Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 20 novembre 2014 à 21h30
Désignation des conseillers prud'hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, notre assemblée est appelée à se prononcer sur ce projet de loi qui vise, dans un premier temps, à autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de supprimer l’élection des conseillers de prud’hommes et de la remplacer par une désignation de ces mêmes conseillers. Dans un second temps, il vise à proroger le mandat des conseillers prud’homaux actuels de deux années supplémentaires.

Lors de notre discussion en commission, j’ai émis un certain nombre de réserves, qui ont amené le groupe UMP à s’abstenir. Après avoir rencontré, de façon bilatérale, la totalité des organisations syndicales et patronales représentatives, à l’exception d’une seule, et y compris le hors-champ, mes réserves ne se sont pas estompées. Bien au contraire, elles se sont accentuées.

Partons d’un constat partagé par tous : la situation actuelle des tribunaux prud’homaux est particulièrement difficile pour trois raisons principales : la chute du taux de participation à l’élection, l’augmentation des délais de jugement et le manque de personnel et de moyens financiers.

De nombreux rapports ont été rédigés afin de répondre à ces différentes questions, et ce dès 2010. Ce n’est donc pas un sujet nouveau. C’est pour cette raison que je m’étonne du calendrier législatif de ce projet de loi. D’abord intégré au projet de loi relatif à la formation professionnelle, il en a ensuite été disjoint pour constituer un projet distinct, déposé le 22 janvier sur le bureau de notre assemblée ; il en a été retiré le 28 mars pour être déposé au Sénat le même jour, a été rectifié le 16 juillet en Conseil des ministres, puis voté par le Sénat, avant d’arriver aujourd’hui en discussion à l’Assemblée nationale, et cela en procédure accélérée pour légiférer par ordonnance.

Au vu de ce calendrier, monsieur le ministre, où est l’urgence ? Et cette urgence est-elle de la responsabilité du Parlement, ou bien n’est-elle pas plutôt le fait des hésitations du Gouvernement ? Je pencherais pour la seconde réponse, et il est donc inacceptable que nous soyons amenés à nous exprimer dans la plus grande urgence sur un texte qui concerne la vie professionnelle des 19 millions d’actifs de notre pays.

Par ailleurs, ce texte donne un chèque en blanc au Gouvernement, sans que ce dernier n’ait pu apporter de réponses à nos nombreuses questions. Comment, du reste, pourrait-il nous en donner, puisqu’il a prévu de consulter les partenaires sociaux au cours du premier semestre 2015, pour une publication de l’ordonnance au deuxième semestre ?

Le Parlement, lui, ne sera pas consulté. Il est considéré comme une simple chambre d’enregistrement de la volonté gouvernementale. Nous savons comment les choses vont se passer : une fois l’ordonnance prise, le Parlement devra s’exprimer, à nouveau dans l’urgence, pour la valider. Il est temps que le Gouvernement change sa méthode de travail avec la représentation nationale.

Nous ne nous opposons pas, par principe, à la prise d’ordonnances. Il est en effet des sujets qui doivent être traités de façon rapide, et les ordonnances, autorisées par notre Constitution, répondent à ce besoin. Pourtant, je ne peux me résigner à voter un tel projet au vu du calendrier évoqué précédemment. Le Gouvernement à découvert les bienfaits que lui procurent les ordonnances puisque, selon l’avant-projet de loi pour la croissance et l’activité, dont on sait encore peu de choses, il demandera au Parlement de l’autoriser à prendre des ordonnances sur l’inspection du travail, et d’autres sur la médecine du travail. Nous traiterons de ces sujets en temps et en heure, lors de la présentation de ce texte devant l’Assemblée, mais je m’étonne de cette nouvelle méthode qui consiste à écarter le Parlement.

Je regrette également que la question des prud’hommes ne soit pas étudiée au sein d’un texte unique. Nous sommes amenés à voter aujourd’hui cette autorisation d’ordonnance sur la désignation des conseillers prud’homaux, afin que le Gouvernement puisse consulter les partenaires sociaux sur l’écriture de celle-ci durant le premier semestre 2015, comme je l’ai déjà indiqué. Pourtant, dans le même temps, le Parlement discutera du projet de loi dit « Macron » qui traitera des questions de fond liées aux prud’hommes. Ces deux discussions vont se superposer et, éventuellement, se contrarier. Cette réforme aurait dû être présentée en une fois, globalement, et ce, devant le Parlement, après négociation avec les partenaires sociaux. Ainsi, la loi Larcher et l’article L. 1 du code du travail auraient été respectés.

La constitutionnalité de ce projet de loi me semble également mise en cause. Afin d’écarter ce risque, M. le ministre, Mme la rapporteure et, à l’instant, notre collègue Issindou, évoquent la décision du 3 décembre 2010 du Conseil constitutionnel sur les tribunaux des affaires de Sécurité sociale, les TASS, qui valident, en effet, la désignation de ses assesseurs.

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