commission élargie
(Application de l'article 120 du Règlement)
Lundi 3 novembre 2014
Présidence de M. Gilles Carrez, président de la Commission des finances, et de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales
La réunion de la commission élargie commence à seize heures.
projet de loi de finances pour 2015
Santé Avances aux organismes de sécurité sociale
Avec Mme Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, nous sommes heureux de vous accueillir en commission élargie, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, pour vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés à la mission « Santé ».
Les crédits de la mission « Santé » pour 2015 revêtent une importance particulière dans la mesure où ils préfigurent la loi santé qui viendra en discussion au début de l'année prochaine et qui est très attendue par tous les acteurs, les patients et les usagers du système de santé.
S'il est parfaitement cohérent que ces crédits contribuent à l'effort de rétablissement des comptes publics, je m'interroge sur certaines baisses, notamment celles qui touchent la prévention des risques sanitaires et la réponse aux alertes et urgences sanitaires, à l'heure où nous sommes confrontés au virus Ebola – face auquel la France joue son rôle, un rôle très important grâce à vous, madame la ministre, dans une gestion qui a jusqu'à présent été à mon sens un sans-faute.
, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Le projet de budget qui nous est présenté est placé sous le signe de la responsabilité : la mission « Santé » participe légitimement à l'indispensable effort collectif de redressement des comptes publics engagé par le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité.
Dotée de moyens budgétaires de 1,2 milliard d'euros au total, elle permet de continuer d'assurer les missions de prévention sanitaire et de modernisation de l'offre de soins. Les crédits des deux programmes connaissent une évolution différente : le programme « Protection maladie » traduit l'augmentation attendue des dépenses au titre de l'aide médicale de l'État, tandis que les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » subissent une certaine érosion.
J'ai souhaité me focaliser dans mon rapport sur l'Agence de la biomédecine (ABM) et son rôle dans la politique de transplantation.
Si la France faisait partie des pays pionniers en matière de greffe, mais ses résultats sont aujourd'hui insuffisants, alors que, près de nous, l'Espagne est devenue un exemple grâce à d'importants efforts d'organisation des prélèvements d'organes. Notre pays peut encore améliorer son organisation des transplantations. L'enjeu est réel pour notre système de santé, confronté à une demande croissante d'organes du fait du vieillissement de la population et de la prévalence de certaines pathologies comme le diabète. Développer la greffe permettra aussi d'améliorer la qualité de vie des patients tout en les soignant à moindre coût : un patient dialysé coûte environ 80 000 euros par an, tandis que la réalisation de transplantations rénales en nombre suffisant ferait économiser à l'assurance maladie près de 200 millions d'euros chaque année, soit, sur dix ans, plus de 2,5 milliards d'euros, en raison de l'effet progressivement cumulatif.
À la différence d'autres agences sanitaires, l'ABM n'a pas pour mission première la police sanitaire ni l'évaluation des produits ou techniques utilisés. Elle joue avant tout un rôle opérationnel : veiller à ce que les patients en attente de greffe puissent trouver un organe compatible, susceptible d'être transplanté rapidement. Ses contraintes opérationnelles sont donc très lourdes : l'Agence fonctionne en continu jour et nuit, week-ends compris, et doit être en mesure de répondre très rapidement aux demandes des équipes soignantes.
Nous devons tous nous féliciter de la manière dont l'ABM a réussi à organiser les transplantations dans un climat de sérénité et de respect des principes éthiques. Mais à l'heure actuelle, et alors que la dernière loi de bioéthique a étendu ses missions, elle est confrontée à des choix difficiles. Ces dernières années, elle a dû, comme les autres agences sanitaires, accepter des réductions d'effectifs alors même que ses attributions étaient accrues. Ses missions opérationnelles nécessitent deséquipements de qualité régulièrement modernisés. Est-elle aujourd'hui en mesure de répondre à l'ensemble de ses missions ?
Surtout, l'Agence semble pâtir du manque de visibilité à moyen terme sur les ressources qui lui seront attribuées alors qu'elle doit lancer des chantiers complexes qui nécessitent des investissements échelonnés. Madame la ministre, vous paraît-il possible que l'ABM dispose d'une programmation financière pluriannuelle, au moins indicative, lui permettant de piloter la politique de transplantation et d'aide à la procréation ?
Beaucoup reste également à faire pour réduire les disparités régionales en matière de prélèvement et de transplantation. Faute d'organisation suffisante des services hospitaliers d'urgences ou de traumatologie, on ne recense pas convenablement les donneurs potentiels d'organes alors que nous souffrons de pénurie. Le nombre de donneurs en état de mort encéphalique recensés par million d'habitants varie du simple au triple : faible dans les départements de Corse – avec un taux de 16,2 – ou en Picardie, il atteint 48,1 en Limousin et davantage encore en Bretagne et dans les Pyrénées-Orientales.
Pour trouver des organes, il faut aussi améliorer la communication avec les familles, qui s'opposent parfois aux prélèvements : le taux de refus avoisine 40 % en Île-de-France et va jusqu'à à 52,6 % à la Martinique contre 20,4 % seulementen Franche-Comté ; il varie également d'une année à l'autre. Au-delà des chiffres, la présomption de consentement au don d'organes est aujourd'hui loin d'être respectée, souvent faute d'une communication adaptée : les familles font prévaloir leur point de vue, alors que c'est celui du donneur qui doit être déterminant.
Enfin, les patients ne sont pas tous égaux face à l'accès à la greffe : certains sont inscrits très tard sur la liste d'attente ou y restent de longues années faute de greffons compatibles. Le ratio entre patients inscrits sur la liste d'attente et patients dialysés, s'agissant des moins de soixante ans, varie de 87 %en Île-de-France à 36 % en région PACA ou 37 % dans le Nord.
La réorganisation en cours des services régionaux d'appui de l'ABM devra notamment favoriser l'équité devant l'accès à la greffe. Comment l'ABM tiendra-t-elle compte de la réforme territoriale en cours, qui implique la réduction du nombre de régions administratives, pour réorganiser ses propres services déconcentrés ? Madame la ministre, je sais votre attachement à l'égal accès aux soins : envisagez-vous de donner des directives pour que des efforts prioritaires soient consentis dans les régions en retard, notamment pour former des professionnels de santé et financer le recrutement de coordonnateurs hospitaliers spécialisés dans l'activité de prélèvement ? Sans cet effort de rééquilibrage entre les territoires, certains patients continueront à subir de réelles pertes de chance en devant parfois attendre cinq à huit ans avant d'être greffés.
On ne pourra améliorer l'organisation des greffes en renforçant le caractère centralisé de l'Agence : c'est la mobilisation sur le terrain des multiples acteurs et des associations de malades qui permettra de progresser. Cette action en réseau suppose que l'ABM dispose de relais locaux pour diffuser les bonnes pratiques et mobiliser les équipes.
En contrepartie d'un engagement de l'État à lui fournir des moyens et à lui assigner des missions prioritaires, l'ABM pourrait à son tour s'engager sur des objectifs afin de faire progresser le nombre de prélèvements et de transplantations plus vite que le nombre de nouveaux patients inscrits en attente de greffe. Chacun gagnerait à cet effort de programmation, et d'abord les patients en attente de greffe, qui peuvent aujourd'hui encore être discriminés du seul fait de vivre dans une région où les transplantations ne sont pas une priorité de santé publique. Un objectif chiffré plus ambitieux devrait pouvoir être assigné à l'activité du prélèvement post mortem et de la transplantation, sans oublier l'effort à poursuivre pour faciliter les greffes de rein avec donneur vivant et les greffes préemptives.
, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Force est de le reconnaître, les crédits de la mission « Santé » sont en diminution : si le programme « Protection maladie », constitué à plus de 90 % des crédits destinés à l'aide médicale de l'État (AME), voit sa dotation augmenter de près de 14 %, le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » subit, lui, une baisse de 25 %. À périmètre constant, c'est-à-dire abstraction faite du transfert de plusieurs organismes au budget de la sécurité sociale, la baisse est de 2 %.
Le rapporteur pour avis ayant traité de l'important sujet de la transplantation, j'insisterai pour ma part sur le budget le plus controversé de la mission, car le plus critiquable : celui de l'AME. Pour en être chargé depuis quelque temps comme rapporteur spécial, j'ai pu étudier de près les lignes budgétaires correspondantes, et je n'ai pas été déçu par les contrôles multipliés dont elles ont fait l'objet.
La présentation du budget de l'AME est proprement inadmissible. On prétend faire des économies alors que les dépenses d'AME flambent, augmentant de 72,6 millions d'euros en toute impunité pour atteindre un niveau de plus de 675 millions d'euros pour 2015, prévision au demeurant largement sous-estimée, comme chaque année. Cette fois, néanmoins, la sous-budgétisation est assumée : le projet annuel de performances annonce clairement une dépense tendancielle de 717 millions d'euros au titre de l'AME de droit commun alors que la budgétisation correspondante n'est que de 632 millions.
Comment expliquer cet écart, qui relève manifestement de la supercherie ? Outre les 29 millions d'euros attribués à la fin de la majoration des tarifs hospitaliers et 5 millions de baisse des dépenses sur les médicaments – passe encore, à la limite ; nous verrons –, le Gouvernement escompte 51 millions d'euros d'économies supplémentaires de la réforme du droit d'asile, malgré la hausse inexorable du nombre de bénéficiaires, qui atteint 4 % cette année.
Pour bien connaître les mécanismes de l'immigration et la procédure de demande d'asile, je doute que la réforme, même si elle est votée l'an prochain, permette une telle économie dès la première année. Il est même probable qu'elle créera des charges supplémentaires pour l'AME. En effet, ce sont les déboutés du droit d'asile qui bénéficient de celle-ci, et non les demandeurs. Il faudrait donc qu'avant la fin de l'année non seulement la loi soit votée, mais tous les déboutés soient expulsés, ce qui, étant donné le rythme des expulsions, est impossible, de sorte que ces 51 millions sont totalement fictifs. On peut même avancer que les événements du Moyen-Orient auront tendance à grossir les rangs des bénéficiaires de l'AME.
Il faut se rendre à l'évidence : le dispositif est au bord de l'explosion ; pourtant, aucune limite n'est posée à l'apport de crédits. Au contraire, afin de corriger la décorrélation croissante entre les crédits votés et la dépense réelle, on abonde constamment l'AME en loi de finances rectificative.
L'ensemble de ces constats légitime un sentiment d'injustice, particulièrement flagrant cette année. Quelles mesures allez-vous prendre, madame la ministre, au vu des recommandations de la Cour des comptes qui juge ce budget « à la limite de l'illégalité budgétaire » ? Au 31 décembre 2013, le nombre de bénéficiaires de l'AME s'élève à 282 425, en hausse de 30 % en quatre ans et de près de 85 % depuis 2002.
On parle de contrôle a priori, mais seulement 160 ETP se consacrent à l'instruction des dossiers, soit une moyenne de 1 355 dossiers traités par agent. Quant au bilan des fraudes – a posteriori, donc – fourni par la Caisse nationale d'assurance maladie, il est ridiculement bas : une quarantaine de fraudes seulement relevées en 2013, dont deux fraudes à l'identité ! Je ne sous-estime pas la difficulté de la tâche. Mais comment contrôler un tel dispositif, qui se fonde par nature sur des conditions d'éligibilité telles que l'identité ou la résidence ?
Tout cela témoigne d'un problème de présentation globale.
Nous l'avons constaté en Seine-Saint-Denis, les hôpitaux sont eux-mêmes victimes des carences de la gestion de l'AME. Conjuguée aux modifications des tarifs hospitaliers, elle fait peser sur eux une charge supplémentaire de 135 millions d'euros, qui ne sont évidemment pas intégrés aux crédits de l'AME mais doivent être pris en compte dans le budget destiné aux immigrés clandestins.
Enfin, il faudra bien un jour que l'AME concerne aussi Mayotte. A-t-on prévu les moyens nécessaires ? J'ai interrogé à la direction générale de la santé (DGS), qui m'a dit ne pas disposer des chiffres de la santé publique à Mayotte. Je me suis alors tourné vers la CNAM, laquelle a fini par m'indiquer que l'ensemble des dépenses de santé s'y élevaient à 250 millions d'euros en 2013, dont près de la moitié pour seul hôpital public de Mayotte, première maternité de France…
Levons le voile sur les dépenses de santé de l'État en faveur des immigrés en situation irrégulière. Voici quelle est la situation pour 2015 : 677,5 millions d'euros de crédits inscrits dans la mission ; un dépassement estimé au plus bas à 100 millions d'euros, sur la base de la consommation 2014 de l'AME de droit commun ; une dette non recouvrée à la sécurité sociale de 51 millions d'euros ; un transfert de charges aux hôpitaux évalué à 29 millions d'euros ; un coût prévisionnel que j'évalue à au moins 100 millions d'euros pour les étrangers en situation irrégulière de Mayotte. Soit, au total, une dépense annuelle d'au moins 390 millions d'euros pour 2015, auxquels s'ajoutent de nombreuses zones grises, dont les surcoûts en gestion et les pertes de recettes pour les hôpitaux.
Il n'est évidemment pas question d'approuver une telle ligne budgétaire.
Madame la ministre, abstraction faite de tous les exposés philosophiques et humanitaires, on ne peut continuer de présenter ainsi le budget de l'aide aux immigrés clandestins. Une telle dissimulation ne peut que provoquer des problèmes économiques et financiers, mais aussi politiques. Je vous conseille d'en revenir à la pratique de nos voisins européens, qui concentrent ces prestations sur les soins d'urgence, les soins prophylactiques et gynécologiques et ceux qui sont prodigués à l'enfance.
Je souhaiterais d'abord replacer ce budget dans le contexte plus général de redressement sans précédent des finances publiques. C'est dans ce cadre, et compte tenu de nos priorités, qu'il faut analyser les crédits qui vous sont présentés.
L'évolution des crédits du programme 204 traduit le choix que nous faisons en faveur de la prévention, comme dans le projet de loi santé que vous aurez à débattre en début d'année prochaine. Il s'agit, comme le font avec succès d'autres pays, de promouvoir des conditions de vie favorables à la santé, en définissant des priorités : accroître le soutien aux plus fragiles et aux plus exposés, donner de bons réflexes aux plus jeunes.
Ainsi avons-nous choisi d'agir d'abord sur les déterminants de la santé, notamment par la promotion de la santé des enfants et adolescents dès le plus jeune âge, une politique anti-tabac offensive, une information nutritionnelle améliorée, le renouvellement du plan cancer et le plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives. La lutte contre les inégalités sociales de santé constitue l'enjeu majeur de cette politique de prévention. Telle est l'ossature du projet qui vous est présenté.
Les crédits destinés à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins sont donc préservés, ce qui constitue un choix politique fort à l'heure où plusieurs programmes subissent d'importantes réductions. La comparaison avec 2014 ne donne pas une image exacte de l'évolution des moyens affectés à la prévention. En effet, dans le cadre du PLF et du PLFSS pour 2015, nous avons rationalisé les champs d'intervention respectifs de l'État et de la sécurité sociale en supprimant certains cofinancements. Cela se traduit très concrètement par le transfert à l'assurance maladie de plusieurs domaines d'intervention, dont les formations médicales dispensées en ville ou le fonctionnement des centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST).
