Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous devons être aujourd'hui en situation de combat contre une crise économique et sociale qui dure depuis plus de quatre ans. Combattre, parce que se loger est devenu un luxe : l'augmentation des prix et des loyers a rendu l'accès à la propriété ou à la location extrêmement difficile pour des millions de Français. Depuis 2006, la part des ressources des ménages consacrées au logement atteint un niveau record avec une moyenne de 25 % à 28 %. On compte 3,6 millions de personnes mal logées. Dans les grandes villes, les loyers à la relocation ont doublé en dix ans.
L'objectif de faire de la France un pays de propriétaires était la motivation principale de la politique du gouvernement précédent, politique profondément inadaptée aux difficultés que connaissent nos concitoyens. Les mesures fiscales en faveur de l'accession à la propriété, notamment les dispositions prévues par la loi TEPA de déduction des intérêts d'emprunt immobilier pour la résidence principale, n'ont pas eu les effets escomptés. Quant aux maisons à 100 000 euros, on compte seulement 8 000 constructions en cinq ans. Bref, la multiplication des textes n'a en rien résolu les problèmes auxquels nous devons désormais faire face.
Le présent projet marque donc une rupture importante avec les pratiques et les méthodes antérieures. Il répond à l'exigence de justice qui était au coeur de la campagne de François Hollande. Il permet la mise à disposition pouvant aller jusqu'à la gratuité des terrains disponibles de l'État, soit 2 000 hectares répartis en 900 sites, alors même que le coût d'acquisition du foncier représente entre 14 % et 24 % du coût de revient d'une opération de construction de logement social. Il s'agit d'un acte symbolique majeur dont nous pouvons espérer des effets directs et rapides. Dans cette période de grandes difficultés, c'est d'abord à l'État, à la puissance publique qu'il revient de faire les efforts nécessaires, d'être exemplaire.
Ensuite, le texte instaure le renforcement des dispositions de l'article 55 de la loi SRU avec le relèvement de 20 % à 25 % du taux obligatoire de logements sociaux, et la multiplication par cinq des pénalités pour les communes qui ne respectent pas cet objectif. Élément clef de la politique du logement dans notre pays, l'article 55 de la loi SRU avait donné lieu à de vifs débats lors de son adoption en 2000, mais son bilan positif est aujourd'hui unanimement reconnu. Depuis 2002, de plus en plus de communes ont réalisé leurs objectifs de rattrapage, et plus de 310 000 logements ont pu être construits, ce qui va bien au-delà du chiffre d'environ 200 000 avancé à l'origine. La loi a donc eu un rôle incitatif, même si certaines communes n'ont pas respecté leurs objectifs. Quelques-unes vont jusqu'à le revendiquer et préfèrent ouvertement acquitter des amendes plutôt que de construire des logements sociaux. Cette attitude, même marginale, est aujourd'hui totalement inacceptable.
Je souhaite insister sur la territorialisation du projet, absolument essentielle. La hausse de 20 % à 25 % est à nuancer car ce taux restera à 20 % sur les territoires qui ne sont pas en zones tendues, c'est-à-dire où l'effort de construction supplémentaire n'est pas nécessaire. Cette distinction est particulièrement importante : elle tient compte de la diversité des territoires et de leurs besoins réels. Elle est équilibrée car le relèvement à 25 % dans les zones tendues est par contre une vraie nécessité. Cette disposition va donc soutenir la construction de logements sociaux là où les besoins sont forts. Cette prise en compte de la situation locale s'appliquera également à la multiplication des pénalités : la bonne foi d'une commune pourra ainsi être constatée à travers les difficultés qu'elle rencontre pour concrétiser ses projets en cours.
Cependant, pour que le dispositif fonctionne, les préfets devront prendre leurs responsabilités. Ils ne devront pas hésiter à appliquer des pénalités fortes s'ils se heurtent à une commune qui a les moyens et les terrains pour construire du logement social, mais qui rechignerait à le faire. Le renforcement du dispositif est un signal politique très fort, un acte de solidarité à l'égard de ceux qui, en remplissant leurs obligations légales, participent aux objectifs de mixité et d'égalité sociale.
Le logement n'est pas un marché comme les autres, c'est pourquoi nous conviendrons tous que ce projet de loi est, comme vous l'affirmez, madame la ministre, « un projet pour l'humain », un projet éminemment politique.
Voilà donc un texte juste et équilibré avec un volet incitations et un volet sanctions. Malgré le calendrier accéléré, ce texte a pu être profondément amélioré par le travail parlementaire, enrichi de plusieurs dispositions, notamment la limitation de la part de logements de type PLS et l'instauration d'un plancher pour la part de PLAI. L'obligation de production de logements sociaux est qualitative en plus d'être quantitative, au service des ménages les plus modestes. Enfin une politique du logement pour les classes moyennes et les classes populaires !
Madame la ministre, vous nous avez d'ores et déjà annoncé la discussion d'un grand projet de loi sur le logement et l'urbanisme au printemps 2013. Ce texte devrait permettre de mieux appréhender et de façon plus complète ces problèmes. Nous l'attendons donc avec impatience et confiance. Je terminerai par une observation. Vous avez déclaré, et je partage complètement votre analyse, que le logement est un bien, un produit de première nécessité. Dès lors, et nous en débattrons dans quelques instants ou dans quelques semaines, il est impératif que le taux de TVA demeure réduit : CQFD, selon votre expression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)