Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la deuxième fois, et de nouveau dans l'urgence, l'Assemblée examine le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.
Personne ne peut contester l'urgence sociale, personne ne peut contester que notre pays connaît une crise du logement sévère. Personne ne conteste que de nombreuses régions et agglomérations sont en situation tendue, quels que soient les critères permettant de la mesurer. Personne ne peut non plus malheureusement douter que la politique que mène ce gouvernement accroîtra encore cette tension par les conséquences de sa politique budgétaire, de sa politique économique, de sa politique fiscale.
Personne ne vous reprochera en tout cas qu'en connaissance de cause vous ayez choisi de donner la priorité à la question du logement locatif social.
Mais ce projet de loi ne peut recevoir mon approbation. En effet, le compte n'y est pas en matière d'égalité des territoires, qui devrait pourtant être la préoccupation sous-jacente de chacun de vos projets. Le compte n'y est pas, car toutes les collectivités ne seront pas aidées de la même manière face aux obligations nécessaires que renforce votre projet de loi.
Pour la mise à disposition du foncier, d'abord, des communes pourront bénéficier, je l'espère, d'une mise à disposition gratuite du foncier par l'État et ses établissements publics. D'autres ne le pourront pas parce que l'État ne dispose pas forcément de foncier disponible ou adapté sur leur territoire. Ces communes devront alors participer lourdement au bouclage financier des opérations. Elles seront donc pénalisées financièrement tout en ayant les mêmes obligations de réalisation de logements sociaux. Comment envisagez-vous de leur apporter des compensations pour qu'elles puissent développer le logement social ?
Sur un autre plan, vous savez parfaitement l'incidence des loyers plafonds proposés par les zonages en vigueur sur la faisabilité des projets et leur financement. Aujourd'hui, en Île-de-France par exemple, la zone 2 ne permet plus aux communes qui y sont soumises de trouver des bailleurs sociaux acceptant de conduire leurs opérations, sauf au titre de bonnes relations partenariales, et assurément à titre exceptionnel dans la mesure où ces bailleurs doivent alors injecter un autofinancement pouvant atteindre 30 à 40 %. Pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés, ces communes devront donc contribuer de manière importante à l'équilibre des opérations pour compenser l'effet de zonage, alors que la commune immédiatement voisine, bénéficiant de la zone 1, verra sa contribution réduite.
Cette situation vous a été soumise en commission par un amendement proposant d'unifier les zonages en Île-de-France, hors Paris bien sûr. Vous avez jugé la question éventuellement pertinente, non recevable assurément, et à renvoyer bien évidemment comme tant d'autres aux bons soins d'un groupe de travail à venir.
Alors oui, en matière d'égalité des territoires on est loin du compte. Vous en avez d'ailleurs conscience et vous avez pris soin de préciser que les communes qui ne pourraient pas atteindre les objectifs fixés par la loi pourraient bénéficier de l'indulgence de l'administration si elles pouvaient prouver leur bonne foi et leur bonne volonté.
Nous ne pouvons accepter cette nouvelle notion de bonne foi au lieu de critères objectifs comme ceux que mon collègue Fromantin vous a proposés en commission. Faut-il alors craindre qu'à l'inégalité créée par l'aide au foncier ou par le zonage s'ajoute une inégalité née de la subjectivité de jugement de la bonne ou de la mauvaise foi ?
Enfin, votre projet de loi fixe aussi des obligations dont l'expérience des bailleurs sociaux montre la difficulté ou l'impossibilité de les atteindre. Il en est ainsi de l'obligation de réaliser dans les communes les plus carencées 30 % de logements locatifs sociaux dans toute opération de plus de douze logements ou de plus de 800 mètres carrés de surface de plancher. L'imbrication de logements locatifs sociaux dans des ensembles en copropriété, la difficulté de gestion de logements isolés et en très faible nombre et d'autres facteurs encore sont autant d'obstacles qui auront raison des meilleures bonnes volontés.
Alors, madame la ministre, entre obligations incantatoires et irréalistes, traitement inégalitaire des collectivités soumises aux mêmes obligations et évaluation non objective des politiques qu'elles mettent en oeuvre, le compte n'y est pas et ne nous permet surtout pas de soutenir votre projet. Je voterai donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)