions visant à encadrer ces professions – je pense notamment à celle de syndic de copropriété…
…étant sans doute de nature à régler un certain nombre de problèmes.
Pourquoi ces sujets n'ont-ils pas été traités jusqu'à présent ? Non pas parce qu'ils ne seraient pas de vrais sujets mais parce qu'ils sont arides et pénibles. J'en donnerai un exemple, relatif à la rénovation thermique en copropriété. Actuellement, avant d'entreprendre l'isolation thermique d'un bâtiment par l'extérieur, consistant en la pose d'un isolant de dix ou quinze centimètres d'épaisseur empiétant d'autant sur une cour commune, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation de la copropriété concernée, votée à l'unanimité en assemblée générale…
…une décision quasiment impossible à obtenir, en effet.
Comme vous le voyez, la loi française comporte encore un certain nombre de scories qu'il est nécessaire d'éliminer. Cela se fera au moyen d'un travail compliqué et aride que, sur tous les bancs de cette assemblée, certains parlementaires ont heureusement tout de même envie d'entreprendre, ce qui nous permettra de faire évoluer des dispositions de notre droit datant d'une époque où les questions se posaient d'une manière différente.
Nous nous retrouverons pour effectuer ce travail, quand bien même il serait aride et ingrat et ne susciterait que peu d'intérêt médiatique – sur un tel sujet, il ne faut pas s'attendre à être assaillis de micros et de caméras. Et quand bien même cela devrait durer des dizaines d'heures, je serai là, tout aussi vaillante qu'aujourd'hui, monsieur Apparu, avec la même détermination et la même conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Mme la ministre ayant répondu avec vaillance sur le fond, je m'en tiendrai pour ma part à la forme et à la méthode, puisqu'il s'agissait d'une motion de renvoi en commission.
Je veux d'abord vous dire, monsieur Apparu, que vous avez obtenu satisfaction, puisque ce texte est revenu en commission (Rires et applaudissements sur divers bancs) et que, dès lors, vous auriez pu vous dispenser de défendre une motion de renvoi en commission un peu superfétatoire.
Cela dit, je tiens, notamment pour rendre hommage au travail des administrateurs de la commission, à vous rappeler que j'ai eu droit aux félicitations de votre collègue Daniel Fasquelle – c'est là une chose suffisamment rare pour mériter d'être soulignée –, qui figurent dans le rapport de la commission : « Je tenais à vous remercier, monsieur le président, ainsi que les services de la commission pour avoir bien voulu nous transmettre le texte du projet de loi dès 13 heures 22 hier, car si nous avions dû attendre sa publication officielle sur le site de l'Assemblée nationale, nous n'aurions guère eu le temps de préparer nos amendements. » Cela confirme que vous avez disposé, non pas d'une heure et demie, mais d'environ six heures, pour préparer vos amendements…
Quoi qu'il en soit, les membres de la commission et les responsables de votre groupe politique se sont vu transmettre le texte « pastillé » – c'est un terme emprunté au jargon interne, qui signifie que les lignes étaient numérotées de façon à vous permettre de rédiger vos amendements –…
…et ont obtenu ce texte un peu plus tôt que vous ne l'avez dit.
Les conditions dans lesquelles vous avez travaillé ne semblent d'ailleurs pas vous avoir découragés, puisque vous avez déposé plus d'amendements que la dernière fois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
Il faudrait savoir : vous avez vous-même affirmé que nombre de ces amendements étaient mal rédigés !
…à savoir 82 amendements en séance, dont 72 présentés en commission, contre 67 amendements la fois précédente. Si vous n'aviez pas eu largement eu le temps de travailler, vous n'auriez pas pu présenter tant d'amendements.
