Je souhaiterais d'abord replacer ce budget dans le contexte plus général de redressement sans précédent des finances publiques. C'est dans ce cadre, et compte tenu de nos priorités, qu'il faut analyser les crédits qui vous sont présentés.
L'évolution des crédits du programme 204 traduit le choix que nous faisons en faveur de la prévention, comme dans le projet de loi santé que vous aurez à débattre en début d'année prochaine. Il s'agit, comme le font avec succès d'autres pays, de promouvoir des conditions de vie favorables à la santé, en définissant des priorités : accroître le soutien aux plus fragiles et aux plus exposés, donner de bons réflexes aux plus jeunes.
Ainsi avons-nous choisi d'agir d'abord sur les déterminants de la santé, notamment par la promotion de la santé des enfants et adolescents dès le plus jeune âge, une politique anti-tabac offensive, une information nutritionnelle améliorée, le renouvellement du plan cancer et le plan de lutte contre les drogues et les conduites addictives. La lutte contre les inégalités sociales de santé constitue l'enjeu majeur de cette politique de prévention. Telle est l'ossature du projet qui vous est présenté.
Les crédits destinés à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins sont donc préservés, ce qui constitue un choix politique fort à l'heure où plusieurs programmes subissent d'importantes réductions. La comparaison avec 2014 ne donne pas une image exacte de l'évolution des moyens affectés à la prévention. En effet, dans le cadre du PLF et du PLFSS pour 2015, nous avons rationalisé les champs d'intervention respectifs de l'État et de la sécurité sociale en supprimant certains cofinancements. Cela se traduit très concrètement par le transfert à l'assurance maladie de plusieurs domaines d'intervention, dont les formations médicales dispensées en ville ou le fonctionnement des centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST).
Soyons précis : il ne s'agit pas là de débudgétisation comptable, mais de clarifications destinées à rendre nos actions plus efficaces et cohérentes. Ainsi, le transfert du financement des formations médicales en ville peut en améliorer et en simplifier la gestion. Quant aux CIDDIST, le transfert permet la fusion avec les structures financées par l'assurance maladie et pose les fondements d'un dispositif unique de dépistage, plus performant et plus accessible aux publics qui en ont le plus besoin. Cette réforme a d'ailleurs été saluée par les organisations, en particulier AIDES, qui a parlé d'une « petite révolution […] dans la façon d'appréhender le dépistage des hépatites et du VIH en France ».
Si l'on tient compte de ces transferts, et si l'on compare les moyens consacrés en 2015 au programme 204 dans son périmètre 2014, on constate une progression de 0,87 % des crédits, ce qui, je le répète, témoigne d'un choix politique fort dans le contexte actuel de réduction des dépenses de l'État. Ces moyens permettent de financer nos priorités en matière de sécurité sanitaire et de prévention.
En cette matière, le soutien budgétaire de l'État passe principalement, au-delà de ces points, par la dotation du programme 204 aux projets régionaux de santé dans le cadre du fonds d'intervention régional (FIR). Ces crédits seront maintenus pendant toute la durée du triennal au niveau prévu par la loi de finances initiale pour 2014, soit plus de 130 millions d'euros. Je rappelle que le financement des actions de prévention du FIR bénéficie des ressources de l'assurance maladie, pour un total de 247 millions d'euros en 2014. Or, en dehors du domaine de la loi de finances, les financements du fonds de prévention de la CNAM progresseront, dans le cadre de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion, de 7,3 % entre 2013 et 2017, passant de 424 à 455 millions d'euros.
Par ailleurs, les opérateurs de sécurité sanitaire et de prévention contribuent aux efforts d'économie, lesquels relèvent non d'une logique de rabot mais d'une réforme structurelle de notre système d'agences sanitaires, que j'avais annoncée l'année dernière et qui sera intégrée à la future loi santé. Nous allons ainsi créer un institut national de prévention, de veille et d'intervention en santé publique qui reprendra les missions aujourd'hui exercées par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES), l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) et l'Institut national de veille sanitaire (InVS). Cette réforme doit permettre de réagir plus efficacement aux risques sanitaires, la future agence adoptant une approche intégrée de la santé publique qui va de la prévention à l'intervention en passant par la veille sanitaire. Elle entraînera également des économies sur les dotations à ces opérateurs.
Je profite de l'occasion pour vous apporter quelques précisions, en réponse à Mme Lemorton, sur le financement de notre préparation et de notre réponse aux risques de l'épidémie d'Ebola, alors que notre pays vient d'accueillir une deuxième personne atteinte par le virus, hospitalisée à l'hôpital Bégin. La mobilisation de l'InVS, de l'EPRUS et de douze établissements de santé de référence, dont onze en territoire métropolitain et un à La Réunion, a supposé des moyens humains, donc des efforts d'organisation, pour une réponse adaptée des équipes.
Au-delà de cette organisation dont je remercie les personnels des hôpitaux et des agences concernés, notre système de santé a investi pour se préparer à réagir. Les établissements de santé de référence devraient dépenser 2,7 millions d'euros en 2014 pour renforcer leurs équipements de laboratoire et de sécurité biologique. Il est prévu que l'EPRUS consacre à l'urgence sanitaire 1,5 million en 2014, principalement en vue de constituer une réserve d'équipements de protection individuelle, ces fameuses tenues destinées aux soignants que l'on a beaucoup vues dans les médias. Il faut avoir conscience que, pour prendre en charge une personne infectée par le virus Ebola, on a besoin de 50 à 80 tenues par jour, sachant que l'hospitalisation dure plusieurs jours et que ces équipements sont bien évidemment à usage unique. Ainsi, pour soigner la jeune infirmière de Médecins sans frontières admise à l'hôpital Bégin il y a une quinzaine de jours, ce sont environ 1 000 tenues de protection qui ont été employées. Ces équipements sont également utilisés lors des exercices, indispensables pour vérifier que les professionnels maîtrisent bien les gestes qui permettent d'éviter la contamination. Dans ce cas, ils peuvent servir plusieurs fois car il n'y a pas d'enjeu de protection sanitaire.
Nous avions en stock 9 000 tenues de protection ; 20 000 équipements supplémentaires ont été commandés, pour un coût de 40 euros hors taxes par équipement. Sachant qu'il en faut 1 000 pour une hospitalisation, nous avons engagé, vous le voyez, une préparation nécessaire, sérieuse et de précaution qui nous permettra de prendre en charge des malades rapatriés ou importés accidentellement, mais on ne peut en aucun cas parler de dépense excessive, de gabegie ni d'excès.
Votre rapporteur pour avis Jean-Louis Touraine m'a interrogée sur l'Agence de la biomédecine. En ce qui concerne la possibilité de compléter son contrat d'objectifs et de performance par une programmation financière pluriannuelle, bien qu'aucune trajectoire n'ait été intégrée au contrat 2012-2015, une évaluation des différentes actions de l'Agence a été conduite afin de déterminer les ressources à mobiliser sur la période du contrat. L'Agence a été régulièrement dotée à hauteur des besoins financiers estimés, soit environ 2 millions d'euros. Les moyens humains jugés nécessaires pour atteindre les objectifs identifiés ont été pourvus, d'une part par le maintien d'effectifs au titre des mesures nouvelles, d'autre part par des gains d'efficience. La négociation du prochain contrat d'objectifs et de performance fournira l'occasion de redéfinir les conditions d'une programmation pluriannuelle des ressources.
Pour ce qui est de la réorganisation des services régionaux d'appui de l'ABM, compte tenu notamment de la réforme territoriale, une réflexion a été engagée dans le cadre du présent contrat d'objectifs et de performance et du plan greffe 2012-2016. Celle-ci a débouché sur un partage fondé sur les analyses prospectives des services de régulation et d'appui, qu'il s'agit de mieux organiser le cas échéant. Plusieurs éléments conduisent à envisager des évolutions, et d'abord un besoin accru d'anticipation des stratégies de répartition des moyens dont nous disposons, ainsi que des nouvelles modalités de partage des dossiers dématérialisés et d'accueil des patients en comité donneur vivant. Du point de vue organisationnel, cela pourrait se traduire par une modification de l'organisation des astreintes régionales, par le regroupement, d'ici à la fin 2015, des secrétariats des sites secondaires dans les sites principaux, par la définition d'un effectif socle dans les services de régulation et d'appui, enfin par une gestion centralisée des comités donneur vivant.
La lutte contre les disparités en matière de prélèvement et de greffe d'organes a été identifiée comme l'objectif numéro un à atteindre dans le cadre de la certification obtenue par l'ABM. Ces disparités font l'objet d'une analyse mensuelle. L'incidence de pathologies, comme le diabète, dans certaines régions peut influencer le nombre de donneurs susceptibles d'être prélevés. Il est évidemment difficile, en tout cas à court terme, d'agir sur ces variables.
En revanche, toute une série de mesures peuvent être mises en oeuvre pour atténuer ces disparités. Il s'agit d'abord d'inciter les établissements de santé à s'inscrire dans des réseaux de prélèvement afin de participer à cette activité en identifiant des donneurs potentiels d'organes qui n'étaient jusqu'alors pas recensés. Cela suppose la formation et l'information des directions comme des équipes de professionnels, ainsi qu'une organisation médicale comportant un médecin coordonnateur pour les prélèvements et les greffes, assisté d'une équipe formée à la transplantation. On pourrait également proposer aux coordinations hospitalières de prélèvement un outil destiné à développer ou à améliorer le recensement des donneurs d'organes et la qualité de la prise en charge des donneurs et de leurs proches. Il s'agirait aussi d'apporter à l'ensemble de la population une information transparente sur le don et la greffe, de façon mieux identifiée et plus visible. Enfin, il faudrait former les professionnels de santé au recueil du consentement. Une réduction de dix points du taux d'opposition observé, lequel atteint aujourd'hui 30 %, est attendue de cette action. Elle permettrait plus de 500 prélèvements supplémentaires par an, c'est-à-dire, potentiellement, 500 greffes de plus.
S'agissant enfin du financement des banques de sang placentaire en vue de la greffe de moelle dans le cadre du plan cancer, nous nous sommes engagés à augmenter, jusqu'à 30 000 cellules souches supplémentaires, le stock de sang placentaire français, qui n'était que de 10 900 unités en 2010. L'objectif des 30 000 unités ayant été atteint, il n'est pas envisagé d'accroître au même rythme le stock d'unités de sang placentaire ni de consacrer à cette fin des crédits provenant du troisième plan cancer.
Toutefois, nous ne relâchons pas l'effort, qui se concentrera sur trois objectifs. Premièrement, le prélèvement et la conservation des unités de sang placentaire les plus riches. Ensuite, la réorganisation du réseau de sang placentaire ; cette rationalisation est déjà largement entamée puisque, de 11 banques et 75 maternités en 2012, le réseau sera passé à 5 banques et 30 maternités fin 2014. Enfin, l'accompagnement financier des établissements chargés de la préparation de ces unités. Après un financement spécifique de 2,7 millions d'euros en 2013, quelque 2 millions d'euros sont prévus en 2014. Je vous rappelle, monsieur le député, que les sommes sont versées aux établissements de santé dans le cadre d'une mission d'intérêt général. Pour 2015, un modèle pérenne de financement du prélèvement par rémunération directe des maternités est en train d'être défini avec l'ABM.
J'en viens au programme 183, destiné à la protection contre la maladie dans des situations qui mobilisent la solidarité nationale, étant entendu que les autres missions de prise en charge des soins relèvent du PLFSS. Je soulignerai d'abord que, dans le cadre du PLF pour 2015, l'État rétablit sa contribution au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), qui avait été ramenée à zéro en 2013 et 2014. Cette contribution sera de 10 millions d'euros. Il s'agit non seulement de reconnaître symboliquement la responsabilité de l'État dans l'indemnisation des victimes de l'amiante, mais aussi d'améliorer l'efficacité du fonds en réduisant les délais de présentation et de paiement des offres d'indemnisation.
En ce qui concerne l'aide médicale de l'État, je m'en tiens à la vérité des chiffres. En 2015, nous prévoyons de lui consacrer 677,5 millions d'euros, bien loin des chiffres que certains font claquer et dont vous vous êtes fait l'écho, monsieur le rapporteur spécial. Je peux comprendre qu'une compétition interne au sein de certain parti politique conduise à une surenchère, mais il m'a semblé nécessaire, dans ce débat, d'en rester aux faits. En la matière, on ne peut pas agréger des choux et des carottes comme en cuisine, où je reconnais que cela peut faire de bons plats !
Vous avez évoqué l'effet de l'AME sur les hôpitaux. Il y a peu encore, y compris sous la précédente législature, des tarifs spécifiques étaient applicables aux soins dispensés aux bénéficiaires de l'AME, supérieurs à ceux des mêmes soins pour d'autres patients. Nous avons choisi de ramener les premiers au niveau des seconds. Avant cette mesure, vous trouviez invraisemblable que les tarifs soient supérieurs pour les patients à l'AME ; aujourd'hui, vous estimez que le niveau insuffisant des tarifs mettrait les hôpitaux en difficulté.
Une dépense de 677,5 millions d'euros permet de garantir l'accès aux soins aux étrangers en situation irrégulière, c'est-à-dire à des personnes qui ne sont pas assurés sociaux. Cet objectif est conforme aux valeurs de la majorité, mais aussi à la santé publique. L'AME ne saurait pour autant être exemptée par principe de l'effort d'économie demandé. En particulier, une économie est attendue de la réforme du droit d'asile. En effet, celle-ci permettra d'écarter plus vite les demandes les moins fondées ; les demandes de réexamen sans élément nouveau seront déclarées irrecevables ; les dossiers seront clos et les droits perdus en cas de refus de coopérer ; la procédure pourra être accélérée en fonction du contenu du dossier. La réforme devrait rendre plus efficaces et plus rapides les procédures contentieuses, grâce à l'instauration d'une procédure de jugement à juge unique et la limitation à cinq mois des délais d'examen par la commission nationale du droit d'asile. Il s'agit aussi de réduire le nombre de personnes déboutées qui restent en situation irrégulière et, par là même, le nombre de bénéficiaires potentiels de l'AME.
Par ailleurs, j'ai demandé au directeur général de la CNAM, comme je le demanderai à son successeur, de rendre plus efficaces et plus fiables les procédures de contrôle à l'ouverture des droits sociaux en général – car il n'est pas question de se montrer a priori plus suspicieux dans le cas de l'AME que vis-à-vis des autres prestations.
Pour en revenir à l'AME proprement dite, nous devons absolument agir sur les filières organisées de séjour dans le seul but de bénéficier d'une prise en charge des soins. Une chose est de prendre en charge les soins dispensés à des personnes présentes sur notre territoire, pour reconnaître un état de fait et, je le répète, pour des raisons de responsabilité sanitaire ; une autre est de tolérer que se développent de telles entrées sur le territoire, uniquement motivées par la perspective de la prise en charge. Dans ce domaine, notre action relève de la lutte plus générale contre l'organisation de l'immigration illégale et doit également passer par la coopération avec les pays d'origine.