Soyons précis : il ne s'agit pas là de débudgétisation comptable, mais de clarifications destinées à rendre nos actions plus efficaces et cohérentes. Ainsi, le transfert du financement des formations médicales en ville peut en améliorer et en simplifier la gestion. Quant aux CIDDIST, le transfert permet la fusion avec les structures financées par l'assurance maladie et pose les fondements d'un dispositif unique de dépistage, plus performant et plus accessible aux publics qui en ont le plus besoin. Cette réforme a d'ailleurs été saluée par les organisations, en particulier AIDES, qui a parlé d'une « petite révolution […] dans la façon d'appréhender le dépistage des hépatites et du VIH en France ».
Si l'on tient compte de ces transferts, et si l'on compare les moyens consacrés en 2015 au programme 204 dans son périmètre 2014, on constate une progression de 0,87 % des crédits, ce qui, je le répète, témoigne d'un choix politique fort dans le contexte actuel de réduction des dépenses de l'État. Ces moyens permettent de financer nos priorités en matière de sécurité sanitaire et de prévention.
En cette matière, le soutien budgétaire de l'État passe principalement, au-delà de ces points, par la dotation du programme 204 aux projets régionaux de santé dans le cadre du fonds d'intervention régional (FIR). Ces crédits seront maintenus pendant toute la durée du triennal au niveau prévu par la loi de finances initiale pour 2014, soit plus de 130 millions d'euros. Je rappelle que le financement des actions de prévention du FIR bénéficie des ressources de l'assurance maladie, pour un total de 247 millions d'euros en 2014. Or, en dehors du domaine de la loi de finances, les financements du fonds de prévention de la CNAM progresseront, dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion, de 7,3 % entre 2013 et 2017, passant de 424 à 455 millions d'euros.
Par ailleurs, les opérateurs de sécurité sanitaire et de prévention contribuent aux efforts d'économie, lesquels relèvent non d'une logique de rabot mais d'une réforme structurelle de notre système d'agences sanitaires, que j'avais annoncée l'année dernière et qui sera intégrée à la future loi santé. Nous allons ainsi créer un institut national de prévention, de veille et d'intervention en santé publique qui reprendra les missions aujourd'hui exercées par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et l'Institut national de veille sanitaire (InVS). Cette réforme doit permettre de réagir plus efficacement aux risques sanitaires, la future agence adoptant une approche intégrée de la santé publique qui va de la prévention à l'intervention en passant par la veille sanitaire. Elle entraînera également des économies sur les dotations à ces opérateurs.
Je profite de l'occasion pour vous apporter quelques précisions, en réponse à Mme Lemorton, sur le financement de notre préparation et de notre réponse aux risques de l'épidémie d'Ebola, alors que notre pays vient d'accueillir une deuxième personne atteinte par le virus, hospitalisée à l'hôpital Bégin. La mobilisation de l'InVS, de l'EPRUS et de douze établissements de santé de référence, dont onze en territoire métropolitain et un à La Réunion, a supposé des moyens humains, donc des efforts d'organisation, pour une réponse adaptée des équipes.
Au-delà de cette organisation dont je remercie les personnels des hôpitaux et des agences concernés, notre système de santé a investi pour se préparer à réagir. Les établissements de santé de référence devraient dépenser 2,7 millions d'euros en 2014 pour renforcer leurs équipements de laboratoire et de sécurité biologique. Il est prévu que l'EPRUS consacre à l'urgence sanitaire 1,5 million en 2014, principalement en vue de constituer une réserve d'équipements de protection individuelle, ces fameuses tenues destinées aux soignants que l'on a beaucoup vues dans les médias. Il faut avoir conscience que, pour prendre en charge une personne infectée par le virus Ebola, on a besoin de 50 à 80 tenues par jour, sachant que l'hospitalisation dure plusieurs jours et que ces équipements sont bien évidemment à usage unique. Ainsi, pour soigner la jeune infirmière de Médecins sans frontières admise à l'hôpital Bégin il y a une quinzaine de jours, ce sont environ 1 000 tenues de protection qui ont été employées. Ces équipements sont également utilisés lors des exercices, indispensables pour vérifier que les professionnels maîtrisent bien les gestes qui permettent d'éviter la contamination. Dans ce cas, ils peuvent servir plusieurs fois car il n'y a pas d'enjeu de protection sanitaire.
Nous avions en stock 9 000 tenues de protection ; 20 000 équipements supplémentaires ont été commandés, pour un coût de 40 euros hors taxes par équipement. Sachant qu'il en faut 1 000 pour une hospitalisation, nous avons engagé, vous le voyez, une préparation nécessaire, sérieuse et de précaution qui nous permettra de prendre en charge des malades rapatriés ou importés accidentellement, mais on ne peut en aucun cas parler de dépense excessive, de gabegie ni d'excès.
Votre rapporteur pour avis Jean-Louis Touraine m'a interrogée sur l'Agence de la biomédecine. En ce qui concerne la possibilité de compléter son contrat d'objectifs et de performance par une programmation financière pluriannuelle, bien qu'aucune trajectoire n'ait été intégrée au contrat 2012-2015, une évaluation des différentes actions de l'Agence a été conduite afin de déterminer les ressources à mobiliser sur la période du contrat. L'Agence a été régulièrement dotée à hauteur des besoins financiers estimés, soit environ 2 millions d'euros. Les moyens humains jugés nécessaires pour atteindre les objectifs identifiés ont été pourvus, d'une part par le maintien d'effectifs au titre des mesures nouvelles, d'autre part par des gains d'efficience. La négociation du prochain contrat d'objectifs et de performance fournira l'occasion de redéfinir les conditions d'une programmation pluriannuelle des ressources.
Pour ce qui est de la réorganisation des services régionaux d'appui de l'ABM, compte tenu notamment de la réforme territoriale, une réflexion a été engagée dans le cadre du présent contrat d'objectifs et de performance et du plan greffe 2012-2016. Celle-ci a débouché sur un partage fondé sur les analyses prospectives des services de régulation et d'appui, qu'il s'agit de mieux organiser le cas échéant. Plusieurs éléments conduisent à envisager des évolutions, et d'abord un besoin accru d'anticipation des stratégies de répartition des moyens dont nous disposons, ainsi que des nouvelles modalités de partage des dossiers dématérialisés et d'accueil des patients en comité donneur vivant. Du point de vue organisationnel, cela pourrait se traduire par une modification de l'organisation des astreintes régionales, par le regroupement, d'ici à la fin 2015, des secrétariats des sites secondaires dans les sites principaux, par la définition d'un effectif socle dans les services de régulation et d'appui, enfin par une gestion centralisée des comités donneur vivant.
La lutte contre les disparités en matière de prélèvement et de greffe d'organes a été identifiée comme l'objectif numéro un à atteindre dans le cadre de la certification obtenue par l'ABM. Ces disparités font l'objet d'une analyse mensuelle. L'incidence de pathologies, comme le diabète, dans certaines régions peut influencer le nombre de donneurs susceptibles d'être prélevés. Il est évidemment difficile, en tout cas à court terme, d'agir sur ces variables.
En revanche, toute une série de mesures peuvent être mises en oeuvre pour atténuer ces disparités. Il s'agit d'abord d'inciter les établissements de santé à s'inscrire dans des réseaux de prélèvement afin de participer à cette activité en identifiant des donneurs potentiels d'organes qui n'étaient jusqu'alors pas recensés. Cela suppose la formation et l'information des directions comme des équipes de professionnels, ainsi qu'une organisation médicale comportant un médecin coordonnateur pour les prélèvements et les greffes, assisté d'une équipe formée à la transplantation. On pourrait également proposer aux coordinations hospitalières de prélèvement un outil destiné à développer ou à améliorer le recensement des donneurs d'organes et la qualité de la prise en charge des donneurs et de leurs proches. Il s'agirait aussi d'apporter à l'ensemble de la population une information transparente sur le don et la greffe, de façon mieux identifiée et plus visible. Enfin, il faudrait former les professionnels de santé au recueil du consentement. Une réduction de dix points du taux d'opposition observé, lequel atteint aujourd'hui 30 %, est attendue de cette action. Elle permettrait plus de 500 prélèvements supplémentaires par an, c'est-à-dire, potentiellement, 500 greffes de plus.
S'agissant enfin du financement des banques de sang placentaire en vue de la greffe de moelle dans le cadre du plan cancer, nous nous sommes engagés à augmenter, jusqu'à 30 000 cellules souches supplémentaires, le stock de sang placentaire français, qui n'était que de 10 900 unités en 2010. L'objectif des 30 000 unités ayant été atteint, il n'est pas envisagé d'accroître au même rythme le stock d'unités de sang placentaire ni de consacrer à cette fin des crédits provenant du troisième plan cancer.
Toutefois, nous ne relâchons pas l'effort, qui se concentrera sur trois objectifs. Premièrement, le prélèvement et la conservation des unités de sang placentaire les plus riches. Ensuite, la réorganisation du réseau de sang placentaire ; cette rationalisation est déjà largement entamée puisque, de 11 banques et 75 maternités en 2012, le réseau sera passé à 5 banques et 30 maternités fin 2014. Enfin, l'accompagnement financier des établissements chargés de la préparation de ces unités. Après un financement spécifique de 2,7 millions d'euros en 2013, quelque 2 millions d'euros sont prévus en 2014. Je vous rappelle, monsieur le député, que les sommes sont versées aux établissements de santé dans le cadre d'une mission d'intérêt général. Pour 2015, un modèle pérenne de financement du prélèvement par rémunération directe des maternités est en train d'être défini avec l'ABM.
J'en viens au programme 183, destiné à la protection contre la maladie dans des situations qui mobilisent la solidarité nationale, étant entendu que les autres missions de prise en charge des soins relèvent du PLFSS. Je soulignerai d'abord que, dans le cadre du PLF pour 2015, l'État rétablit sa contribution au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), qui avait été ramenée à zéro en 2013 et 2014. Cette contribution sera de 10 millions d'euros. Il s'agit non seulement de reconnaître symboliquement la responsabilité de l'État dans l'indemnisation des victimes de l'amiante, mais aussi d'améliorer l'efficacité du fonds en réduisant les délais de présentation et de paiement des offres d'indemnisation.
En ce qui concerne l'aide médicale de l'État, je m'en tiens à la vérité des chiffres. En 2015, nous prévoyons de lui consacrer 677,5 millions d'euros, bien loin des chiffres que certains font claquer et dont vous vous êtes fait l'écho, monsieur le rapporteur spécial. Je peux comprendre qu'une compétition interne au sein de certain parti politique conduise à une surenchère, mais il m'a semblé nécessaire, dans ce débat, d'en rester aux faits. En la matière, on ne peut pas agréger des choux et des carottes comme en cuisine, où je reconnais que cela peut faire de bons plats !
Vous avez évoqué l'effet de l'AME sur les hôpitaux. Il y a peu encore, y compris sous la précédente législature, des tarifs spécifiques étaient applicables aux soins dispensés aux bénéficiaires de l'AME, supérieurs à ceux des mêmes soins pour d'autres patients. Nous avons choisi de ramener les premiers au niveau des seconds. Avant cette mesure, vous trouviez invraisemblable que les tarifs soient supérieurs pour les patients à l'AME ; aujourd'hui, vous estimez que le niveau insuffisant des tarifs mettrait les hôpitaux en difficulté.
Une dépense de 677,5 millions d'euros permet de garantir l'accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière, c'est-à-dire à des personnes qui ne sont pas assurés sociaux. Cet objectif est conforme aux valeurs de la majorité, mais aussi à la santé publique. L'AME ne saurait pour autant être exemptée par principe de l'effort d'économie demandé. En particulier, une économie est attendue de la réforme du droit d'asile. En effet, celle-ci permettra d'écarter plus vite les demandes les moins fondées ; les demandes de réexamen sans élément nouveau seront déclarées irrecevables ; les dossiers seront clos et les droits perdus en cas de refus de coopérer ; la procédure pourra être accélérée en fonction du contenu du dossier. La réforme devrait rendre plus efficaces et plus rapides les procédures contentieuses, grâce à l'instauration d'une procédure de jugement à juge unique et la limitation à cinq mois des délais d'examen par la commission nationale du droit d'asile. Il s'agit aussi de réduire le nombre de personnes déboutées qui restent en situation irrégulière et, par là même, le nombre de bénéficiaires potentiels de l'AME.
Par ailleurs, j'ai demandé au directeur général de la CNAM, comme je le demanderai à son successeur, de rendre plus efficaces et plus fiables les procédures de contrôle à l'ouverture des droits sociaux en général – car il n'est pas question de se montrer a priori plus suspicieux dans le cas de l'AME que vis-à-vis des autres prestations.
Pour en revenir à l'AME proprement dite, nous devons absolument agir sur les filières organisées de séjour dans le seul but de bénéficier d'une prise en charge des soins. Une chose est de prendre en charge les soins dispensés à des personnes présentes sur notre territoire, pour reconnaître un état de fait et, je le répète, pour des raisons de responsabilité sanitaire ; une autre est de tolérer que se développent de telles entrées sur le territoire, uniquement motivées par la perspective de la prise en charge. Dans ce domaine, notre action relève de la lutte plus générale contre l'organisation de l'immigration illégale et doit également passer par la coopération avec les pays d'origine.
Je m'exprimerai au nom du groupe SRC. Dans le contexte budgétaire particulièrement contraint que nous connaissons, la régression des crédits de la mission « Santé » doit se comprendre comme contribuant à l'effort de redressement des comptes publics. Cet effort ne devrait toutefois pas obérer les actions ni le fonctionnement des structures qui concourent à la santé et à la sécurité sanitaire de nos concitoyens. Vous venez en effet de nous le montrer, chiffres à l'appui, madame la ministre : à périmètre constant, les crédits sont quasiment stables.
Laissant mon collègue Christophe Sirugue revenir sur l'AME, j'insisterai de mon côté sur la réorganisation prévue des agences sanitaires afin d'en accroître l'efficience. Rapporteure pour avis des crédits de la mission pour 2014, j'avais souligné l'intérêt de cette mutualisation de plusieurs services, notamment avec l'InVS. Je me réjouis donc des économies d'échelle que la taille critique accrue de la nouvelle agence devrait permettre de réaliser et qu'il faudra bien évidemment vérifier et mesurer.
Par ailleurs, au titre de l'action 18, les crédits de prévention, de promotion de la santé, de veille et de sécurité sanitaires alloués aux agences régionales de santé par l'intermédiaire du FIR sont étroitement liés aux territoires, donc particulièrement adaptés aux besoins répertoriés. J'aimerais connaître leur répartition par ARS afin de mieux appréhender la réalité territoriale dans l'ensemble de la métropole.
Enfin, comment envisagez-vous de remédier aux difficultés de l'ABM à accomplir ses missions, surtout dans le domaine de l'information ? Il s'agit en particulier de faire respecter la loi, qui prévoit une présomption de consentement et non le recueil de la non-opposition de la famille. En la matière, les réticences encore nombreuses peuvent expliquer le nombre insuffisant de prélèvements.
Je m'exprimerai au nom du groupe UMP. Les crédits de la mission « Santé » sont en baisse – 1,20 milliard, au lieu de 1,29 en 2014 –, ce qui ne laisse pas d'inquiéter nombre de parlementaires : nous partageons le point de vue de la présidente de la commission des affaires sociales à ce sujet. Il est en revanche utile qu'une douzaine d'agences sanitaires entreprennent de réduire leurs coûts.
Le poste de dépenses qui ne connaît pas la crise, Claude Goasguen l'a montré, c'est l'AME, qui devrait augmenter de 73 millions d'euros en 2015 : ce budget est en train de flamber. Claude Goasguen estime même qu'il pourrait atteindre 800 millions à 1 milliard d'euros. Les raisons en sont connues. La générosité envers les sans-papiers va jusqu'à leur fournir une meilleure couverture des soins qu'à un travailleur sans mutuelle qui paie des cotisations sociales obligatoires : 100 %, presque sans limite. Vous avez fait une grave erreur, madame la ministre, en supprimant le droit de timbre de 30 euros. Désormais, nous menons une politique d'accueil tous azimuts d'étrangers en situation irrégulière.
Vous annoncez des efforts pour lutter contre les filières, reconnaissant ainsi leur existence, ce qui est tout à fait nouveau. Le député SRC Jean-Louis Touraine reconnaissait d'ailleurs il y a quelques jours dans L'Opinion : « On est face à des filières très organisées. Dans la région Rhône-Alpes, les gens viennent de l'Est pour se faire dialyser. En Île-de-France, c'est pour se faire soigner contre la tuberculose à germes. Il y a des passeurs. » En somme, la vérité est en train de se faire jour ; à l'UMP, nous en sommes très heureux.
Selon Alain Milon, président de la commission des affaires sociales du Sénat, le coût de l'AME devrait plutôt être de 700 millions d'euros l'année prochaine. Pour le moment, on évalue à 700 millions environ les crédits qui seront dépensés fin 2014. On sait que, pour l'AME de droit commun, 410 millions d'euros, soit 73 % des crédits votés, avaient été consommés fin juillet, cinq mois avant la fin de l'année. Pourriez-vous nous apporter des explications supplémentaires, madame la ministre ?
Pour le groupe UDI, la réforme de notre système de santé doit concilier deux exigences majeures : l'accès équitable à des soins de qualité, dans un contexte de tension budgétaire extrême. Vous parlez, madame la ministre, de redressement sans précédent ; à l'issue de l'examen du PLFSS, permettez-moi d'en douter – sauf pour la famille, où vous avez fait fort…
Les crédits dévolus à la mission « Santé » demeurent inchangés par rapport à l'exercice budgétaire précédent. Ils sont en baisse s'agissant du programme 204 – mais nous avons entendu vos explications à ce sujet –, indispensable à la sécurité sanitaire, qui est devenue un impératif majeur de santé publique sous l'effet conjugué des drames sanitaires et humains et de la demande croissante de transparence de nos compatriotes. Ces crédits sont également nécessaires à l'efficience et à la qualité du système de soins.
Nous sommes opposés à la mise à mal de l'AME, même si j'ai voté à titre personnel les amendements de Dominique Tian tendant à instaurer une franchise. Le problème de fond est qu'il s'agit d'un tabou, d'un marqueur politique sur lequel les groupes SRC et UMP s'affrontent en adoptant des positions extrêmes. À l'UDI, nous estimons qu'une dépense budgétaire qui augmente de 20 % par an n'est pas supportable. Si toutes les dépenses de ce budget étaient dans le même cas, que ferait-on, madame la ministre ? On peut espérer que la réforme de l'asile enrayera l'augmentation, mais notre groupe est inquiet.
Enfin, il est urgent de s'attaquer aux problèmes essentiels que sont la désertification médicale, le rapprochement entre le public et le privé, la carte hospitalière, la répartition territoriale équitable des établissements de santé et leur nécessaire modernisation, la sécurité sanitaire, l'innovation et la recherche. Or les crédits qui nous sont soumis ne témoignent pas d'une grande ambition du Gouvernement dans ces domaines.
Je m'étonne que M. Tian juge un budget à l'aune de la seule évolution des crédits. Il est pourtant possible de faire mieux avec moins en menant des réformes structurelles. C'est le cas pour l'Agence du médicament – les errements de l'agence précédente s'agissant du Mediator ainsi que les coûts qui en ont découlé auraient ainsi pu être évités. De même, l'article 33 du PLFSS pour 2015 fusionne deux structures en charge de la prévention et du dépistage des infections : les consultations de dépistage anonyme et gratuit du VIH et des hépatites et les centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles. La nouvelle structure pourra conduire des actions hors des murs pour aller à la rencontre des publics les plus éloignés du système de santé dans un cadre unifié plus efficace. Cette réforme a été saluée par les associations de patients. Le Haut Conseil de santé publique doit publier prochainement un rapport sur le plan national 2010-2014 de lutte contre le VIH, le sida et les autres infections sexuellement transmissibles, qui semble en dresser un bilan mitigé. Envisagez-vous de donner suite, et à quelle date, à ce rapport dans le nouveau plan que vous devez annoncer ?
Je salue également d'autres réformes structurelles ayant trait aux politiques de prévention, notamment au travers des plans régionaux de santé environnementale qui viennent enrichir les nouveaux plans régionaux de santé.
Madame la ministre, je note tout d'abord la hausse importante, et pourtant prévisible, des crédits de l'aide médicale de l'État. Rappelons que le coût de l'AME est passé de 75 millions d'euros en 2000 à 677 millions aujourd'hui ! Vous avez vous-même reconnu, en juin au Sénat, des abus et des fraudes à l'AME, le nombre des bénéficiaires ayant augmenté de 35 % sur les deux dernières années... L'inégalité est criante, et forcément injuste, entre les bénéficiaires de l'AME, pris en charge à 100 %, et les assurés aux revenus modestes du régime général. Quelles mesures comptez-vous prendre pour limiter le coût de l'AME pour les finances publiques ?
Je souhaite également vous interpeller sur la prise en charge de la fibromyalgie. Cette affection chronique, caractérisée par une douleur diffuse, accompagnée d'une fatigue profonde, concerne près de 3,5 % des femmes et 0,5 % des hommes. Ce syndrome pâtit d'un déficit évident de considération du fait de son invisibilité et de sa cause indéterminée. Permettez-moi de vous poser trois questions sur ce sujet.
Envisagez-vous la réinscription du syndrome de fibromyalgie sur la liste des affections de longue durée ALD 31, pour les cas sévères de fibromyalgie entraînant des soins coûteux ?
La reconnaissance du handicap et de l'invalidité du patient atteint de fibromyalgie est laissée à la seule appréciation des médecins-conseils. Peut-on envisager d'élaborer un outil commun d'évaluation spécifique à cette affection ?
Selon les associations, un nombre croissant d'enfants serait atteint du syndrome de fibromyalgie, sans que le diagnostic soit ouvertement posé. Le Gouvernement compte-t-il procéder au recensement, actuellement impossible, des enfants réellement concernés ?
Je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur l'action n° 14 du programme 204, qui doit permettre de donner une nouvelle impulsion à l'accompagnement des malades atteints d'une maladie neurodégénérative. Plus de 800 000 personnes sont touchées par la maladie d'Alzheimer – elles seront bientôt plus d'un million –, 150 000 par la maladie de Parkinson – 14 000 cas nouveaux sont recensés chaque année. Parallèlement, plusieurs dizaines de milliers de malades sont affectés par la sclérose en plaques.
L'accompagnement des malades et de leurs familles mérite d'être amélioré dans plusieurs directions : une politique de prévention de la maladie plus active, l'information à tous les stades de la maladie ainsi que les aides susceptibles d'apporter un répit des aidants. La future loi de santé publique et la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement comportent déjà plusieurs avancées significatives. Pouvez-vous nous confirmer qu'un suivi systématique des personnes âgées sera mis en place afin de détecter de manière précoce ces maladies ? Vous avez annoncé la présentation d'un plan d'ensemble pour ces maladies qui doit s'appuyer sur le rapport d'évaluation confié aux professeurs Joël Lancry et Christine van Broeckhoven. À quelle date sera présenté ce plan ? Comprendra-t-il un volet consacré à la recherche médicale et environnementale qui est en passe de faire des progrès importants dans la lutte contre ces maladies ?
Je reviens sur l'analyse des crédits de l'AME pour me féliciter que la dotation forfaitaire réservée aux soins d'urgence et les délégations de crédits aux services déconcentrés, c'est-à-dire l'AME humanitaire, soient maintenues.
L'AME de droit commun est, on l'a bien compris, un vrai marronnier pour certains de nos collègues. Il faut impérativement en reparler tous les ans, même si personne ne disconvient que l'évolution des dépenses mérite un examen attentif. Je salue les propositions de Mme la ministre qui permettent à l'évidence un suivi du dispositif afin de s'assurer qu'il correspond parfaitement à l'objectif qui lui a été assigné.
Mais il serait partiel, pour ne pas dire partial, de laisser penser que le rétablissement d'une franchise pour l'AME serait de nature à mieux réguler la charge de cette dépense. Je rappelle que, lorsque cette franchise s'est appliquée, nous avons constaté une augmentation du non-recours, ce qui signifie que les personnes ayant besoin de se faire soigner arrivent à l'hôpital avec des pathologies beaucoup plus graves dont la prise en charge s'avère plus coûteuse ; et du reste, on a bel et bien observé une augmentation du coût moyen par bénéficiaire. Or aujourd'hui, ce coût est en baisse : c'est donc bien qu'il est important d'avoir un dispositif le plus accessible. Il faut également reconnaître son intérêt sur le plan éthique comme sur celui de la sécurité sanitaire et de l'accès aux soins. Enfin, nous devons veiller à ne pas faire de cette question un sujet de positionnement idéologique, cher M. Goasguen, mais un élément de politique sanitaire. De ce point de vue, les éléments que vous venez de nous apporter, madame la ministre, sont de nature à nous rassurer quant à la mise en oeuvre et sur le suivi de cette politique sur tout le territoire.
Dans la suite des propos de M. Sirugue, le traitement de la tuberculose pharmaco-résistante peut durer des années et coûter deux cents fois plus cher selon les Américains. Il faut mesurer les conséquences de l'absence de soins pour des patients qui pourraient bénéficier du traitement classique. C'est le cas pour ceux qui sont pris en charge par l'AME.
Ma question, madame la ministre, porte sur l'action n° 11 dans laquelle est abordée rapidement la question de la dématérialisation des certificats de décès et sa généralisation, dont est en charge le centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès, dépendant de l'INSERM, en collaboration avec l'INSEE. La certification des décès n'est pas un acte simple, mais elle permet d'établir des statistiques de santé publique très fiables, donc un meilleur ciblage des actions de prévention.
La rédaction et la transmission des certificats se font encore très majoritairement de façon manuscrite. La transmission électronique, autorisée depuis 2006, offre pourtant une meilleure qualité et une plus grande précision des informations sur le volet médical. En la matière, il nous reste des progrès à faire : nous sommes loin d'être les meilleurs élèves de l'Union européenne. Votre ministère a adressé une instruction en juillet 2013 visant à atteindre en deux ans un taux de certification électronique de 20 %. Nous partons de loin car certaines régions, par exemple la Bretagne et Midi-Pyrénées présent un taux inférieur à 1 % alors que celui du vertueux Limousin est de 28 %. Restent plusieurs difficultés identifiées à surmonter, notamment pour la médecine de ville : outre le certificat lui-même qui devrait être revu, la certification pose la question de la formation des médecins, de l'accès à internet et du dossier médical dématérialisé. Pouvez-vous faire un point sur ce sujet ?
Je ne fais pas d'idéologie, madame la ministre. Je vais vous parler de choux et de carottes en vous posant des questions précises sur ce que vous avez qualifié de ferment de désunion de l'opposition – ce qui prête à sourire quand on connaît l'état d'union de la majorité actuelle.
Le dépassement entériné chaque année dans une loi de finances rectificative est-il un chou ou une carotte ? La dette non recouvrée à la sécurité sociale de 51 millions d'euros est-elle une carotte ou un chou ?
Manifestement, vous ne connaissez pas le droit d'asile. Car si tel était le cas, vous sauriez que la réforme va vraisemblablement augmenter le nombre des déboutés, sauf à tous les expulser dans l'année – il y en a 70 000. Or je rappelle que les déboutés du droit d'asile, contrairement aux demandeurs, peuvent bénéficier de l'AME.
Enfin, à Mayotte, est-ce un chou ou une carotte ?
Les contrôles effectués par la sécurité sociale, avec le succès que j'ai pu constater, font-ils un panier de légumes suffisamment garni pour vous inquiéter ?
On est loin de l'idéologie. Je m'appuie sur des chiffres. Je ne me suis pas contenté de dissimulation sur un budget qui préoccupe naturellement les Français, et particulièrement ceux qui s'intéressent à la santé publique.
Je précise à l'attention de M. Goasguen que les déboutés du droit d'asile ne sont pas les seuls bénéficiaires de l'AME, les personnes, nombreuses selon les préfectures, qui ne disposent pas d'un récépissé de leur demande d'asile peuvent également y prétendre.
Pas forcément. Quant à la franchise de 30 euros, ce sont le plus souvent les associations et les hôpitaux qui l'ont acquittée.
Madame la ministre, la contraception gratuite pour les mineures est une formidable avancée qui doit permettre de faire baisser le nombre de 200 000 IVG par an. Mais les jeunes, voire les professionnels de santé, ignorent souvent l'existence de ce dispositif. Envisagez-vous une campagne d'information très grand public, facile d'accès ?
L'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé – pour laquelle l'augmentation du plafond constitue une autre avancée majeure – souffre également d'une méconnaissance de la part des usagers qui explique la faiblesse de la demande. Outre une campagne d'information télévisuelle ou radiophonique, avez-vous exploré d'autres pistes comme celle des professionnels de santé, qui seraient sans doute un très bon vecteur auprès de leurs patients ?
S'agissant du fonds national d'action sanitaire et sociale, de nombreux présidents de caisses primaires s'inquiètent de la baisse des dotations. Or ce fonds vient en complément d'autres dispositifs : il sert notamment à financer le reste à charge important dans le cas de l'appareillage pour les handicapés ; il contribue également au financement de l'hébergement des parents accompagnant leur enfant qui subit une opération très pointue à Paris. Je pourrai citer de nombreux autres exemples. Ces baisses de dotation posent des problèmes sur le terrain.
S'agissant de l'action n° 11 « Pilotage de la politique de santé », j'ai noté l'objectif de structurer, rationaliser et mieux piloter les actions de santé publique. Nombre d'agences sanitaires vont s'agréger au sein de l'Institut national de veille et d'intervention en santé publique. Dans un contexte budgétaire contraint, il convient de relever la stabilité du budget de l'INVS.
Vous prévoyez, madame la ministre, de réformer les projets régionaux de santé en privilégiant le parcours pour mieux maîtriser les dépenses de santé. Il faut néanmoins veiller à préserver le volet prévention. Qu'entendez-vous exactement par parcours ? Quand commence-t-il ? Comment les différents parcours vont-ils s'organiser ?
Des conseils territoriaux de santé seront créés en lieu et place des conférences de territoire. Quel objectif poursuivez-vous au travers de cette évolution ? Qu'est ce qui différenciera ces deux instances ?
S'agissant de l'action n° 12 « Action à la santé et éducation à la santé », je me réjouis du maintien de l'engagement budgétaire. Je souhaite appeler votre attention sur les projets locaux ou territoriaux de santé publique. Je suis convaincue que l'information et l'éducation du public sur les pratiques à risques conduisant à des pathologies graves, essentielles pour la préservation de notre système de santé, doivent être menées au plus près du terrain en impliquant l'ensemble des acteurs des territoires. C'est l'objet de ces plans élaborés en lien avec les élus, les associations et les professionnels de santé. Avez-vous prévu de multiplier les animateurs territoriaux de santé, cofinancés avec l'assurance maladie ? De quelle marge de manoeuvre disposeront les territoires pour porter des actions propres à leurs spécificités – je pense à certains cancers en Bretagne ou au suicide ?
Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, vous avez engagé, madame la ministre, et on ne peut que s'en féliciter, une première étape de rationalisation en matière d'amélioration de l'état de santé des populations et de réduction des inégalités territoriales et sociales de santé.
Comment envisagez-vous de rendre plus efficient, donc plus généralisé, le dépistage du cancer du sein sur tous les territoires et pour toutes les femmes de cinquante à soixante-quatorze ans ? Il paraît nécessaire d'en améliorer l'accessibilité dans certaines zones géographiques qui sont plus défavorisées socialement. Le manque d'information ou d'accès à l'information pour les femmes les plus éloignées socialement mais aussi culturellement – la barrière de la langue peut empêcher certaines femmes d'accepter d'être examinées et suivies sur le long terme – rendent ces dernières beaucoup plus vulnérables à la maladie, creusant ainsi les inégalités. Comment comptez-vous renforcer l'efficacité de ce dispositif ?
L'indicateur 1.5 de l'objectif n° 1 « Améliorer l'état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé » recense le nombre annuel de donneurs d'organes décédés et prélevés. Je note l'augmentation du taux d'opposition aux prélèvements, passé de 32,9 % en 2013 à 34,1 % en 2014. Quelle campagne de communication envisagez-vous, madame la ministre, pour faciliter le consentement au prélèvement d'organes auprès du jeune public mais aussi des personnes plus âgées ?
Plusieurs questions ont, une fois de plus, porté sur l'aide médicale d'État. M. Sirugue a eu raison de souligner la baisse ou la stabilisation du coût unitaire de prise en charge des malades au titre de l'AME ; l'augmentation des crédits n'est imputable qu'à la hausse du nombre personnes prises en charge. Contrairement à ce que semble découvrir M. Tian, je me suis déjà exprimée sur cette question, y compris sur les filières, en juin dernier lors de l'examen au Sénat de la loi de règlement. Je rappelle qu'en 2009, la loi de finances rectificative avait prévu une augmentation des crédits de l'AME de 378 millions d'euros. Ce phénomène n'a donc rien de nouveau : lorsqu'on est face à ce genre de dépenses dites de guichet, on est toujours tôt ou tard confronté à la nécessité de devoir rembourser ceux qui les ont avancées. Comme l'a très justement souligné la présidente de la commission des affaires sociales, lorsque la franchise de 30 euros s'appliquait, ou bien le timbre n'était pas exigé car les médecins ne se posaient même pas la question compte tenu de la gravité de l'état du patient, ou bien les hôpitaux réglaient eux-mêmes le timbre et supportaient donc la dépense. Je rappelle enfin que Mayotte ne relève pas du régime actuel de l'AME.
Madame Laclais, la répartition des sommes du fonds d'intervention régional aux différentes régions sera rendue publique au mois de mars. Parmi les critères pris en compte pour cette répartition, figureront les caractéristiques des régions. Au cours du débat sur le PLFSS, j'ai indiqué que les différences d'affectation entre les régions étaient fonction de l'état de santé publique des populations concernées.
Je remercie M. Richard pour le ton très modéré qu'il a adopté sur l'AME. Nous faisons des efforts de redressement et le budget de la sécurité sociale en a encore apporté la preuve : malgré un contexte difficile, le déficit du régime général continue de diminuer, passant de 12,5 milliards d'euros à 11,7. C'est sans doute encore trop, mais le chemin parcouru depuis trois ou quatre ans est considérable – et sans remise en cause des droits. Cela étant, les questions qu'il a posées relèvent davantage du PLFSS que du budget de l'État. Pour véritablement lutter contre les déserts médicaux, phénomène récent dans certains territoires, nous devons mettre en place des structures adaptées aux attentes des jeunes professionnels. On ne peut pas se contenter de chercher à attirer des jeunes médecins dans des cabinets isolés : il est nécessaire de concevoir des structures de coopération, d'installer des maisons de santé pluriprofessionnelles et d'établir des liens avec des hôpitaux de proximité, ce qui pose la question de la carte hospitalière. Il est vain de croire que l'on peut décider de la fermeture de certains hôpitaux sans que cela ait un impact sur l'installation des médecins libéraux qui ont besoin pour leur activité professionnelle d'avoir des liens avec des structures hospitalières de proximité.
Il y a deux ans, on comptait 173 maisons de santé pluriprofessionnelles, elles seront bientôt au nombre de 600. Nous avons créé les « praticiens territoriaux de médecine générale » : 400 médecins généralistes se seront installés au début de l'année 2015 dans des territoires dans lesquels ils manquaient. Dans le cadre du PLFSS, nous prévoyons l'installation de médecins spécialistes dans certains territoires. Ces jeunes médecins s'installent à 75 % dans des zones rurales. Il s'agit à 75 % de femmes. Dans l'écrasante majorité des cas, la mise en place d'une couverture sociale que n'offre pas l'exercice libéral, notamment pour les congés de maternité, est le premier élément mis en avant par ceux qui ont choisi le dispositif.
Madame Le Houérou, s'agissant des contrats locaux de santé, la logique territoriale est très forte. La loi de santé est tout entière structurée autour des territoires ; les contrats locaux y trouvent toute leur place, de même que ceux qui les font vivre, qu'il s'agisse des collectivités locales, des associations. Nous souhaitons soutenir les acteurs qui s'engagent dans cette voie et leur permettre de mettre en place des politiques adaptées aux réalités de leurs territoires. Qu'ils s'agisse des FIR ou d'autres actions, des mesures spécifiques et adaptées doivent pouvoir être mises en place afin de répondre aux réalités de santé publique d'un territoire. Il ne s'agit pas de plaquer sur chaque territoire des modèles définis au niveau national.
Lors du lancement de la campagne « Octobre rose », j'ai retenu deux orientations pour le dépistage du cancer du sein. Premièrement, ainsi que vous l'avez évoqué, nous avons redoublé d'efforts en direction des femmes qui sont plus éloignées du système de santé, par exemple dans le cadre des projets locaux de santé en mettant l'accent sur l'objectif de dépistage auprès des professionnels de santé – je rappelle que le dépistage fait partie des objectifs de santé publique assignés aux médecins libéraux. Deuxièmement, pour faire face à l'augmentation des cancers développés avant cinquante ans qui échappent au mécanisme de dépistage actuel, nous avons mis en place des procédures avec les professionnels libéraux pour mieux identifier les femmes à risque dit moyen ou aggravé.
Madame Carrillon-Couvreur, le plan sur les maladies neurodégénératives sera présenté le 18 novembre prochain ; il s'appuie sur le rapport que vous avez cité. Il s'agit bien en termes de prévention, d'accompagnement et de prise en charge mais aussi de recherche de favoriser le soutien à ceux qui luttent contre ces maladies et d'améliorer la prise en charge de celles-ci. Le Président de la République a choisi de ne pas s'en tenir à la seule maladie d'Alzheimer mais de prendre en compte l'ensemble des maladies neurodégénératives.
La fibromyalgie, monsieur Decool, fait l'objet d'une expertise collective conduite par l'INSERM afin d'identifier les cas et de préciser l'état des connaissances sur cette maladie chez l'enfant puisqu'il s'agirait d'un phénomène émergent sur lequel nous sommes régulièrement alertés par des associations. Pour ce qui est de la prise en charge au titre d'une affection de longue durée, il n'y a pas de liste des pathologies pour l'ALD-31 ; c'est en fonction du diagnostic du médecin et de la gravité de la maladie qu'une prise à charge à 100 % peut être obtenue. Rien ne s'oppose donc à ce que les formes sévères et invalidantes de fibromyalgie soient exonérées de ticket modérateur au titre de l'ALD-31 si le médecin traitant le juge utile.
Monsieur Sébaoun, une démarche de dématérialisation du certificat de décès est en cours. Ce certificat est établi à la main puis remis en main propre à la famille du défunt en trois volets, à charge pour elle de les transmettre à la mairie du lieu de décès, à la mairie du lieu d'implantation de la chambre funéraire et au gestionnaire de la chambre funéraire. Cette procédure est assez contraignante et désagréable dans un moment peu propice aux démarches administratives. La dématérialisation doit permettre d'automatiser les procédures de déclaration. Nous avons prévu une phase d'expérimentation en 2015 dans trois départements à l'issue de laquelle les volets administratifs des certificats de décès devraient être transmis par voie électronique aux mairies dès leur saisie par le médecin qui constate le décès et mis à disposition des opérateurs funéraires mandatés par la famille du défunt par des moyens électroniques sécurisés. Une liste fiable et complète des opérateurs funéraires disposant d'une autorisation d'exercer sera mise à disposition du grand public.
Je confirme à Gérard Bapt que la lutte contre le VIH Sida sera, avec la lutte contre les additions, un des enjeux de la future loi de santé publique. Cette dernière comportera des mesures importantes directement issues des recommandations du dernier rapport du Conseil national du sida. Nous allons développer la mise à disposition des tests de diagnostic rapides, favoriser l'accès à des autotests et permettre la fusion des structures que j'ai évoquée. Je ne peux pas ne pas mentionner l'expérimentation du Truvada dont les résultats sont encourageants. Un dossier d'autorisation est en cours d'examen à l'Agence nationale de sécurité du médicament.
Je rappelle à Mme la présidente Lemorton que nous avons adopté à sa demande un amendement dans le PLFSS prévoyant un rapport d'évaluation du dispositif d'accès gratuit pour les jeunes femmes mineures à la contraception, dans le but de mettre en lumière les difficultés rencontrées : nous n'atteignons effectivement pas les résultats escomptés. La mise en place du tiers payant me semble être un des éléments de réponse car la gratuité du côté de l'assurance maladie ne vaut pas nécessairement pour la part prise en charge par la complémentaire santé. Au-delà, nous devons également réfléchir aux questions liées à la confidentialité de la consultation.
Quant aux fonds de la CNAM consacrés à l'action sociale, nous avons choisi de relever le plafond de la CMU et de la CMUc, ce qui a pour conséquences d'augmenter automatiquement celui de l'aide à la complémentaire santé. Des besoins qui étaient jusque-là financés par les fonds de l'action sociale se trouvent donc désormais couverts par ces dispositifs.
L'aide à la complémentaire santé est aujourd'hui insuffisamment connue, il est vrai. L'augmentation du nombre de bénéficiaires doit être un objectif. Nous avons annoncé il y a quelques jours la mise en place d'un simulateur des droits qui devrait intervenir au premier semestre 2015. Celui-ci fonctionne de façon expérimentale avec des insuffisances qui rendent sa généralisation encore prématurée. Ce simulateur permettrait à chacun de connaître les droits sociaux auxquels il peut prétendre selon sa situation. Nous espérons ainsi faire diminuer le non-recours à un certain nombre de droits. L'aide à la complémentaire santé est probablement l'une des aides les moins connues alors qu'elle représente dans le cas d'un retraité disposant d'un revenu mensuel de 1 000 euros par mois une aide de 550 euros par an, ce qui n'est pas négligeable au regard du coût d'une complémentaire santé.
Pardonnez mon retard, madame la ministre. Je n'ai pas honte d'habiter dans le Loir-et-Cher, comme le chantait Michel Delpech, mais je vous prie d'excuser la difficulté à en revenir…
Alors que certaines innovations en matière de politique de santé visent à mieux répondre aux besoins et à permettre à la sécurité sociale de réaliser des économies, leur financement par les ARS demeure insuffisant. C'est le cas notamment dans mon département. Trop souvent les ARS ne s'engagent que pour trois ans avant de demander aux collectivités de les remplacer dans le financement de ces innovations, qui ne relève pas de la responsabilité de ces dernières.
Le dispositif « Plateforme alternative d'initiative en santé » (PAÏS) a fait ses preuves depuis cinq ans dans notre département en dégageant les médecins généralistes des zones rurales d'une part des charges administratives et de secrétariat. Ce dispositif leur libère une heure par jour qu'ils utilisent pour prendre en charge un jour par semaine tous les imprévus dans un secteur géographique donné. Les actions de prévention en EHPAD effectués par les médecins PAÏS permettent par ailleurs de réduire significativement les transports à l'hôpital des patients, réduction synonyme non seulement d'économies mais encore de meilleure qualité de prise en charge et de vie des patients. Plus généralement, la promotion de l'éducation et de la prévention est plus développée que dans d'autres systèmes. PAÏS a fait la preuve qu'il pouvait être soit un accélérateur d'exercice regroupé sur un site unique soit une alternative. Dans tous les cas, c'est l'organisation de l'offre de proximité qui est gagnante. Malheureusement le financement du dispositif par l'ARS n'est pas durable et les collectivités doivent illégitimement prendre le relais. Une plus grande fongibilité des financements de sécurité sociale est donc absolument nécessaire. Lors de la discussion le 20 février dernier de la proposition de loi que j'avais déposée à ce sujet avec Gilles Carrez, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat, Maurice Leroy, Bernard Perrut et Bérengère Poletti, votre secrétaire d'État, Mme Michèle Delaunay, nous avait assuré de la volonté du Gouvernement d'améliorer cette fongibilité et le financement durable des innovations.
Pouvez-vous nous indiquer quelles mesures le Gouvernement a pris ou compte prendre pour améliorer cette fongibilité ?
Je réponds bien volontiers à votre question, qui me permet de revenir sur celle de votre collègue M. Lurton, qui s'inquiétait de l'augmentation du taux d'opposition à des prélèvements. Nous avons prévu un ensemble de mesures, en lien avec l'Agence de biomédecine : inciter les établissements de santé à s'inscrire dans des réseaux de prélèvement qui leur permettrait de participer à l'activité de prélèvement et d'identifier les donneurs potentiels ; proposer aux coordinations hospitalières de prélèvement un outil concret destiné à améliorer le recensement des donneurs d'organes et la qualité de la prise en charge des donneurs et de leurs proches ; mieux informer l'ensemble de la population ; former les professionnels de santé au recueil de consentement. L'objectif fixé est celui d'une réduction de 10 % du taux d'opposition pour atteindre 20 %. Cela nous permettrait d'augmenter de plus de 500 le nombre de prélèvements d'organes réalisés chaque année, donc d'autant le nombre de greffes.
Pour ce qui est des expérimentations en cours dans certains départements, dont le vôtre, monsieur Martin-Lalande, elles sont en cours d'évaluation. Le projet PAÏS a vocation à s'inscrire dans le cadre de projets plus structurants et durables. Nous sommes en train de réfléchir à la mise en place de parcours pour les personnes âgées en risque de perte d'autonomie (PAERPA). Ces dispositifs, qui ont vocation à devenir pérennes, sont expérimentés dans huit régions. Il s'agit bien en remettant en cause le cloisonnement de faire concourir l'ensemble des financements de sécurité sociale, d'aide sociale et d'aide médico-sociale.
Cela s'inscrit parfaitement dans la logique de la loi de santé publique dont l'un des objectifs est le décloisonnement entre le sanitaire, le social et le médico-social. Il faut parvenir à des projets assis sur des territoires, répondant à un objectif identifié et bénéficiant de financement provenant de différentes structures et donc de différents budgets.
La réunion de la commission élargie s'achève à dix-sept heures quarante.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale