Intervention de Sylvia Pinel

Réunion du 30 octobre 2014 à 15h00
Commission élargie

Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité :

Je veux tout d'abord remercier les rapporteurs pour la qualité de leurs travaux et leur implication dans ces politiques importantes pour les territoires, ruraux et urbains.

Une étape importante a été franchie cette année avec la création du Commissariat général à l'égalité des territoires, issu de la fusion de la DATAR, du SG-CIV et de l'ACSé, qui répond à la nécessité de renforcer la coopération territoriale et la transversalité. Celle-ci passe en effet d'abord par le partage, par les agents, de leur culture territoriale. Nombre des problématiques rencontrées par les territoires ruraux et urbains sont finalement assez semblables, qu'il s'agisse des services au public, de la mobilité ou de l'emploi notamment. La transversalité du CGET se traduit dans son organisation même. Ainsi, sa direction de la stratégie territoriale sera chargée de l'observation et de la prospective dans tous les territoires, avec des missions, contractualisation ou affaires européennes, qui sont par nature transversales.

Cette évolution a des incidences sur la mission « Politique des territoires », laquelle sera désormais unifiée avec une dotation globale de 198 millions d'euros, qui produit un puissant effet de levier sur les territoires. Ce regroupement de trois programmes budgétaires – « Aménagement du territoire », « Ville » et « Interventions territoriales » – répond à votre préoccupation, monsieur Calmette, puisqu'elle permet d'atteindre une masse critique.

Le budget permet de préserver et de renouveler les programmes portés par le CGET. Les crédits sont en apparente diminution, puisque les capacités d'intervention passent de 269 millions en 2014 à 223 millions en 2015, tandis que les crédits de paiement baissent de 280 millions à 270 millions. Mais cette diminution s'explique par des raisons techniques : la fin de la génération des précédents contrats de plan État-régions, en phase d'apurement des restes à payer, et le lancement de la nouvelle génération des CPER, qui monteront en puissance en 2016 et 2017, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) étant doté de 115 millions puis de 130 millions d'euros.

Au-delà du strict cadre budgétaire du CGET, l'année 2015 verra donc le lancement de cette nouvelle génération de contrats de plan, essentiels pour les territoires et très attendus par les élus locaux. Ces CPER doivent servir l'investissement, la préparation de l'avenir de nos territoires ; ils auront pour priorité commune l'emploi. Les régions sont invitées à contractualiser dans six domaines : mobilité multimodale, transition écologique et énergétique, numérique, innovation, filières d'avenir et usines du futur, enseignement supérieur et recherche et, enfin, volet territorial. Ces axes correspondent aux grands enjeux qui s'imposent à tous les territoires, afin que chaque région puisse y inscrire une stratégie adaptée à ses objectifs.

L'État mobilise une enveloppe importante de 12 milliards d'euros jusqu'en 2020, soit 1,6 milliard par an en moyenne. Sur le programme 112, cela représente un effort de 735 millions, dont 100 millions d'euros dès 2015. Ces crédits abonderont principalement le volet territorial, qui vise à réaliser des projets spécifiques dans certains territoires, notamment les territoires ruraux. Cet effort est particulièrement significatif compte tenu des contraintes budgétaires qui pèsent sur nos finances publiques. Le Gouvernement en a décidé ainsi, conscient que les CPER sont indispensables pour soutenir l'investissement, la croissance et l'emploi dans nos territoires. Ils permettront une mise en synergie des financements et garantiront un effet de levier important, grâce au cofinancement des autres collectivités, notamment les régions.

Les discussions ont lieu en ce moment même entre l'État et les préfets de région afin de finaliser les mandats de négociation, qui tiendront compte des remontées du terrain. Le Premier ministre a annoncé qu'ils seraient assouplis afin de laisser davantage de marge à la négociation et qu'un effort supplémentaire porterait sur l'enseignement supérieur. Monsieur Calmette, j'ai bien entendu vos inquiétudes concernant le financement du volet mobilité. Le Gouvernement veillera à ce que la suspension du péage de transit poids lourds n'affecte pas les montants qui devaient être consacrés aux CPER. La hausse de 4 centimes de la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les poids lourds votée par l'Assemblée nationale permet déjà de répondre en partie aux besoins de financement.

Les mandats de négociation définitifs seront transmis dans les prochaines semaines aux préfets, qui engageront ensuite officiellement la négociation avec les présidents des conseils régionaux pour définir les contours et les engagements financiers des contrats. L'objectif est d'obtenir des accords politiques d'ici à la fin de l'année afin de pouvoir mettre en oeuvre les contrats le plus tôt possible en 2015. Bien entendu, il ne sera pas toujours simple de faire aboutir les CPER, mais je veux vous convaincre de ma volonté et de celle du Gouvernement d'y parvenir dans les meilleurs délais, compte tenu de leur importance pour les territoires.

S'agissant du budget du CGET, les actions de soutien au développement économique seront poursuivies. Ainsi la PAT est maintenue, ses crédits s'élevant à 30 millions d'euros, mais sous un format rénové qui recentre le dispositif sur les PME – essentielles pour le développement économique et l'attractivité des territoires ruraux – dans le respect de la réglementation européenne. Auparavant, il fallait qu'une entreprise crée vingt-cinq emplois ou fasse 5 millions d'euros d'investissements pour être éligible à la prime. De tels seuils étaient souvent hors de portée des PME. Ces critères ont donc été assouplis.

Par ailleurs, l'AFII est en cours de fusion avec Ubifrance. Ces deux agences ont des missions différentes : attirer des investisseurs étrangers en France pour la première, contribuer au développement international des entreprises françaises pour la seconde. Toutefois, des synergies existent ; c'est pourquoi leur rapprochement a été décidé. Le CGET restera membre du conseil d'administration de cette nouvelle entité.

Ainsi que je l'ai annoncé récemment, je souhaite que la politique en faveur des pôles territoriaux de coopération économique soit poursuivie – je prépare le lancement d'un second appel à projets en 2015. D'autres ministères nous ont fait savoir qu'ils étaient intéressés par cette démarche et pourraient donc prendre en charge une partie du financement.

Même s'il n'a pas d'incidence directe sur les crédits du programme 112, je me dois de dire également un mot du dispositif des ZRR, qui comprend un ensemble de mesures fiscales et d'exonérations de cotisations sociales, dont le montant est estimé à 235 millions d'euros, en faveur des entreprises créant des emplois ou reprenant des sites en difficulté. Ses critères sont cependant devenus obsolètes et ses avantages peu évidents, de sorte qu'il doit être actualisé afin de renforcer son impact sur les territoires ruraux. Le Gouvernement a donc chargé une mission d'inspection d'examiner ce sujet, dont l'Assemblée nationale s'est également saisie. M. Vigier et M. Calmette, dont je veux saluer la qualité du travail, viennent ainsi de rendre un rapport qui comporte plusieurs propositions. Il me semble que les Assises de la ruralité offrent un cadre de concertation idéal pour débattre de l'avenir des ZRR sur la base de leurs préconisations et faire évoluer le dispositif auquel, je le sais, les élus des territoires ruraux sont extrêmement attachés.

La seconde priorité de ce budget est la revitalisation des territoires ruraux et périurbains, grâce au maintien des services de proximité et à la mise en oeuvre d'une politique expérimentale concernant les centres-bourgs. L'accessibilité des services au public est indispensable à la qualité de vie des habitants de ces territoires. Pour répondre à ces besoins, la création de maisons de service public est encouragée et continuera à l'être fortement en 2015, pour atteindre l'objectif ambitieux que nous nous sommes fixé de 1 000 maisons d'ici à 2017. Il en va de même pour l'élaboration des schémas départementaux d'accès aux services, qui permettent de mieux apprécier les déséquilibres de l'offre et d'identifier les besoins ; ils sont soutenus financièrement par le FNADT. Au total, l'engagement de l'État en faveur de cette politique représentera plus de 9 millions d'euros. L'accès aux soins est également un élément déterminant de la qualité de vie de nos concitoyens et une préoccupation des élus locaux. Le FNADT continuera donc, monsieur Vergnier, à soutenir le développement des maisons de santé via le volet territorial des CPER.

Par ailleurs, le dispositif expérimental visant à conforter la présence de centres-bourgs dynamiques et animés dans les territoires ruraux périurbains s'adresse, je vous le confirme, à un binôme commune-intercommunalité, car nous souhaitons accompagner une démarche globale d'animation du territoire à l'échelle intercommunale. Trois cents communes ont été identifiées par les préfets de région ; nous devons en sélectionner cinquante dans les prochaines semaines. Le choix ne sera pas aisé, compte tenu de la qualité des dossiers présentés. Cette vision transversale est pour moi essentielle, puisqu'il s'agit de soutenir le commerce, l'artisanat, l'agriculture, l'économie de proximité, les services publics et l'habitat. Je souhaite ensuite, si l'évaluation de cette expérimentation est concluante, intégrer cette politique dans les contrats de plan État-régions, par exemple dans le cadre de la « clause de revoyure » en 2016.

Je n'évoquerai pas le prêt à taux zéro (PTZ) dans l'ancien, dont nous avons discuté hier lors de l'examen des crédits de la mission « Logement ».

S'agissant des pôles d'excellence rurale, j'ai préféré, là encore, orienter les crédits de la mission vers les CPER, en particulier leur volet territorial, qui permet de soutenir des projets dans un cadre contractuel et non dans la logique de mise en concurrence des appels à projets.

Enfin, vous avez évoqué l'important effort consenti par le Gouvernement en faveur des infrastructures numériques, essentielles pour le développement, l'attractivité et la compétitivité des territoires ruraux. Le plan « France très haut débit » fonctionne très bien. Je tins du reste à souligner l'implication de mes services dans sa mise en oeuvre, puisque soixante et onze projets concernant soixante départements ont été déposés. Les financements de l'État sont au rendez-vous, dans une logique de péréquation favorable aux territoires les plus ruraux. Je partage votre souci de développer les usages du numérique – et je sais qu'Axelle Lemaire est également consciente de cet enjeu. J'ai donc souhaité qu'ils soient encouragés via les crédits dédiés du FNADT dans les CPER ; je sais que plusieurs régions souhaitent saisir cette opportunité.

Tels sont les grandes lignes du programme 112 du PLF pour 2015 et les objectifs qui lui sont assignés. Cependant, ce programme n'est pas l'unique voie de la mobilisation financière de l'État en faveur de l'aménagement du territoire, qui bénéficiera en 2015 d'un effort budgétaire total estimé à plus de 5,6 milliards d'euros. Mon ministère mène ainsi une action transversale de mise en cohérence des interventions des autres ministères en faveur de l'égalité des territoires. De tout cela, nous aurons l'occasion de parler lors des Assises de la ruralité, qui s'ouvrent demain.

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