La séance est ouverte.
La séance est ouverte à vingt et une heures trente.
Madame la présidente, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mesdames, messieurs les députés, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Michel Sapin qui, comme chacun le sait, doit se rendre à Brisbane à l’occasion de la réunion du G20. Celle-ci est un événement extrêmement important pour notre pays, car on y défendra en particulier la notion de régulation.
La mission « Engagements financiers de l’État » comprend des programmes très divers ; je m’arrêterai sur deux d’entre eux en particulier, et j’évoquerai ensuite le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
La charge budgétaire de la dette est très élevée en 2014 et 2015, mais elle reste contenue, malgré l’augmentation de son encours. En 2015, les intérêts de la dette constitueront le deuxième poste budgétaire de l’État, après l’Éducation nationale, et s’élèveront à 44,3 milliards d’euros. Ce montant est cependant inférieur à la charge prévisionnelle de 2014 – 46,7 milliards d’euros en loi de finances initiale puis 44,9 milliards d’euros dans le projet de loi de finances rectificative d’août 2014.
Ce niveau stable des intérêts de la dette, malgré l’augmentation de l’encours – 1 528 milliards d’euros au 30 septembre 2014 –, s’explique par les gains de refinancement de l’État : la France a bénéficié cette année de conditions de financement très favorables et, de manière générale, les taux ont baissé dans toute la zone euro.
Je rappelle ainsi que nous finançons notre dette à des taux historiquement faibles : 1,38 % pour l’ensemble de nos émissions de moyen à long terme depuis le début de l’année 2014, soit le taux le plus bas jamais atteint. Je rappelle que ce taux était de 4,1 % en 2008. On voit que l’écart est considérable. Nous profitons donc aujourd’hui des niveaux de taux faibles qui nous aideront durablement dans les années à venir à contenir la charge d’intérêts.
La constatation de cette baisse des taux nous conduit à prévoir une diminution de la prévision de charge de la dette pour 2015 de 400 millions d’euros en comptabilité maastrichtienne. Ce scénario pour 2015 est un scénario prudent, qui prend comme hypothèse une remontée des taux causée par exemple par une remontée des taux américains. Les taux de ce scénario sont ainsi supérieurs de dix à vingt points de base à ceux anticipés par les économistes.
Un autre point important de cette mission est le financement du fonds d’aide aux collectivités locales pour sortir des emprunts dits toxiques qu’elles ont souscrits dans le passé. La loi de finances pour 2014 a créé un fonds de soutien en faveur des organismes publics locaux ayant souscrit des emprunts structurés et instruments financiers les plus sensibles. Le versement des aides attribuées d’ici à l’été 2015 par le fonds sera réalisé pour l’essentiel sur quinze ans – entre 2014 et 2028 –, à raison de 100 millions d’euros par an. Une petite partie – de l’ordre de 50 à 60 millions d’euros maximum – pourra être versée en une fois.
Le Gouvernement a pris du retard dans la mise en oeuvre concrète de ce fonds, mais nous avons beaucoup avancé ces derniers mois. Ainsi, le service de pilotage est désormais en place, et a présenté, pour recueillir son avis, le projet de doctrine d’emploi du fonds au Comité national d’orientation et de suivi, présidé par le sénateur Jean Germain, et où siègent des représentants de toutes les strates de collectivités. Les collectivités sont donc désormais en mesure de déposer leur dossier en vue d’obtenir une aide du fonds de soutien. Et nous savons que pour certaines d’entre elles, il y a urgence.
S’agissant du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », l’année écoulée aura marqué une nouvelle étape dans la modernisation de l’actionnariat public avec, successivement, la publication d’une doctrine et l’adoption le 20 août de l’ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique.
Les lignes directrices de l’État actionnaire, adoptées par le Gouvernement le 15 janvier 2014, ont permis de préciser et de clarifier les objectifs d’intervention en fonds propres de l’État actionnaire. Cette doctrine lui permet d’adopter une gestion plus active de ses participations. L’État cède certaines de ses participations pour réinvestir là où c’est le plus utile et se désendetter.
Dans le même esprit, nous avons simplifié et renforcé le cadre juridique sur la gouvernance des entreprises à participation publique grâce à l’ordonnance adoptée le 20 août. Nous devions prendre en compte l’évolution depuis trente ans des bonnes pratiques de gouvernance pour rapprocher la gouvernance des entreprises à participation publique du droit commun des sociétés, afin de donner à l’État une capacité d’influence réelle, au moins égale à celle d’un actionnaire privé. Nous avons bien sûr préservé certaines spécificités des entreprises à participation publique, par exemple la plus grande représentation des salariés dans les organes de gouvernance ou la protection d’intérêt stratégiques de l’État, comme dans le domaine de la défense nationale.
Cette politique de gestion plus dynamique a été parfaitement illustrée cette année : plusieurs opérations de cessions ont été réalisées – titres Airbus et GDF-Suez – et l’opération d’ouverture du capital de l’aéroport de Toulouse est en cours. L’État a utilisé ses produits de cession pour prendre une participation de 15 % dans PSA en avril et pour contribuer à limiter son endettement pour un montant de 1,5 million d’euros début octobre, ce qui n’était pas arrivé depuis 2007.
L’année 2015 s’inscrira dans la continuité de cette stratégie. Un accent particulier sera mis sur la limitation de l’endettement de l’État : 4 millions d’euros de produits de cessions seront affectés à cet emploi. Compte tenu du portefeuille de l’État actionnaire, qui est constitué pour une grande partie de sociétés cotées, vous comprendrez toutefois que je ne puisse m’étendre sur les dossiers de cession en cours ou à venir. Ce serait naturellement une grave erreur.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, à la suite de leur examen en commission élargie, le 3 novembre dernier, nous sommes aujourd’hui appelés à voter les crédits de la mission : « Engagements financiers de l’État ». Celle-ci regroupe cinq programmes, dont le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », concerne l’essentiel du total des crédits alloués à la mission.
Le Gouvernement semble toujours inquiet de subir la censure de Bruxelles. Avant même que le Parlement ait terminé l’examen du projet de loi de finances initial pour 2015, sur lequel la Commission européenne n’a jusqu’à présent pas émis d’avis négatif, malgré votre décision unilatérale de reporter de 2015 à 2017 l’objectif de ramener le déficit à 3 % du produit intérieur brut, vous présentez aujourd’hui même un projet de loi de finances rectificative pour 2014 – le deuxième cette année – afin de tenter à tout prix boucler les comptes publics.
C’est en réalité 3,6 milliards d’euros qu’il vous faut pour faire baisser le déficit de 2015 de 0,5 point supplémentaire Malheureusement, vous ne cherchez pas à les obtenir par de nouvelles économies, mais par des surplus de recettes fiscales ou grâce à des prévisions économiques plus favorables. Il y a donc un problème de cohérence et de logique, qui est, hélas !, la marque de fabrique des projets de loi de finances que vous nous présentez depuis 2012.
Selon les données fournies par le Gouvernement, la charge de la dette pourrait s’établir à 44,3 milliards d’euros, un montant en diminution par rapport à l’an dernier – 46,7 milliards –, essentiellement en raison de taux d’intérêt restés faibles. Comme l’a déclaré en commission élargie M. le ministre des finances et des comptes publics, les intérêts de la dette constitueront en 2015 le deuxième poste budgétaire de l’État après l’Éducation nationale.
Cependant, si la charge de la dette est plus faible, il convient de rappeler que le montant de la dette publique de notre pays a dépassé le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros et devrait atteindre 97,2 % du PIB en 2015, ce qui constitue un record. Désormais, c’est une dette dépassant le seuil des 100 % de PIB qui se profile, ce qui a d’ores et déjà un impact sur le moral des Français et envoie un très mauvais signal aux investisseurs éventuels.
Nous avons également pris acte des annonces récentes de M. Michel Sapin au sujet des nouvelles recettes destinées réduire le déficit public de 3,6 milliards d’euros de plus que prévu. Mais sur ce montant, 400 millions proviendront de l’allègement de la charge de la dette en 2015, lequel n’est dû qu’à une baisse des taux d’intérêt. Le 1er juillet dernier, le taux d’emprunt à dix ans était en effet de 1,71 %, et il n’a pas cessé de chuter depuis pour atteindre, le 27 octobre, 1,28 %, soit presque le plus bas taux historique. Notre pays emprunte donc à un coût qui n’a jamais été aussi faible.
Or, une nouvelle donnée vient malheureusement remettre en perspective le recul présagé de la charge de la dette, ce qui peut nous inquiéter. En effet, la présidente de la Federal Reserve – la FED – a annoncé il y a quelques jours la fin des programmes de rachats d’actifs, mesure qui devrait entraîner une remontée progressive des taux d’intérêt aux États-Unis, avec un impact différé sur les taux européens. D’ici à 2015, la charge de la dette sera donc supérieure à ce qu’annonce le PLF et les 400 millions d’euros censés provenir de la diminution de la charge de la dette seront rapidement caducs.
En outre, M. le ministre des finances et des comptes publics s’est félicité il y a quelques jours du fait que la France a bénéficié cette année de conditions de financement extrêmement favorables. Notre pays finance en effet sa dette à des taux historiquement faibles, puisque nos émissions de moyen à long terme s’effectuent au taux de 1,38 % depuis le début de cette année, soit le taux le plus bas jamais atteint, qu’il convient de comparer à celui de 4,1 % en 2008.
M. Michel Sapin en a déduit que cette bonne nouvelle résultait de la confiance des investisseurs dans la signature française. Mais que vaudrait la signature française avec une censure de Bruxelles ?
L’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique a donné lieu à une nouvelle doctrine : l’État peut vendre certaines participations pour se désendetter. En 2015, 4 milliards d’euros de produits de cessions seront ainsi affectés à cet emploi. C’est un moyen facile de faire baisser le déficit, sans pour autant prendre les mesures structurelles qui s’imposent.
Vous devez préciser le détail des mesures permettant de lutter contre la fraude, comme si vous attendiez de Bruxelles un guide en la matière. La lutte contre la fraude est une expression que chacun admet, mais qui se révèle parfois trop généraliste.
Depuis deux ans et demi, et alors que le Président de la République vient de passer le cap de la moitié de son mandat, nombre d’engagements ont été pris pour ramener le déficit sous la barre des 3 % et lutter contre la hausse continue de notre dette. Comme l’a déclaré le Président lors de son intervention télévisée la semaine dernière, « ce n’est pas cher, c’est l’État qui paye » !
Cette formule restera la plus emblématique de son quinquennat. L’État restera donc toujours un guichet distributeur, certaines dépenses de guichet connaissant des dépassements.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’endettement de la France est probablement l’une des questions les plus préoccupantes pour notre pays, car elle conditionne notre souveraineté budgétaire et la survie de notre modèle social, auquel nous sommes tous tant attachés.
Or, le Gouvernement n’a pas fait reculer la dette, alors qu’un engagement très fort avait été pris en ce sens. Vous ne cessez de nous répéter que la majorité et le gouvernement précédents ont aggravé la dette de 600 milliards d’euros en cinq ans. Certes, mais, en deux ans et demi, la dette a augmenté de 200 milliards d’euros ! Qu’en sera-t-il en juin 2017 ?
Je me souviens que les débats sur la règle d’or budgétaire ne trouvaient pas beaucoup d’écho sur les bancs du groupe socialiste. Vous avez fait voter une loi de programmation des finances publiques qui prévoyait de ramener le taux d’endettement de la France à 83 % du PIB en 2017. Or la dette s’élèvera à 95,3 % du PIB fin 2014, et atteindra même probablement 100 % du PIB l’année prochaine.
Nous venons d’ailleurs de dépasser le seuil fatidique des 2 000 milliards euros de dette, soit 31 800 euros par français : il faudra bien s’en acquitter un jour. La France doit en effet honorer ses engagements. Le fardeau que représente pour les nouvelles générations le financement de la dette au quotidien ne fait donc que s’alourdir.
Je ne résiste pas une seconde au plaisir de citer Didier Migaud : « une telle somme représente », a-t-il dit, « plus de vingt fois le coût de construction de l’ensemble des réseaux autoroutier et ferroviaire à grande vitesse existant actuellement ».
Chacun a bien compris que, derrière cette dette, se trouve mise en question toute la capacité d’investissement de notre pays.
Michel Sapin a dit l’autre jour qu’il n’était plus obligatoire d’avoir toujours plus de dépense publique. C’est important : on a enfin compris, au Parti socialiste, que ce n’est pas en augmentant la dépense publique que l’on améliore l’état de notre pays.
Mon cher collègue, si la dépense publique était une solution pour faire reculer le chômage, nous ne serions pas dans la situation actuelle !
Nous sommes à la fois le pays d’Europe où la dépense publique est la plus importante et celui où le chômage augmente le plus vite.
Le groupe UDI a toujours dit qu’il fallait mettre fin à cet endettement : c’est vital pour notre pays.
Pour nous, trois impératifs s’imposent.
Le premier est d’ordre éthique, parce que derrière nous, d’autres générations arrivent.
« Qu’avez-vous fait de notre pays ? », diront-elles. Quelle stratégie financière avez-vous suivi pendant plusieurs années ? Cette mauvaise gestion, d’hier ou d’aujourd’hui, il faudra demain en payer le prix.
Le deuxième impératif est d’ordre économique. Vous y faisiez allusion à l’instant, mon cher collègue : vouloir moins de chômage, cela implique plus d’investissement public. Or que fait ce Gouvernement ? Il diminue drastiquement les dotations aux collectivités territoriales ! Vous êtes bien placée pour le savoir, madame la ministre !
Le troisième impératif est d’ordre politique. Lorsqu’on est élu, c’est pour faire des choses, réaliser des investissements et accompagner des politiques publiques. Notre dette galope, et demain nos remboursements seront toujours plus importants. Véronique Louwagie a eu raison de rappeler que la charge de la dette constituait désormais le deuxième poste de dépense de l’État, alors même que nous bénéficions de taux exceptionnels.
Chacun sait en effet que les taux auxquels nous empruntons chaque jour sont historiquement bas. Je ne préfère pas imaginer une seconde les conséquences qu’aurait une augmentation d’un, voire d’un demi-point, Cela nous permettrait, naturellement, de ne pas répondre à Bruxelles sur le budget que lui avons transmis il y a quelques jours.
Je déplore que ce Gouvernement n’ait pas fait de la réduction de la dette l’alpha et l’oméga de sa politique. Pourtant, chacun se souvient de l’engagement de François Hollande de limiter, en 2015, le déficit budgétaire à 3 % du PIB. Il a été abandonné : ce taux atteint aujourd’hui 4,3 %, et s’élèvera à 4,4 % l’année prochaine. En corrigeant la copie à la va vite, et grâce à diverses gesticulations, vous parviendrez peut-être à le faire redescendre à 4,1 %.
Même M. Moscovici, ancien ministre de l’économie, et encore député il y a quelques jours, l’a dit au Gouvernement : ce qu’il a fait n’est pas bien. Il a ainsi relevé que la diminution escomptée du prélèvement européen ne pouvait être intégrée dans les 3 milliards d’euros d’économies attendues. C’est un des vôtres, et il vous critique vertement.
Il s’agit d’un vrai renoncement. Vous savez, madame la ministre, pourquoi nous en sommes là : faute de réformes structurelles – difficiles à faire, je vous le concède, mais ô combien nécessaires. Il faut une réforme territoriale et pas seulement une demi-réforme, ainsi qu’une réforme de l’État. Elle n’est pas là.
De même, il manque une véritable réforme des retraites, une réforme de la dépendance, et je ne parle même pas de la réforme du droit du travail.
Il y a quelques mois, depuis cette même tribune, Manuel Valls nous a annoncé 50 milliards d’euros d’économies sur les trois prochaines années. Si l’opposition vous dit qu’elles se limiteront en fait à 20 milliards d’euros, vous rétorquerez sans doute qu’elle fait preuve de mauvaise foi.
Mais là encore, j’en appelle à Didier Migaud, qui a jugé la copie irréaliste. Au mieux, 20 ou 25 milliards d’euros d’économies seront réalisées, et plus de la moitié de l’effort – j’ai eu l’occasion de vous le dire, madame la ministre – sera réalisé par les collectivités territoriales.
Ainsi, les engagements de la France ne sont pas tenus : la trajectoire définie par la loi de programmation des finances publiques, et transmise à Bruxelles, ne sera pas respectée. Je trouve d’ailleurs bizarre, et dommage, que les membres de la commission des finances, si prompts à donner des leçons en matière de réformes et de dette structurelles, ne soient pas là ce soir. Je leur aurais réservé un petit commentaire.
Je terminerai, madame la présidente, en citant à nouveau Didier Migaud : « Aussi longtemps que notre pays aura une dette élevée, il se situera dans une zone dangereuse », a-t-il averti. « Le risque d’emballement de la dette n’est pas que théorique ».
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la ministre, messieurs les rapporteurs spéciaux, chers collègues, je concentrerai mes propos sur un sujet méconnu : la mission « Remboursements et dégrèvements », pour laquelle j’ai été nommée rapporteure spéciale. Il s’agit d’un objet budgétaire que peu de députés identifient, bien qu’il représente 100 milliards d’euros de crédits.
Je commencerai par dire un mot de leur présentation, que plusieurs actions tendent à brouiller, portant ainsi gravement atteinte à la clarté du projet de budget soumis au Parlement.
Chaque année, pourtant, la Cour des comptes formule des recommandations destinées à clarifier la présentation de la mission au nom de la bonne information du Parlement. Jusqu’à présent, elles sont malheureusement restées sans effet. Je me permets donc d’insister, car cette mission, la première par son volume, ne doit pas continuer à être un « angle mort » du budget de l’État.
Il s’agit, d’abord, de séparer ce qui relève de la pure mécanique de l’impôt, comme les remboursement de trop-perçu d’impôt sur les sociétés ou de taxe sur la valeur ajoutée, des outils de politique publique comme le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou le crédit d’impôt recherche. Par conséquent, je propose de reclasser les remboursements liés à la mécanique de l’impôt en atténuation des recettes de l’État. Ces crédits apparaîtraient donc en première partie du projet de loi de finances, et ne seraient plus présentés en seconde partie comme des crédits évaluatifs.
Il convient, ensuite, de prendre en compte les remboursements d’impôts locaux. Ces derniers apparaissent aujourd’hui en atténuation des recettes de l’État, ce qui est pour le moins difficilement compréhensible s’agissant d’impôts perçus par les collectivités locales. Il serait souhaitable qu’ils apparaissent comme une dépense classique, ou qu’ils soient intégrés au périmètre de la norme de dépense. La prise en charge, par exemple, de la taxe d’habitation pour les ménages aux revenus modestes, est une dépense sociale et ne peut en aucun cas être considérée comme une diminution de recettes pour l’État.
C’est d’autant plus important que le montant des crédits demandés au titre de cette mission augmente chaque année : 99 milliards d’euros en 2015, contre 95 milliards en montant révisé pour 2014. Par conséquent, je propose de reclasser, tout simplement, les remboursements liés à la mécanique de l’impôt en atténuation des recettes de l’État. Ces crédits apparaîtraient donc en première partie du projet de loi de finances, et ne seraient plus comptabilisés, en seconde partie, en crédits évaluatifs.
Cette augmentation reflète une évolution de fond des modalités d’action des politiques publiques. Celles-ci sont, de plus en plus, financées par des exonérations fiscales venant en lieu et place de crédits budgétaires.
Dans un deuxième temps, je souhaite aborder la mise en cohérence de notre fiscalité avec les objectifs du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que nous avons adopté ensemble. Ce projet de loi fixe clairement, et de manière très ambitieuse, les objectifs de la politique énergétique : préserver l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre, réduire la dépendance aux importations, garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant un droit d’accès de tous à l’énergie, sans coût excessif au regard des ressources des ménages, et lutter contre la précarité énergétique.
Ce projet de loi est important car il doit nous aider à assumer nos responsabilités vis-à-vis des générations futures, et d’abord à lutter contre le réchauffement climatique. Je rappelle que, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC –, l’augmentation des températures moyennes à la surface de la planète pourrait atteindre 4,8 degrés à l’horizon 2100 si les émissions de gaz à effet de serre se poursuivent au rythme actuel. Cela aurait pour conséquence, entre autres, une élévation du niveau des océans de quasiment un mètre.
Pour que la future loi relative à la transition énergétique se révèle efficace, il faut mettre en cohérence notre système fiscal avec ses objectifs. Or, ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Je pense à l’exonération de la taxe sur le kérosène, qui encourage le développement du trafic aérien, ou au remboursement de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises au détriment des utilisateurs des réseaux fluviaux ou ferroviaires.
Il serait d’ailleurs souhaitable que l’administration effectue un inventaire complet des dépenses fiscales défavorables à l’environnement, en évaluant leur impact sur l’emploi et les montants concernés. Ainsi, la représentation nationale pourrait juger de la cohérence de ces dispositions avec le projet de loi que nous venons d’adopter et considérer l’opportunité de les conserver.
Mon troisième point concerne la question des contentieux, dont les enjeux financiers sont, comme vous le savez, très significatifs : 4 milliards d’euros pour les précomptes mobiliers et 1,8 milliard pour les organismes de placement collectif en valeurs mobilières – OPCVM.
L’administration nous a fourni une liste mentionnant 25 autres contentieux européens, mais dépourvue d’évaluation financière. Or vous comprendrez, madame la ministre, la nécessité pour la représentation nationale de s’informer des risques pesant sur les finances publiques.
De quelle évaluation des enjeux financiers liés à ces 25 contentieux disposez-vous à l’heure actuelle ? Pouvez-vous nous fournir une évaluation des conséquences financières du contentieux Vivendi, dans le cas où le jugement de première instance serait confirmé en appel ? Pouvez-vous également nous indiquer si d’autres sociétés pourraient être concernées ?
De la même manière, et même si cela n’entre pas directement dans le champ de la mission, pouvons-nous disposer d’une évaluation de l’impact financier du contentieux sur les prélèvements sociaux provenant des revenus immobiliers des non-résidents fiscaux ? À quelle échéance ses conséquences seraient-elles susceptibles se faire sentir sur le budget de l’État ?
Je vous remercie par avance de répondre à ces questions.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » regroupe cinq programmes : la charge de la dette et la trésorerie de l’État, les appels en garantie de l’État, la majoration de rente, l’épargne, et le Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque.
Pour l’ensemble de la mission, les autorisations d’engagement sont, en 2015, en baisse, avec un total de 46,6 milliards d’euros, contre 47,65 l’année dernière. Les crédits de paiement connaissent une évolution similaire : ils s’élèvent à 45,2 milliards d’euros, contre presque 51 milliards l’année dernière.
La désormais constante faiblesse des taux d’intérêt octroie, donc, un peu de latitude anticipée à nos finances publiques, ce dont nous nous félicitons. Le groupe RRDP souligne également l’action déterminante de l’Agence France Trésor en la matière : elle participe, depuis plus de dix ans, et dans l’intérêt général, à la rationalisation de la charge de la dette.
Toutefois, cette charge, bien qu’en nette baisse baisse en 2015, demeure le premier programme de la mission puisqu’elle représente 98 % de l’ensemble des crédits. Il y a une quinzaine d’années, sous le gouvernement de Lionel Jospin, la dette avait baissé : elle était en effet repassé sous la barre des 60 % du PIB, et le déficit avait atteint un point bas – à seulement 1,7 % de PIB – qu’il n’a jamais plus retrouvé depuis.
Seulement dix années plus tard, en 2011, la dette effleurait les 90 % de PIB. Actuellement, elle frôle la barre des 100 %. La crise s’est doublement fait sentir : par les déficits, c’est-à-dire le numérateur, et par le PIB, c’est-à-dire le dénominateur. En d’autres termes, en pourcentage du PIB, la dette s’alourdit massivement parce que le déficit croît, mais également en raison de la faiblesse de la croissance.
En outre, ce double phénomène est renforcé par la faiblesse de l’inflation, qui menace de perdurer sur l’ensemble de la zone euro.
J’en viens au programme 344, regroupant les crédits demandés au titre du fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque, créé, au bénéfice des collectivités – qui peuvent, sous certaines conditions, solliciter une subvention pour rembourser un emprunt toxique – par la loi de finances pour 2014. Ce programme est doté, en 2015, de 49,5 millions d’euros de crédits de paiement.
Une telle dotation se situe quelques dizaines de milliers d’euros en deçà du montant initialement prévu, sachant que le fonds devait également être, pour moitié, abondé grâce au relèvement, maintenu en 2015, du taux de la taxe bancaire sur le risque systémique.
Cela signifie, probablement, que le rendement attendu de cette taxe sera légèrement supérieur en 2015, ce dont nous nous félicitons, dans la mesure où l’article 235 ter ZE du code général des impôts vise également à prévenir les comportements à risque excessif des établissements bancaires.
Nous nous en félicitons d’autant plus que des rumeurs récurrentes circulaient à propos d’une baisse en 2016 de ce taux, actuellement fixé à 0,539 %.
Enfin, concernant les participations financières de l’État, le groupe RRDP souhaite revenir sur les déclarations du ministre de l’économie. Devant l’Association des investisseurs de long terme en infrastructure, le 17 octobre dernier, il a confirmé l’intention du Gouvernement d’ouvrir le capital de certaines entreprises publiques de réseaux afin de « libérer du capital ».
L’ouverture du capital d’une société comme Réseau de transport d’électricité – RTE –, la filiale d’EDF opérateur de réseaux de transport d’électricité français, ou une cession de GRTgaz, le gestionnaire du transport du gaz en France, détenu par GDF Suez, sont régulièrement envisagés par les experts cités dans la presse.
La somme paraît colossale puisqu’il est question de 5 à 10 milliards d’euros d’actifs publics écoulés sur le marché d’ici fin 2015, dont 4 milliards serviraient au désendettement de l’État. Toutefois, l’ouverture de ce secteur hautement stratégique doit, si la décision politique est confirmée, se réaliser dans les meilleures conditions. Comment s’assurer que ces actifs seront cédés au bon moment, au bon tarif et aux bons investisseurs ?
De plus, l’ouverture du capital des entreprises publiques de réseaux perturbera forcément, à moyen terme, ce service public. Aussi, madame la ministre, je vous pose, en guise de conclusion, la question suivante : de quelles garanties le ministre de l’économie et des finances entend-il, à ce titre, se prémunir ?
La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, en termes de crédits alloués, la charge de la dette, avec 2 000 milliards d’euros de dette cumulée, se positionne à la deuxième place de l’ensemble des missions de notre budget, après l’éducation nationale.
La droite, pourtant médaillée d’or pour la contribution abyssale qu’elle a apportée à cette dette,…
…s’est ruée sur ce chiffre pour réclamer la casse de notre système de protection sociale et le détricotage de l’ensemble des liens de solidarité entre nos concitoyens, et pour proposer un modèle de précarité généralisée répondant aux diktats de la finance et de Bruxelles.
Depuis qu’il est aux manettes, le Gouvernement actuel, pour sa part, fait de cette dette un fardeau pour le peuple, à qui il demande de se serrer la ceinture.
C’est au nom de cette dette, pourtant, que ses membres dénonçaient avant 2012 la généralisation de l’austérité. La dette fonctionne aujourd’hui comme un remarquable culpabilisateur collectif.
Le coup de la dette, c’est vieux comme le monde !
L’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Si autrefois les débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage, aujourd’hui les emprunteurs pauvres, qu’il s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers monde, sont enchaînés aux systèmes de crédits.
Il convient aussi de rappeler ici qu’une partie de notre dette provient du renflouement du système bancaire et financier qui a été effectué au plus fort de la crise de 2008. La dette privée fut en quelque sorte nationalisée.
De plus, les États sont tenus depuis quarante ans de se financer sur les marchés financiers et non plus auprès des banques centrales. Et c’est ainsi que les intérêts de 2 % versés aux marchés se montent à 589 milliards d’euros ! Les intérêts de la dette ont eu un effet « boule de neige » qui a alourdi considérablement la dette.
Selon le discours dominant, auquel vous contribuez massivement, la dette aurait pour unique origine la croissance exponentielle des dépenses publiques, qu’il conviendrait donc de réduire drastiquement.
Or, les chiffres sont clairs : l’augmentation de la dette de l’État ne découle pas de l’augmentation des dépenses mais bien de la diminution des recettes puisque la part des recettes dans le produit intérieur brut a reculé de cinq points au cours des trente dernières années.
Durant les dernières décennies, et plus particulièrement depuis le début des années 2000, l’État a participé à la course à l’échalote fiscale européenne en menant une politique qui l’a peu à peu privé de ses ressources : politique d’exonérations massives profitant aux grandes entreprises – soit un manque à gagner de 488 milliards d’euros depuis quinze ans – ou encore cadeaux fiscaux au profit des ménages les plus riches. Pas étonnant, dans ces conditions, que les 500 personnes les plus riches de France aient vu leur fortune quintupler !
Ces dépenses fiscales et ces exonérations, dont l’impact positif pour notre économie est dans la plupart des cas plus que discutable – le CICE en est un nouvel exemple –, ont eu un coût considérable pour nos finances publiques. Et, d’un point de vue social, l’État s’est appauvri en enrichissant les gros détenteurs de capital.
En fin de compte, selon les estimations réalisées par le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, si l’État « avait maintenu constante la part de ses recettes dans le PIB au cours des dernières décennies, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de 24 points de PIB ».
Enfin, comment ne pas évoquer l’évasion et la fraude fiscale, dont l’impact sur les finances publiques est massif ? Depuis 1980, on estime que l’évasion fiscale a coûté à notre pays 424 milliards d’euros ! Évasion fiscale qui continue de plus belle, comme en témoignent les révélations sur les pratiques scandaleuses de la banque suisse HSBC et sur le rôle joué en Europe par le Luxembourg de M. Juncker, qui a été nommé président de la Commission européenne. Cela ne laisse que peu d’espoir quant à l’harmonisation fiscale qui s’impose pourtant en Europe.
Que faites-vous pour aller plus loin encore et punir sévèrement ceux qui mettent en place des schémas planétaires d’évasion fiscale, privant les peuples des moyens dont ils devraient disposer ?
Enfin, la politique d’austérité imposée aux collectivités est une hérésie et un suicide pour l’économie. Le cercle vicieux va s’emballer : baisse des investissements, baisse des commandes, notamment dans le secteur du BTP, baisse des ressources, baisse de l’emploi, affaiblissement de l’économie, accroissement du chômage et de la misère.
Un changement de cap s’impose avec une autre politique. C’est encore possible. C’est la raison pour laquelle les députés communistes et du groupe GDR s’opposent à votre projet de budget qui va aggraver la dette et engendrer la récession.
La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » représente en volume budgétaire la deuxième mission du budget général, après celle relative à l’enseignement scolaire.
Je concentrerai mon intervention sur les deux premiers programmes, le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » et le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque », second en terme d’autorisations d’engagement et qui souligne l’importance de l’engagement de l’État envers les collectivités territoriales.
En ce qui concerne le programme 117, la charge de la dette s’est élevée en 2013 à 44,9 milliards d’euros, soit à un niveau sensiblement moins élevé qu’en 2012 – elle se montait alors à 46,3 milliards d’euros. Ce résultat confirme une tendance baissière observée depuis 2012, ce qui a permis de réaliser une économie conjoncturelle de 2 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.
Par ailleurs, le Gouvernement vient d’annoncer une révision à la baisse du coût de la charge de la dette de 400 millions d’euros en 2015.
Mes chers collègues, au titre des deux éléments que je viens d’évoquer, je salue la bonne gestion de la dette de l’État par le Gouvernement, qui sert ainsi les intérêts des contribuables en honorant sa signature en toutes circonstances et dans les meilleures conditions de sécurité.
En 2013, notre besoin de financement s’est avéré plus élevé que la prévision. En effet, l’augmentation de la dette de l’État est la conséquence d’un besoin de financement qui s’est établi à 186,3 milliards d’euros en 2013, soit 0,7 point de PIB, par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Il demeure toutefois inférieur de 2,3 milliards par rapport à l’exécution 2012, ce qui témoigne d’une plus grande maîtrise de l’endettement.
Deux facteurs expliquent cette hausse : d’une part, l’impact en gestion du déficit budgétaire de l’État, supérieur de 11 milliards d’euros à la prévision établie en loi de finances initiale pour 2013, d’un montant de 74,87 milliards d’euros ; d’autre part, l’augmentation de la charge d’amortissement des dettes à moyen et long termes à hauteur de 3,3 milliards d’euros, y compris au titre des dettes reprises par l’État comme celle de l’Établissement public de refinancement et de restructuration, pour 4,48 milliards d’euros, en application de l’article 83 de la loi de finances rectificative de 2013.
Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » découle de la volonté politique exprimée dans le Pacte de confiance et de responsabilité de soutenir financièrement les collectivités ayant souscrit des emprunts structurés devenus toxiques.
L’ensemble des collectivités territoriales, ainsi que leurs groupements, pourront demander à bénéficier du fonds. Il convient à ce sujet de saluer la concertation approfondie qui a réuni les services de l’État, l’Association des maires de France, l’APCET, association des acteurs publics contre les emprunts toxiques, et les représentants du Parlement.
Je tiens à préciser aux plus sceptiques que même si les collectivités sollicitent la solidarité nationale au travers du fonds de soutien, celle-ci n’a pas pour effet d’exonérer les responsables locaux des erreurs qu’ils auraient pu commettre car le fonds ainsi créé ne permettra de couvrir que 45 % des refinancements.
Je me félicite de la mise en place de ce fonds de soutien. C’est une solution équilibrée pour faire face à une situation de crise qui a déjà fait perdre environ 10 milliards d’euros à l’État. Même si ce dispositif ne satisfait pas tout le monde, il permettra d’éviter que de telles situations se reproduisent à l’avenir. Il s’agit d’un dispositif de soutien pérenne et global, à la hauteur du risque pesant sur les contribuables locaux.
Au nom du groupe SRC, mes chers collègues, je vous invite à voter ce projet de budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je ne ferai qu’une courte intervention car Michel Sapin avait déjà répondu de façon très complète durant la réunion en commission élargie.
Vous pouvez, mesdames et messieurs les députés, regretter que la dette ne diminue pas assez vite, d’ailleurs on nous le reproche chaque semaine, mais nous devons faire avec un héritage lourd. Les 600 milliards d’euros dont a fait état M. Bocquet sont une réalité, mais après deux projets de loi de finances, nous avons réussi à inverser la tendance au point de profiter de taux d’intérêt restés faibles. C’est une bonne nouvelle.
Nous pourrions aussi entrer dans le vieux débat à propos du relèvement du plafond de la dette et de son pourcentage par rapport au PIB, alors que la dette publique des États-Unis a dépassé les 106 % du PIB. Sommes-nous vraiment dans une spirale infernale, monsieur Bocquet ? Nous devons rester extrêmement raisonnables et nous en tenir à notre objectif, qui est bien de diminuer la dette.
Vous me reprochez, les uns et les autres, de diminuer les dotations aux collectivités territoriales. Mais comme je le rappelais cet après-midi au Sénat, ces dotations sont financées par le produit de l’impôt sur le revenu, de la TVA, de divers impôts indirects, des droits d’accise ou des emprunts. Dès lors que nous avons décidé ensemble de ne plus augmenter les impôts – après une année pendant laquelle de telles augmentations s’étaient avérées nécessaires –, et de ne pas emprunter davantage, je ne vois pas comment nous pourrions continuer à doter les collectivités locales tout en réalisant 50 milliards d’euros d’économies.
En ce qui concerne la lutte contre la fraude, comme l’ont rappelé le ministre des finances et le secrétaire d’État chargé du budget, la régularisation fiscale a d’ores et déjà permis de récupérer 1,85 milliard d’euros placés en Suisse.
Certes, c’est une petite somme par rapport au montant total de la fraude, mais comme vous le savez, monsieur Bocquet, nous avons utilisé tous les moyens possibles pour lutter contre la fraude. Encourageons-nous plutôt les uns les autres et nous y parviendrons ! Et si vous avez des solutions, je suis prête à les entendre.
Vous ne pouvez pas dire, monsieur Vigier, que la réforme territoriale n’est pas une réforme structurelle ou qu’elle ne s’accompagne pas d’une réforme de l’État. Au contraire, nous sommes sur le point d’adopter une nouvelle carte régionale qui renforce l’intercommunalité tout en conservant les communes. Sans revenir à la vieille théorie des masses critiques, il nous faut suffisamment de moyens pour redresser le pays et assurer la solidarité. Dans ce but, nous réalisons une réforme structurelle.
Après les 49 évaluations des politiques publiques effectuées en deux ans – qui ont été difficiles à conduire –, nous avons lancé la revue des missions de l’État, qui aboutira en février prochain. Nous ne faisons pas tout cela pour passer le temps mais pour engager dès le mois de mars des réformes comme celle de l’administration territoriale de l’État. La RÉATE, réforme de l’organisation territoriale de l’État, et la RGPP, revue générale des politiques publiques, n’ayant pas produit d’effets, nous sommes revenus à la base en procédant à l’évaluation des politiques publiques par le bais de la revue des missions de l’État et des collectivités territoriales. Nous allons donc dans le bon sens.
Les remboursements et les cessions de titres de participations publiques doivent servir au mieux les intérêts de l’État. Il s’agit d’une obligation constitutionnelle.
Madame Sas, s’agissant du contentieux fiscal avec Vivendi, sachez que devoir rétrocéder 400 millions d’euros, intérêts moratoires compris, est le pire qui puisse se produire.
Il importe de rappeler que la loi prévoit que RTE doit être détenu par EDF ou d’autres entités publiques. Toute modification sur ce point exige donc une disposition législative. Voilà qui a de quoi rassurer.
Vous avez déposé deux amendements sur les remboursements et dégrèvements, madame Sas. Je répondrai donc à vos questions sur cette mission à l’occasion de la discussion des amendements.
L’augmentation de la dette à laquelle nous avons assisté dans les dernières années de l’ancienne majorité nous confronte certes à une situation difficile, monsieur Lambert. Mais nous avons pris un engagement. D’aucuns le qualifient de violent. Non : c’est un engagement pour nos enfants, comme vous l’avez rappelé les uns et les autres, car nous ne pouvons continuer dans cette spirale de la dette. Je ne peux donc que remercier M. Lambert de nous aider à rejoindre, à travers sa critique constructive, la trajectoire évoquée par M. Fauré. Nous n’avons pas d’autre choix ; c’est en tout cas la ligne qui a été définie par le Premier ministre sous l’autorité du Président de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
La parole est à Mme Monique Rabin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre, madame la présidente, mes chers collègues, je souhaitais ce soir, comme je l’ai fait en commission élargie, attirer l’attention du Gouvernement sur une des limites de la LOLF, pour permettre une meilleure compréhension par notre Assemblée de l’ensemble des actions de l’État en faveur de l’internationalisation des entreprises.
Nous savons que le redressement du commerce extérieur est l’une des principales opportunités pour permettre le retour à la croissance de notre pays. Or, après le record de 73,7 milliards d’euros atteint en 2011, notre déficit commercial amorce une amélioration, pour s’établir à 61,4 milliards d’euros en 2013. Notre mobilisation doit donc être totale pour renforcer la compétitivité de nos entreprises et l’attractivité de notre territoire.
Il s’avère que les dispositifs de soutien sont éclatés entre plusieurs missions et programmes. En tant que rapporteure spéciale, j’ai eu à approfondir les crédits affectés à Ubifrance et à l’AFII, l’Agence française pour les investissements internationaux. Ils sont en baisse, et contribuent ainsi à l’orthodoxie budgétaire malgré la priorité que constitue le commerce extérieur.
En cette période où les moyens budgétaires se font rares, je tiens à souligner ce qui nous réunit ce soir : l’augmentation des crédits alloués à l’action « développement international de l’économie française », au programme 114. Ces crédits augmentent de 7,5 % en 2015, pour s’établir à 149,3 millions d’euros. Soixante-quinze pour cent de cette somme est affectée à la COFACE, d’où trois interrogations. Tout d’abord, je voudrais savoir ce qui justifie cette augmentation de crédits au moment où d’autres lignes consacrées au commerce extérieur sont en baisse. Ensuite, je me demande s’il n’y a pas redondance de moyens. Enfin, le rapport de suivi sur l’évaluation du soutien public aux exportations de nos collègues Jean-Christophe Fromantin et Patrice Prat, déposé en juin dernier, qui n’a malheureusement pas passionné les foules à l’Assemblée nationale, préconisait un meilleur ciblage de l’assurance prospection. Nous allons voter une augmentation de ces crédits, mais je me pose moi aussi la question du ciblage.
Ma question fait écho à l’article 3 du projet de loi de finances rectificative, dont j’ai eu connaissance ce matin et qui concerne l’élargissement du dispositif de soutien financier à l’export à des prêts non concessionnels. Nous en reparlerons sans doute dans les semaines qui viennent.
À question précise, réponse aussi précise que possible. Les crédits budgétaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015 au titre des garanties délivrées par la COFACE et Natixis pour le compte de l’État augmentent de 11,1 millions d’euros, soit une hausse de 8 %. Ils passent de 138,2 millions d’euros en 2014 à 149,3 millions d’euros en 2015.
Cette progression est principalement due à l’enveloppe prévisionnelle relative à la garantie du risque exportateur, qui augmente de 10 millions, passant de 20 millions en 2014 à 30 millions en 2015. La garantie du risque exportateur recouvre deux types de garanties : la garantie des cautions et la garantie des préfinancements. Ces deux garanties bénéficient quasi exclusivement à des petites et moyennes entreprises, en facilitant l’obtention de leurs prêts pour le financement de la réalisation des contrats et l’émission des cautions exigées par le client. Nombre de parlementaires recevant des PME nous demandent justement d’affiner le dispositif et d’augmenter ce soutien à nos PME exportatrices.
Cette augmentation correspond au budget prévisionnel réservé à l’indemnisation de sinistres liés à des défaillances d’entreprises. Certaines de ces défaillances d’entreprises étaient considérées comme probables lors de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2014, mais ne se sont pas produites. Puisqu’elles demeurent probables, elles ont été décalées – l’État est un État prudent – sur le projet de loi de finances pour 2015, d’où cette augmentation de 10 millions d’euros.
L’enveloppe de crédits relative à la garantie du risque exportateur est fondée sur une prévision qui peut se réaliser ou non. En 2014, sur les 20 millions provisionnés en projet de loi de finances, la consommation sera nulle, car cette procédure a dégagé un bénéfice en 2013 – les primes encaissées ont été supérieures aux indemnisations de sinistres. La hausse technique proposée au projet de loi de finances pour 2015 ne traduit donc pas de croissance de cette procédure, dont l’encours diminue par ailleurs – moins 266 millions en 2013 par rapport à 2012.
