Jusqu'à preuve du contraire, il me semble qu'il a le droit d'administrer son bien comme il l'entend.
Certes il faut lutter contre la vacance, je vous rejoins sur ce point, mais il y a d'autres manières de le faire. Prenons l'exemple de Paris – je parle sous le contrôle de Mme Annick Lepetit – où nous finançons six mille logements sociaux par an : 2 000 relèvent de productions neuves et 4 000 d'acquisitions-réhabilitations. La ville de Paris achète des immeubles entiers déjà occupés, des immeubles haussmanniens par exemple. Les logements concernés ne deviennent véritablement « sociaux », qu'une fois que le locataire privé a quitté les lieux. Étant donné les taux de rotation du secteur privé à Paris, l'immeuble entier n'est entièrement libéré qu'au bout de quinze ans. À ce moment seulement, il est devenu entièrement « social » et tous ses occupants sont des demandeurs de logements sociaux. Pour lutter plus efficacement contre la vacance dans le parc privé parisien ou francilien, il me paraîtrait judicieux de demander aux bailleurs sociaux concernés d'acheter des logements vacants, y compris en diffus, même si la gestion en est plus complexe, plutôt que de faire de l'acquisition-réhabilitation d'immeubles déjà occupés. Avec cette méthode, vous lutteriez plus efficacement contre la vacance que vous dénoncez, ce que je comprends bien, et vous mettriez plus rapidement des logements sur le marché social.
Bref, des solutions alternatives à la réquisition existent, qui permettent de lutter contre la vacance.
Vous voulez aussi interdire l'expulsion des publics dits DALO. On mesure en effet le côté absurde des obligations qui sont les nôtres consistant à reloger un expulsé DALO. Pourquoi l'expulser s'il faut le reloger ? Je comprends que vous souhaitiez réformer le caractère absurde du droit actuel. Il n'en demeure pas moins, madame la ministre, qu'en n'expulsant plus les publics DALO, en réquisitionnant potentiellement les logements, en réduisant la rentabilité locative, vous adressez un message particulièrement négatif aux propriétaires. Étant donné l'état du marché bancaire et du marché immobilier, je crains que, résultat des courses, vous n'arriviez pas à relancer l'investissement locatif, aujourd'hui en chute libre.
Sur les marchés tendus, si, du fait des mauvais signaux que vous adressez, 4 ou 5 % des propriétaires dans l'ancien fuient le marché locatif et vendent leur bien, votre politique aura déséquilibré le jeu de l'offre et de la demande en région parisienne avec toutes les conséquences que l'on connaît.
Les trois éléments de votre politique que je viens d'évoquer envoient un signal très négatif aux propriétaires.
J'en viens au dispositif Duflot qui est une sorte de Scellier bis. Je ne peux m'empêcher de sourire quand je me souviens de ce qui se disait sur les bancs de la gauche contre le dispositif Scellier. De fait, vous le reproduisez. Cela dit, je partage l'analyse qui préside à la création du dispositif. Je m'interroge tout de même sur son calibrage. Je pose la question ; nous verrons à terme ce qu'il en sera. Je crains que face à la situation actuelle de l'investissement locatif et à l'effondrement du marché, le dispositif ne soit pas suffisamment « boosté » pour relancer la production. On verra. En tout cas, je souhaite qu'il y parvienne, même si je ne suis pas sûr qu'il soit suffisamment intéressant sur le plan fiscal et en termes de compensation de loyers pour attirer les investisseurs en nombre suffisant.
Nous avons eu l'occasion de débattre en commission et en séance de l'inversion de la fiscalité foncière. En la matière nous partageons encore les mêmes objectifs. Il s'agit évidemment d'un outil essentiel si l'on souhaite libérer du foncier privé, au-delà du foncier public, pour construire du logement dont nous avons besoin.
Dans ce domaine, mon souci est d'ordre technique. Lors de la précédente législature, avec Michel Piron, nous avions préconisé la mise en place d'une « carotte », un dégrèvement fiscal sur les biens vendus, autrement dit un abattement sur les plus-values. Votre dispositif est similaire dans son principe sauf qu'au lieu d'utiliser une carotte, vous utiliser un double bâton. En 2015, vous placez les plus-values du foncier non bâti sous le régime général de l'impôt sur le revenu, vous les « barémisez ». D'ici à 2015, vous prévoyez un alourdissement de la fiscalité en espérant que les propriétaires profiteront tout de même de cette première période pour libérer du foncier. Je crains un effet exactement inverse. M. Cahuzac espère que les propriétaires préféreront un petit coup de bâton à un plus gros. Madame la ministre, je crains que vous ne renouveliez l'erreur que nous avons commise il y a un an et demi avec la réforme des plus-values, qui a figé une bonne partie des ventes.
En tout cas, et M. Cahuzac nous en a parlé lui-même, il nous semble indispensable de disposer très vite d'une évaluation du dispositif.
Comme, nous le savons tous, le foncier est très sensible à la fiscalité, il faudra, dès le milieu de l'année prochaine, évaluer votre dispositif pour savoir ce qu'il en est. Mais, encore une fois, je crains que l'on ne fige le foncier au lieu de le relancer.
Un mot sur les mesures alternatives que nous pourrions proposer. Marc-Philippe Daubresse les a rapidement évoquées tout à l'heure ; je souhaiterais, quant à moi, revenir sur quatre ou cinq d'entre elles.
Premièrement, une réforme de l'urbanisme est nécessaire. Je sais que nous partageons cette analyse ; je suppose que les études sont en cours et que le projet de loi que vous nous présenterez au mois de mars prochain comportera un volet consacré à ce sujet. A ce propos, monsieur le président de la commission, il me semble, compte tenu de la densité des sujets présentés par la ministre, que de nombreuses journées seront nécessaires pour examiner ce texte, qui devrait compter au moins 150 à 200 articles.