Après ces comptes, qui ne sont pas des comptes d'apothicaire, je veux, au risque de choquer certains de mes collègues de la majorité, vous remercier, monsieur Apparu, pour votre participation active au débat. Même si vous n'êtes pas membre de notre commission, vous êtes toujours le bienvenu pour prendre part à la confrontation d'idées, de bilans et de projets que nous avons souhaité organiser. Il est rare, je tiens à le souligner, qu'un ancien ministre prenne la peine de venir participer à un débat sans aucune arrogance, comme vous l'avez fait, et je tiens à saluer une telle attitude, qui s'inscrit parfaitement dans la tradition de notre assemblée consistant à travailler ensemble.
Nous savons tous que ce qui nous réunit aujourd'hui – et nous réunira prochainement, autour d'un immense texte qui nécessitera peut-être des mois de débats, si j'ai bien compris, madame la ministre (Sourires) –, c'est le problème du droit au logement, qui n'est toujours pas un droit pour tous : tant que ce ne sera pas le cas, nous devrons chercher des solutions dans toutes les directions.
Après avoir dit des amabilités, je vais conclure par quelques gentillesses. Vous avez vous-même, monsieur Apparu, comparé la commission nationale de l'aménagement, de l'urbanisme et du foncier – que l'on appellera peut-être bientôt la CNAUF – à la commission d'organisation et de contrôle des opérations électorales de l'UMP – la fameuse COCOE dont on a parlé tout le week-end. J'espère qu'au cours de nos débats, vous nous direz qui, à la COCOE, disposait du droit de préemption, qui avait le pouvoir de se déclarer d'utilité publique et qui pouvait faire jouer le droit d'expropriation (Rires sur tous les bancs) – toutes questions qui mériteraient une commission d'enquête. Pour le moment, je me contenterai d'appeler au rejet de la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)
Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.
Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. André Chassaigne.
Je m'interroge sur ce qui, dans le discours de M. Apparu, aurait pu m'amener à voter la motion de renvoi en commission déposée par le groupe UMP. En tout cas, ce n'est pas sa présentation caricaturale de la réquisition, qui témoigne d'une perception pour le moins étonnante de cette mesure, surtout pour un ancien ministre – j'y reviendrai dans le cours du débat.
En fait, cher collègue, je ne vous ai entendu mentionner aucun des sujets qui auraient pu motiver un vote favorable de ma part. Vous auriez pu évoquer le caractère impérieux de propositions visant à faire face à l'urgence et exigeant une nouvelle discussion en commission, par exemple l'interdiction des expulsions des familles de bonne foi qui ne peuvent plus faire face à leur loyer ; l'abrogation de la loi Boutin et de ses surloyers, véritable machine de guerre contre la mixité sociale dans nos HLM ; la suppression du mois de carence des APL, que vous avez instauré, ainsi que le rétablissement de leur rétroactivité ; la mise en place d'un encadrement réel des loyers, qui permette à tous de se loger à des prix décents, alors que le coût du logement en France ne cesse de battre des records.
Malheureusement, la révolution culturelle n'a pas eu lieu et vous n'aviez rien proposé de tout cela. C'est pourquoi je ne voterai évidemment pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)
Pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, la parole est à M. Marcel Rogemont.
Notre collègue Apparu a pris un grand plaisir à relever, avec la précision du connaisseur, tout ce qui restait à faire après dix ans de gouvernement de droite. En réalité, il semblait surtout soucieux de faire valoir son bilan et, pourquoi pas, d'en tirer des préconisations – dont certaines méritent effectivement notre attention. Comme l'a dit tout à l'heure le président Brottes avec l'humour et la finesse que nous lui connaissons, il s'exprimait surtout à des fins dilatoires, puisque le renvoi en commission demandé avait déjà été effectué…
Quand M. Apparu nous dit qu'il faut produire plus, nous sommes d'accord avec lui, et ajoutons qu'il faut produire plus pour les familles populaires,…
…ce qu'il n'est pas inutile de préciser car il est important de savoir pour qui les logements doivent être construits.
Par ailleurs, M. Apparu s'inquiète pour l'État qui, selon lui, va s'appauvrir du fait de la décote et de la cession à titre gratuit de terrains lui appartenant. Oui, l'État va s'appauvrir, comme il s'est appauvri quand le gouvernement de droite a mis en place le dispositif Scellier, qui offrait initialement un avantage fiscal de 111 000 euros pour 300 000 euros investis – si ce n'est qu'à l'époque, l'État s'appauvrissait au profit de personnes qui avaient les moyens d'investir et non au profit de personnes ayant besoin d'être aidées.
Vous estimez, monsieur Apparu, que le renforcement de la loi SRU est dangereux en ce qu'il comporte des risques de perturbations, en particulier le risque d'un effet de substitution – alors même que vous reconnaissez l'utilité de la loi SRU. Avec cette loi, nous avons affaire à des personnes publiques qui, de bonne ou de mauvaise foi, ne jouent pas le jeu : certaines avouent franchement ne pas vouloir construire de logements locatifs publics, tandis que d'autres prétendent ne pas pouvoir construire en raison du coût que cela représente ou du manque de foncier – quoi qu'il en soit, elles refusent d'accomplir l'effort nécessaire pour construire des logements.
Déjà ? Mais j'ai encore beaucoup de choses à dire, monsieur le président !
Pour conclure, j'évoquerai la loi DALO. Cette loi est intéressante car elle permet aux personnes sans logement de disposer, au terme d'un certain nombre de démarches administratives, d'un document leur certifiant qu'elles ont le droit à un logement. La belle affaire ! La priorité la plus urgente à laquelle nous ayons à répondre consiste à construire le plus rapidement possible, pour ces familles disposant de faibles ressources, un grand nombre de logements.
Savez-vous au moins quel est le taux de personnes relogées grâce à la loi DALO ?
C'est pourquoi je demande que ce texte ne soit pas renvoyé en commission, afin que nous puissions en débattre et le voter le plus tôt possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. François de Mazières.
Nous sommes, pour notre part, évidemment favorables au renvoi en commission. Si nous avons déposé environ 80 amendements, comme l'a dit tout à l'heure le président Brottes, c'est par précaution, parce que nous étions pris par le temps. Compte tenu des très courts délais dont nous disposions, il n'est pas étonnant que nous ayons agi dans une certaine précipitation, et sans doute auriez-vous fait comme nous si vous aviez été à notre place.
Il est dommage que les choses se soient déroulées ainsi, et l'échange très intéressant auquel nous avons assisté il y a quelques instants entre Mme la ministre et Benoist Apparu nous fait regretter encore davantage qu'un débat permettant de tels échanges n'ait pas eu lieu – ce qui motive notre demande de renvoi en commission, qui le rendrait possible.
Sur le fond, deux visions très différentes s'opposent au sujet de ce projet de loi. Comme vous, nous considérons qu'une grande partie du problème provient du prix trop élevé du foncier. En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec vous quand vous proposez des mesures de nature à augmenter encore ce prix. On trouve déjà dans notre pays une bulle qui n'existe dans aucun autre pays européen, celle constituée par l'obligation de construire 25 % de logements sociaux.
Une telle obligation va se traduire par une tension supplémentaire sur le marché de l'immobilier alors que – tous les professionnels vous le diront –, le manque de logement résulte surtout de l'abondance et de la complexité des normes qui nous sont imposées. Or, vous nous proposez encore un texte extrêmement compliqué – une véritable usine à gaz.
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, il aurait été très intéressant d'avoir un vrai débat sur le fond dans le cadre d'une commission.
Bien que je vous aie écouté très attentivement, monsieur Apparu, je ne vous ai pas entendu énoncer un seul argument – à part dans votre dernière phrase – visant à obtenir le renvoi de ce texte en commission. En fait, vous n'avez fait que recourir à un petit artifice de procédure afin de disposer, pour une intervention s'apparentant à celles faites habituellement dans le cadre de la discussion générale, d'un temps de parole plus important que celui alloué dans ce cadre…
…ce qui n'est effectivement pas rare au sein de notre assemblée.