Le deuxième facteur d’augmentation des crédits de l’action 4 du programme 114 est l’assurance prospection que vous connaissez bien, madame Rabin. Ses crédits progressent de 1,5 million en 2015, soit une hausse de 1,4 %. Cette hausse de crédits est une conséquence de la décision politique visant à augmenter rapidement le nombre de PME bénéficiaires de l’assurance prospection prise en 2009, dans l’objectif d’atteindre le chiffre de 10 000 bénéficiaires de la procédure en 2012. Cette décision a été mise en oeuvre : 12 057 PME ont été soutenues dans le cadre de l’assurance prospection fin juin 2014, contre 7508 fin 2011.
Cette hausse de crédits s’explique également par la montée en puissance du nouveau produit simplifié créé en 2012 pour les PME primo-exportatrices, l’assurance prospection premiers pas ou A3P, qui a aujourd’hui trouvé son rythme de croisière.
Après une période de hausse sensible des bénéficiaires et donc des crédits, l’assurance prospection, qui représente 75 % du total des crédits de l’action 4, est désormais en phase de stabilisation. Je vous donnerai les quelques éléments supplémentaires propres à satisfaire votre passion pour l’exportation.
J’appelle les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », inscrits à l’état B.
Je suis saisie de deux amendements, nos 802 et 803 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Eva Sas, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les soutenir.
Ces deux amendements illustrent mon propos de tout à l’heure sur la nécessité de modifier la présentation des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », mission à près de 100 milliards qui relève un peu du « fourre-tout », si vous m’autorisez ce terme dans cet hémicycle.
Aussi l’amendement no 802 vise-t-il à reclasser les remboursements et dégrèvements d’impôts relevant purement de la mécanique de l’impôt en atténuation des recettes de l’État, donc en première partie. Il s’agit en effet de moindres recettes, et non pas de crédits budgétaires.
L’amendement no 803 vise quant à lui à rapprocher les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Tout cela nous paraîtrait plus logique et plus clair, la lisibilité de cette mission « Remboursements et dégrèvements » s’avérant particulièrement hasardeuse pour la représentation nationale, dans la mesure où elle regroupe des crédits très différents, dont une partie relève davantage de l’atténuation de recettes que des crédits budgétaires à proprement parler.
Pouvez-vous également nous donner l’avis de la commission en tant que rapporteure spéciale ?
J’ai l’intention de retirer ces amendements, qui n’ont pas été examinés par la commission. Mais si j’avais dû donner un avis, il aurait été bien évidemment favorable.
Je vais aller vite, puisque vous êtes déjà convaincue.
Sourires
Il y a du vrai dans votre observation, mais je dirais qu’on vous comprend sans pouvoir vous suivre. La comptabilisation budgétaire actuelle des remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l’impôt sera maintenue. En effet, les remboursements viennent d’ores et déjà atténuer les recettes nettes en première partie de la loi de finances. Leur comptabilisation hors de la mission « Remboursements et dégrèvements » conduirait à intégrer plutôt ces remboursements comme des moindres recettes brutes en première partie. Cette procédure se heurterait à des problèmes comptables, notamment du fait de la mécanique des impôts concernés. Voilà pour l’amendement no 802 .
J’en viens à l’amendement no 803 . Là aussi, le Gouvernement souhaite conserver la comptabilisation actuelle. Par similitude avec les prélèvements sur recettes, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux peuvent en effet continuer à être déduits des recettes de l’État en présentation. Par ailleurs, le rattachement des remboursements et dégrèvements d’impôts locaux aux dépenses de l’État que vous demandez dégraderait la lisibilité des dépenses et leur pilotage budgétaire. En effet, l’évolution de ces dégrèvements est en partie liée aux décisions des collectivités locales, notamment sur le taux de la fiscalité locale. Lorsque celui-ci augmente, le dégrèvement est plus important, mais on ne peut le prévoir.
D’autre part, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne traduisent pas nécessairement des politiques publiques ou des transferts aux collectivités locales, mais la simple mécanique de l’impôt, notamment dans le cas des restitutions des acomptes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – CVAE.
Je vous serais donc reconnaissante de bien vouloir retirer ces deux amendements. Dans le cas contraire, je me verrais contrainte d’y donner un avis défavorable.
Je vous remercie de votre réponse, mais je voudrais redire que ce n’est pas parce que des crédits sont évaluatifs et évoluent en fonction des décisions des collectivités locales qu’ils doivent être traités dans la mission « Remboursements et dégrèvements ». Bien que cette réponse m’ait plusieurs fois été faite, je ne suis pas convaincue : beaucoup d’autres dépenses sociales ou de guichet sont évaluatives, mais intégrées dans les crédits budgétaires. Cela étant, je retire les amendements.
Cet amendement à caractère technique traduit dans la mission « Remboursements et dégrèvements » la baisse de 4 centimes par litre de l’exonération de taxe intérieure de consommation sur le gazole – TICPE – dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises.
La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y donne bien entendu un avis favorable.
L’amendement no 832 est adopté.
Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », modifiés, sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » sont adoptés.
Nous abordons maintenant l’examen des crédits relatifs à la gestion des finances publiques et des ressources humaines, aux provisions et aux régimes sociaux et de retraite (no 2260, annexes 26,27, 28, 29 et 39 ; no 2267, tome III).
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » regroupe l’essentiel des crédits de fonctionnement des administrations du ministère des finances et des comptes publics, ainsi que ceux de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, dont j’ai l’honneur d’avoir la responsabilité.
Comme les années précédentes, ces administrations contribuent de manière exemplaire aux économies budgétaires, avec une réduction d’effectifs de 2 400 ETP, soit une baisse de 1,8 % du plafond d’emplois. Les dépenses hors personnel baissent de 60 millions d’euros et les dépenses de personnel, hors retraites, de 82 millions d’euros. Vous me direz que c’est peu, mais c’est une tendance, qui est parfois, d’ailleurs, critiquée – je me tourne vers M. Bocquet.
Sourires.
Par ailleurs, la maquette budgétaire de la mission est simplifiée grâce à la fusion de deux programmes – 221 et 218 – qui étaient déjà tous deux sous la responsabilité du secrétaire général des ministères économiques et financiers.
Dans ce contexte exigeant, les administrations concernées poursuivent leur modernisation. La direction générale des finances publiques,la DGFiP, et la direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, se sont ainsi dotées de projets stratégiques à moyen terme impliquant notamment une adaptation des réseaux territoriaux, qui a déjà débuté et sera amplifiée au cours des années à venir. C’est une démarche complexe que le Gouvernement mènera de manière progressive, dans la concertation et le dialogue social, en portant la plus grande attention aux conditions de travail de nos agents. Ces conditions de travail font d’ailleurs l’objet d’un volet particulier du dialogue social, absolument indispensable, auquel nous consacrons beaucoup de temps.
La priorité est aussi donnée au numérique et à la dématérialisation : celle des relations avec le contribuable ou avec les entreprises qui utilisent les procédures douanières ; celle des relations entre la DGFIP et les collectivités territoriales – nous souhaitons d’ailleurs promouvoir dans ce domaine un objectif de généralisation pour les plus grandes collectivités ; enfin la dématérialisation de la chaîne de la dépense publique, et notamment des factures que nous adresseront nos fournisseurs à partir de 2017.
Le ministère des finances joue par ailleurs tout son rôle dans le « choc de simplification » et dans l’optimisation des fonctions support de l’État. C’est notamment le cas de la gestion de la paie des agents de l’État, champ dans lequel le Gouvernement est revenu à une approche pragmatique après l’abandon, que nous avons regretté mais qui était obligatoire, en début d’année 2014, du projet d’opérateur national de paie, trop risqué et trop coûteux.
Au sein de cette mission, j’ai plus particulièrement la charge du programme 148 « Fonction publique ». L’absence de Michel Sapin me donne l’occasion de l’évoquer devant vous directement – ce à quoi je m’emploie avec plaisir – et de faire état de toutes les initiatives lancées par ailleurs avec la fonction publique et les organisations syndicales. Le programme 148, quoique relativement modeste par sa dimension budgétaire, revêt une importance particulière. En effet, il porte sur la formation interministérielle des fonctionnaires – qui concerne l’ENA, l’École nationale d’administration, et les IRA, les instituts régionaux d’administration – et l’action sociale interministérielle pour des prestations individuelles et collectives.
Pour 2015, les efforts d’économies sont intégralement portés sur la formation. Le Gouvernement propose une diminution de la subvention pour charges de service public des opérateurs du programme – ENA et IRA – qui se traduit par une baisse de 5 % des dépenses de fonctionnement et une réduction globale de 5 ETP sur les emplois permanents – 3 à l’ENA et 2 pour les IRA. J’ajoute que les hauts fonctionnaires acceptent avec enthousiasme de faire des conférences sans percevoir de rémunération auprès de nos élèves en formation. Nous prévoyons par ailleurs une augmentation du volume des promotions du concours interne de l’ENA à hauteur de dix élèves en 2015, compensée par la réduction de dix stagiaires en préparation ENA. En effet, nos administrations nous ont fait part de cette demande de création de postes.
Les crédits dédiés à l’action sociale en faveur des agents les plus modestes sont, quant à eux, stabilisés. Cette décision s’inscrit dans la droite ligne des orientations mises en oeuvre depuis deux ans, qui consistent à faire participer les agents à l’effort de redressement, proportionnellement à leurs capacités.
Plus globalement, s’agissant des effectifs de la fonction publique, 10 601 postes seront créés dans les secteurs de l’enseignement, de la justice et de la sécurité, conformément à l’engagement du Président de la République. Ils seront compensés par 11 879 suppressions dans les autres missions, ce qui, vous me l’accorderez, n’est pas chose facile.
Il faut appréhender cette stabilisation des effectifs sur cinq ans. Les suppressions venant en compensation des recrutements sont rendues possibles par la modernisation du fonctionnement des administrations, à travers le développement du numérique, l’optimisation des fonctions support, des mutualisations diverses et l’engagement des agents, que je voudrais ici saluer, car ils ont eux-mêmes proposé un certain nombre d’économies.
S’agissant des rémunérations des agents de l’État, le Gouvernement a fait le choix d’une progression maîtrisée : de fait, la hausse des dépenses de rémunération est fixée à 0,6 % en 2015.
S’agissant enfin des enveloppes des mesures catégorielles, fixées à 245 millions en 2015, elles cibleront en priorité les bas salaires, c’est-à-dire la revalorisation des catégories C et du bas des catégories B, ce qui était, à notre sens, faire oeuvre de justice.
Vous le constatez, les agents publics sont appelés à contribuer à l’effort national de redressement des comptes.
Les parlementaires formulent plusieurs propositions pour moderniser notre fonction publique. Nous sommes évidemment à votre écoute, et prêts à discuter avec la représentation nationale. Laissez-moi toutefois vous indiquer le chemin parcouru depuis la dernière grande conférence sociale sur deux points, la concertation et la négociation.
Le 9 octobre dernier, le Premier ministre a installé le Conseil national des services publics, dont la création avait été décidée lors de la dernière grande conférence sociale. Ce conseil, qui ne coûte rien, a vocation à permettre d’organiser la concertation sur l’évolution des services publics notamment pour les deux réformes structurelles majeures menées de front : la réforme de l’État et celle des collectivités, qui forment ensemble une réforme sans précédent – je dis bien : sans précédent – de l’action publique territoriale – et je me tourne ici vers M. Vigier, que je vois d’ailleurs opiner du bonnet.
Sourires.
Cette formation est inédite : à ce jour, il n’existait pas de cadre formel de dialogue entre employeurs territoriaux, organisations syndicales, employeurs publics, patronat, usagers et membres de la représentation nationale.
Alors que les réformes en cours inquiètent beaucoup les agents, je veux leur dire, par l’intermédiaire de la représentation nationale, que nous sécurisons la situation de ceux qui seront concernés par les réformes, notamment, par les mobilités subies du fait de restructurations de services. À cet effet, une formation spécialisée a été créée au sein du Conseil commun de la fonction publique pour conduire le dialogue social sur l’accompagnement des agents.
Dans le même temps, le Gouvernement a engagé cet automne, autour des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations, une négociation qui devrait aboutir au printemps. Toutes les organisations syndicales sont aujourd’hui autour de la table. Nous interromprons simplement cette négociation pendant la campagne électorale préalable au scrutin du 4 décembre 2014. La négociation doit aboutir à une réforme de l’architecture statutaire, qui permettra de redéfinir les parcours professionnels et les carrières des agents, de simplifier la gestion des ressources humaines, de renforcer l’unité de la fonction publique, de favoriser les mobilités, de rénover la grille de rémunération, enfin, de redéfinir la politique salariale, autant de chantiers qui n’avaient pas été ouverts depuis trente ans.
Pour mener à bien cette négociation devant conduire à une réforme d’ampleur de notre fonction publique, nous appliquons une seule méthode : celle du dialogue social et des engagements réciproques. Il s’agit de moderniser notre modèle de service public et d’améliorer l’efficacité de notre action publique, pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et redonner des perspectives de carrière à nos agents.
Mesdames, messieurs les députés, les fonctionnaires innovent et servent notre pays avec le souci du travail bien fait et de la performance – on pourrait dire aussi : de la permanence. Ils sont trop souvent critiqués et rarement écoutés. C’est pourquoi, dans le cadre de cette méthode, nous avons tenu à interroger les agents directement, à partir de la plateforme ISAP. La semaine de l’innovation publique que j’ai inaugurée tout à l’heure est là pour montrer l’inventivité et la créativité de nos administrations.
Je veux faire confiance à nos agents qui contribuent tous les jours à faire vivre et moderniser au quotidien le modèle social français, auquel nous tenons tant et qui est – on le rappelle trop rarement – un modèle sur lequel beaucoup de pays prennent exemple.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la ministre, vous avez raison, c’est une mission importante que celle de la gestion des finances publiques et des ressources humaines, car elle ne concerne pas moins de 20 % de l’emploi en France, à travers les trois fonctions publiques – territoriale, de l’État et hospitalière. Elle représente 80 milliards d’euros de traitements annuels et 120 milliards d’euros si l’on y inclut les pensions servies.
Tous les grands pays, qui, comme la France, ont été confrontés à une modernisation indispensable, à des crises économiques, à une évolution de l’attente de leurs concitoyens vis-à-vis du service public, ont été amenés à moderniser leur fonction publique. Cette modernisation s’est toujours accompagnée d’un allégement des effectifs, avec une volonté permanente de parvenir à une meilleure « efficience », qui n’est d’ailleurs pas un gros mot...
Il est à nos yeux essentiel que l’on soit capable de moderniser la fonction publique. Je me souviens des propos sévères que l’ancienne opposition – la majorité actuelle – avait tenus en 2008 et en 2009 lorsque la fameuse RGPP, la révision générale des politiques publiques, avait été instituée. Vous disiez que vous alliez revenir sur cette refonte générale des politiques publiques et que c’était un scandale que de supprimer 100 000 emplois. Mais qu’avez-vous fait depuis lors ?
Je constate une chose : alors que vous deviez revenir sur les soi-disant erreurs du passé et créer 100 000 emplois, vous vous êtes tout de suite rendu compte que ce n’était pas possible et vous êtes heureusement limités à l’idée d’en créer 60 000. Madame la ministre, vous avez d’ailleurs avoué tout à l’heure que le nombre d’agents dans les fonctions publiques allait diminuer de 2 700.
Ce n’était pas un aveu !
Mais, entre le nombre de postes ouverts et celui des postes pourvus depuis trois ans, on n’aboutit pas à un chiffre de 2 700 – vous le savez aussi bien que moi mais cette présentation vous arrange – mais à une quinzaine de milliers d’emplois non pourvus.
Accordez-moi toutefois que cette RGPP a eu un mérite : la moitié des économies s’est traduite par un surcroît de pouvoir d’achat. Pour ma part, je suis favorable à ce qu’il y ait moins de fonctionnaires, mais qu’ils soient mieux payés. C’est aussi ça le message de la reconnaissance – je dis bien : de la reconnaissance – qui leur est adressé.
La loi organique relative aux lois de finances, la LOLF énonçait, au titre de ses principes fondateurs – il est toujours intéressant de s’y référer – qu’il fallait apporter un meilleur service public et parvenir à des dépenses plus efficientes, autrement dit mieux dépenser.
Vous avez écarté cette RGPP, car c’était un gros mot, au même titre que la TVA compétitivité et les « heures sup », ces fameux sparadraps qui vous colleront au soulier jusqu’à la fin du quinquennat.
Puis la réalité du pouvoir est arrivée : vous avez inventé la modernisation de l’action publique, la MAP. C’est d’ailleurs un acronyme que l’on n’entend plus.
Si !
Je vous ai bien écoutée, madame la ministre, vous en avez parlé sans prononcer le mot.
Dans l’éducation nationale, on nous a dit que c’était l’alpha et l’omega, qu’il fallait absolument créer ces 60 000 postes, que c’était formidable. On verra demain, dans le fameux classement PISA, pour Program for International Student Assessment, reconnu par l’ensemble de nos voisins européens, si, oui ou non, la situation de la France s’est améliorée : j’ai tout lieu d’en douter.
Il faut laisser les affichages politiques de côté.
Surtout, madame la ministre, comme le dit souvent Jean-Yves Le Drian, on constate que c’est le ministère de la défense qui supporte la plus grande part de la fonte des effectifs, soit pas moins de 66 % des emplois supprimés en 2015. Le niveau d’engagement de la loi de programmation militaire, on le sait, ne sera pas tenu. Le chef d’état-major des armées, le général de Villiers, nous expliquait récemment qu’il serait dans l’incapacité de maintenir l’armée opérationnelle si l’on devait aller plus loin.
Par ailleurs, je me souviens que le ministère de l’écologie avait payé très cher la diminution des effectifs ; le chiffre était de huit sur dix si ma mémoire est bonne.
Madame la ministre, le gel du point d’indice avait certes été instauré avant que vous n’arriviez, mais – et c’est votre seconde erreur – cela a continué. Comme on veut toujours conserver les effectifs les plus nombreux possible, on a dit aux fonctionnaires qu’on ne les augmenterait pas. Il est vrai toutefois – les maires que nous sommes le savent – que, s’agissant des catégories C, un effort a été fait.
Vous vous êtes battue pour supprimer le jour de carence – il fallait bien, à vos yeux, donner un peu d’oxygène à ces fonctionnaires. Je regrette cette décision. De la même façon que, pour les retraites, il faudra que public et privé se rassemblent avec une mise en extinction progressive des régimes – c’est aussi cela, la justice –, il fallait préserver le jour de carence, pour parvenir à une convergence.
Je m’étais élevé à l’époque contre la volonté du secrétaire d’État au budget de l’ancienne majorité d’imposer quatre jours de carence dans le privé, estimant qu’il était plus pertinent de commencer par faire converger public et privé. Je regrette donc que l’on ait supprimé le jour de carence pour maladie des fonctionnaires.
Tout cela, madame la ministre, montre que vous n’avez aucune marge de manoeuvres, faute d’avoir engagé de réelles réformes structurelles. Vous avez mentionné l’installation par le Premier ministre d’un conseil extrêmement important qui a vocation à permettre le dialogue et la concertation sur l’évolution des services publics. Un dicton dit qu’on vit de bonne soupe, et non de beau langage ; une fois clamé le beau langage, il faudra bien à un moment ou un autre donner un peu d’oxygène aux fonctionnaires.
Qui a dit cela ?
Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, chers collègues, si la mission que nous examinons contribue à la restauration des comptes publics, j’aimerais pour commencer revenir sur un sujet qui nourrit souvent nos débats : quel repère retenons-nous pour mesurer les économies ? Quel est le référentiel ? La nature de celui-ci peut changer beaucoup de choses.
Si on retient, comme cela est proposé, une croissance tendancielle de 37 milliards d’euros en 2015, l’effort de 21 milliards d’euros d’économies se traduira par une possibilité d’augmenter les dépenses de l’ensemble des fonctions publiques de 16 milliards, soit 0,8 % du PIB, c’est-à-dire à peu près l’inflation. Si on ne tient pas compte du fait que ces 0,8 % ne se répartissent pas de façon homogène, on peut considérer que les dépenses suivent l’inflation et qu’il paraîtrait abusif de parler d’austérité. Par extrapolation, on peut faire la même observation pour les 50 milliards d’euros d’économies réparties sur trois ans. La répartition de ces économies reste toutefois souvent inégale et injuste.
La nécessité des économies budgétaires est désormais connue de l’ensemble des agents économiques. Aussi, afin d’accomplir la démarche d’économies sans mettre à mal la capacité d’action de ses administrations et sans pénaliser la conduite de ses missions régaliennes, l’État aurait tout intérêt – vous l’avez d’ailleurs signalé voilà quelques instants, madame la ministre – à mobiliser ses agents au travers d’un processus de diagnostic et d’action qui consisterait pour chacun d’entre eux à signaler les marges de progrès d’économies qu’ils peuvent repérer dans leur travail quotidien. On parle beaucoup de rénover le dialogue social dans l’entreprise. Cela passe à la fois par un engagement plus fort des salariés au sein de l’entreprise et par une capacité d’écoute de l’encadrement. L’administration publique ne pourrait-elle pas montrer l’exemple ? Sans doute l’a-t-elle déjà fait en partie.
Le redressement de nos comptes publics est aujourd’hui une nécessité si nous ne souhaitons pas léguer à nos enfants la résorption de la dette que nous avons créée. Néanmoins, cette trajectoire de réduction des déficits publics ne peut être soutenable que si elle est couplée à une consolidation des recettes de l’État. Je souhaite donc saluer les mesures prises par le Gouvernement en matière de lutte contre la fraude à la TVA dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui a été présenté ce matin en commission des finances. La fraude à la TVA est responsable de la perte pour les finances publiques de plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Tout à fait, monsieur Bocquet. Il est donc salutaire que le Gouvernement nous propose, dans le cadre des négociations intracommunautaires, des mesures visant à réduire la fraude à la TVA sur les véhicules d’occasion ou sur la création de sociétés éphémères ayant pour objectif de se soustraire à l’impôt.
Par ailleurs, la récente publication par le journal Le Monde au sujet des 28 000 pages d’accords fiscaux secrets passés entre le Luxembourg et 340 grandes entreprises, dont BNP Paribas, Axa ou encore le Crédit agricole,…
…avec pour seul objectif la réduction de l’impôt acquitté par ces entreprises, nous oblige à agir encore plus efficacement contre l’optimisation fiscale agressive des multinationales.
Ces pratiques privent les États de recettes fiscales substantielles. En France, ce sont plus de 50 milliards d’euros d’impôts qui s’envolent chaque année ; 50 milliards, c’est le chiffre qui résonne régulièrement dans nos têtes concernant la baisse de la dépense publique.
Alors que notre pays se débat face à la dette en demandant à nos concitoyens des efforts sans précédents qui servent notamment à soutenir nos entreprises, ces pratiques sont intolérables et nous devons y mettre un terme. Les 15 et 16 novembre prochain, lors du sommet du G 20, les premières mesures du programme Base Erosion and Profit Shifting ou BEPS de l’OCDE devraient être adoptées. Il nous revient de mettre en application le plus rapidement possible – il y a urgence ! – ces mesures en matière de transparence des activités des entreprises, contre les prix de transferts abusifs ou les montages hybrides.
Dans le cadre du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local », les actions de contrôle fiscal les plus importantes concernent les petites et moyennes entreprises et la fiscalité locale. Quels moyens supplémentaires prévoyez-vous pour lutter contre l’optimisation fiscale des grandes entreprises, madame la ministre ?
Enfin, je souhaiterais revenir sur la question des investissements en matière de performance énergétique du patrimoine de l’État. Il ne s’agit pas simplement d’assurer la prise en compte de la question énergétique lors de travaux mais bien de déclencher des travaux énergétiques pour eux-mêmes. Ce n’est pas seulement l’écologiste qui parle à cet instant, mais aussi le membre de la commission des finances.
En effet, ces travaux peuvent augmenter notre capacité d’investissement, ce qui, vous en conviendrez, madame la ministre, peut être très utile dans la période que nous connaissons, et ce, sans nuire aux équilibres financiers. Très concrètement, les investissements s’autofinancent le plus souvent, notamment pour les économies d’énergie et la baisse de la facture énergétique, à condition de prévoir des durées d’emprunt et d’amortissement adaptées. En d’autres termes, la transition énergétique peut constituer la planche de salut de l’investissement de l’État comme des collectivités locales.
En espérant que des dispositions concrètes seront prises sur ce sujet important, le groupe écologiste votera ce budget.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et SRC.
La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, nous notons qu’entre 2014 et 2015 les crédits de la mission « Gestion des publiques et des ressources humaines » passent à 8,544 milliards d’euros, soit une diminution de 1,6 % – 143 millions d’euros. Selon le budget triennal, ces baisses se poursuivront jusqu’en 2017, année où les crédits tomberont 8,196 milliards d’euros.
Nous tenons avant tout à saluer le travail effectué par notre collègue Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois, sur les crédits du programme no 148 « Fonction publique ». Ce programme s’élève à 205 millions d’euros et vise le pilotage de la cohérence statutaire et la conduite du dialogue social, ainsi que la modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique ; nous nous rappelons d’ailleurs que le taux de consommation des crédits n’a cessé d’augmenter depuis 2010.
Les efforts budgétaires effectués sur l’emploi public sont à noter : les effectifs baissent de 1,4 % par rapport aux effectifs de 2014 et baisseront en moyenne de 1,9 % entre 2015 et 2017. Les crédits hors dépenses de personnel, baissent de 2,3 % par rapport aux crédits ouverts en 2014. Nous constatons cependant la relative stabilisation du montant global des dépenses de personnel pour la période et nous serons attentifs à l’engagement du Gouvernement quant à la modernisation des formations des fonctionnaires.
Nous devons toutefois noter l’augmentation régulière des effectifs au sein des trois fonctions publiques – territoriale, d’État et hospitalière – qui concernent jusqu’à 5,4 millions de personnes, soit 20 % de l’emploi total en France au 31 décembre 2012. Cependant, comme a pu le relever Alain Tourret, le décompte du nombre d’agents ne concerne en réalité qu’un peu moins de 5 millions d’emplois équivalents temps plein. De même, nous notons que les trois fonctions publiques n’ont pas été soumises aux mêmes impératifs : si l’État a diminué ses effectifs dans les ministères ces dernières années, les effectifs de ses opérateurs n’ont cessé d’augmenter. Au sein de la fonction publique territoriale, nous nous étions déjà précédemment inquiétés de l’augmentation régulière et constante du nombre d’agents. De même, les effectifs de la fonction publique hospitalière ont augmenté. Ces phénomènes s’expliquent toutefois largement par un accroissement de la charge de travail.
Madame la ministre, concernant la suppression du jour de carence dans les trois fonctions publiques, le groupe RRDP n’est pas favorable au maintien de cette différence de situation entre les fonctionnaires et les salariés du secteur privé et souhaiterait une harmonisation des règles en la matière.
La mission « Provisions » traite, entre autres actions, de la formation des fonctionnaires, qui représente 79,54 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit une diminution de 1,8 % par rapport au budget de 2014. Moins de fonctionnaires, cela ne nécessite-t-il pas des actions de formation accrues pour ceux dont la charge de travail augmente ?
Enfin, en ce qui concerne le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », la lecture du rapport spécial de notre collègue Jean-Louis Dumont…
…nous renseigne à plus d’un titre. La politique de cessions a notamment pour objet de participer au désendettement de l’État à hauteur de 30 % du produit desdites cessions.
Militant pour la maîtrise de l’endettement public, nous souscrivons à cette politique, qui a également et surtout pour objet de rationaliser la politique immobilière de l’État. Or, si nous ne remettons pas en cause l’exonération constituée par l’exemption accordée aux cessions réalisées par la défense, a fortiori en période de disette budgétaire grandissante, la diminution du volume des biens de l’État susceptibles d’être vendus et la baisse du marché de l’immobilier doivent être pris en considération pour rééquilibrer, le cas échéant, la politique de cessions.
Je relèverai également la difficulté de mobiliser le foncier public en faveur du logement. Trop peu de dossiers faisant l’objet d’un acte de cession définitif ont été conclus, et le rapporteur spécial pointe la contradiction entre le mécanisme de décote au profit des collectivités locales et la politique de désendettement, contradiction qui s’accroît avec la décote, qui peut s’avérer être très élevée. Le projet de cession de l’ancienne bibliothèque de l’INALCO, l’Institut national des langues et civilisations orientales, est pointé du doigt, les demandes de la Ville de Paris étant disproportionnées, surtout quand on sait à quel prix cette dernière cède ses terrains aux promoteurs privés.
En conclusion, malgré ces remarques fondées, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera les crédits de ces missions.
La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » étant très large, je centrerai mon propos sur le programme 302, qui regroupe l’ensemble des crédits consacrés aux activités de la Direction générale des douanes et des droits indirects. Celle-ci mène une double mission de lutte contre la fraude et de sécurisation des échanges internationaux.
Avec l’augmentation de leurs responsabilités et l’intensification des phénomènes internationaux auxquels elles font face – flux commerciaux accrus, chaînes d’approvisionnement de plus en plus complexes, rythme d’échanges toujours plus rapide, mondialisation des risques terroristes –, les douanes sont soumises à une pression grandissante.
L’État n’en réduit pas moins chaque année les moyens sur lesquels la douane peut compter pour mener à bien ses tâches. En cinq ans, la douane française a ainsi perdu près de 10 % de ses effectifs pour atteindre 16 500 agents. Elle en comptait plus de 21 500 en 1993. Certains départements français ne comptent même plus aucun service d’opérations commerciales alors même que la Direction générale recouvre les missions de gestion de la fiscalité sur les produits énergétiques, la gestion de la fiscalité environnementale et des contributions indirectes comme celles qui portent sur l’alcool et le tabac, en complément de ses missions de douane.
Ce projet de loi de finances maintient la norme drastique des suppressions d’emploi à la DGDDI, poursuivant la tendance qui s’est amplifiée à partir de l’année 2006 et accélérée à partir de l’année 2009. On se souvient que le ministre avait décidé en juin dernier que la douane se verrait appliquer un schéma d’emplois inférieur à la norme de réduction d’emplois de 2 % fixée par le Premier ministre pour tous les ministères non prioritaires. Dans les faits, cependant, ce sont 266 emplois supplémentaires qui seront supprimés cette année, et à ce rythme plus de 1 000 emplois d’ici à 2018.
À nos yeux, le fait de ne pas considérer la Direction générale des finances publiques et la Direction générale des douanes comme des programmes prioritaires est un contresens politique majeur. Il serait temps que nous prenions chacun conscience des conséquences économiques et sociales ainsi que des incidences désastreuses de la baisse des crédits et des effectifs des services des douanes sur la sécurité des consommateurs, sur les recettes fiscales – la fraude à la TVA vient d’être évoquée, les fameux carrousels de TVA représentent un manque à gagner d’au moins 10 milliards d’euros par an pour notre budget – et sur les entreprises, victimes du dumping social.
Les missions douanières impliquent dans leur structure même que les agents soient toujours en capacité d’arrêter une marchandise et de procéder à toutes les vérifications nécessaires. Aujourd’hui, seulement un produit sur 10 000 entrants en Europe est contrôlé. Qu’en sera-t-il demain ?
Les douaniers, en sous-effectif, peuvent de moins en moins faire face aux flux croissants de marchandises qui traversent en tous sens la planète, favorisant les trafics, les fraudes où la finance et la criminalité se mélangent. Le trafic d’espèces protégées, celui des déchets, celui de la contrefaçon prospèrent de l’affaiblissement des services publics.
Sans les moyens humains et matériels nécessaires, comment lutter contre la grande fraude douanière et la criminalité organisée ? Comment protéger les entreprises et les consommateurs européens ? Comment faire respecter les normes sanitaires et alimentaires, qui ne doivent pas être que des voeux pieux ? Comment percevoir correctement les droits indirects, dont la taxation est directement liée à leur qualité et à leur quantité ?
Comment renforcer la présence des agents sur le terrain alors que le maillage territorial est de moins en moins assuré ? La lutte contre les produits prohibés – stupéfiants, armes, contrefaçons, etc. – et les trafics en tous genres pourrait n’être qu’un discours sans lendemain. Il est grand temps de réagir, madame la ministre !
Les états généraux de la Douane ont permis de souligner, l’an dernier, l’importance stratégique que revêt le maintien d’un service public douanier de qualité, qui réponde à l’ensemble des attentes de la collectivité nationale en matière de protection des citoyens, de sécurisation des recettes publiques, de régulation du commerce international et d’action économique en faveur des entreprises.
Nous ne pouvons pas soutenir un budget qui confirme l’affaiblissement programmé des douanes et qui, par ricochet, justifierait le fait que nous ne nous donnions pas tous les moyens de combattre la fraude, présentée, à juste titre, comme l’une des priorités de l’action gouvernementale.
La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, à un moment où le service public et ses agents font l’objet de remises en cause aussi régulières qu’injustifiées, ce budget n’est pas anodin : il traduit la conception de la majorité de ce que doit être une fonction publique au service d’un État efficace et moderne.
La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » conforte ainsi, dans le respect du sérieux budgétaire, la politique, engagée depuis 2012, de renforcement de l’ingénierie d’État et de modernisation de l’action publique. Tout en diminuant de l’ordre de 1,4 % les crédits alloués à ce budget important – plus de 11 milliards d’euros –, nous poursuivons plusieurs chantiers stratégiques.
Je pense d’abord à la simplification, dont plusieurs missions budgétaires déjà examinées nous ont permis de constater qu’elle irriguait l’ensemble du champ des politiques publiques. Les directions financières de l’État se devaient d’être au coeur de cette politique ; c’est le cas avec l’engagement fort de la DGFiP et de la DGDDI en matière de dématérialisation des procédures.
Ces deux directions pesant 87 % des crédits de la mission, comme l’a rappelé notre collègue Camille de Rocca Serra en commission, il serait particulièrement mal indiqué de ne pas souligner les efforts qu’elles fournissent. Comme d’autres administrations, elles auront également à mettre en oeuvre l’application du principe « silence vaut accord », de même que le programme « dites-le nous en une seule fois », qui bouleverseront tous deux notre rapport à l’administration. Je songe aussi au développement du rescrit, comme le prévoit le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises dont le Sénat vient d’achever l’examen, notamment dans les domaines fiscaux, douaniers ou bien encore sociaux.
Non contentes de modifier en profondeur leurs pratiques et leurs organisations pour répondre à la modernisation de l’action publique, ces directions mènent en parallèle d’importants chantiers, comme la réduction de 21 milliards d’euros des dépenses publiques, un objectif accessible, ainsi que l’a rappelé notre collègue Karine Berger dans son rapport, ou bien encore l’accompagnement du développement des entreprises, comme la douane le fait pour les sociétés exportatrices ou utilisatrices de produits importés.
Je veux rendre hommage à cette douane qui remplit, de manière trop peu connue, une mission essentielle aux côtés de nos entreprises. Des fonctionnaires sont auprès des créateurs et des entrepreneurs pour les aider à développer leur activité, donc l’économie. Le secrétaire d’État Christian Eckert l’a aussi souligné en commission élargie : « Chaque année, les douanes conseillent 2 000 entreprises dans le cadre du plan PME. » Faisons-le savoir, mes chers collègues ! Promouvons – c’est aussi notre rôle – une vision positive de l’administration et de son action, en regardant concrètement ce qui se fait dans nos territoires !
Les directions financières ne sont pas les seules à inscrire cette mission budgétaire au coeur même de l’action de l’État : le programme « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » couvre ainsi les effectifs et les crédits de directions et de services très divers, que je ne détaillerai pas par manque de temps. Ce programme, comme les autres, traduit un véritable effort non seulement de maîtrise mais bien de réduction de la masse salariale de la fonction publique d’État hors secteurs prioritaires. La réduction est de l’ordre de 2 500 ETP à l’échelle de la mission budgétaire. Ce sont là des choix difficiles, alors que ces services fournissent, je l’ai rappelé, des efforts importants. Ils sont néanmoins conduits et assumés par la majorité.
Pour autant, pour être justes, ces efforts doivent être accompagnés d’une reconnaissance du travail important accompli par les fonctionnaires. S’agissant du programme « Fonction publique », soumis à notre examen, il y a lieu de saluer plusieurs éléments comme le succès de la réforme des instituts régionaux d’administration, soulignée dans le rapport de notre collègue Alain Tourret, de même que les progrès réalisés en ce qui concerne les démarches de mutualisation interministérielle de la formation continue en région.
Alors qu’un récent rapport a été remis à la direction générale de l’administration et de la fonction publique, la DGAFP, sur la fabrication organisationnelle des dirigeants, je souhaiterais que la représentation nationale puisse disposer de davantage de données quant aux résultats que permettent d’obtenir les classes préparatoires intégrées en matière d’accompagnement des candidats issus de milieux défavorisés aux concours externes de la fonction publique.
De manière plus générale, une gestion dynamique des ressources humaines passe par un certain nombre d’étapes ; l’instauration d’un dialogue social de qualité en est la condition première et indispensable. Aussi, je tiens à saluer la création récente d’une nouvelle formation spécialisée au sein du Conseil commun de la fonction publique, que vous venez d’inaugurer madame la ministre. Elle sera compétente pour traiter des questions relatives à la modernisation et aux modifications de l’organisation et du fonctionnement des services publics, au regard de leurs conséquences sur les agents publics.
Ce nouvel outil du dialogue social est le bienvenu pour amplifier les importants chantiers qui concernent la fonction publique. Si le travail a déjà été engagé, comme en témoigne la refonte du régime indemnitaire par le décret du 20 mai 2014 ou divers chantiers, comme l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, il reste des marges de progrès importantes. Il reviendra à la loi de prendre le relais de la démocratie sociale.
Comme nombre de mes collègues, je souhaite voir engager ce travail dès que possible. Plusieurs propositions ont été récemment formulées sur le sujet de la fonction publique, comme celles du rapporteur pour avis Alain Tourret. Ces préconisations, que je ne partage pas dans leur totalité, alimentent un débat appelé à se développer, notamment dans la perspective des prochains rendez-vous parlementaires, dont l’examen très attendu du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Tout à fait !
En attendant ces échéances, le groupe SRC votera bien évidemment les crédits de cette mission budgétaire, qui s’inscrit dans la politique souhaitée par la majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » est une des missions essentielle du projet de loi de finances car elle touche au coeur de l’État et à son fonctionnement. Elle constitue ainsi le principal levier en matière d’économies budgétaires.
Certes, un certain nombre de sujets font consensus car ils s’inscrivent dans la continuité des actions qui avaient déjà été engagées par la précédente majorité. Je pense à la lutte contre les fraudes, à la dématérialisation des procédures, à la rationalisation du patrimoine de l’État, à la mutualisation des achats. Nous sommes encore loin des objectifs fixés, qui allaient notamment jusqu’à 2 milliards d’euros pour l’ensemble des ministères. Toutefois, madame la ministre, des efforts sont à noter.
Par contre, d’autres sujets ne font pas consensus : le Gouvernement mène actuellement une revue de mission administration par administration. Nous attendons avec impatience les propositions qui seront faites pour la répartition des missions entre l’État et les autres organismes. En effet, si un recentrage est nécessaire, il faut faire attention à ne pas déléguer à tous crins à n’importe qui et, surtout, n’importe comment. Nous serons donc très attentifs à ces propositions et aurons à coeur d’en discuter en début d’année prochaine.
De même, lors de la commission élargie, le secrétaire d’État Christian Eckert a annoncé que des négociations avaient lieu sur l’avenir de la fonction publique ; leur objet est de rénover les carrières et de revoir les grilles indiciaires de rémunération. L’augmentation trop importante des effectifs dans la fonction publique territoriale a été évoquée également.
Maire d’une commune de 30 000 habitants en Île-de-France, je peux vous dire que nous avons connu ces dernières années, avec les réformes de décentralisation successives, une forte augmentation de nos missions, sans pour autant en percevoir la compensation financière et la contrepartie.
La réforme des rythmes scolaires, le désengagement de l’État du financement des structures de garde de petite enfance, l’implication des collectivités dans certaines missions régaliennes, notamment dans l’aide à la recherche d’emploi, l’intégration des populations issues de l’immigration, l’insertion et la réinsertion des laissés-pour-compte, placent aujourd’hui bon nombre de communes dans des situations budgétaires très préoccupantes.
S’y ajoutent les augmentations mécaniques de la masse salariale, que vous connaissez bien, madame la ministre, l’augmentation des cotisations de retraite, l’obligation de titularisation, la réforme des catégories C, la suppression de la journée de carence, le report d’un certain nombre de compensations fiscales et d’exonérations sur certaines catégories professionnelles.
Pour finir, ces communes sont incitées à créer des intercommunalités qui, en tant que nouvelles structures, nécessitent forcément l’embauche de nouveaux fonctionnaires territoriaux. Dans le même temps, les communes plus studieuses qui ne sont pas entrées dans ce dispositif sont, elles, pénalisées par l’État, puisqu’elles doivent s’acquitter d’une taxe au fonds de péréquation des intercommunalités, le FPIC.
Concernant les effectifs de la fonction publique d’État, même si de nombreuses réductions d’ETP ont été réalisées ces dernières années, nous regrettons que ce Gouvernement n’ait pas maintenu la RGPP, qui avait le mérite de donner à notre administration lisibilité et efficacité, en diminuant de manière drastique les budgets de masse salariale.
Parlons encore de la suppression de la prime de fonctions et de résultats ; en lieu et place, un décret crée un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel dans la fonction publique d’État, intitulé fourre-tout dont personne ne connaît les conditions d’application et de déploiement.
Pour finir, je dirai un mot de la réforme des régimes spéciaux, régimes qui, comme vous le savez, madame la ministre, coûtent très cher – plusieurs milliards d’euros pour la SNCF et la RATP. Des réformes ont été menées, mais nous ne sommes pas allés assez loin sur ce sujet. Or votre gouvernement ne prend pas de position claire. Allez-vous, oui ou non, accélérer cette réforme et vous diriger vers la fin des régimes spéciaux ?
De nombreux sujets demeurent pour l’instant sans réponse. Ce budget ne fait pas apparaître clairement les objectifs du Gouvernement. Pour ces raisons, le groupe UMP ne pourra pas voter ce budget en l’état.
Quelques remarques, madame la présidente. Votre analyse des chiffres est fine, monsieur Vigier : depuis 2007, il y a toujours eu entre 20 000 et 25 000 vacances de postes, ce qui correspond à un flux des arrivées et des départs normal, et relativement peu important sur une organisation globale de 2,5 millions de fonctionnaires. Je ne pense pas que quiconque puisse faire mieux !
S’agissant des postes de la défense, Jean-Yves Le Drian a souvent répondu aux uns et aux autres. Il s’est engagé, et le Gouvernement avec lui, à remplir totalement les objectifs de la loi de programmation militaire, même si cela est loin d’être facile.
Il ne faut pas faire trop de raccourcis, monsieur Vigier : il y avait une direction générale de la modernisation de l’État ; la réforme de l’administration territoriale de l’État, la Réate, mise en place par le ministère de l’intérieur avec un prisme régional très fort, commençait de produire ses fruits ; puis la RGPP est venue casser le mouvement.
Il faut souligner que la RGPP ne tient pas compte de ce que souvent, les fonctionnaires commencent dans une région et finissent leur carrière dans une autre. Si bien qu’en appliquant de façon uniquement mathématique le principe de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, on se retrouve avec des territoires à la pyramide des âges inversée, où ne reste pratiquement plus personne.
On me parle de sentiment d’abandon du service public. Le Premier ministre a répété lors de sa déclaration de politique générale, tout comme l’avait fait son prédécesseur Jean-Marc Ayrault, la volonté du Gouvernement de remettre des fonctionnaires dans les territoires, en particulier dans les départements, pour assurer des services de proximité car le sentiment de délaissement qui est né pourrait se révéler assez dangereux pour notre pays.
La modération de l’action publique commence non pas par des suppressions de postes, mais par des évaluations de politique publique qui nous conduiront à prendre des décisions pour opérer des transferts ou supprimer des missions de politique publique. En effet, il peut s’avérer qu’un service, créé à un moment de notre histoire, ne soit plus adapté par la suite.
M. Alauzet a abordé la question du nombre de postes et des choix que nous avons faits pour l’éducation nationale, la justice, la police, la sécurité, les douanes. Il a par ailleurs appelé notre attention sur la lutte contre l’optimisation fiscale. Dans un contexte où le nombre de postes diminue, ceux-ci ont justement été maintenus sous le prisme de la modernisation. On essaie de parler français dans cet hémicycle mais vous connaissez la fameuse expression, data mining : on croise les données pour les exploiter au maximum. Cette opération n’est pas facile à réaliser mais nous allons y arriver. Depuis 2012, soixante-dix mesures ont été prises et donnent déjà des résultats.
Pour ce qui est du gel du point d’indice et de l’augmentation des traitements des catégories C et B, rappelons que le Président de la République a, pour des raisons évidentes de lutte contre l’augmentation des déficits, demandé de figer la masse salariale. Nous travaillons à nombre de postes constant et, dans ce cadre, le gel du point d’indice a été maintenu. Je constate que vous voulez le dégeler, tout comme d’autres qui, à la suite de Mme Descamps-Crosnier, ne sont pas dans l’opposition.
Lorsque vous augmentez le point d’indice, vous augmentez proportionnellement le traitement de base – je mets de côté les régimes indemnitaires. Compte tenu de la masse de nos agents dont le salaire est très proche du SMIC – catégorie C ou en bas de l’échelle de la catégorie B –, il nous a semblé important d’augmenter les salaires de ces agents plutôt que de les réajuster à chaque augmentation du SMIC, ce qui ne nous semblait pas digne. Vous prétendez que les collectivités territoriales ont payé la note mais ce n’est pas tout à fait vrai car elles ont gagné d’un côté ce qu’elles perdaient de l’autre. Je m’engage d’ailleurs à tirer le bilan précis de ces augmentations.
Je ne reviens pas sur la lutte contre les fraudes à la TVA, ni sur le sujet du Luxembourg. Nous ne pouvons que partager la révolte. Vous avez raison sur ce point, monsieur Bocquet, même si nous n’approuvons pas forcément les solutions que vous proposez.
Pour ce qui est des travaux dits « énergétiques » et du retour sur investissement, la loi relative à la transition énergétique aboutit à cette conclusion et les fonds qui seront dégagés sur la dotation globale d’équipement des départements, la dotation d’équipement des territoires ruraux, l’augmentation de la dotation de solidarité d’agglomération et celle de la dotation de solidarité urbaine, seront fléchés sur les points suivants : mobilité durable, bourg centre et mobilité, transition énergétique des bâtiments publics, conformément aux souhaits de Mme Royal.
M. Lambert a beaucoup insisté sur le pilotage du dialogue social et le rapport de M. Tourret. Vous avez, les uns et les autres, fait allusion aux jours de carence, j’y reviendrai à l’occasion des amendements.
Mme Descamps-Crosnier a raison de saluer les services des douanes qui obtiennent de très bons résultats avec des moyens qui ne sont pas à la hauteur de leurs espérances. La stratégie mise en place commence à porter ses fruits, tout comme la formation des personnels et leur meilleure répartition sur les sites pour tenir compte des oublis de ports ou de ferries qui pouvaient survenir. Toutes ces mesures nous permettront de mieux lutter contre l’ensemble des fraudes, quelles qu’elles soient. Quant au Conseil commun de la fonction publique, nous partageons sa satisfaction.
S’agissant de la loi relative à la déontologie, j’espère que nous pourrons en débattre avant l’été prochain, ce qui contentera aussi, très certainement, M. Bénisti. Je le remercie d’ailleurs d’avoir relevé les efforts accomplis, même s’il remarque que des communes arrivent au taquet. C’est vrai, toutes les collectivités locales ne se retrouvent pas dans la même situation.
Le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales a été inventé par l’ancienne majorité et nous l’avons maintenu car nous ne disposons pas aujourd’hui d’autres outils. J’ai proposé qu’une mission parlementaire – un député, un sénateur – réfléchisse à une réforme de la DGF pour améliorer la péréquation verticale. Je vous attends tous à ce rendez-vous qui nous prendra sans doute quelques semaines d’ici juillet.
Je reviens à M. Bocquet et au sujet des douanes. Les effectifs ont moins diminué que les années précédentes, ce qui n’est pas forcément une consolation, mais nous essayons de maintenir le niveau – moins trois cents ETP en moyenne. En revanche, les moyens informatiques demandés par les douaniers ont augmenté et leur permettent de croiser à présent les données, ce qui nous manquait jusqu’à présent.
La direction de la douane a eu raison de lancer ce projet stratégique et nous pourrons en applaudir ensemble, l’année prochaine, les évolutions.
Je vous remercie pour vos interventions qui témoignent de votre connaissance des dossiers et de votre enthousiasme pour la fonction publique et le service public, ce qui n’est jamais désagréable.
J’appelle les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont adoptés.
Madame la ministre, le Gouvernement a supprimé dans la dernière loi de finances la journée de carence dans la fonction publique alors que son établissement avait contribué à faire reculer l’absentéisme, qui pose un vrai problème aux collectivités. Ainsi, le nombre d’arrêts d’une journée dans la fonction publique avait diminué de 43 % et ceux de deux à trois jours de 31 % dans la fonction publique hospitalière.
Le Président de la République s’était engagé à supprimer toute forme d’injustice. Or, en l’espère, l’injustice est double. Tout d’abord, les Français ne supportent plus qu’une partie de la population ne bénéficie pas des mêmes avantages qu’une autre. Loin de moi l’intention de dresser les salariés du privé contre les fonctionnaires…
Cet amendement vise à rétablir une équité de traitement entre les fonctionnaires et les salariés du privé. Il permettrait, ce faisant, de résorber une autre injustice dont on parle peu mais que les maires connaissent bien. Quand un certain nombre de fonctionnaires se permet, du fait de l’absence de jours de carence, de prendre quelques jours d’absence, ce sont les autres agents territoriaux qui en subissent les conséquences en devant travailler double pour compenser ces absences.
Cet amendement tend par conséquent à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique.
La parole est à Mme Karine Berger, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous parlez d’injustice, je vous répondrai faits, gestes, vérité. Y a-t-il une différence entre l’absentéisme dans la fonction publique et dans le privé ?
L’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, a répondu à cette question : non. Je sais, des organismes plus libéraux ont inventé des chiffres mais selon notre institut de statistique national, il n’y a pas de différence entre l’absentéisme dans le privé et dans le public.
Par ailleurs, y-a-t-il bien trois jours de carence dans le privé pour tout le monde ? Il se trouve justement, monsieur le député, que je travaillais dans le privé avant de devenir députée, et j’y bénéficiais d’une assurance, comme beaucoup de cadres.
Une situation similaire en termes de jours d’absence dans le privé et le public ajoutée à une règle des trois jours de carence qui ne concerne absolument pas l’ensemble des salariés du privé : la commission a rejeté à juste titre votre amendement.
Il suffit d’écouter Mme Berger et le climat apaisé de la soirée s’électrise ! Mais, madame la rapporteure spéciale, nous aimons les fonctionnaires tout autant que vous !
Vous n’êtes pas maire d’une commune,…
…le jour où vous le serez, vous comprendrez ce que représente le travail quotidien aux côtés de fonctionnaires qui remplissent leurs missions de manière admirable !
Par ailleurs, vous avez dit une contre-vérité que je prends plaisir, comme d’habitude, à relever. Je ne reviendrai pas sur vos prévisions de croissance de 2013, 2014 ou 2015 qui montrent que vous vous êtes magistralement trompée mais je vous ferai remarquer que, dans le privé, tout n’est pas toujours pris en charge par l’entreprise. C’est vrai dans les très grands groupes, dont vous faisiez partie et qui vous rémunéraient très bien, mais cela ne l’est pas dans les PME, les PMI, où les plus précaires sont soumis aux trois jours de carence. Vous ne pouvez pas le nier. Nous souhaitons simplement harmoniser le régime entre le privé et le public.
Vous avez également affirmé que l’absentéisme n’était pas plus grave dans le public que dans le privé. C’est faux ! Les agents de l’État prennent en moyenne quinze jours de congé maladie par an, d’après le cabinet Entreprise & personnel. Ces résultats ne vous conviennent peut-être pas mais c’est ainsi. En revanche, cette moyenne descend à neuf jours par an dans les grandes entreprises et, selon une enquête d’Alma consulting, les salariés des PME prennent à peine sept jours par an. Voici la réalité.
Nous aimons les fonctionnaires tout autant que vous et nous préférerions même mieux les rémunérer.
Enfin, madame Berger, nous sommes particulièrement attachés à proposer des mesures qui sont une source d’économies pour le pays. Pour la seule année 2013, le jour de carence a permis d’économiser 240 millions d’euros ! Vous nous demandez souvent quelles sont nos propositions, madame la ministre : en voici une ! Les chiffres sont incontestables et je vous les communiquerai avec plaisir.
Nous proposons même une mesure supplémentaire : afin que les agents de la fonction publique ne soient pas complètement pénalisés, nous souhaitons instaurer un système qui leur permette de ne pas tomber d’emblée sous le coup du régime des trois jours en tenant compte de la première journée en tant que telle. On reconnaîtrait ainsi ceux qui travaillent à la place de leurs collègues. Nul ne choisit d’être malade, mais être faussement malade, en revanche, ne relève pas d’une « démarche citoyenne » – une expression que vous employez souvent. Ceux qui, hélas, sont atteints de longues maladies, bénéficieraient donc d’un système qui leur éviterait de perdre une part de leur rémunération au titre de la première journée d’absence.
Ces sujets ne sont pas tabous ; ces amendements ne sont pas dogmatiques. Ils visent à ce que le secteur public et le secteur privé participent tous deux à l’effort de justice, au redressement des comptes publics et à la reconnaissance du travail, en rapprochant en outre les grandes et les petites entreprises.
Avis absolument défavorable. En effet, je ne répondrai pas sur les prévisions de croissance, car ce n’est pas le sujet de ce débat. Cependant, puisque je me contente ce soir de donner des statistiques, je vous indiquerai simplement ceci : au cours de la période de 2007 à 2011, il n’y a pas eu de réduction de la masse salariale de l’État, en dépit de la suppression de 150 000 postes de fonctionnaires.
Pardonnez-moi de me référer une fois de plus aux statistiques de l’INSEE, même si je sais bien que M. Vigier n’en reconnaît pas le caractère de référence : la masse salariale de l’État s’élevait à 116 milliards en 2007, et au même montant en 2011-2012. Cela s’explique tout simplement parce que ce n’est pas en supprimant des postes de fonctionnaires que l’État est plus efficace et que la France va mieux !
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
Défavorable. La bataille de chiffres dure depuis deux ans. Nous disposons du tableau des données concernant le jour de carence et vous le communiquerons. Entre 2006 et 2012, le taux d’absentéisme dans la fonction publique d’État est resté stable à 2,9 %, bien qu’il soit plus élevé parmi les enseignants – nous nous interrogeons sur les raisons qui expliquent ce phénomène et travaillons tout à la fois sur les conditions de travail et sur les parcours professionnels pour y remédier. Dans la fonction publique hospitalière, le taux d’absentéisme est passé de 3,5 % à 4 % : c’est un sujet qui donne lieu à des discussions avec les organisations syndicales et avec Mme Touraine. La situation est en tout point semblable dans la fonction publique territoriale. Le taux d’absentéisme moyen dans l’ensemble des trois fonctions publiques ne dépasse pas 3,7 % ou 3,8 %, c’est-à-dire le même taux que le secteur privé.
J’ajoute que vous invoquez le parallélisme, mais 77 % des salariés des grands groupes privés sont couverts dès le premier jour – je dis bien 77 % d’entre eux, et ce ne sont pas nos chiffres, puisqu’on nous les conteste, mais ceux des assureurs, qui connaissent leurs clients.
Dans les PME, 47 % des salariés ont eu recours à cette protection. Vous trouverez ces chiffres sur internet : ils sont élevés. Si l’on supprimait le jour de carence pour les fonctionnaires, on créerait un déséquilibre inverse.
M. Bénisti a insisté sur la situation à laquelle peuvent être confrontés les maires : nous partageons le même avis quant à certains comportements qui peuvent en effet se produire. C’est la raison pour laquelle nous avons renforcé les contrôles en décidant la suppression de la moitié de la rémunération lorsque le certificat n’est pas présenté dans les quarante-huit heures et la généralisation des contrôles par les caisses primaires d’assurance maladie dans les mêmes conditions que celles qui s’appliquent aux salariés du secteur privé. Une mission est en cours pour évaluer le fonctionnement de ce dispositif.
Nous avons donc été très attentifs à ce qui est souvent un problème de comportement personnel, mais aussi, dans certains cas, un problème de gestion des ressources humaines. L’employeur public doit s’interroger sur les motifs d’absence des agents. Nous le faisions cet après-midi en discutant de la gestion des effectifs, y compris dans les collectivités territoriales : sans doute le statut des directeurs généraux des services pose-t-il problème, et nous en discuterons ensemble, comme d’autres questions.
Votre proposition, monsieur Vigier, contient elle-même la réponse que je lui apporte : vous suggérez de supprimer le jour de carence et, en échange, de recourir à la protection sociale, au motif qu’il faudrait instaurer un parallélisme des formes entre secteur public et secteur privé.
C’est une mesure qui coûterait 2 milliards d’euros : je ne peux pas accepter ce montant. En outre, cette mesure ne serait pas juste, car elle reviendrait à transférer 2 milliards d’euros d’argent public vers les organismes privés que sont les assureurs, lesquels viennent régulièrement me voir pour me demander de supprimer le jour de carence. Et pour cause : il s’agit pour eux d’un marché extraordinaire ! Or, je ne vois pas pour quelle raison la dépense publique devrait répondre à la demande du marché, d’autant plus que les assureurs viennent de bénéficier du CICE, le crédit d’impôt compétitivité emploi, et qu’ils réinvestissent rarement en France. Un tel glissement de l’argent public vers des organismes privés – que nous apprécions beaucoup par ailleurs – n’est donc pas une bonne solution. Plutôt que d’engager 2 milliards d’euros, mieux vaut en rester à la situation actuelle.
Dès avant la signature de l’Accord national interprofessionnel, certains maires ont entamé des négociations avec des organismes d’assurance et m’ont rapporté avoir conclu des accords pour un montant de 8 euros par salarié et par mois ! C’est une dépense publique importante. Je préfère donc envisager la notion d’équité dans le bon sens – tout en espérant que le taux de couverture dans les TPE et les PME dépasse 47 %, car cela pose en effet un véritable problème pour ces personnes et pour les entreprises – plutôt que de faire glisser 2 milliards d’argent public vers les assureurs qui, convenons-en, n’en ont pas besoin.
Je rappellerai en premier lieu quelques chiffres qui sont le résultat des mesures prises ces deux dernières années. Après l’instauration du jour de carence dans la fonction publique par le gouvernement de M. Fillon, le nombre d’arrêts maladie d’une journée a chuté de 43,2 % dans les collectivités territoriales en 2012, soit une baisse importante, et s’est stabilisé l’année suivante.
Vous parliez de guerre des chiffres, madame la ministre : les chiffres que voici existent pourtant bel et bien ! Selon la Fédération hospitalière de France, la suppression du jour de carence représente un coût de 60 à 75 milliards d’euros. Nul ne peut nier ces chiffres !
C’est tout à fait problématique. Comment expliquer aujourd’hui que les salariés du secteur privé sont soumis à trois jours de carence tandis que les fonctionnaires n’en ont aucun ? C’est une question d’inégalité entre les deux secteurs.
Pas pour tout le monde… Vous ne connaissez pas le secteur privé !
Le système est inéquitable. Vous ne pouvez pas nier qu’il existe une différence, laquelle constitue une injustice. Vous arguez du fait que pour un certain nombre de salariés du secteur privé, les trois jours de carence sont couverts : c’est en effet le cas de 77 % des salariés de grands groupes, ce qui en laisse tout de même 23 % qui ne sont pas couverts, et plus encore dans les entreprises de plus petite taille.
En effet, 47 % des salariés de PME bénéficient ou ont bénéficié d’une protection, ce qui signifie que 53 % d’entre eux en sont dépourvus.
Nous nous heurtons donc à un véritable problème moral…
Justement !
…et social. Vous l’avez d’ailleurs reconnu en tenant des propos qui m’ont profondément choquée : vous ne pouvez pas y remédier, dites-vous, parce que vous n’êtes pas en mesure de débourser 2 milliards d’euros. J’y vois le signe que vous reconnaissez l’injustice qui existe et j’en suis ravie…
Non !
…mais vous ne pouvez y mettre un terme faute de ressources budgétaires, et j’en suis navrée. Permettez-moi donc de citer le récent rapport de M. Alain Tourret : la même règle doit s’appliquer au public et au privé. Adoptons cette référence !
D’accord !
Il ne s’agit pas d’un débat entre droite et gauche, madame la ministre.
Si ! C’est un débat libéral.
Pas du tout, même si vous voulez en faire un « marqueur ». Il est une chose que vous ne sauriez contester : l’instauration du jour de carence dans la fonction publique a fait reculer l’absentéisme. Le profil pathologique d’une population ne change pas ainsi d’une année sur l’autre ; c’est donc qu’il y a d’autres raisons. En réalité, sachant qu’ils ne seraient pas rémunérés en cas d’absence, les gens ont modifié leur comportement, en particulier dans la fonction publique hospitalière, comme le prouvent tous les rapports. Encore une fois, il ne s’agit donc pas d’un débat entre droite et gauche, mais vous voulez utiliser ce sujet pour créer un clivage politique…
Non !
…et c’est une erreur.
Vous faites une deuxième erreur. Mme Louwagie a très bien rappelé que 53 % des salariés des PME ne sont pas couverts lors des jours de carence. Dans l’artisanat, première entreprise de France qui rassemble 2,4 millions d’entreprises, la part des salariés couverts n’atteint pas 47 % ! Or, vous arguez du coût de la mesure : 2 milliards d’euros. Vous voudriez continuer à faire les poches des entreprises ?
Certainement pas !
Vous nous dites que vous n’avez pas les moyens nécessaires pour rétablir l’égalité entre les uns et les autres. Je vous propose donc ceci : instaurons un seul jour de carence pour tout le monde, les fonctionnaires du secteur public comme les salariés du secteur privé.
Très bien !
Sourires.
C’est un sujet très sérieux, madame la ministre : vous êtes en train d’enraciner une situation d’injustice.
Je ne résiste pas pour conclure à vous citer quelques responsables de gauche : M. Le Guen, lorsqu’il était encore député avant de vous rejoindre au Gouvernement, disait de la suppression du jour de carence qu’il s’agit d’une « fausse bonne idée », d’un « faux avantage », et estimait que « la mesure adoptée par le Gouvernement procède d’une vision un peu dépassée du dialogue social », qu’elle plairait aux organisations syndicales mais qu’il n’était pas sûr que les fonctionnaires se sentent valorisés. M. Terrasse tenait les mêmes propos et il fallut une explication au sein du groupe socialiste. M. Pietrasanta, quant à lui, jugeait que cette mesure n’était pas opportune.
Je veux vous montrer qu’il existe une ligne de fracture parmi vous, parce que la justice sociale ne correspond pas à ce que vous êtes en train de sanctuariser, tant s’en faut. En rapprochant le secteur public et le secteur privé, nous empruntions la voie de la justice sociale et renforcions la lutte contre l’absentéisme.
Enfin, lorsque des agents sont absents, qu’ils exercent dans le public ou dans le privé, ce sont leurs collègues qui accomplissent leurs tâches. Je vous vois hocher la tête, madame la ministre : comment faites-vous donc pour remplacer deux ASEM dont vous découvrez l’absence à sept heures du matin, ou pour pallier l’absence d’un accompagnateur lors d’une sortie en autocar ? Voilà en quoi consiste le travail quotidien d’un maire de petite commune ! Vous avez été maire, madame la ministre : de quoi dispose-t-on pour mieux rémunérer les agents ? Rien ; je le regrette.
Le jour où j’ai appris la suppression du jour de carence, j’étais très en colère, car j’ignorais – mais je l’ai appris par la suite – que le nombre de salariés du secteur privé qui pouvaient financer leurs jours de carence était aussi élevé. Je pose donc la question suivante à nos collègues de l’opposition : comment entendez-vous réduire l’injustice au sein du secteur privé entre ceux dont les jours de carence sont couverts et les autres ?
J’aimerais que vous vous intéressiez aussi à ce sujet, mais le seul sujet qui vous importe – je le trouve malsain et mal exploité, comme celui de l’aide médicale d’État, par exemple – est celui du jour de carence dans la fonction publique. J’ai d’ailleurs rencontré de nombreux salariés du secteur privé que la suppression du jour de carence dans le secteur public a rendus furieux car, comme moi, ils ignoraient que ce jour était couvert pour bon nombre de salariés du privé.
Je prescris des arrêts de travail et je sais bien comment les choses se passent. Il va de soi que les abus existent ; il existe aussi des situations où l’on se sent mal au point d’hésiter à se rendre au travail. Lorsque l’on exerce de manière indépendante, comme c’est mon cas, on y va faute d’autre choix, mais lorsqu’on est salarié, mieux vaut rester chez soi plutôt que traîner au bureau la moitié de la journée ! Si vous perdez votre salaire à cause du jour de carence, vous vous rendez tout de même au travail, quitte à ne pas être productif. Si, au contraire, vous avez la chance de bénéficier d’une protection, vous restez chez vous et vous faites bien !
Il est bon d’ouvrir ce débat, mais il faudrait aussi poser la question du point de vue du secteur privé.
Pour l’instant, seule Mme la ministre a la parole. Restez calme, cher collègue.
Vous estimez que la suppression du jour de carence est une mesure de justice. Autrement dit, 100 % des salariés du secteur public n’en bénéficieront plus, contrairement à 77 % des salariés des grands groupes et 47 % des salariés des PME – j’entends donc bien que vous supprimerez la couverture pour ces catégories.
Quand M. Woerth a obtenu que soit instauré un jour de carence, il vous a proposé de l’étendre à tout le monde, public et privé. Il y a eu une montée en charge des groupes qui ont évoqué leurs négociations ayant abouti à une protection, avec, en plus, un argument qui n’est pas inaudible, le refus des contagions. Vous n’avez donc pas donné suite à la proposition de M. Woerth qui était une stricte égalité, un jour de carence pour tout le monde. On est donc revenu à un jour de carence pour la fonction publique et aucun jour pour 77 % des salariés dans le privé.
Je n’ai jamais dit autre chose, et 47 % pour les autres. Mais, si vous avez 100 % d’un côté et 23 % de l’autre, ce n’est pas juste non plus.
Je n’avoue rien. Je vous réponds simplement que, si vous voulez la stricte égalité, et, dans ce cas, M. Vigier a raison, il faut un régime de protection sociale qui soit négocié comme cela l’a été pour la prise en charge à hauteur de 50 % dans le privé dans les accords de l’ANI, l’accord national interprofessionnel, c’est une dépense de 2 milliards. C’est un débat politique. Il y a une pression extrêmement forte des groupes d’assurance, que je ne vais pas citer mais on peut vous donner leurs courriers, leurs demandes de rendez-vous, pour que nous lâchions sur le jour de carence et que s’ouvrent des négociations avec tous les maires, les présidents de conseil départemental, de conseil régional et la fonction publique, parce que ce sont 5 millions possibles d’assurés supplémentaires. Je pense que cela ne rapporte rien à la France de donner un marché supplémentaire aux assureurs et qu’il est plus raisonnable de garder les 2 milliards pour faire autre chose.
Vos collègues maires qui ont négocié sont venus aussi me voir, toutes tendances politiques confondues, pour expliquer que c’était un vrai problème parce que cela allait leur coûter 8 euros par salarié par mois, 12 pour certains.
Je vous donne ces chiffres avec une grande prudence parce que je n’ai pas vu les contrats, mais, en tout cas, je maintiens ma position, cela doit en ce cas concerner tout le monde. À ce moment-là, allez voir les grands groupes, allez discuter des problèmes de contagion et autres.
Enfin, ce que vous ne dites jamais, c’est que le nombre d’arrêts d’une journée a effectivement diminué mais que vous avez une augmentation du nombre d’arrêts maladie plus longs.
Ne dites pas non : c’est statistiquement prouvé.
Le nombre d’arrêts très longs, oui, mais pas ceux de deux ou trois jours !
Vous pouvez avoir une difficulté, 38 de fièvre, ce que j’appelle le jour du paracétamol. Vous n’allez pas voir le médecin et vous revenez au travail le lendemain. Sans jour de carence, vous allez voir le médecin qui, lui, pour protéger les autres et faire preuve de précaution par rapport à vous, vous donne un arrêt maladie de trois, quatre ou cinq jours.
Je pense que l’on n’a rien gagné avec l’instauration d’un jour de carence. Vos propositions seraient injustes par rapport à un grand nombre de salariés du privé. C’est un marché pour les assurances, je le sais, je l’entends souvent, mais ce n’est pas une bonne mesure. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
Vous m’accusez, madame Berger, d’avoir de la haine à l’égard des fonctionnaires. En tant que président du centre de gestion de la fonction publique des trois grands départements d’Île-de-France, je gère aujourd’hui 155 000 carrières de fonctionnaire. Si je n’aimais pas les fonctionnaires, j’occuperais une autre fonction ! Renseignez-vous donc avant de parler ainsi,…
Alors, vous avez mal lu votre dossier.
Sur le fond, il ne s’agit pas d’opposer les fonctionnaires et les agents du privé. Vous nous expliquez, madame la ministre, que 47 % des salariés du privé sont indemnisés pour leurs jours de carence, mais les 53 % qui représentent la grande majorité n’ont pas les moyens d’avoir une protection sociale. C’est tout de même malheureux que ce soit nous, à l’UMP, qui devions faire un petit peu de social. Vous proposez l’égalité totale entre le privé et le public. Je vous propose de modifier mon amendement pour ne demander qu’un jour de carence et que, ensemble, nous déposions un texte instaurant un jour de carence dans le privé.
J’attends le texte !
Quand on est maire – et vous le savez, vous avez été maire – on reçoit des administrés qui vous parlent de la vraie vie, de ce qui se passe.
J’ai l’habitude !
Des parlementaires qui ne sont plus maires, qui ne voient plus la réalité du terrain, ne savent pas cela.
Alors, madame la ministre, je vous prends au mot : je modifie mon amendement pour demander un seul jour de carence, je vous demande de l’accepter, et moi, je m’engage, avec l’ensemble de mon groupe, à proposer un jour de carence également dans le privé, pour que tout le monde soit sur le même pied d’égalité, que ce soit dans le public ou le privé, et nous affronterons ensemble les grands groupes.
J’appelle les crédits de la mission « Provisions », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Provisions » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions » sont adoptés.
J’appelle maintenant un amendement portant article additionnel après l’article 57, rattaché à ce compte d’affectation spéciale.
C’est une simplification du compte d’affectation spéciale.
L’amendement no 833 est adopté.
Nous avons terminé l’examen des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », « Provisions » et « Régimes sociaux et de retraite » et des crédits des comptes spéciaux « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » et « Pensions ».
La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : articles non rattachés.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly