Notre collègue Alain Calmette, rapporteur pour avis, s'exprimera au nom de la commission du développement durable. Quant à moi, je préfère rester en retrait dans ce débat, car, si je m'exprimais, je tiendrais des propos plutôt négatifs sur la politique des territoires telle qu'elle est définie dans ce budget.
M. Michel Vergnier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la politique des territoires. La mission « Politique des territoires » représente, pour 2015, un effort financier total de 708,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 761,2 millions d'euros en crédits de paiement. Sa présentation budgétaire a changé puisqu'elle intègre désormais le programme 147 « Politique de la ville » – qui fait l'objet d'un rapport spécifique de notre collègue Dominique Baert –, suite à la création du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET). Je salue cette intégration, qui renforce l'ancrage de la mission dans l'architecture budgétaire.
Quant au programme 112 « Impulsion et coordination de l'aménagement du territoire » et au programme 162 « Interventions territoriales de l'État », leurs crédits additionnés s'élèvent, pour 2015, à 252,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 304,3 millions d'euros en crédits de paiement, en nette diminution par rapport à l'an passé, puisque les autorisations d'engagement baissent de 17,6 % et les crédits de paiement de 4,6 %. Pourtant, 2015 sera à bien des égards une année charnière pour nos territoires.
Le Gouvernement peut s'appuyer à présent sur une nouvelle administration dédiée, le CGET, qui regroupe les services de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'attractivité nationale, l'ancienne DATAR, de l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances (ACSé) et du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV). Grâce à cette administration, nous en finissons avec l'approche sectorielle des politiques publiques en faveur des territoires, que j'ai souvent critiquée, pour privilégier enfin une réflexion transversale et la convergence des moyens. L'objectif est de rompre avec la dichotomie entre urbain et rural, qui a marqué la conduite des politiques en faveur des territoires ces dernières années. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur la transversalité des missions du CGET ?
L'un des événements emblématiques de l'année 2015 sera le lancement de la nouvelle génération des contrats de plan État-régions. Quelles seront les priorités de ces CPER ? Où en sont les négociations et le calendrier prévu pourra-t-il être respecté ?
Vous connaissez mon attachement aux territoires ruraux, qu'il importe de ne pas stigmatiser ; je salue donc toutes les initiatives qui soutiennent leur dynamisme. En 2014, ces territoires ont été largement soutenus grâce à différentes actions financées par les crédits de cette mission. Je pense aux pôles d'excellence rurale, au programme expérimental pour la revitalisation des centres-bourgs et au développement des maisons de santé pluridisciplinaires en milieu rural. Or, j'ai pu constater que, dans le PLF pour 2015, aucun crédit n'était prévu en autorisations d'engagement pour ces différentes actions. Je tiens donc à vous faire part de mes interrogations sur ce point, car les territoires ruraux contribuent grandement au développement national. Comment les soutiendrez-vous dans les années à venir ? Est-il prévu d'évaluer les dispositifs créés ces dernières années ? De nouvelles actions en faveur de ces territoires interviendront-elles ?
J'en viens maintenant à la Prime à l'aménagement du territoire (PAT). Je tiens à saluer la décision qui a été prise de la maintenir tout en la faisant évoluer, car elle joue un rôle essentiel pour le maintien de l'emploi. J'estime qu'il est important de pérenniser ce dispositif à un niveau de crédits constant en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans le PLF pour 2015. Pouvez-vous nous expliquer en quoi la nouvelle PAT permettra de créer et de maintenir un plus grand nombre d'emplois ? Comment deviendra-t-elle plus accessible aux PME ?
Pour soutenir l'emploi, le Gouvernement a décidé en 2014 de développer les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui visent à faire travailler ensemble des entreprises de l'économie sociale et solidaire, des associations, des entreprises traditionnelles et des acteurs publics. Je m'interroge donc sur l'absence de crédits en faveur de cette politique pour 2015 et je rappelle l'importance de toutes les initiatives qui soutiennent la création d'emplois dans nos territoires. Les politiques publiques doivent être poursuivies, à condition qu'elles soient efficaces.
Je souhaiterais également évoquer l'avenir de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII), dont le travail d'accompagnement des entreprises étrangères souhaitant investir en France contribue en moyenne au maintien de plus de 12 000 emplois par an. L'AFII doit fusionner avec Ubifrance, l'agence française pour le développement international des entreprises, au 1er janvier 2015. Quelles seront les conséquences de cette fusion sur les missions de l'agence en matière d'aménagement du territoire ?
Je tiens, pour finir, à évoquer un sujet auquel j'attache une importance toute particulière. Il s'agit de l'accès aux réseaux numériques, qui est un enjeu essentiel pour nos territoires. Je me réjouis à cet égard de la création du programme 343 « Plan “France Très Haut Débit” ».
M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la politique de la ville. Monsieur le ministre de la ville, je sais votre engagement personnel dans ce ministère passionnant. Premier signe positif : le taux de réponse du ministère au questionnaire adressé par le rapporteur spécial était, à la date limite du 10 octobre, de 65 %. Même si, en valeur absolue, cela reste perfectible, c'est mieux qu'en 2013, 62 %, et qu'en 2012, 57 %.
Cette année, la politique de la ville est en profonde mutation : nouvelle loi de programmation de février 2014, nouvelle géographie prioritaire, préparation pour 2015 des futurs contrats de ville sur une base intercommunale et lancement du nouveau programme de renouvellement urbain.
Les structures administratives, elles aussi, changent. J'avais plaidé, dès 2012, en faveur de leur simplification. Je me souviens ainsi d'avoir dit qu'avec le SG-CIV, l'ACSé, l'ANRU et l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), on comptait au moins deux structures de trop. C'est dire combien je suis satisfait de la création du CGET, qui regroupe les deux premiers organismes cités, même si je continue de penser, monsieur le ministre, qu'un jour ou l'autre un rapprochement entre l'ANRU et l'EPARECA s'imposera, par souci de cohérence financière et administrative.
Les crédits du programme 147 « Politique de la Ville » sont en baisse, en raison non pas du contexte global de redressement des finances de l'État, mais, comme en 2014, d'un effet d'optique dû à la mutation du volet économique que constituent les Zones franches urbaines (ZFU). Ainsi, si les autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 455,7 millions d'euros, diminuent en 2014 de 9,8 %, soit 50 millions, elles le doivent surtout à la diminution de 40 millions de l'action 2 « Économie », où sont reprises les compensations des exonérations de charges sociales en zone franche urbaine. À l'inverse, les crédits des actions territorialisées, qui sont au coeur de l'action gouvernementale, demeurent inchangés, s'établissant à 332,4 millions d'euros. Quel contraste avec la baisse de 205 millions des crédits de la politique de la ville entre 2007 et 2012 !
J'aurais souhaité, monsieur le ministre, vous interroger, comme beaucoup d'élus locaux, sur la géographie prioritaire, la signature des contrats de ville, l'importance des enveloppes de réussite éducative « Dispositif de réussite éducative » (DRE), le maintien de l'existence des préfets délégués à l'égalité des chances et de leurs délégués locaux. Mais il me faut être bref ; je m'en tiendrai donc à trois questions.
La première concerne le financement de l'ANRU. Avec 10,4 milliards d'euros d'engagements et 7,3 milliards de recettes, les dotations de l'État étant suspendues depuis 2008, l'ANRU connaît une impasse de trésorerie de 3,1 milliards, qui existait déjà fin 2012. Cette situation est préoccupante, non seulement parce que ses délais de paiement étaient déjà de plus de 150 jours en 2013, mais aussi et surtout parce que nous sommes à la veille du lancement du nouveau programme de renouvellement urbain, qui représente un engagement de 5 milliards d'euros supplémentaires. Où en êtes-vous de vos discussions avec Action Logement sur le financement de ce nouveau programme ? N'y a-t-il pas lieu de mobiliser des fonds, par exemple de la Caisse des dépôts et consignations, pour que le NPNRU puisse s'engager sans tarder dès 2015 ?
Ma deuxième question porte sur les ZFU. L'ancienne majorité avait programmé l'extinction de ce dispositif pour la fin de 2014. Cet instrument de soutien économique et d'aménagement est pourtant très utile, comme en témoigne la ZFU de Roubaix. Le Gouvernement prépare une mutation du dispositif dans le cadre de la prochaine loi de finances rectificative. Pouvez-vous faire le point sur cette réforme ? Il est important que des ZFU soient maintenues.
J'en viens à la fin de l'expérimentation des « emplois francs ». On vous a induit en erreur, monsieur le ministre ! Voilà l'exemple même de la bonne mesure sur laquelle on a fait peser, pour qu'elle ne coûte pas cher, des contraintes administratives et budgétaires telles qu'elle en devient inapplicable. Du coup, on vous dit que cela ne marche pas, et on la supprime ! C'est aberrant et regrettable, car inciter des employeurs à embaucher de jeunes demandeurs d'emploi issus des quartiers prioritaires, c'est plus qu'une bonne idée. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, accepteriez-vous de réexaminer ce renoncement ?
Je conclurai en rappelant, comme je le fais dans mon rapport, que la politique de la ville a trop souvent été l'objet – surtout jusqu'en 2012 ! – d'ajustements budgétaires, non seulement entre crédits initiaux et crédits finalement ouverts, mais aussi entre ces derniers et les crédits consommés. Ces « aspirations » de crédits sont importantes ; je les détaille dans mon rapport. Pour les éviter, il serait souhaitable, monsieur le ministre, que vous augmentiez la fongibilité de vos crédits budgétaires, car il est déplorable que, dans les quartiers, associations, élus et jeunes quémandent un argent qui n'est finalement pas dépensé à Paris.
M. Alain Calmette, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. En dépit d'une baisse importante, de 17,6 %, des autorisations d'engagement des programmes 112 et 162, ce budget comporte des éléments positifs, qu'il s'agisse de la création du CGET, qui favorise une approche transversale des politiques publiques, de l'expérimentation concernant les centres-bourgs, du financement des maisons de service au public, du nouveau zonage des Aides à finalité régionale (AFR), du maintien de la PAT ou du plan « France “Très haut débit” », très important en milieu rural, même s'il ne doit pas faire oublier l'objectif d'une couverture intégrale du territoire national par le réseau 3G de téléphonie mobile.
Ma première question, madame la ministre, porte sur la maquette budgétaire. La mission « Politique des territoires » est l'une des plus modestes, en termes de masse financière, du budget de l'État. Toutefois, elle ne reflète pas l'ensemble des efforts consentis par celui-ci en faveur de l'aménagement du territoire. Il convient de se féliciter à cet égard de l'intégration dans cette mission du programme 147 « Politique de la ville », mais d'autres crédits relevant de l'aménagement du territoire – tels que ceux destinés aux zones de revitalisation rurale, qui sont rattachés à la mission « Travail et emploi » – devraient également y être transférés afin d'améliorer la lisibilité du budget.
Ma deuxième question a trait aux contrats de plan État-régions. En effet, une incertitude pèse sur les ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), en raison de l'abandon de l'écotaxe. Or, en 2013, par exemple, 40 % des crédits de paiement de l'agence étaient destinés aux CPER, notamment aux programmes de modernisation des itinéraires routiers. Ce chiffre montre combien les contrats de plan État-régions sont tributaires du financement de l'AFITF. Cette incertitude compromet donc la mise en oeuvre du volet mobilité de la nouvelle génération de contrats.
Ma troisième question concerne l'expérimentation destinée à revitaliser les centres-bourgs. Conforter le maillage équilibré du territoire entre deux métropoles est absolument nécessaire, les centres-bourgs constituant des pôles de centralité dans ces zones interstitielles. Comptez-vous procéder à une généralisation du dispositif après l'évaluation de cette expérimentation ?
Ma quatrième question porte sur les zones de revitalisation rurale. Mon collègue Jean-Pierre Vigier et moi-même venons de présenter à la commission du développement durable un rapport sur la question de savoir si le régime des ZRR contribuait réellement à une politique d'égalité des territoires. Nous avons conclu de notre étude que ce zonage était en sursis. Nous en proposons donc un nouveau, qui s'inspire de ce qui a été fait dans le cadre de la politique de la ville. Nous recommandons ainsi de ne retenir que deux critères, simples et cumulatifs : la densité démographique et la richesse des habitants. D'autres propositions concernent les aspects financiers, notamment la Dotation globale de fonctionnement (DGF), la Dotation de solidarité rurale (DSR) et la Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). Nous proposons également des évolutions en matière d'adaptation des normes en milieu rural. Quelles sont, madame la ministre, vos intentions en ce qui concerne les ZRR ?
Enfin, le monde rural attend beaucoup des Assises de la ruralité qui se tiendront prochainement. En effet, des mesures concrètes doivent absolument être prises pour que les problématiques des territoires ruraux soient mieux prises en compte dans les politiques publiques. Le Comité interministériel d'égalité des territoires (CIET), qui doit prolonger ces assises, est-il toujours d'actualité ? Il est nécessaire de remédier au décrochage, plus souvent objectif que ressenti, des populations rurales, qui ont besoin de la solidarité de l'État.
M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour la politique de la ville. M. Baert et moi-même sommes certainement, cette année, les deux seuls rapporteurs du projet de loi de finances qui peuvent s'enorgueillir de présenter un budget qui ne baisse pas. Les crédits de la politique de la ville sont en effet sanctuarisés pour au moins trois ans dans le cadre de la réforme qui est intervenue cette année. Mais d'autres avancées sont à saluer, telles que l'application d'un taux de TVA à 5,5 % aux opérations d'accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou la compensation, grâce à l'adoption d'un amendement, de l'exonération de taxe foncière pour les communes « DSU cible ».
Il convient également de se féliciter de l'effort consenti en matière de péréquation, qu'il s'agisse de la péréquation horizontale – les crédits du Fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF) augmentent de 20 millions et ceux du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) de 230 millions d'euros – ou de la péréquation verticale, qui augmente de 100 millions d'euros. Toutefois, il est apparu, dans le projet de loi de finances, que, entre la baisse des dotations et l'augmentation de la DSU, 73 % des 250 communes « DSU cible » voyaient leurs dotations nettes baisser en 2015. Un amendement défendu notamment par M. Goua a donc été adopté lors de l'examen de la première partie du PLF, qui vise à abonder la DSU de 60 millions d'euros supplémentaires. Si cette disposition est confirmée au cours de la navette parlementaire, les communes « DSU cible » seront les seules à voir leurs dotations augmenter en 2015.
Par ailleurs, un nouveau fonds d'investissement a été créé, les Fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), qui bénéficient aux communes défavorisées, ont été sanctuarisés et la Dotation de développement urbain (DDU) a été portée de 100 millions à 130 millions d'euros.
Le contexte budgétaire est donc favorable, le projet de loi de finances pour 2015 comportant des avancées importantes, qui s'inscrivent dans la droite ligne de la réforme de la politique de la ville et des quartiers prioritaires voulue par le Gouvernement.
Des questions restent néanmoins pendantes.
Tout d'abord, la signature des contrats de ville a pris, et c'est compréhensible, du retard, puisqu'elle interviendra au plus tôt au mois de juin 2015 et on ne connaît pas encore les conditions d'attribution des crédits qui ont été sanctuarisés. Ne faut-il pas envisager une année transitoire durant laquelle serait maintenu le montant des crédits accordés aux communes qui continuent de relever de la politique de la ville afin de favoriser une montée en puissance du dispositif en 2016 ?
Ensuite, la situation de l'ANRU suscite de vives inquiétudes. En outre, la Cour des comptes propose de supprimer les avances faites par l'agence aux porteurs de projet. Si cette proposition devait être retenue, les projets ANRU n'y survivraient pas, car les communes concernées ne sont pas en mesure de faire ces avances. Que comptez-vous faire pour maintenir celles-ci ? Nous espérons que vous parviendrez à convaincre Action Logement de financer et la fin du PNRU et le NPNRU.
S'agissant des zones franches urbaines, nous sommes un certain nombre – dont notre collègue Henri Jibrayel, qui ne peut être parmi nous aujourd'hui – à attendre les mesures fiscales, et peut-être également sociales, qui permettraient la création d'activités et le maintien de l'emploi dans ces quartiers.
Enfin, le budget de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDE) n'est plus suffisant pour permettre à ses centres de faire face à leurs obligations. Son directeur général estime que, sans un effort budgétaire en 2015 et 2016, cet établissement disparaîtra. Il apporte pourtant une réelle valeur ajoutée en permettant à un certain nombre de jeunes de nos quartiers de retrouver une situation, voire un emploi. Que pouvons-nous faire pour cet établissement ? Je rappelle qu'il est soumis à trois tutelles différentes, celles des ministères de la défense, des affaires sociales et de la politique de la ville. Peut-être devrait-il relever exclusivement du ministère de la ville, car il a un réel impact dans les quartiers.