Au demeurant, vous avez exposé au cours de votre intervention des arguments que je reconnais volontiers intéressants, même si je ne suis pas d'accord avec vous – d'autant plus intéressants, d'ailleurs, que vous étiez précédemment ministre du logement.
Cela dit, vous avez mené, précisément en tant que ministre du logement, une politique dont nous voyons aujourd'hui les conséquences. Vous reconnaissez vous-même que nous sommes actuellement confrontés à une grave crise du logement, ce qui constitue bien un aveu d'échec de votre part. Face à cette situation, le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre une politique du logement très ambitieuse par le biais de plusieurs lois, dont celle que nous examinons aujourd'hui.
Vous le savez, il y a urgence. Nous avons bien trop attendu durant les dix ans où votre majorité a été au pouvoir,…
…mais aussi en raison du report que vous nous avez imposé en raison de votre recours devant le Conseil constitutionnel.
Il est, aujourd'hui plus que jamais, urgent d'agir. En tout état de cause, le débat qui doit avoir lieu maintenant vous donnera l'occasion d'exposer tous les arguments que vous souhaitez. Notre groupe votera donc contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, la promesse que chaque Français ait un toit sur la tête est encore vaine en 2012, cinquante-huit ans après le cri d'alarme de l'Abbé Pierre.
Prendre à bras-le-corps les problèmes du logement, c'est donc en effet, pour des millions de nos concitoyens, une urgence vitale et ce projet de loi, qui s'inscrit dans une mobilisation en faveur du logement, sujet totalement abandonné depuis des décennies, va dans le bon sens.
L'objectif est de construire 110 000 logements sociaux et privés, dont la moitié en Île-de-France, sur des terrains publics, d'ici à 2016. Je veux saluer cette volonté ambitieuse, dans le contexte de crise économique que nous subissons.
Notre pays a besoin d'une politique du logement, d'une part pour combler les manquements de certaines collectivités dans leur obligation visant à réduire le mal-logement, d'autre part pour s'inscrire dans une vision à plus long terme au regard des projections démographiques, lesquelles indiquent que la France devra loger 5 millions d'habitants en plus d'ici vingt ans.
Je concentrerai donc mon intervention sur le titre II et le renforcement des obligations en matière de logement social. Là est la clé du problème pour les familles à faibles revenus et, de plus en plus, pour celles à revenus intermédiaires. La disposition phare de ce texte est la cession à bas prix des terrains publics. Cette mesure doit permettre de réaliser des logements sociaux dans les régions où le marché du foncier est tendu ; je m'en réjouis.
Je me réjouis également de la nouvelle rédaction qui renforce l'article 55 de la loi SRU, portant à 25 % le seuil de logements sociaux dans les communes. Conforme à l'engagement du Président de la République, c'est une mesure équilibrée qui tient compte des disparités locales en matière de taux de population. Ce relèvement du seuil, parfaitement justifié, permettra de développer dans le parc social une offre plus ambitieuse, dont l'effort devant porter en priorité sur le logement à loyer modéré.
Faisons cependant attention à respecter une certaine équité. Comme le soulignait ma collègue Jeanine Dubié lors du précédent examen du texte, ce projet de loi fait aussi le constat que le niveau actuel des sanctions n'incite évidemment pas certaines communes – qui ne sont d'ailleurs souvent pas les plus pauvres – à jouer le jeu de la mixité sociale. Aussi la multiplication des pénalités par cinq est-elle une mesure que nous approuvons.
J'ai déposé, avec mes collègues du groupe RRDP, plusieurs amendements, dont l'un a pour but de s'assurer que les propriétaires frileux pour remettre leur bien en location devront faire face à un certain nombre d'obligations. En effet, j'appelle votre attention sur le nouvel échéancier qui, ainsi que l'ont fait remarquer plusieurs associations, étire à vingt-quatre mois au lieu de douze la mise à disposition des biens à la relocation pour éviter la réquisition. Il faut, à notre sens, un roulement beaucoup plus rapide, pour une résorption efficace du problème des logements vacants.
Comme le souligne le rapport de la commission, s'agissant du logement social, le projet de loi n'aborde pas la question des pratiques des bailleurs en matière d'attributions, de rénovation ou de loyers.
En outre, le projet ne s'intéresse que de manière indirecte au logement privé et ne traite donc pas des problèmes d'habitat indigne ou d'intermédiation locative. Pourtant, vous le savez, des familles à faibles revenus figurant depuis de longues années sur des listes d'attente, sont logées par des marchands de sommeil qui louent des taudis à prix d'or. C'est cela le mal-logement ; les sanctions doivent être exemplaires !
Mon collègue Jacques Krabal donnera de façon plus détaillée son sentiment sur les dispositions fiscales remplaçant la loi Scellier. Je tiens cependant à saluer le dispositif en faveur de l'investissement locatif, qui s'applique aux zones A et ². Cette mesure devrait vivifier la construction et les entreprises locales du bâtiment, souvent en difficulté.
Enfin, comment ne pas parler d'accession à la propriété sans évoquer la disparition programmée du Crédit immobilier de France, partenaire historique des bailleurs sociaux ? Au moment où le Gouvernement met en lumière la problématique du logement, une réflexion profonde doit être menée pour sortir le CIF de la crise qu'il traverse. Une telle réflexion engagerait un volet important de la politique du logement.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur ce texte. Nous serons très attentifs à l'application des mesures pleines de bons sens qui seront prises à l'issue de ces débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, à l'occasion de la nouvelle lecture de ce projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement social, et après avoir dit que nous le voterons, je veux limiter mon intervention à la question de la réquisition des logements vacants.
Aujourd'hui, on compte 4,5 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés en Île-de-France, dont 1,1 million dans la capitale. Quant aux logements, 17 000 faisaient l'objet d'un constat de vacance en 2007 à Paris. En France, l'INSEE a recensé près de 2,29 millions de logements vides. Leur nombre n'a jamais été aussi élevé.
Malgré la pénurie, certains propriétaires vont jusqu'à dépenser de l'argent pour garder leur immeuble vide plutôt que de le louer. Ainsi, un article de presse récent mentionnait ces vigiles embauchés pour surveiller jour et nuit les immeubles déserts, ou encore ces automates destinés à allumer la lumière, une fois la nuit tombée, pour donner l'illusion que les bâtiments sont occupés.
Parmi ces biens, nombreux sont ceux qui appartiennent à des compagnies d'assurance, à des banques et autres fonds d'investissement étrangers, ceux-là même qui bénéficient de tant de privilèges fiscaux au nom des politiques de compétitivité et autres prétextes à l'enrichissement.
Alors que ces milliers de mètres carrés sont inutilisés, deux personnes sont déjà mortes depuis l'arrivée du froid cet automne. Le bilan sera beaucoup plus lourd quand les températures chuteront. Le constat est simple, implacable : des gens crèvent dans la rue et des logements sont vides !
Pour remédier à cette situation, il existe une solution. Elle a été utilisée sous les gouvernements de droite, ceux du général de Gaulle et d'Alain Juppé, en 1962 et 1995. Elle a été modernisée par le législateur de 1998 et validée par le Conseil constitutionnel. Elle est codifiée dans les articles 642-1 à 642-28 du code de l'habitation. Il s'agit de la procédure de réquisition.
Mes chers collègues, je voudrais d'abord dédiaboliser cette procédure : la réquisition est une mesure temporaire, dont l'application peut être limitée à un an et aller jusqu'à douze ans en cas de gros travaux.
Cette mesure concerne non pas les personnes physiques, mais uniquement les personnes morales.
Cette mesure est applicable là où existe un important déséquilibre entre l'offre et la demande de logement.
Cette mesure donne lieu à l'indemnisation du propriétaire.
Cette mesure permet le financement par l'État des travaux de mise en état d'habitabilité des locaux inutilisés.
Cette mesure laisse au propriétaire un droit de recours efficace et rapide – dans le cas où il s'estimerait victime d'un abus –, prévu à l'article 642-19.
Cette mesure laisse au préfet, représentant de l'État, une marge de manoeuvre et d'appréciation au cas par cas, lui permettant d'arbitrer et de juger des arguments des bailleurs.
Cette mesure, le Conseil constitutionnel a établi qu'elle respectait le droit de propriété.
Cette mesure est donc l'inverse de la spoliation que certains se plaisent à décrire. La réquisition des locaux ne lèse personne, précisément parce qu'ils sont vides !
Cette mesure d'humanité, de solidarité, cette mesure républicaine, le moment est venu de la mettre en oeuvre.
Lorsque, en 2001, une nouvelle réquisition a été envisagée, les bailleurs ont brandi l'article 642-10, qui leur permet de s'opposer à toute intervention en envoyant un courrier faisant état d'un projet d'aménagement.
Pour supprimer ce blocage, les députés du Front de Gauche ont déposé un amendement lors du premier examen de ce projet de loi. Notre proposition a alors bénéficié du soutien de la rapporteure et de la ministre et a été votée par notre assemblée, puis validée en CMP.
Or, Mme la ministre nous l'a rappelé et expliqué, cette mesure a été retirée du nouveau projet de loi. Une nouvelle disposition a été introduite, accordant vingt-quatre mois supplémentaires aux bailleurs pour réaliser des travaux. Pour les associations, comme pour de nombreux élus de terrain, cette modification apparaît non seulement comme un recul par rapport au texte voté il y a quelques semaines, mais encore comme un durcissement des conditions de réquisition. Je vais essayer d'expliquer pourquoi.
Résumons ensemble le parcours du combattant que doit déjà effectuer un préfet s'il veut réquisitionner un bien vide : deux mois d'enquête préalable par les services de l'État pour établir la vacance du logement ; deux mois, ensuite, pour obtenir la réponse du maire, qui est obligatoirement consulté ; deux à quatre mois pour que le propriétaire réponde au préfet ; un nouveau délai, fixé par décret – sur lequel vous nous avez donné des précisions utiles –, pour faire parvenir un échéancier. Désormais, si le projet de loi est voté en l'état, il y aura vingt-quatre mois, à compter de l'envoi de cet échéancier. Ce délai est certes un maximum, mais il permettra toutes les manoeuvres dilatoires.
Mais non, voyons !
C'est du moins ce que je pense.
À ce rythme-là, si la loi est adoptée début 2013, les premières réquisitions ne pourraient pas avoir lieu, au mieux, avant septembre 2015.
Vous ne pouvez pas dire ça !
Notre analyse est différente de la vôtre, j'en conviens. Elle amène à conclure que la modification apportée peut enterrer purement et simplement la procédure de réquisition.
Cette réécriture retire de fait au préfet la faculté qu'il avait d'arbitrer et de juger des arguments des bailleurs, donc de la validité des délais demandés.
En effet, graver dans le marbre le délai de vingt-quatre mois, quand bien même c'est un maximum, n'est-ce pas ouvrir la voie à de multiples recours de la part des propriétaires ?
Certes, madame la ministre, vous justifiez ce recul par la décision du Conseil constitutionnel de 1998, dont vos services ont bien voulu me faire parvenir les éléments.
D'abord, je rappelle que cette décision valide la procédure de réquisition. Les réserves des Sages ne portent aucunement sur la question de délai, mais seulement sur celle de l'indemnisation des propriétaires. Je tiens de mon côté à votre disposition la citation intégrale du Conseil.
Vous avez appelé mon attention sur le considérant n° 32, invoqué en commission pour justifier la nouvelle rédaction. À sa lecture, il apparaît clairement qu'aucun délai supplémentaire n'est nécessaire à la constitutionnalité de la procédure : ni vingt-quatre mois, ni même douze. Au contraire, ce considérant établit que le délai de deux mois laissé au propriétaire pour faire connaître son opposition, à l'issue duquel le préfet lui notifie l'arrêté de réquisition, « ne porte pas au droit de propriété une atteinte contraire à la Constitution ».
Vous m'avez fait savoir que ces vingt-quatre mois correspondaient à une suggestion du Conseil d'État. Vous comprendrez que, si le Conseil d'État nous conduisait ainsi à renoncer à la procédure de réquisition, il s'agirait d'un véritable problème démocratique.
Dans l'état actuel du texte, non seulement l'une des deux avancées portées par le Front de Gauche a été gommée, mais en plus les effets pervers de la situation antérieure se trouvent, selon nous, amplifiés.
Contrairement aux arguments que vous avez formulés à cette tribune, si nous adaptons le texte en l'état, il ne vous sera pas possible, madame la ministre, de réquisitionner des logements vides. Votre volonté politique, que je ne mets pas en doute, sera entravée.
C'est la raison pour laquelle, désireux de soutenir votre intention de réquisitionner, que vous avez exprimée avec force le 27 octobre et que vous avez rappelée aujourd'hui avec non moins d'énergie, je vous apporterai, à travers un nouvel amendement, la possibilité juridique de le faire. Nous en discuterons ultérieurement, lors de l'examen de l'article 8.
Par ailleurs, votre initiative avait bénéficié de l'appui du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui avait déclaré, le jeudi 1er novembre : « Si les besoins le nécessitent, nous le ferons ; [...] les lois existent et nous entendons les appliquer », ce que vous avez d'ailleurs très bien rappelé tout à l'heure dans votre intervention liminaire.
Nous pensons donc sincèrement que notre amendement constitue l'unique façon de permettre au Gouvernement de concrétiser son intention.
Les associations sont en état d'alerte ; elles sont exaspérées. Jeudi dernier, cinquante sans-abri, dont de nombreuses femmes accompagnées d'enfants, se sont installés dans le hall d'entrée d'un hôtel particulier situé dans le VIIe arrondissement.
En ce moment même, une mobilisation à l'appel de l'association Droit au logement, le DAL, a lieu à l'abord de l'Assemblée. La clameur monte : vivre dans la rue, c'est perdre son emploi, sa famille, sa santé et sa dignité ! Lorsque l'on vit dans la rue, on meurt en moyenne à 48 ans…
La crise du logement s'aggrave à toute vitesse, laissant dehors une masse croissante de personnes vulnérables, soumises à des conditions de vie dangereuses et à une situation sanitaire d'une autre époque. Des milliers d'autres sont hébergées dans des conditions coûteuses, inadaptées, précaires.
Les effets délétères de cette crise se conjuguent à ceux de la situation économique actuelle pour fragiliser le droit au logement des familles.
Dans le même temps, certaines multinationales paient des frais, rubis sur l'ongle, plutôt que de louer leurs biens. Des fonds d'investissement spéculent en maintenant inoccupées d'immenses surfaces. Des immeubles entiers restent portes closes depuis des années. Ce n'est plus acceptable !
Nous en sommes tous d'accord, ce texte est un texte d'urgence. Prenons donc des mesures d'urgence : l'urgence, c'est la réquisition !
Je le répète, les spéculateurs malveillants disposent de suffisamment d'outils de blocage pour ne pas leur en offrir de nouveaux. C'est même un véritable business : des cabinets juridiques sont spécialisés dans l'obstruction juridique, à coups de devis, de documents de succession ou de litiges de copropriété.
Au nom des députés du Front de Gauche, je sollicite du Gouvernement et de la majorité le rétablissement du texte antérieur. Il n'a rien d'inconstitutionnel. Il garantit la faisabilité d'une procédure respectueuse du droit de propriété.
J'affirme solennellement que, quoi qu'il en soit, nous voterons le texte. Mais j'aimerais crier : ne renonçons pas ! Il s'agit d'éviter la mort des hommes et des femmes qui dorment dehors !
Peut-on courir le risque de bloquer toute procédure de réquisition au nom de la simple obsession du vote conforme ?
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron