Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, à la suite de leur examen en commission élargie, le 3 novembre dernier, nous sommes aujourd’hui appelés à voter les crédits de la mission : « Engagements financiers de l’État ». Celle-ci regroupe cinq programmes, dont le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », concerne l’essentiel du total des crédits alloués à la mission.
Le Gouvernement semble toujours inquiet de subir la censure de Bruxelles. Avant même que le Parlement ait terminé l’examen du projet de loi de finances initial pour 2015, sur lequel la Commission européenne n’a jusqu’à présent pas émis d’avis négatif, malgré votre décision unilatérale de reporter de 2015 à 2017 l’objectif de ramener le déficit à 3 % du produit intérieur brut, vous présentez aujourd’hui même un projet de loi de finances rectificative pour 2014 – le deuxième cette année – afin de tenter à tout prix boucler les comptes publics.
C’est en réalité 3,6 milliards d’euros qu’il vous faut pour faire baisser le déficit de 2015 de 0,5 point supplémentaire Malheureusement, vous ne cherchez pas à les obtenir par de nouvelles économies, mais par des surplus de recettes fiscales ou grâce à des prévisions économiques plus favorables. Il y a donc un problème de cohérence et de logique, qui est, hélas !, la marque de fabrique des projets de loi de finances que vous nous présentez depuis 2012.
Selon les données fournies par le Gouvernement, la charge de la dette pourrait s’établir à 44,3 milliards d’euros, un montant en diminution par rapport à l’an dernier – 46,7 milliards –, essentiellement en raison de taux d’intérêt restés faibles. Comme l’a déclaré en commission élargie M. le ministre des finances et des comptes publics, les intérêts de la dette constitueront en 2015 le deuxième poste budgétaire de l’État après l’Éducation nationale.
Cependant, si la charge de la dette est plus faible, il convient de rappeler que le montant de la dette publique de notre pays a dépassé le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros et devrait atteindre 97,2 % du PIB en 2015, ce qui constitue un record. Désormais, c’est une dette dépassant le seuil des 100 % de PIB qui se profile, ce qui a d’ores et déjà un impact sur le moral des Français et envoie un très mauvais signal aux investisseurs éventuels.
Nous avons également pris acte des annonces récentes de M. Michel Sapin au sujet des nouvelles recettes destinées réduire le déficit public de 3,6 milliards d’euros de plus que prévu. Mais sur ce montant, 400 millions proviendront de l’allègement de la charge de la dette en 2015, lequel n’est dû qu’à une baisse des taux d’intérêt. Le 1er juillet dernier, le taux d’emprunt à dix ans était en effet de 1,71 %, et il n’a pas cessé de chuter depuis pour atteindre, le 27 octobre, 1,28 %, soit presque le plus bas taux historique. Notre pays emprunte donc à un coût qui n’a jamais été aussi faible.
Or, une nouvelle donnée vient malheureusement remettre en perspective le recul présagé de la charge de la dette, ce qui peut nous inquiéter. En effet, la présidente de la Federal Reserve – la FED – a annoncé il y a quelques jours la fin des programmes de rachats d’actifs, mesure qui devrait entraîner une remontée progressive des taux d’intérêt aux États-Unis, avec un impact différé sur les taux européens. D’ici à 2015, la charge de la dette sera donc supérieure à ce qu’annonce le PLF et les 400 millions d’euros censés provenir de la diminution de la charge de la dette seront rapidement caducs.
En outre, M. le ministre des finances et des comptes publics s’est félicité il y a quelques jours du fait que la France a bénéficié cette année de conditions de financement extrêmement favorables. Notre pays finance en effet sa dette à des taux historiquement faibles, puisque nos émissions de moyen à long terme s’effectuent au taux de 1,38 % depuis le début de cette année, soit le taux le plus bas jamais atteint, qu’il convient de comparer à celui de 4,1 % en 2008.
M. Michel Sapin en a déduit que cette bonne nouvelle résultait de la confiance des investisseurs dans la signature française. Mais que vaudrait la signature française avec une censure de Bruxelles ?
L’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique a donné lieu à une nouvelle doctrine : l’État peut vendre certaines participations pour se désendetter. En 2015, 4 milliards d’euros de produits de cessions seront ainsi affectés à cet emploi. C’est un moyen facile de faire baisser le déficit, sans pour autant prendre les mesures structurelles qui s’imposent.
Vous devez préciser le détail des mesures permettant de lutter contre la fraude, comme si vous attendiez de Bruxelles un guide en la matière. La lutte contre la fraude est une expression que chacun admet, mais qui se révèle parfois trop généraliste.