Intervention de Annie Le Houerou

Séance en hémicycle du 25 novembre 2014 à 21h30
Stationnement des personnes en situation de handicap — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Le Houerou, rapporteure de la commission des affaires sociales :

« Faire un pas de plus pour faciliter la vie de tous les jours des personnes concernées par le handicap » : c’est en ces termes que notre collègue du Sénat M. Didier Guillaume a présenté sa proposition de loi visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement, lors de la discussion générale en première lecture au Sénat.

Douze millions de personnes sont en situation de handicap dans notre pays. C’est pourquoi, lors du comité interministériel du handicap qui s’est tenu le 25 septembre 2013, l’accessibilité universelle a été érigée en priorité gouvernementale. Comme le rappelait la ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion Mme Marie-Arlette Carlotti, « le chemin vers l’accessibilité universelle vise à éliminer tous les obstacles dans l’accès concret à la cité, au sens large ».

Madame la secrétaire d’État, votre engagement n’est plus à démontrer, compte tenu de tous vos déplacements et de tout le travail que vous accomplissez, qu’il s’agisse de l’emploi ou de l’école.

Parvenir à une société inclusive passe par une plus grande mobilité des personnes atteintes d’un handicap et plus largement de toute personne ayant des difficultés pour se déplacer : il faut que ces personnes puissent avoir accès à un emploi, à une vie sociale et culturelle. La facilité de stationnement participe de cet objectif.

Mon collègue sénateur M. Didier Guillaume propose d’améliorer les facilités existantes en matière de stationnement réservé. Il propose dans ce texte trois améliorations essentielles.

En premier lieu, un accès au stationnement sur toutes les places ouvertes au public, qu’elles soient adaptées ou non, au plus proche du lieu visité. En outre, les personnes concernées bénéficieraient d’une durée de stationnement plus longue, afin d’éviter à la personne à mobilité réduite de se déplacer à nouveau, pour mettre à jour un disque en zone bleue par exemple. Enfin, ce stationnement serait gratuit pour éviter les déplacements vers les horodateurs.

Ces droits sont néanmoins encadrés, la proposition prévoyant d’une part une durée maximale de stationnement qui ne peut être inférieure à 12 heures, afin d’éviter le phénomène des voitures ventouses, et d’autre part que les titulaires de la carte pourraient rester redevables de la redevance de stationnement dans les parcs disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles aux personnes handicapées depuis leur véhicule.

Introduite en 1975, la notion d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap a progressivement évolué, pour être redéfinie en 2005. La loi du 11 février 2005 élargit le champ du handicap et applique la notion d’accessibilité à tous les domaines de la vie en société, d’où l’expression d’accessibilité universelle.

La délégation interministérielle aux personnes handicapées en donne la définition suivante : l’accessibilité permet l’autonomie et la participation des personnes ayant un handicap, en réduisant, voire en supprimant les discordances entre leurs capacités, leurs besoins et leurs souhaits, d’une part, et les différentes composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement, d’autre part.

Elle suppose donc une démarche visant à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter une personne en situation de handicap dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes.

La chaîne de déplacement participe de cette accessibilité.

Celle-ci s’applique aussi au cadre bâti, aux logements, à l’exercice de la citoyenneté, autant qu’aux transports publics et à l’aménagement de la voirie.

Pour ce faire, la loi de 2005 a imposé aux communes d’élaborer avant 2010 un plan de mise en accessibilité des aménagements des espaces publics. L’élaboration de ces plans peut éventuellement être transférée à l’établissement public de coopération intercommunale. Le rapport de Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré souligne le retard pris pour leur mise en oeuvre. En 2012, seulement 60 % des PAVE étaient en cours d’élaboration ou achevés et 5 % de ces plans avaient été adoptés par délibération du conseil municipal ou de l’EPCI.

Ces plans sont plus ou moins bien conçus. Ils ne contiennent pas toujours de vision globale de la chaîne de déplacement, pas de synthèse quant aux aménagements à réaliser et pas d’articulation entre le plan d’accessibilité, la place de stationnement et le trottoir.

Afin de veiller à la meilleure adaptation, toutes les communes de plus de 5 000 habitants doivent mettre en place une commission communale pour l’accessibilité. Présidée par le maire, elle est composée de membres d’associations ou d’organismes représentant les personnes handicapées, les usagers de la ville, les personnes âgées, les divers acteurs économiques.

Afin de garantir l’accessibilité de la voirie aux personnes dont l’autonomie de déplacement est réduite, des places de stationnement leur sont réservées, à condition qu’elles soient titulaires d’une carte spécifique délivrée par la maison départementale des personnes handicapées.

Un alinéa prévoit d’autres avantages dans ce domaine : cette carte « permet, dans les mêmes conditions, de bénéficier des autres dispositions qui peuvent être prises en faveur des personnes handicapées par les autorités compétentes en matière de circulation et de stationnement. »

Les conditions de délivrance de cette carte sont liées aux difficultés de déplacement et non plus au taux d’invalidité de la personne. Toute personne atteinte d’un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied, ou qui impose qu’elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements, peut recevoir une carte de stationnement pour personnes handicapées.

Au moins 2 % des places de stationnement matérialisées sur les voies ouvertes à la circulation publique et 2 % des places de stationnement des établissements recevant du public doivent être affectées au stationnement réservé.

Selon les associations représentant les personnes en situation de handicap, ce ratio est devenu insuffisant pour trois raisons. D’abord, le nombre de personnes titulaires de la carte de stationnement a augmenté en raison de l’élargissement des critères d’éligibilité. Depuis 2001, elle n’est plus réservée aux personnes handicapées motrices, mais aussi à des personnes atteintes de pathologies aux conséquences invalidantes, sans être nécessairement visibles. En 2013, le rapport annuel de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a constaté que 40 % des demandes de cartes concernaient des personnes âgées de plus de soixante ans.

Le nombre de places réservées ne correspond plus au nombre de bénéficiaires de cette carte. L’Association des paralysés de France a cité l’exemple de la ville de Paris, qui dispose de 5 000 places de stationnement réservé alors qu’il y a 50 000 bénéficiaires de la carte de stationnement pour personne à mobilité réduite.

D’autre part, les aménagements techniques des véhicules permettent à un plus grand nombre de personnes de pouvoir conduire.

Les aménagements de centre-ville, par ailleurs, tendent à limiter l’utilisation de la voiture, ce qui réduit proportionnellement le nombre de places.

Lors de son audition, l’APF a plaidé pour une augmentation de ce quota à 4 %, dont au moins 2 % de places aménagées.

En 2012, l’Observatoire interministériel de l’accessibilité proposait d’examiner la possibilité pour les personnes à mobilité réduite de se garer sur tout emplacement, et ce gratuitement. C’est cette préconisation qui est satisfaite dans cette proposition de loi, modifiée lors de son examen en commission et en séance publique en première lecture au Sénat. Le rapporteur de la proposition de loi, M. Ronan Kerdraon, a déposé un amendement adopté en commission, prévoyant d’autoriser la gratuité du stationnement pour les personnes titulaires de la carte sur toutes les places et non plus seulement sur les places réservées, comme cela avait été prévu initialement.

Il a précisé que l’entrée en vigueur de cette proposition de loi interviendrait deux mois après la promulgation de la loi, afin de permettre aux autorités d’anticiper leur nouvelle politique de stationnement. S’agissant des parcs de stationnement gérés en convention de délégation de service public, l’entrée en vigueur ne s’effectuera qu’à compter du renouvellement des contrats.

Enfin, un amendement adopté en séance publique réserve la possibilité pour les autorités compétentes de continuer à appliquer la tarification de droit commun ou un tarif spécifique pour les personnes titulaires de la carte, s’agissant des parcs de stationnement disposant de bornes d’entrée et de sortie accessibles depuis la voiture.

De nombreuses communes pratiquent déjà le stationnement gratuit pour les personnes titulaires de la carte. Ainsi, selon le recensement réalisé par l’APF, 245 villes pratiquent déjà la gratuité du stationnement. La proposition de loi permettra ainsi d’éviter une disparité territoriale dans ce domaine.

Cette généralisation de la gratuité est susceptible d’accentuer les problèmes de fraude et de falsification des cartes de stationnement : cela a été dit par Mme la secrétaire d’État. Cette question a été abordée lors de nos travaux en commission. La sanction punissant le stationnement gênant sur un emplacement réservé est une amende prévue pour les contraventions de quatrième classe ; elle a été portée à 135 euros. À cette amende s’ajoute la possibilité de mise en fourrière. Lors de son audition, l’APF a reconnu l’effet très dissuasif de ce dispositif.

En 2012, on a constaté une augmentation de 14 % des procès-verbaux pour occupation illégale de places de stationnement réservé par rapport à 2011 et le pourcentage est encore plus important en 2013.

Selon l’APF, une carte sur trois est utilisée frauduleusement et la falsification des cartes a été facilitée par l’utilisation de photocopieuses sophistiquées. Une réflexion est en cours sur la dématérialisation de ces cartes et Mme la secrétaire d’État nous a dit ce soir que des décisions seront prises en ce sens.

Cette proposition de loi permet de faire un pas de plus vers un meilleur accès à la citoyenneté pour les personnes en situation de handicap. La gratuité est un moyen de faciliter l’accessibilité et en aucun cas un objectif : c’est un outil en faveur de l’inclusion.

Le stationnement en ville, acte banal dans la vie quotidienne de chaque citoyen, reste pour certains d’entre nous un casse-tête, un vrai souci de tous les jours. Cette proposition de loi tend à améliorer l’autonomie des personnes à mobilité réduite, pour que celles-ci puissent prendre leur juste part dans notre société.

À la veille de la Conférence nationale sur le handicap, qui se tiendra le 11 décembre, c’est un signe important que nous donnons en faisant un pas de plus vers l’accessibilité universelle. Je me réjouis de l’unanimité réunie en commission sur ce texte et souhaite qu’elle se retrouve dans cet hémicycle, pour parvenir à une société inclusive fondée sur l’accessibilité universelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion