Au cours des auditions, nous avons senti que la nomination de Mme Danièle Jourdain Menninger à la présidence de la Mildeca était cependant de nature à donner une nouvelle impulsion au dispositif.
Nous avons dressé le constat inquiétant que l'expérimentation et la consommation de cannabis atteignent des niveaux élevés. La consommation relève même du phénomène de masse. La France présente les plus hauts taux d'expérimentation – c'est-à-dire d'usage de la substance au moins une fois au cours de la vie, mais aussi de consommation dans l'année – en Europe. Ainsi, la France connaît le deuxième plus haut taux d'expérimentation de cannabis en Europe, tant chez les adultes, avec 32 % d'expérimentateurs, que chez les jeunes de 15-16 ans, avec 39 % d'expérimentateurs. Les taux de consommation dans l'année, qui témoignent de l'usage occasionnel de cannabis, sont également importants. En population générale, la France présente même le premier taux européen, les enquêtes révélant que 17 % des 15-64 ans ont fait usage de cannabis dans l'année.
Ces taux sont désormais stabilisés dans la population générale et ont même légèrement diminué chez les jeunes adultes durant la dernière décennie. L'enquête Escapad, dont les résultats devraient être publiés au premier semestre 2015, devra confirmer si l'usage régulier, qui correspond à au moins dix usages de cannabis dans le mois, continue de diminuer chez les jeunes de 17 ans. Entre 2002 et 2011, ce taux était passé de 12 % à 7 %. Si ces résultats apparaissent encourageants, il reste que la France continue de présenter des hauts niveaux de consommation.
Les tendances récentes font apparaître l'usage d'autres produits illicites. Les nouvelles drogues de synthèse (NDS) sont en pleine expansion. Ces substances imitent les effets de psychotropes divers, mais présentent une composition moléculaire qui s'en distingue assez pour ne pas tomber sous le coup des interdictions légales. Le succès de ces drogues s'explique par la facilité de leur production et de leur commercialisation. Elles sont en effet conçues à partir de précurseurs en vente libre sur le marché, dans des laboratoires clandestins faciles à monter avec quelques connaissances en chimie. Elles sont ensuite vendues sur internet. La prétendue légalité de ces produits peut faire croire, à tort, à leur absence de dangerosité. Il s'agit là d'une idée reçue, d'autant que ces substances sont difficiles à doser et que leur composition exacte n'est pas connue.
En 2009, la France a adopté une stratégie de lutte, visant à interdire les NDS par familles de molécules. Le but est d'empêcher les trafiquants d'adapter la composition moléculaire au fur et à mesure des nouvelles interdictions. À ce jour, seules deux familles de NDS sont interdites : les cannabinoïdes et les cathinones. Aussi proposons-nous de développer et d'accélérer ces interdictions par familles de molécules.
En Europe, de petites boutiques vendent parfois des NDS sous l'appellation de sels de bains ou de stimulants sexuels. Ce marché clandestin, mais connu, recouvre un véritable trafic. Nous avons recensé de 600 à 700 sites internet qui les commercialisent et qu'il faut contrôler.
En matière de prévention, il faut bâtir une véritable politique à destination des plus jeunes. Le système éducatif, et plus particulièrement le collège et le lycée, est le lieu privilégié d'une action de prévention potentiellement efficace. Il est cependant difficile de mesurer l'application réelle des obligations prévues par les textes officiels puisque aucun recensement n'est effectué au-delà d'une mention obligatoire dans les projets d'établissement. Certains établissements semblent disposer de sessions de formation ou sensibilisation régulières, d'autres jamais. La police et la gendarmerie, lorsqu'elles sont sollicitées, font généralement preuve d'une grande motivation à intervenir.
Nous proposons de regrouper la formation des policiers formateurs anti-drogue (PFAD) et des gendarmes formateurs relais anti-drogue (FRAD) à l'Institut de formation de la police nationale. Nous préconisons d'équilibrer, sous le contrôle de la Mildeca, les interventions des PFAD et des FRAD sur l'ensemble du territoire national afin de délivrer une information à tous les élèves et d'éviter que certains élèves les voient chaque année et d'autres jamais.
Il conviendrait également de réexaminer la procédure et le contenu des programmes de prévention : recenser l'ensemble des interventions de prévention conduites en milieu scolaire et procéder à leur évaluation ; inscrire et appliquer l'obligation d'information des élèves dans les programmes scolaires et les emplois du temps pour l'enseignement secondaire et confier cette mission au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) pour l'enseignement supérieur ; renforcer les moyens de la commission interministérielle de prévention des conduites addictives (CIPCA) ; finaliser l'attestation de formation à la prévention des conduites addictives ; généraliser les appels à projets communs entre la Mildeca et les agences régionales de santé.