, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le projet de budget qui nous est présenté est placé sous le signe de la responsabilité : la mission « Santé » participe légitimement à l'indispensable effort collectif de redressement des comptes publics engagé par le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité.
Dotée de moyens budgétaires de 1,2 milliard d'euros au total, elle permet de continuer d'assurer les missions de prévention sanitaire et de modernisation de l'offre de soins. Les crédits des deux programmes connaissent une évolution différente : le programme « Protection maladie » traduit l'augmentation attendue des dépenses au titre de l'aide médicale de l'État, tandis que les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » subissent une certaine érosion.
J'ai souhaité me focaliser dans mon rapport sur l'Agence de la biomédecine (ABM) et son rôle dans la politique de transplantation.
Si la France faisait partie des pays pionniers en matière de greffe, mais ses résultats sont aujourd'hui insuffisants, alors que, près de nous, l'Espagne est devenue un exemple grâce à d'importants efforts d'organisation des prélèvements d'organes. Notre pays peut encore améliorer son organisation des transplantations. L'enjeu est réel pour notre système de santé, confronté à une demande croissante d'organes du fait du vieillissement de la population et de la prévalence de certaines pathologies comme le diabète. Développer la greffe permettra aussi d'améliorer la qualité de vie des patients tout en les soignant à moindre coût : un patient dialysé coûte environ 80 000 euros par an, tandis que la réalisation de transplantations rénales en nombre suffisant ferait économiser à l'assurance maladie près de 200 millions d'euros chaque année, soit, sur dix ans, plus de 2,5 milliards d'euros, en raison de l'effet progressivement cumulatif.
À la différence d'autres agences sanitaires, l'ABM n'a pas pour mission première la police sanitaire ni l'évaluation des produits ou techniques utilisés. Elle joue avant tout un rôle opérationnel : veiller à ce que les patients en attente de greffe puissent trouver un organe compatible, susceptible d'être transplanté rapidement. Ses contraintes opérationnelles sont donc très lourdes : l'Agence fonctionne en continu jour et nuit, week-ends compris, et doit être en mesure de répondre très rapidement aux demandes des équipes soignantes.
Nous devons tous nous féliciter de la manière dont l'ABM a réussi à organiser les transplantations dans un climat de sérénité et de respect des principes éthiques. Mais à l'heure actuelle, et alors que la dernière loi de bioéthique a étendu ses missions, elle est confrontée à des choix difficiles. Ces dernières années, elle a dû, comme les autres agences sanitaires, accepter des réductions d'effectifs alors même que ses attributions étaient accrues. Ses missions opérationnelles nécessitent deséquipements de qualité régulièrement modernisés. Est-elle aujourd'hui en mesure de répondre à l'ensemble de ses missions ?
Surtout, l'Agence semble pâtir du manque de visibilité à moyen terme sur les ressources qui lui seront attribuées alors qu'elle doit lancer des chantiers complexes qui nécessitent des investissements échelonnés. Madame la ministre, vous paraît-il possible que l'ABM dispose d'une programmation financière pluriannuelle, au moins indicative, lui permettant de piloter la politique de transplantation et d'aide à la procréation ?
Beaucoup reste également à faire pour réduire les disparités régionales en matière de prélèvement et de transplantation. Faute d'organisation suffisante des services hospitaliers d'urgences ou de traumatologie, on ne recense pas convenablement les donneurs potentiels d'organes alors que nous souffrons de pénurie. Le nombre de donneurs en état de mort encéphalique recensés par million d'habitants varie du simple au triple : faible dans les départements de Corse – avec un taux de 16,2 – ou en Picardie, il atteint 48,1 en Limousin et davantage encore en Bretagne et dans les Pyrénées-Orientales.
Pour trouver des organes, il faut aussi améliorer la communication avec les familles, qui s'opposent parfois aux prélèvements : le taux de refus avoisine 40 % en Île-de-France et va jusqu'à à 52,6 % à la Martinique contre 20,4 % seulementen Franche-Comté ; il varie également d'une année à l'autre. Au-delà des chiffres, la présomption de consentement au don d'organes est aujourd'hui loin d'être respectée, souvent faute d'une communication adaptée : les familles font prévaloir leur point de vue, alors que c'est celui du donneur qui doit être déterminant.
Enfin, les patients ne sont pas tous égaux face à l'accès à la greffe : certains sont inscrits très tard sur la liste d'attente ou y restent de longues années faute de greffons compatibles. Le ratio entre patients inscrits sur la liste d'attente et patients dialysés, s'agissant des moins de soixante ans, varie de 87 %en Île-de-France à 36 % en région PACA ou 37 % dans le Nord.
La réorganisation en cours des services régionaux d'appui de l'ABM devra notamment favoriser l'équité devant l'accès à la greffe. Comment l'ABM tiendra-t-elle compte de la réforme territoriale en cours, qui implique la réduction du nombre de régions administratives, pour réorganiser ses propres services déconcentrés ? Madame la ministre, je sais votre attachement à l'égal accès aux soins : envisagez-vous de donner des directives pour que des efforts prioritaires soient consentis dans les régions en retard, notamment pour former des professionnels de santé et financer le recrutement de coordonnateurs hospitaliers spécialisés dans l'activité de prélèvement ? Sans cet effort de rééquilibrage entre les territoires, certains patients continueront à subir de réelles pertes de chance en devant parfois attendre cinq à huit ans avant d'être greffés.
On ne pourra améliorer l'organisation des greffes en renforçant le caractère centralisé de l'Agence : c'est la mobilisation sur le terrain des multiples acteurs et des associations de malades qui permettra de progresser. Cette action en réseau suppose que l'ABM dispose de relais locaux pour diffuser les bonnes pratiques et mobiliser les équipes.
En contrepartie d'un engagement de l'État à lui fournir des moyens et à lui assigner des missions prioritaires, l'ABM pourrait à son tour s'engager sur des objectifs afin de faire progresser le nombre de prélèvements et de transplantations plus vite que le nombre de nouveaux patients inscrits en attente de greffe. Chacun gagnerait à cet effort de programmation, et d'abord les patients en attente de greffe, qui peuvent aujourd'hui encore être discriminés du seul fait de vivre dans une région où les transplantations ne sont pas une priorité de santé publique. Un objectif chiffré plus ambitieux devrait pouvoir être assigné à l'activité du prélèvement post mortem et de la transplantation, sans oublier l'effort à poursuivre pour faciliter les greffes de rein avec donneur vivant et les greffes préemptives.