Intervention de Stéphane Mantion

Réunion du 4 novembre 2014 à 16h00
Commission des affaires sociales

Stéphane Mantion, directeur général de la Croix-Rouge :

Les effets collatéraux de l'épidémie sur le système de santé des pays touchés sont ambivalents. Ainsi la Guinée, qui connaît habituellement deux épidémies de choléra par an, n'en a-t-elle pas connu cette année, sans doute grâce aux mesures importantes d'hygiène mises en place à Conakry. En revanche, les Guinéens se soignent en effet moins pour d'autres pathologies. Le président Alpha Condé souhaite que le centre de traitement Ébola que MSF a installé au sein du CHU – dispositif phare de la prise en charge de la maladie en Guinée – déménage le plus rapidement possible. On peut comprendre cette volonté : samedi, j'ai trouvé le CHU – habituellement très actif – vide de toute activité, déserté des petits marchands, des patients et des familles. L'hôpital ne fonctionne plus correctement : on n'y vient plus se soigner pour le paludisme, ni chercher ses médicaments. Un autre établissement de la zone – l'hôpital chinois de Kipé, ouvert il y a un peu plus d'un an et pas du tout préparé à accueillir des malades atteints du virus – a fermé car un trop grand nombre de soignants sont décédés d'Ébola.

En matière financière, juste après que notre ambassadeur a signé un contrat de désendettement et de développement (CDD) pour 5 millions d'euros avec le ministère de l'économie et des finances de la République de Guinée, la Croix-Rouge française a signé un contrat de prestation de services du même montant avec le ministère de la santé de ce pays. La cérémonie s'est déroulée sous les auspices de l'Agence française de développement (AFD) qui nous a beaucoup aidés à mettre en place ces deux dispositifs. Vendredi dernier, le cabinet de M. Laurent Fabius nous a fourni la garantie que la Croix-Rouge sera couverte pour l'ensemble des frais qu'occasionnera l'ouverture du centre de Macenta – soit 12 millions d'euros environ –, la différence devant être financée par des crédits de l'État français.

L'équipe arrivée samedi soir à Conakry est composée de personnes d'origine et de profession variée, les hospitaliers y côtoyant les humanitaires de la Croix-Rouge et les logisticiens. Sans savoir qui était qui, j'ai rapidement eu le sentiment d'avoir affaire à une équipe France porteuse d'un excellent état d'esprit – peut-être renforcé par les péripéties du vol qui l'a amenée en Guinée.

À ce propos, les vols d'Air France qui peuvent accueillir entre 230 et 250 passagers sont actuellement occupés par soixante à quatre-vingts personnes ; celui que j'ai pris dimanche soir en comptait quatre-vingt-huit. D'une part, les équipages – actuellement formés de volontaires qu'il convient de féliciter – ont du mal à se constituer ; d'autre part, il n'y a plus assez d'activité économique pour remplir les avions. Maintenir ces vols représente un effort important pour Air France, qu'il faut saluer car sans liaison régulière avec Conakry, nous ne pourrions pas travailler dans de bonnes conditions.

En Côte d'Ivoire, nous gérons des dispensaires à la frontière avec le Libéria et avec la Guinée. Un financement obtenu dans le cadre d'un des objectifs du millénaire pour le développement – l'amélioration de la santé maternelle et infantile – nous a permis de faire progresser le niveau de ces structures et de les équiper pour l'accueil éventuel des cas d'Ébola, en relation avec le ministère de la santé ivoirien. Le président de l'Assemblée nationale s'est récemment rendu en Côte d'Ivoire et a pu constater la mobilisation de ce pays. Si l'épidémie devait passer la frontière, l'inquiétude serait légitime, mais contrairement aux États actuellement touchés, la Côte d'Ivoire s'y prépare.

Au centre de Macenta, le rapport entre les équipes étrangères et locales est d'un à dix : nous y déploierons entre vingt et vingt-cinq expatriés pour deux cents à deux cent cinquante locaux. En effet, nous reprendrons la totalité du personnel actuellement employé par MSF au centre de transit de Macenta qui fermera dès que nous pourrons ouvrir le centre de traitement.

Au nom de la Croix-Rouge française – et j'imagine qu'il en va de même pour le ministère de la santé français et pour l'EPRUS –, nous avons posé comme condition de notre intervention une garantie absolue de rapatriement de notre personnel. Nous avons obtenu l'assurance d'une évacuation sanitaire dans les cinquante heures, ce qui est déjà beaucoup ; nous souhaitons le rapatriement le plus rapide possible, sachant que celui de l'infirmière de MSF Belgique a été un peu long. À ce propos, elle n'a pas été rapatriée par un avion de MSF, mais par un avion affrété. Actuellement nous devons faire appel aux appareils de deux compagnies américaines – dont l'utilisation est soumise à l'autorisation du département d'État des États-Unis – dans lesquels on met un caisson d'isolement. On nous a fait comprendre que les moyens militaires français étaient très limités ; de plus, y recourir impliquerait des vols avec des escales dont il faudrait obtenir l'autorisation. En cas de problème à Macenta – situé à plusieurs heures de route des aéroports de proximité de Guéckédou et de Nzérékoré, deux pistes fonctionnant de manière relativement aléatoire –, nous comptons sur le rapatriement en cinquante heures garanti par notre Gouvernement.

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