Il suffit de se tourner vers l’Espagne pour en être malheureusement convaincus. Mariano Rajoy, le Premier ministre, souhaitait faire adopter un projet de loi qui n’autorisait l’interruption volontaire de grossesse qu’en cas de grave danger pour la vie, la santé physique ou psychologique de la femme, ou en cas de viol. L’adoption d’un tel projet, finalement retiré sous la pression des femmes, aurait entériné un recul grave et brutal des droits des femmes, non seulement pour les Espagnoles mais aussi pour toutes les Européennes. Cela doit nous interpeller : nous ne devons jamais oublier pourquoi ce combat a été mené.
La loi reconnaissant le droit à l’interruption volontaire de grossesse a mis fin à l’hypocrisie avec laquelle la France fermait les yeux depuis trop longtemps sur une situation qu’il faut rappeler : 300 000 femmes dans la détresse se faisaient avorter chaque année, au mépris de la législation alors en vigueur. Trois cent mille femmes condamnées à la clandestinité, dont la souffrance ne trouvait pour seul écho que le silence de l’État, les regards qui se détournent et les jugements accusateurs.
N’oublions jamais que des femmes partaient à l’étranger en charter pour accéder à cette interruption de grossesse que la France leur interdisait. N’oublions pas non plus le cauchemar des faiseuses d’anges, qui pratiquaient des avortements sur la table d’une arrière-cuisine, laissant des femmes mutilées, humiliées, et seules face à une épreuve si douloureuse, quand elles n’y laissaient pas la vie.
Simone Veil a écouté ces femmes ; mieux, elle les a entendues. Elle leur a permis de ne plus être rejetées dans la honte et l’illégalité. Elle leur a donné quelque chose d’essentiel : la liberté de choisir.
En reconnaissant ce droit, la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse n’avait pas pour autant vocation à encourager l’avortement. Car, s’il était impossible de continuer à ignorer l’existence de ces avortements clandestins, il était tout aussi impensable d’encourager la pratique de l’avortement. Aussi, dès son article 1er, la loi affirme le respect dû à tout être humain dès le commencement de la vie. Elle ne fait qu’admettre la possibilité d’un avortement, pour mieux contrôler cette pratique et mieux protéger les femmes.
En reconnaissant que la décision finale devait revenir aux femmes, la loi a fait le choix de leur responsabilisation face à la prise de décision. D’autre part, l’exercice de ce droit est encadré par le délai légal d’avortement, de façon que l’acte soit pratiqué sans risques physiques ou psychiques.
Enfin, la loi prévoit que l’exercice de ce droit est soumis à deux consultations préalables, qui permettent de s’assurer que la décision a été prise en toute connaissance de cause, d’apporter aux femmes une écoute, des conseils, un soutien susceptibles de faire évoluer leur choix, et de les sensibiliser à la nécessité d’utiliser à l’avenir des moyens contraceptifs.
Sa philosophie est donc claire : l’interruption volontaire de grossesse, auquel les femmes peuvent être contraintes de recourir, ne peut pas et ne doit en aucun cas être considérée comme un moyen de contraception, ni comme un acte banal.
L’avortement est toujours un drame ; jamais il ne pourra en être autrement. Ce n’est qu’au prix d’un questionnement intime, bouleversant, déchirant, qu’une femme fait ce choix. Ce choix n’est pas celui de femmes inconscientes ou inconséquentes. Il est celui de 222 500 femmes chaque année. Ces femmes, ce sont nos mères, nos soeurs, nos filles, nos amies, et ce peut être nous-mêmes. Souvent elles taisent leur détresse et la culpabilité qu’elles ressentent. Car ce choix, si difficile, marque toujours la vie d’une femme d’une blessure intime, d’une souffrance indicible, qui jamais ne disparaît.
« Aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement » affirmait Simone Veil, le 26 novembre 1974. Quarante ans plus tard, nous sommes les héritiers et les héritières de son combat humain et républicain. Pourtant, je veux le dire de la manière la plus claire qui soit, jamais nous ne pourrons nous satisfaire d’un nombre d’avortements encore si élevé.
C’est pourquoi il convient de tout mettre en oeuvre, absolument tout, pour permettre une meilleure prévention et une meilleure éducation à la contraception, en particulier des plus jeunes femmes.
Initialement prévue pour cinq ans, cette loi fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus social et constitue une des grandes avancées sociétales qui font l’honneur de la République. Quarante après le début des débats parlementaires dont elle fit l’objet, la France s’honore encore de ce précieux héritage. Aussi, la majorité des députés du groupe UDI soutiendra cette résolution, qui affirme la force de ce consensus et sa vocation universelle.
Enfin, à titre personnel et en tant que femme, au-delà de mon soutien plein et entier à cette résolution, je veux dire toute mon indignation d’entendre certains remettre en cause ce droit précieux, cette liberté de décider donnée aux femmes, fruit d’un si long combat mené avec tant de courage et tant de détermination par une femme d’exception : Simone Veil.
Le 27/11/2014 à 17:05, laïc a dit :
"L’avortement est toujours un drame ; jamais il ne pourra en être autrement"
Dans ces conditions, pourquoi nier la situation de détresse comme cause de l'avortement ? Le but d'un Etat responsable est de se renseigner sur les situations de drame vécues par les citoyens, et de faire en sorte de les prévenir ou d'y remédier. Or, ici, l' Etat refuse d'être instruit des situations de drame qui conduisent à l'avortement, c'est de la non assistance à personnes en danger, voilà pourquoi toutes ces lois sur l'avortement ne tiennent pas la route. Elles se débarrassent du problème de l'avortement en l'autorisant à tout va, sans contrôle, sans savoir si derrière ces avortements ne se dissimulent pas des situations de violence intolérables aux femmes, muettes du fait de la peur de la violence qui se déchaîneraient contre elles si elles parlaient et révélaient ces situations de violence qui les poussent malgré elles à l'avortement. L'Etat doit aider à la parole de la femme, et non pas faire en sorte de favoriser son silence par une coupable démission.
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