Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, nous sommes ici pour débattre de la proposition de loi du sénateur Didier Guillaume visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement. Je souhaite en profiter pour réaffirmer devant vous que l’accessibilité universelle est une priorité du Gouvernement, dans une parfaite continuité avec les travaux qu’avaient initiés Jean-Marc Ayrault et Marie-Arlette Carlotti à partir de juin 2012.
L’accessibilité, c’est d’abord la faculté de s’approprier l’espace collectif : pouvoir, par exemple, se rendre à la mairie pour faire renouveler sa carte d’identité, faire les magasins, aller au restaurant ou se rendre chez un médecin. Dans bien des cas, il s’agit aussi de pouvoir stationner à proximité du lieu où l’on souhaite se rendre.
En matière d’accessibilité du bâti, nous le savons tous, notre pays est malheureusement loin d’être exemplaire, malgré la loi de 2005, aux termes de laquelle tous les établissements recevant du public devaient être rendus accessibles avant le 1erjanvier 2015. C’est loin d’être le cas, alors que nous ne sommes qu’à un mois de l’échéance.
C’est pourquoi nous avons débattu ici même, il y a quelques semaines, de la mise en oeuvre des agendas d’accessibilité programmée, outils qui permettent à tous les gestionnaires d’établissement d’établir un calendrier des travaux de mise aux normes dans un temps contraint, soit la mise en application concrète de la loi de 2005.
Cette année 2014 est l’année de la conférence nationale du handicap, qui se tient tous les trois ans sous l’égide du Président de la République. Elle se déroulera cette année le 11 décembre à l’Élysée.
Elle présente cette année la particularité de s’inscrire dans le prolongement du comité interministériel du handicap, qui, créé en 2009, s’est réuni pour la première fois en 2013.
Au cours de ce comité interministériel avait été présenté un programme détaillé déclinant une série d’actions à mettre en oeuvre selon cinq axes : la jeunesse ; l’emploi ; l’accessibilité ; la prévention, l’accès aux soins et l’accompagnement médico-social ; enfin, la gouvernance et la mobilisation de la société. La conférence nationale du handicap s’inscrit dans la plus parfaite continuité de ces travaux et engage le Gouvernement à rendre des comptes quant à leur avancement.
Seconde particularité de cette conférence nationale du handicap : elle sera précédée de rencontres décentralisées, consacrées chacune à l’un des thèmes que je viens de citer.
J’assistais ainsi hier à Nantes, avec ma collègue Axelle Lemaire, au premier forum régional, qui portait sur l’accessibilité. Je serai le 1erdécembre à Dijon, avec François Rebsamen, ministre du travail, pour parler de l’emploi des personnes handicapées, puis le 5 décembre à Lille avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, pour un forum dédié à la jeunesse, en particulier à la scolarisation des enfants handicapés. Je serai, enfin, le 8 décembre dans les Pyrénées-Orientales avec Marisol Touraine pour parler de l’accès aux soins et de l’accompagnement médico-social. Une restitution de ces travaux aura lieu à l’Elysée le 11 décembre, à l’issue de laquelle de nouveaux objectifs seront fixés, et un rapport remis au Parlement, conformément à la loi du 11 février 2005.
L’accessibilité doit être universelle, ce que les associations définissent, à juste titre, comme l’accès à tout et pour tous. « Tous », cela inclut les personnes souffrant d’un handicap moteur, sensoriel, mais aussi psychique ou mental. « Tout » signifie le développement de l’accessibilité tous azimuts : accessibilité des logements, bien sûr, mais aussi accès à l’information, par exemple. Sur ce sujet, les choses avancent. En témoignent la signature prochaine de la charte de qualité pour l’usage de la langue des signes française élaborée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, ainsi que les travaux de la direction interministérielle de l’information et de la communication pour rendre accessibles de façon pérenne l’ensemble des sites publics.
L’accessibilité, c’est aussi être en capacité de communiquer. Or le téléphone tel qu’il existe exclut de fait toutes les personnes sourdes. Cela peut sembler paradoxal quand on sait que c’est en cherchant à développer un appareillage pour sa femme sourde que Graham Bell, à la fin du XIXe siècle, a inventé le vibraphone, l’ancêtre du téléphone.
Pour corriger cette injustice, un système de relais téléphonique est en cours d’expérimentation pour 500 personnes sourdes ou malentendantes. La députée Corinne Erhel, qui a bien étudié cette question, propose un certain nombre de solutions pour généraliser cette expérimentation. Ces propositions sont à l’étude.
L’accessibilité, c’est aussi l’accès à la consommation. La vente à distance par internet, si elle est un progrès pour les personnes à mobilité réduite, est malheureusement la plupart du temps inaccessible pour les personnes aveugles. De même, le numérique, qui améliore la performance de certains appareils électroménagers, peut les rendre inaccessibles pour certains types de handicap si l’on n’y prend pas garde. Cette question fait l’objet de travaux menés conjointement avec l’Institut national de la consommation et la Fédération de la vente à distance.
Avant d’aborder la question qui nous occupe aujourd’hui, celle du stationnement des personnes handicapées, je veux encore vous dire quelques mots sur la scolarisation des enfants handicapés, sur l’emploi des personnes handicapées, sur l’accompagnement médico-social et sur l’accès aux soins. Car vous l’aurez compris, cette initiative parlementaire doit être replacée dans un cadre plus large, celui de la politique en matière de handicap menée par ce gouvernement et cette majorité.
Vous le savez, la priorité du Gouvernement est de lutter contre les inégalités à l’école. La première des injustices en la matière, c’est celle qui est faite à un enfant handicapé, lorsqu’il n’a pas la possibilité d’être scolarisé avec les autres enfants.
En France, la scolarisation des enfants handicapés progresse de 10 % chaque année. Ce résultat est positif mais insuffisant. C’est pourquoi le Gouvernement a développé une politique de professionnalisation et de déprécarisation des auxiliaires de vie scolaire, à travers la transformation, à terme, de 28 000 contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée. Cette année, lors de la dernière rentrée scolaire, ce sont 3 000 AVS qui ont vu leur CDD se transformer en CDI.
C’est pourquoi également, dans le cadre du plan autisme, nous ouvrons des unités d’enseignement maternel pour les enfants autistes dans toutes les académies. Nous travaillons avec la ministre de l’éducation nationale à amplifier cette politique via de nouveaux objectifs.
Comme vous le savez tous, la situation de l’emploi des personnes handicapées n’est pas bonne. Le taux de chômage des personnes handicapées est en effet de 22 %, soit deux fois supérieur à celui de la population générale.
Vous venez, madame Le Houérou de nous rendre un rapport sur le sujet – vous êtes décidément très active, puisque vous êtes par ailleurs la rapporteure du texte dont nous débattons aujourd’hui. Avec François Rebsamen, nous étudions vos propositions, mais il est d’ores et déjà clair que nous devons améliorer, outre l’accès à l’emploi, le maintien dans l’emploi. Et c’est bien la position défendue par votre rapport.
Un des freins à l’emploi des travailleurs handicapés est le manque de formation professionnelle. La loi du 5 mars 2014, qui comporte un volet handicap, doit permettre d’améliorer cette situation.
Toujours sur ce sujet de l’emploi, je voudrais, enfin, rassurer ceux, nombreux parmi vous, qui se sont interrogés sur le prélèvement de 29 millions d’euros sur L’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées, l’AGEFIPH, et le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP : cet argent est fléché pour financer les contrats aidés destinés aux personnes handicapées, destination somme toute conforme aux missions de ces deux fonds, puisqu’il s’agit d’améliorer l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés.
S’agissant enfin de l’accompagnement médico-social, le Gouvernement a engagé deux réformes d’envergure, et d’abord la celle de la tarification, qui était attendue depuis de nombreuses années. Actuellement, il n’existe pas de tarification homogène des services dispensés par les établissements accueillant des personnes handicapées, ce qui crée des disparités territoriales. D’autre part, sur la base des propositions du rapport Zéro sans solution, remis au Gouvernement dans le courant de l’été, nous recherchons les moyens d’éviter ce que l’on appelle les situations critiques, c’est-à-dire les situations dans lesquelles des personnes lourdement handicapées se retrouvent privées d’un accompagnement adapté malgré une orientation par la maison départementale des personnes handicapées.
Vous voyez, mesdames et messieurs les députés, que les politiques publiques menées par le Gouvernement en matière de handicap ont un objectif commun : l’inclusion des personnes handicapées dans la société, en agissant à la fois sur l’accessibilité à tout et pour tous, et sur la compensation du handicap. Avec la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, nous sommes donc bien dans le sujet.
Dès octobre 2012, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, l’OBIACU, présidé par la sénatrice Claire-Lise Campion, avait suggéré de réviser la législation relative au stationnement des véhicules des personnes handicapées et aux redevances y afférent, pour limiter la fatigabilité des personnes et pour favoriser leur accès à l’autonomie.
La proposition de loi que nous allons étudier aujourd’hui tend à apporter deux modifications à l’article L. 241-3-2 du code de l’action sociale et des familles. Elle autorisera les titulaires de la carte de stationnement pour personne handicapée à stationner sur toutes les places, réservées ou non. Ce stationnement sera gratuit. Néanmoins, les parcs de stationnement concédés pourront continuer à être payants. Enfin, la durée du stationnement autorisé à ces personnes sera étendue et ne pourra être inférieure à douze heures.
J’ai entendu ceux qui s’interrogent sur l’utilité de cette proposition de loi. J’ai entendu aussi ceux qui pensent que c’est une façon de créer un système dérogatoire éloignant certains du droit commun. J’ai entendu, enfin, ceux qui redoutent le coût pour les collectivités.
Je veux vous dire que cette proposition de loi n’est pas une solution miracle, mais un texte pragmatique et je tiens ici à remercier le sénateur Didier Guillaume pour le travail effectué. Ce texte constitue une avancée parce que tout ce qui contribue à améliorer l’accès à la ville, ou au village, et par extension aux services, au travail, aux soins est toujours une bonne chose. Ce texte représente une avancée parce qu’il prend en compte une situation et la compense.
Cette proposition de loi va dans le bon sens et je pense que vous y êtes dans l’ensemble favorables, sur tous les bancs de cette assemblée.
Quant à la gratuité, qui peut poser problème et je sais que c’est le cas pour certains d’entre vous, il faut la voir comme un outil et comme une incitation à évoluer, non comme une fin en soi.
Elle permet aussi d’éviter toutes les situations d’inaccessibilité des bornes de paiement.
Je sais aussi que vous êtes nombreux à vous poser des questions sur la falsification potentielle des cartes de stationnement. Il est vrai que cette question se pose. Je veux vous dire que l’Imprimerie nationale travaille avec le ministère des affaires sociales sur le sujet depuis l’année dernière, pour automatiser et sécuriser la délivrance de ces cartes. Ce projet de modernisation devrait aboutir très prochainement. Il convient en effet de construire un système d’information national, pour avoir une base de données centralisée, pour améliorer la qualité de service et réduire les possibilités de fraude.
Pour conclure, je voudrais vous dire que cette proposition de loi, avant tout, peut améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées. Sa mise en oeuvre sera rapide, puisque les collectivités territoriales auront deux mois pour se mettre en conformité. Le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi, même si la gratuité ne fait pas consensus. Car ma volonté, notre volonté, notre mission, c’est d’abord et avant tout d’améliorer la vie quotidienne des Français. C’est cette ligne directrice qui doit guider chacune de nos décisions, au-delà des débats d’idées. Il vous appartient maintenant, mesdames et messieurs les députés, de débattre et d’adopter ou non ce texte.