Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, ce nouveau texte a le mérite de nous permettre d'approfondir nos échanges sur ce sujet compliqué et délicat, d'essayer de saisir le champ des possibles et de réfléchir aux solutions alternatives. Je ne réitérerai pas mes propos de la précédente lecture, préférant mettre en évidence quelles peuvent être les logiques à l'oeuvre en matière de logement social.
Deux logiques me paraissent s'opposer dans la manière d'aborder la question : la logique de territoire et la responsabilité de l'État. En fin de compte, je ne parviens pas à percevoir si ce projet de loi relève de la logique de territoire, comme on pourrait s'y attendre dans la mesure où le logement est une question éminemment territoriale, ou s'il ressortit plutôt à la responsabilité de l'État en fixant un objectif de 25 % pour toutes les communes, quel que soit le territoire où elles sont ancrées.
Si je me pose la question, ce n'est pas pour le simple plaisir de débattre, mais bien parce que je suis concrètement confronté à ces problèmes : je reconnais bien volontiers l'utilité de réaliser des logements sociaux mais je suis dans l'impossibilité objective d'avancer en ce domaine alors que, dans ma ville, près de deux mille dossiers de demandes ont été déposés. De bonne foi, je suis tributaire d'une dynamique de marché sur laquelle je ne peux influer, pas plus que l'État. Deux opérations de préemption sur trois, élaborées conjointement avec le préfet, n'aboutissent pas, parce que l'État affirme qu'il n'y a pas de suite possible eu égard aux prix pratiqués dans ma commune. Cette réalité, on la retrouve dans d'autres communes, en secteur dense, et je tenais à insister sur ce point.
Que serait un texte qui répondrait à une logique de territoire ? Il serait intéressant de s'attarder sur ce point car nous avons eu ce matin une réunion sur la problématique du logement dans le Grand Paris. La proposition du maire de Paris de créer un pôle métropolitain et le projet du président de région de reterritorialiser les questions du logement autour d'une autorité d'organisation du logement ont montré tout l'intérêt de réfléchir à cette problématique à l'échelle de plus vastes territoires.
À quelques mois de l'acte III de la décentralisation, je me suis mis à imaginer quels avantages il y aurait à attendre de cette réforme.
L'intégration de la problématique du logement au coeur de ce projet de décentralisation nous permettrait une coordination avec les politiques économiques et sociales, voire avec les politiques d'aménagement du territoire. La situation de notre région montre combien un réseau de transports peut avoir un effet structurant sur une nouvelle politique de logement.
Elle permettrait également de mieux adapter les potentiels, les rythmes, les seuils de construction à des réalités démographiques, sociologiques, géographiques.
La question du logement fait corps avec des problématiques économiques, sociales, d'aménagement du territoire, financières, et il aurait été intéressant de l'intégrer à la réflexion sur la décentralisation.
Lors de notre réunion de ce matin, tout le monde avait à la bouche le SDRIF, le SCOT, le CDT, le pôle métropolitain, l'autorité d'organisation du logement. Ces échanges ont bien montré que la problématique dépassait l'échelle des communes. C'est la raison pour laquelle je présenterai à nouveau plusieurs amendements que j'avais déposés sur le précédent texte : ils portent sur le bassin de vie et reposent sur la souplesse que mériterait d'avoir le projet de loi pour raisonner en termes d'échelle rendant les objectifs plus aisément réalisables.
La logique de territoire n'est malheureusement pas consubstantielle de ce projet de loi.
L'autre logique consiste à renvoyer l'État à sa responsabilité en matière de logement. En tant qu'opérateur, cette responsabilité lui incombe en effet au premier chef et je me demande, à la suite de François de Mazières, pourquoi le projet de loi exerce une telle pression sur les communes. Cela ressemble un peu à un transfert de responsabilité, comme si l'État refusait à la fois la logique de territoire et la responsabilité qui lui revient, et demandait aux communes de se débrouiller avec les objectifs : faites comme vous pouvez, on vous observe, on vous surveille et on vous pénalisera si vous n'y arrivez pas ou si vous ne respectez pas à l'échéance triennale les 25 %.
Pour l'État, c'est une façon de se déresponsabiliser : il laisse à elles-mêmes les communes, qui ne se situent pas dans cette logique de territoire que j'évoquais tout à l'heure. La toise de 25 % peut avoir du sens dans certains territoires mais elle n'en a sans doute pas dans les territoires ruraux et les villes moyennes, et elle est extrêmement difficile à respecter dans les zones denses. De plus, l'apport de l'État sous la forme de terrains profondément dévalués rend inéquitables les moyens qui sont mis à la disposition des communes pour atteindre les objectifs. Les communes dans lesquelles le marché est le plus tendu ne bénéficieront pas de cette ressource supplémentaire qui aurait pu les aider.
Une autre logique aurait pu être celle des effets de levier, comme les économistes l'appellent. Elle partirait de l'acquis, du parc HLM, qui compte, rappelons-le, 4,5 millions de logements et 30 milliards de fonds propres, afin de lui appliquer une gestion dynamique passant notamment par des ventes. Cela serait de nature à offrir un potentiel de développement sans pour autant porter atteinte aux finances publiques et faire courir le risque d'acheter du foncier coûte que coûte sans optimisation de l'existant.
Cette troisième logique ne figure malheureusement pas dans le projet. Nous aurions pourtant tous gagné à cette gestion dynamique du parc HLM. Forger un partenariat entre nos communes et les organismes départementaux d'HLM donnerait, à travers des projets, des perspectives de construction qui seraient de nature à encourager le secteur du BTP, qui en a bien besoin, comme l'a dit François de Mazières.
Voici, madame la ministre, mes chers collègues, ma contribution à ce débat et les regrets que j'exprime. Les amendements que présentera le groupe UDI permettront de travailler sur la modulation des dispositions, pour que cette territorialité de la loi SRU puisse s'appliquer malgré les contraintes que je viens d'évoquer.
Ces amendements porteront sur les bassins de vie, et là encore je suis plutôt rassuré par les débats que nous avons eus ce matin, montrant que chacun pousse à la révision de l'échelle d'application de cette loi.
Ils comporteront également des éléments pour apprécier l'indice de potentiel foncier, afin que les préfets puissent disposer d'éléments objectifs pour mesurer la bonne ou la mauvaise foi des élus qui auront à appliquer ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)