La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, ma question s’adresse à monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, en cette fin novembre, les avis d’imposition nationaux et locaux sont tous tombés. C’est le temps, pour les Français, de faire leurs comptes… Certains ont la chance de pouvoir apporter, sans grand dommage personnel, leur pierre à la remise en ordre des comptes de notre pays. Ils ont ainsi commencé de payer la lourde facture laissée par la précédente majorité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mais il y aussi ceux qui peinent et que la conjonctions de plusieurs mesures met dans une situation difficile.
Je veux parler aujourd’hui de la suppression de la demi-part dite « des veuves ». Ce dispositif rétablit une forme d’équité en matière d’impôt sur le revenu, mais il provoque une modification conséquente du revenu fiscal de référence, pris en compte pour les abattements sur les taxes locales en particulier.
Tous les parlementaires qui reçoivent leurs concitoyens le savent bien, le taux d’imposition marginal de certains contribuables modestes a bondi. II a parfois atteint – et c’est l’objet de ma question –, des niveaux incompatibles avec l’équité, frôlant les 25 % pour des revenus inférieurs à 12 000 euros par an.
Ma question est donc simple : envisage-t-on un dispositif visant à contenir le taux d’imposition de ces contribuables, très modestes et souvent âgés, dans la sphère du raisonnable ?
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, merci pour cette question qui souligne à quel point une décision, plusieurs années après avoir été prise, peut continuer à avoir des effets iniques sur la population.
La suppression de la demi-part des veuves, vous le savez, date de 2008. Elle a produit des effets durant cinq ans, jusqu’à l’année 2013, c’est-à-dire jusqu’à l’imposition payée en 2014. Les conséquences de 2008 se font encore sentir aujourd’hui, chacun doit l’avoir en tête.
Pourquoi n’avons-nous pas pu revenir sur ce système ? Parce que le mouvement était lancé.
Si nous l’avions interrompu, nous aurions créé des injustices encore plus grandes que celles causées par la majorité précédente.
Que faisons-nous ? Que faites-vous, puisque les mesures ont été soumises au Parlement, qui les a approuvées ?
Interruptions sur les bancs du groupe UMP.
Premièrement, pour 2014, vous avez voté la suppression de l’effet sur la taxe d’habitation. Parfois en effet, à cause de cette suppression de la demi-part, des veuves ou des veufs devaient payer cette taxe. Vous avez neutralisé cette conséquence néfaste.
Deuxièmement, vous avez décidé pour 2014 une mesure déjà applicable qui représente, pour une veuve, 350 euros de diminution d’impôts.
Troisièmement, vous avez décidé de continuer ce mouvement en 2015, pour faire en sorte que, dans le bas du barème, ces Françaises et ces Français qui se sont mis à payer plus d’impôts à cause des votes de 2008 soient aujourd’hui exonérés. Vous réparez en ce moment les inégalités créées hier.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.
Essayons de retrouver le calme, pour donner un peu plus de décence à cette séance de questions.
La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, sans douter de votre volonté de trouver des solutions pérennes à la crise économique que traverse notre pays, permettez que j’appelle votre attention sur les interrogations de certaines professions réglementées quant aux conséquences de votre projet de loi relatif à la croissance, l’activité et les chances économiques.
En effet, s’il nous semble louable d’adapter aux évolutions sociales et économiques les modalités d’exercice de certaines de ces professions, il nous paraît tout aussi judicieux de nous entourer des précautions suffisantes pour éviter que ce projet n’aboutisse à des résultats contraires à nos espérances.
Afin d’illustrer mon propos, je voudrais évoquer les inquiétudes manifestées par les 163 bâtonniers de métropole et d’outre-mer, qui en appellent aujourd’hui à l’arbitrage du Premier ministre.
Monsieur le ministre, croyez qu’au-delà des intérêts particuliers d’une seule profession – dont la réputation ne reflète pas fidèlement les difficultés –, c’est la question même de l’accès de nos concitoyens à une justice indépendante et équitable qui sera posée lors de la manifestation du 10 décembre prochain.
Dans ce contexte, que répondre à certains territoires d’outre-mer, déjà sévèrement touchés par la difficulté d’accéder aux droits en raison de contraintes réglementaires ou géographiques qui génèrent de véritables déserts juridiques ?
Les conséquences de ce projet, notamment, sur la justice rendue en Guyane – dont on connaît le déficit d’image malgré ses nombreux atouts – ne feront qu’exacerber les problématiques déjà rencontrées par les justiciables à cause du manque de magistrats alors que des postes restent encore vacants.
En cela, reconnaissons que nous n’avons pas été aidés par la déclaration d’un de nos collègues – dont la Guyane attend toujours des excuses – puisqu’il a proposé de rétablir le bagne à Cayenne pour accueillir les djihadistes français.
Aussi, monsieur le ministre, face à tant d’incertitudes, je vous prie de bien vouloir préciser les dispositions envisagées afin que les effets de ce projet de loi ne soient pas opposés aux intérêts des justiciables.
Je vous en remercie.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, je vous remercie pour votre question et je tiens à lever une fois encore quelques malentendus s’il en était besoin.
Le premier, et c’est le plus important : s’il s’agit d’ouvrir certaines professions, en particulier, réglementées, et donc d’introduire plus d’innovation et plus de concurrence, il ne s’agit en revanche en aucun cas de revenir sur la sécurité juridique et ce qui la constitue dans notre pays, d’aucune façon que ce soit, nous y veillerons. Christiane Taubira et moi-même tenons particulièrement à ce qu’il en soit ainsi.
Deuxième point : j’ai le sentiment que parmi les manifestants qui sont en train de s’organiser, des confusions demeurent entre la réforme de l’aide juridictionnelle, les nouvelles astreintes que nous demandons aux professions juridiques et en particulier aux avocats – ce qui est tout à fait exact –, et la réforme des professions réglementées ou ce que pourrait contenir le projet de loi pour l’activité et pour la croissance.
Sur ce sujet comme sur d’autres, il convient de garder un esprit de distinction et d’avoir en tête ce qui est fait, ce qui ne l’est pas, ce qui figure dans un texte et ce qui n’y figure pas.
Troisième point : des fuites ont pu avoir lieu, ce que je regrette car telle n’est pas ma façon de travailler.
Précisément, le travail se poursuit et se poursuivra jusqu’à ce que le projet du Gouvernement soit déposé en conseil des ministres. À ce jour, je ne le connais pas absolument…
…car nous sommes encore en train d’y travailler.
Avec Christiane Taubira, nous avons ainsi commencé à organiser des consultations, qui se poursuivent, ma porte restant toujours ouverte aux professionnels du droit. Elle le restera jusqu’au bout.
Enfin, et surtout, nous proposons l’ouverture du capital des différentes sociétés d’avocats entre professions du droit et du chiffre – ce qui ne constitue pas une libéralisation et qui ne doit pas inquiéter ces professionnels.
La réforme de la postulation territoriale que nous envisageons peut être quant à elle un sujet d’inquiétude. À ce jour, nous réfléchissons à une postulation au niveau de la cour d’appel – en l’espèce, celle de Cayenne serait préservée – mais en aucun cas à un détricotage du maillage territorial ou des équilibres territoriaux tels qu’ils sont constitués aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, les territoires ruraux, leurs spécificités et leur développement économique sont totalement oubliés dans la réforme territoriale.
Il est temps de donner une réelle chance à la ruralité. Elle a aussi ses atouts !
Cette réforme a pour ambition d’être le pilier du redressement du pays. Elle ne peut se faire en oubliant 80 % du territoire, qui compte 20 % de la population !
De plus, avec la baisse drastique des dotations aux collectivités locales, l’existence même des communes rurales et la proximité que réclament nos concitoyens sont remises en cause.
Monsieur le Premier ministre, à quand une simplification des normes pour les territoires ruraux ? Il est impératif d’adapter à ces territoires les normes qui ont été faites pour le monde urbain, notamment, en matière d’accessibilité, de sécurité et sur le plan environnemental.
Nous devons faire des économies. Oui, faisons-en et simplifions !
Toute réforme territoriale doit se faire en tenant compte de la spécificité des territoires ! Toute réforme territoriale doit inclure les territoires ruraux et leurs besoins !
Aussi, ma question est simple, monsieur le Premier ministre, et j’attends cette fois-ci une réponse claire : quelles mesures concrètes proposez-vous pour les territoires ruraux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le député, nous discutions voilà moins d’une heure et demie avec les représentants de l’Association des maires de France et j’ai pu constater combien l’ensemble des maires ruraux sont très attachés à certains points précis.
S’agissant de la constitution des intercommunalités, comme le Premier ministre l’a réaffirmé dans les Hautes-Pyrénées lundi après-midi, les seuils seront adaptés au milieu rural en tenant compte de choses simples : la densité démographique, la géographie, la distance entre la commune siège et les communes les plus éloignées. C’est là une première réponse qui était attendue par les maires ruraux.
Deuxième réponse : il faut permettre à ces derniers de faire en sorte que leurs populations bénéficient de services auxquels elles n’ont pas accès aujourd’hui. C’est pourquoi l’intercommunalité est importante et c’est pourquoi nous créons dans le projet de loi actuellement « sur la table » la compétence solidarité territoriale.
En effet, aujourd’hui, nos territoires manquent souvent de cadres pour répondre à des manifestations d’intérêt – Sylvia Pinel y a remédié avec les maisons de services ou la revitalisation des centres-bourgs. Nous devons être attentifs à ce retour de l’ingénierie dans nos territoires ruraux.
Troisième point, enfin : nos territoires ruraux ont besoin de la réforme de la dotation globale de fonctionnement et nous allons au bout de la péréquation mise en place par la majorité précédente voilà quelques années.
En effet, il faut que l’assiette des dotations – monsieur le député, vous avez raison – comprenne à l’avenir les précieux mètres carrés agricoles relatifs à la protection des captages, aux zones naturelles, aux forêts, tout autant que cela est nécessaire à l’intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, chers collègues, la Commission européenne vient de présenter les grandes lignes de son plan d’investissement : 315 milliards d’euros pour relancer la croissance et l’emploi en Europe. Cette annonce constitue un tournant historique pour l’Europe. Derrière les chiffres et les mécanismes de ce plan d’investissement, il y a un message fort : les Européens reprennent les choses en main ! Nous nous donnons les moyens financiers d’agir, de transformer la société européenne, d’aller chercher l’emploi dans les secteurs les plus prometteurs de notre économie : le numérique, la transition énergétique, la recherche et le développement.
Contraints par la crise financière, nous avons réussi l’union bancaire, à laquelle personne ne croyait. Menacés par la déflation, nous avons vu la Banque centrale européenne prendre des positions qui auraient été inimaginables il y a encore quelques années, en intervenant massivement pour soutenir la monnaie unique. Aujourd’hui, l’Europe fait un pas de plus, un grand pas, pour retrouver le chemin d’une croissance durable, mais aussi – et c’est là, je le crois, l’essentiel – pour renouer le lien de la confiance avec les peuples de l’Union européenne, pour dire aux Européens : nous sommes conscients des attentes, nous sommes conscients des défis, nous agissons pour y répondre !
Comment ne pas voir, dans ces 315 milliards d’euros, la marque de l’action de la France depuis deux ans et demi ? Sous l’impulsion du Président de la République, François Hollande, notre pays n’a pas cessé d’appeler à une réorientation des choix économiques de l’Europe pour soutenir l’investissement et l’emploi. Si nous avons pu convaincre nos partenaires et créer les conditions de ce virage historique, c’est aussi grâce aux réformes soutenues par notre majorité et à la crédibilité retrouvée de la parole de la France, après une décennie marquée par les promesses non tenues.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous préciser les contours, le calendrier et les principaux chantiers visés par le plan d’investissement de la Commission ?
Monsieur le député, le plan qui vient d’être annoncé par M. Juncker au nom de la Commission européenne est une bonne nouvelle pour l’Europe et une bonne nouvelle pour la France. Ce plan d’investissement est bienvenu, car c’est d’investissements que l’Europe et la France manquent aujourd’hui.
Le niveau des investissements publics et privés en Europe est aujourd’hui de 16 % inférieur à ce qu’il était en 2007, avant la crise. L’une des causes principales de la trop faible croissance que connaissent actuellement la zone euro et la France est précisément le défaut d’investissements. Il fallait donc, au niveau européen, un plan d’investissement à la mesure du problème. C’est désormais le cas : tant mieux !
La France, vous l’avez souligné, le demandait depuis de nombreux mois. Il arrive enfin et il n’y a aucune raison de bouder notre plaisir, d’autant plus que ce plan d’investissement est tourné vers les secteurs d’avenir, les secteurs qui nous semblent décisifs : les infrastructures de transport, le numérique, mais aussi le financement de la transition énergétique, qui permettra notamment l’émergence d’énergies nouvelles et une isolation plus rapide de nos bâtiments. Et derrière tout cela, il y a aussi de l’activité et de l’emploi.
C’est donc une bonne base, mais qui doit être améliorée, et il nous faudra travailler, dans les semaines qui viennent, pour faire en sorte que les choses aillent vite, car nous ne voulons pas des investissements pour 2017, nous les voulons pour 2015 ! Et nous voulons des projets concrets ! Il faut que ce plan d’investissement européen puisse financer rapidement des projets qui sont déjà prêts en France. Ce plan marque le début d’une reprise de notre activité, indispensable pour recoudre notre tissu économique et social et retrouver confiance en l’avenir.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Plan de relance européen
La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l’économie, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, présente ce jour, devant le Parlement européen, un plan d’investissement de 315 milliards d’euros, destiné, vous l’avez dit, à relancer un certain nombre de projets jugés stratégiques.
Compte tenu des difficultés financières de nombreux États membres et de celles de la Commission, M. Juncker compte financer ce plan par une première mise de fonds de 20 milliards d’euros, alimentée par la Banque européenne d’investissement, et complétée par des financeurs publics et privés, l’effet de levier pouvant être d’un à quinze, compte tenu d’une forte épargne disponible.
Nous pouvons nous féliciter de la volonté de l’Union européenne de soutenir une croissance vacillante dans la zone euro. Néanmoins, plusieurs questions se posent. La France participera-t-elle à ce tour de table, alors même que Bruxelles émet des doutes sérieux sur la fiabilité de notre budget ? Comment, par ailleurs, la France compte-t-elle apporter son concours financier, alors que notre déficit est abyssal, que nos recettes fiscales sont en baisse constante, et que nous sommes toujours dans l’attente de véritables baisses de la dépense publique ?
Parmi les financeurs, la Caisse des Dépôts a été mentionnée. Il est regrettable que les parlementaires qui siègent à la Commission de surveillance n’en aient eu connaissance qu’à travers la presse. Si cette information est confirmée, quelle sera l’incidence des fonds prêtés sur les fonds propres de la Caisse, sur son modèle prudentiel et sur sa stratégie d’investissement ? Enfin, comment ce plan d’investissement s’articulera-t-il avec nos programmes d’investissement d’avenir ? Ces derniers seront-ils abondés ou, au contraire, les crédits PIA non consommés profiteront-ils à ce projet ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Arlette Grosskost, le constat que vous faites sur le plan d’investissement qui a été annoncé ce matin par le président Juncker devant le Parlement européen est factuellement juste et les chiffres que vous rapportez sont exacts.
Nous devons en effet nous féliciter de cette annonce. M. Juncker a eu le courage, alors même qu’il faisait campagne pour la présidence de la Commission, de faire des gestes clairs en faveur de la relance de l’investissement, alors même que cette volonté n’était pas portée par la Commission elle-même. Comme le disait à l’instant mon collègue Michel Sapin, c’est de 1 000 milliards d’euros d’investissement public et privé dont nous avons besoin au niveau européen.
Deuxièmement, et vous l’avez très bien dit, il s’agit à la fois d’argent public et d’argent privé, d’endettement et de fonds propres. C’est sans doute à ce sujet que, sur la base proposée par le président Juncker ce matin, nous pouvons travailler et faire mieux. Il est en effet à noter que beaucoup d’argent sera obtenu grâce au levier de l’emprunt ; que beaucoup d’argent sera pris sur des budgets existants ; et qu’il y a par ailleurs une très forte mobilisation d’argent privé autour de la table. Sans doute pouvons-nous faire un peu mieux et accroître la solidarité financière entre États membres, pour le compte de l’investissement.
Pour les projets relatifs au numérique, à la transition énergétique, à la recherche et au développement et à l’éducation, je crois que les États européens doivent faire mieux : cette question fera l’objet du Conseil européen de décembre. Il s’agit là d’une proposition de base, qu’il faut améliorer.
Enfin, j’ai découvert comme vous, ce matin, que la Caisse des Dépôts était citée. Nous allons examiner techniquement la proposition qui a été faite. D’évidence, la Commission de surveillance sera saisie, tout cela se fera dans les règles de l’art. Nous devons préparer ce plan pour le mois de décembre ; ce n’est là qu’un début de proposition.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le ministre des finances, Jean-Claude Juncker a annoncé aujourd’hui que d’ici l’été prochain, l’Europe réunira 21 milliards d’euros, dont 16 milliards issus du budget de l’Union européenne, avec pour objectif de mobiliser et garantir 315 milliards d’euros d’investissements sur trois ans.
Alors que nous croulons sous les dettes et que les déficits restent élevés, il est impératif de sélectionner les projets dans lesquels l’Europe investira avec beaucoup plus d’attention que cela n’a été le cas dans le passé.
On se souvient du plan d’investissement lancé en 2010 par le précédent Gouvernement qui n’a relancé l’activité que temporairement et a considérablement creusé les déficits. Trop de projets s’avèrent beaucoup plus coûteux que prévus et entraînent pour les décennies qui suivent des dépenses deux à cinq fois plus élevées que la dépense initiale. Le rapport récent de la Cour des comptes sur les lignes à grande vitesse est de ce point de vue édifiant. La LGV Rhin-Rhône connaît un trafic de voyageur et une rentabilité très inférieure aux prévisions.
Au contraire, la rentabilité des investissements en faveur de la transition énergétique est connue et assurée à court terme. Grâce aux économies d’énergie et au développement des énergies renouvelables, la facture énergétique diminue et ces projets s’autofinancent. Ils ont donc peu d’impact sur les déficits. En conséquence, la transition énergétique ne doit pas être considérée comme un projet parmi d’autres mais comme le coeur de la politique d’investissement.
Monsieur le ministre, à la veille de la conférence environnementale, au moment où le Président de la République réaffirme son intérêt pour la transition écologique, sommes-nous prêts à faire valoir, au niveau de l’Union européenne, la priorité d’investissement en faveur d’un grand chantier européen constitué de millions de petits projets de travaux dans les logements et les bâtiments ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur Alauzet, c’est la troisième question posée – par un groupe différent à chaque fois – sur ce sujet. Cela prouve l’importance de la proposition qui a été faite ce matin par M. Juncker. Son contenu est également décisif : il faut que le paquet soit agréable, mais aussi que le contenu soit pertinent, et c’est le sens de votre question.
Oui, il faut financer, avec un mécanisme que le ministre de l’économie a décrit, en mobilisant le plus possible d’argent nouveau et non pas en recyclant de l’argent qui était prévu sur d’autres lignes, ce qui ne permettrait pas d’apporter plus d’activité à l’ensemble des économies de la zone euro. Mais il faut bien choisir les bons projets. Qu’est-ce qu’un bon projet ? C’est un projet qui est lui-même porteur de cet avenir que nous voulons meilleur pour chacun d’entre nous, mais aussi pour l’ensemble de la planète. La question de la transition énergétique est évidemment au coeur des propositions que nous devons faire en France comme dans les autres pays pour bénéficier des financements annoncés par M. Juncker.
Nous serons attentifs. Premièrement, nous mettons en place les procédures propres à faire bénéficier de nombreuses PME-PMI du dispositif de financement, parce que c’est ce tissu, sur l’ensemble du territoire français et européen, qui peut permettre de redonner de la vie, de l’activité et de l’emploi dans toutes les zones, y compris dans les zones rurales ou urbaines éloignées de l’activité.
La seconde chose à laquelle il nous faut être attentifs est qu’il ne s’agit pas d’une histoire de grands projets. Il peut y avoir quelques grands projets, d’ailleurs porteurs du point de vue de la transition énergétique, par exemple la promotion de types de transports différents, plus économes du point de vue énergétique, mais je suis attentif à ce que le développement de la transition énergétique permette de mobiliser aussi beaucoup de petits projets. Voilà la direction dans laquelle nous nous lançons pour être immédiatement efficaces.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, hier, l’hémicycle a été le théâtre d’une nouvelle attaque contre les familles, et de quelle manière ! En effet, depuis deux ans, on assiste à un vrai matraquage en règle contre les familles.
Dois-je vous rafraîchir la mémoire : les baisses du plafond du quotient familial, la modulation de l’allocation de la prestation d’accueil du jeune enfant pour certaines familles, la baisse du complément de libre choix d’activité, le partage imposé du congé parental entre les deux parents, la fiscalisation des majorations de retraite versées aux parents ayant eu ou élevé trois enfants.
Et maintenant vous vous attaquez aux allocations familiales elles-mêmes, en les modulant. Vous mettez ainsi fin aux principes de l’universalité, de la solidarité et de l’égalité, principes de base de notre politique familiale mise en place en 1945. On considérera désormais que les enfants qui naissent ne sont pas égaux.
Cette mesure, très contestée et contestable, n’est passée qu’à l’arraché hier, à égalité des voix même, et encore, après une demande de suspension de séance pour mobiliser vos troupes. Où est la politique d’apaisement ? Vous ne faites que créer des fractures entre les Français !
Monsieur le Premier ministre, quand ferez-vous les réformes indispensables à notre pays, les réformes justes, au lieu de rendre la vie plus difficile aux familles, qui n’en ont guère besoin ? Au lieu de travailler à l’avenir de notre pays, vous frappez les enfants qui sont la garantie de cet avenir !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Chevrollier, le Gouvernement affirme avec cohérence, force et détermination ses choix en matière de politique familiale. Hier, grâce à la majorité, l’Assemblée a voté une réforme résolue de justice et de progrès malgré vos tentatives d’obstruction.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Où est l’esprit de responsabilité, monsieur le député, où est l’esprit d’apaisement que vous invoquez, où est l’esprit de rassemblement dont vous vous prévalez alors que l’on a vu certains des plus hauts responsables de votre groupe en embuscade près de l’hémicycle pour tenter de renverser la position gouvernementale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
Le Gouvernement avance avec force, et il réforme d’une manière juste dans une volonté de progrès.
Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.
Parce qu’il est juste que toutes les familles de notre pays soient soutenues et accompagnées, nous faisons le choix de l’universalité. Parce qu’il est juste que les familles des classes moyennes soient davantage aidées que les familles aisées, le choix de la modulation a été fait par le Gouvernement.
Tumulte sur les bancs du groupe UMP.
Et parce qu’il est juste que la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale soit renforcée, le Gouvernement fait le choix d’un plan d’ouverture de places en crèches résolu et ambitieux. Alors, monsieur le député, vous pouvez choisir le retour en arrière et renvoyer les familles à ce qu’elles ne veulent plus être, nous faisons le choix de la justice et du rassemblement, et c’est ce qu’attendent de nous les Français.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, et RRDP. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Christophe Castaner, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, pour le Général de Gaulle, l’épargne salariale était « la participation des salariés aux fruits de l’expansion ». Elle concerne aujourd’hui 11 millions de salariés et porte sur plus de 100 milliards d’euros d’encours financiers. Chaque année, ce sont environ 15 milliards d’euros qui sont distribués. Toutefois, elle reste complexe et peu diffusée dans les TPE, les très petites entreprises, et les PME. Elle peut être source d’inégalités entre les salariés : ainsi, 10 % des bénéficiaires captent 57 % des fonds.
Érigée en priorité par le Président de la République afin de « mieux associer les cadres et les travailleurs au résultat des entreprises », elle a fait l’objet d’un important travail au sein du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS, dont le Premier ministre m’a confié l’animation. Trois objectifs ont guidé nos travaux : réfléchir à la simplification de l’épargne salariale, favoriser son élargissement et garantir un meilleur financement de l’économie réelle, tournée vers les PME et socialement responsable. Ce matin, j’ai eu l’honneur de vous remettre, ainsi qu’à MM. les ministres des finances et de l’économie, les trente et une propositions élaborées par ce conseil composé d’experts et de représentants de l’ensemble des partenaires sociaux.
Les enjeux sont cruciaux. L’épargne salariale s’inscrit pleinement dans les engagements pris par le Gouvernement envers les entreprises, notamment dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Parce qu’elle invite à renforcer le lien qui unit le salarié à son entreprise, elle est une réaffirmation forte de l’importance du dialogue social.
La première richesse de l’entreprise, ce sont ses salariés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Une entreprise qui associe ses salariés à ses performances est plus compétitive. Non seulement l’épargne salariale est synonyme de compétitivité et d’efficacité, mais elle porte en elle la justice sociale.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, il ne s’agit pas de procéder à quelques ajustements mais d’engager une réelle réforme de l’épargne salariale. Aussi, ma question est la suivante : pouvez-vous préciser la volonté du Gouvernement concernant la mise en oeuvre de cette réforme structurelle, tout en garantissant le dialogue social, condition essentielle de sa réussite ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député et vice-président du COPIESAS, nous avons eu effectivement le plaisir de vous accueillir ce matin au ministère du travail,…
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
…avec mes collègues Michel Sapin et Emmanuel Macron, pour la remise du rapport du COPIESAS sur la réforme de l’épargne salariale. Vous l’avez indiqué, ce rapport très intéressant comporte trente et une propositions : je veux saluer leur qualité, mais aussi la rapidité avec laquelle vous avez réalisé ces travaux.
Conformément aux orientations fixées par le Gouvernement, ces recommandations visent à rendre l’épargne salariale plus simple et plus attractive, pour les entreprises, quelle que soit leur taille, et pour leurs salariés. Il convient de permettre une meilleure contribution de cette épargne au développement de l’économie.
Grâce à ces travaux, nous disposons désormais d’une base solide pour préciser le contenu de la réforme à venir. S’ouvre maintenant le temps du dialogue social, car l’épargne salariale est certes un enjeu de performance économique individuelle et collective, mais elle constitue surtout un enjeu majeur pour les relations au sein des entreprises et au-delà. À ce titre, le Gouvernement va consulter.
« Ah ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.
Il tiendra compte de la délibération ou de l’intention de délibérer exprimée par les partenaires sociaux à l’occasion de la grande conférence sociale de juillet.
C’est donc sur la base du rapport du COPIESAS et de la délibération des partenaires sociaux que le Gouvernement précisera les éléments de la réforme de l’épargne salariale, qui pourrait être intégrée, en début d’année, au projet de loi pour l’activité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, j’aurais pu m’adresser au ministre des affaires étrangères, parce que ma question touche aux relations internationales, mais elle comporte aussi un volet relatif à la sécurité intérieure : c’est pourquoi j’aimerais avoir votre réponse sur ces deux aspects.
Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale a choisi d’inscrire à l’ordre du jour un projet de résolution tendant à reconnaître l’État palestinien,…
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR
…au motif qu’il faudrait prendre une initiative pour relancer le processus de paix. Comme peut-on imaginer que le vote d’une résolution ici puisse relancer le processus de paix, alors que la confusion règne…
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP
…et que le mouvement terroriste Hamas continue de diriger la bande de Gaza ? Par ailleurs, l’Autorité palestinienne entretient des relations plus qu’ambiguës avec le Hamas, et vous le savez.
La création d’un État palestinien est souhaitable, mais à certaines conditions : la fin de la violence,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI
la reconnaissance de l’État d’Israël et le respect des conventions internationales.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je terminerai par deux remarques. Il y a quelques jours, la Suède a reconnu l’État palestinien pour favoriser la relance du processus de paix. Quelques jours plus tard seulement, dans un attentat palestinien salué par le Hamas et le Jihad islamique, de nombreux innocents étaient lâchement assassinés dans une synagogue de Jérusalem.
Enfin, la France est le pays qui compte les plus grandes communautés juive et musulmane en Europe.
Il n’y a pas de communauté juive ou de communauté musulmane, il n’y a qu’une communauté nationale !
Vous le savez, une telle décision risque de raviver les tensions communautaires…
« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC
…que nous avons pu constater ces derniers mois et fragiliser la paix sociale dans notre pays.
Mêmes mouvements.
Pour toutes ces raisons, alors que l’Autorité palestinienne a demandé le retrait de la reconnaissance auprès de l’ONU,…
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le député, sur cette question très difficile et très sérieuse qu’est la situation en Palestine et en Israël, il faut que les uns et les autres, quelles que soient nos convictions, fassions le maximum pour ne pas importer ici ce qui se passe là-bas – c’était le sens de votre question, et je reprends vos termes.
J’essaierai de vous répondre sur le fond, sachant qu’un débat aura lieu vendredi à l’initiative du groupe socialiste.
Sur le principe même des deux États, la position constante des gouvernements successifs de la République française…
…est la suivante : Israël et la Palestine ont droit chacun à un État. C’est clair !
Vifs applaudissements sur de nombreux bancs de tous les groupes.
Il est évident – et c’est un point sur lequel nous nous retrouvons – que ce n’est pas parce que nous reconnaîtrions l’État de Palestine que nous soutiendrions la position de ceux qui, en Palestine, luttent contre Israël et ne reconnaissent pas le droit d’Israël à disposer d’un État.
Nous sommes contre ceux qui appellent au terrorisme. Appelons un chat un chat : nous sommes contre le Hamas. C’est clair !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.
Le débat entre nous porte sur les modalités.
Nous constatons qu’il y a des tensions extrêmes…
…parce que le processus de paix est dans l’impasse. La France, qui est l’amie à la fois d’Israël et de la Palestine, veut sortir de cette impasse.
Vendredi, j’aurai l’occasion de vous présenter nos pistes pour trouver une solution. Mais je veux être clair : pour les Palestiniens, un État n’est pas un passe-droit, c’est un droit.
Vifs applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR. – Plusieurs députés des groupes SRC, écologiste et GDR se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, à chaque séance de questions au Gouvernement, vous nous dites que tout va très bien alors que la France souffre d’un endettement abyssal, que la Commission européenne nous adresse constamment des rappels à l’ordre et que les Français ne vous font plus confiance.
Ne nous parlez plus d’héritage, car les Français ne vous croient pas. Mesdames, messieurs les ministres, sortez de votre tour d’ivoire comme le font les députés-maires.
Vous rencontrerez des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes, l’espoir en berne, à la recherche d’un emploi, d’un logement, ou tout simplement d’une vie décente.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous rencontrerez également des chefs d’entreprise sans carnets de commandes, ne pouvant plus faire face à leurs fins de mois et dont le quotidien est devenu anxiogène.
Or un chef d’entreprise inquiet, ce sont aussi des salariés stressés, des embauches qui ne se font pas, des projets qui ne se réalisent pas.
Nos chefs d’entreprise ne demandent pas l’aumône, mais simplement de ne pas subir des charges supérieures à celles qui s’appliquent dans d’autres pays européens, en particulier en Allemagne.
Ils souhaitent pouvoir travailler sans subir les lourdeurs administratives, les réglementations et les contraintes qui les pénalisent au quotidien.
Le dispositif du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, s’est révélé une véritable usine à gaz et n’a pas profité aux PME, qui constituent pourtant le véritable tissu économique de notre pays. Vous avez promis un choc de simplification administrative ; dans ce domaine également, rien ne s’est concrétisé.
Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.
Notre pays est un grand pays qui, en dépit des difficultés, a la capacité de rebondir. C’est l’entreprise qui permettra ce rebond car elle est la source de création de richesse, d’emplois, d’intégration et d’épanouissement.
Alors, monsieur le Premier ministre, allez au-delà des affirmations purement incantatoires, libérez l’entreprise !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, redonner de la confiance, permettre aux entreprises d’embaucher et d’investir, c’est depuis mai 2012 le souhait constant de ce Gouvernement – comme de ceux qui l’ont précédé sous l’autorité de François Mitterrand.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mais si à chaque instant, on répète que cela ne marche pas, …
…que tout va mal, que rien n’a été fait, il est à peu près évident que les entreprises n’investiront pas, n’embaucheront pas et n’iront pas mieux.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La première règle pour réussir est d’avoir confiance en nous-mêmes. La première règle pour réussir est de donner de la visibilité, un cap. Il nous faut à chaque instant rappeler, collectivement, au-delà des divisions politiques, ce qui a été fait et ce que nous voulons faire.
Le CICE a été institué à l’automne 2012.
Un rapport parlementaire ainsi qu’un rapport d’experts, remis il y a quelques semaines, montrent que le dispositif est utilisé par les entreprises : il marche.
« Non ! » sur quelques bancs du groupe UMP.
Ce n’est plus de l’ordre du débat politique, c’est une réalité. Plus de 75 % des entreprises le savent. La preuve en est dans les chiffres macroéconomiques, monsieur le député : pour la première fois depuis dix ans, le coût horaire du travail a retrouvé une dynamique favorable par rapport à l’Allemagne.
Il faut s’en féliciter. On ne change pas l’économie française en un soir, mais on peut progressivement l’améliorer.
En termes de visibilité, il y a le pacte de responsabilité et de solidarité avec 40 milliards d’euros d’allégement de charges et d’impôt sur trois ans. Alors cessons de dire que cela ne va pas.
Il faut construire cette visibilité. Elle a été dessinée, il faut maintenant l’exécuter, la faire vivre. Branche par branche, le dialogue social doit se construire.
Car la condition de la compétitivité, ce sont les allégements qui ont été décidés, votés et qui seront exécutés, ainsi que le dialogue social dans chaque entreprise et chaque branche.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, Sivens, ce n’est pas le seul lieu d’inadmissibles affrontements contre les forces de l’ordre qui ont dramatiquement coûté la vie à un manifestant.
Sivens, ce n’est pas un méga-barrage, mais une très modeste retenue d’eau, de 1,5 million de mètres cubes à peine, …
…si utile et attendue tant pour le soutien à l’étiage que pour les petites exploitations, souvent bio, de la vallée.
Sivens, ce n’est pas qu’une zone de non-droit où les lois de la République sont bafouées avec des constructions illégales, des contrôles d’identité et des barrages filtrants tenus par de pseudo-milices dites « zadistes ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Sivens, ce n’est pas qu’une insupportable attente pour les riverains qui n’en peuvent plus de subir une telle situation.
Sivens, ce n’est pas qu’une opération marquée par les relations incestueuses du conseil général du Tarn et de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne – pour un dossier pas si bien bouclé que cela, comme en attestent aujourd’hui même les menaces de l’Union européenne sur son financement.
Sivens, c’est aussi et surtout un symbole. À l’heure où le congrès des maires se réunit, chacun doit comprendre qu’il y aura, pour tous les projets d’intérêt public et collectif du pays, un avant et un après Sivens.
Tous les décideurs savent dorénavant qu’un projet administrativement, financièrement et juridiquement bordé peut être arrêté par la volonté d’une minorité agissante appuyée par des casseurs, et ce, malgré le rejet des procédures intentées contre lui.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La volonté du Gouvernement de laisser pourrir la situation en nommant un expert après l’autre, produisant rapport sur rapport, est, comme l’a justement souligné notre collègue Jacques Valax, la pire des solutions. Les opposants l’ont parfaitement compris. Chaque jour qui passe, c’est la perspective d’une reprise rapide des travaux qui s’éloigne, condamnant ainsi un projet utile.
Monsieur le Premier ministre, au-delà de Sivens, ma question est simple. Comme l’ont dit 5 000 manifestants pacifiques dans les rues d’Albi, la liberté des élus et les décisions prises démocratiquement sont-elles toujours sanctuarisées ? La démocratie locale peut-elle être ainsi bafouée sans entraîner de réaction ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur certains bancs du groupe RRDP.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, Sivens est un dossier difficile, …
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
…un dossier qui exige du sang-froid et demande que chacun fasse preuve du sens des responsabilités.
À ce jour, les différents partenaires du projet, quelles que soient leurs opinions face à cet ouvrage, ont repris les discussions. Les experts sont venus sur le terrain. Venez assister aux réunions, monsieur le député. Vous êtes le bienvenu, tout comme le député Valax qui est ici présent.
Lors des deux dernières réunions, un certain nombre de propositions ont été avancées. Une troisième aura lieu prochainement. Il n’est pas question, comme vous le dites, d’enterrer un projet qui doit, d’une façon ou d’une autre, apporter aux agriculteurs l’eau dont ils ont besoin tout en laissant au Tescou le débit d’étiage nécessaire à l’environnement. Nous prendrons nos responsabilités en nous appuyant sur le conseil général, maître d’ouvrage de l’opération.
J’espère avoir des propositions à vous faire, en accord avec les autorités locales, avant la fin de l’année. Vos propositions, monsieur le député, seront bienvenues.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Fernand Siré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, ma question concerne le projet de loi pour la croissance et l’activité et ses conséquences sur les professions réglementées, telles que celles d’huissier de justice, de notaire et, plus particulièrement, d’avocat.
Ces dernières semaines, de nombreux représentants de ces professions ont manifesté leur inquiétude sans être entendus. Leurs préoccupations quant à l’avenir même de leur profession sont pourtant plus que légitimes. Les dispositions relatives aux avocats prévues dans ce texte, par exemple, mettent à mal notre système juridique et judiciaire et les fondements même de cette profession.
En effet, la création des avocats d’entreprise mettra en péril l’indépendance et le secret professionnel, car elle impliquera un lien de subordination. La suppression de la postulation territoriale permettra aux gros cabinets de s’implanter sur des territoires fragilisés et entraînera in fine la mort des cabinets de province et une désertification juridique. Enfin, le traitement humain et adapté des dossiers des justiciables sera mis à mal par l’obligation de rentabilité induite par la financiarisation des professions juridiques, avec l’intégration des capitaux extérieurs.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi, sur des décisions aussi importantes pour ces professions, aucun débat démocratique n’est-il prévu au sein du Parlement, puisque vous envisagez de faire passer ces dispositions par voie d’ordonnance ?
Comment avez-vous pu prévoir ces orientations sans même avoir reçu tous les professionnels, notamment ceux de l’ordre des avocats, et sans même avoir pris en considération leurs revendications ?
Pourquoi envisagez-vous un tel texte, inadapté notamment aux exigences d’un système juridique indépendant et proche des justiciables ?
Les mesures économiques que vous tentez de prendre pour amoindrir les coûts de fonctionnement de l’État …
Merci !
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le député, j’ai évoqué à plusieurs reprises le fond du sujet dont vous parlez et reviendrai donc plutôt ici, puisque vous m’y invitez, sur la méthode.
D’abord, nous avons longuement consulté et reçu les différentes professions du droit concernées par cette réforme.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
J’ai reçu ces différents professionnels, avec Mme Christiane Taubira et chez la garde des sceaux, et j’en ai revu certains. Contrairement à beaucoup d’entre vous, j’ai participé à ces réunions, qui figurent à mon agenda. Mon cabinet a lui aussi reçu ces professionnels. Il y a donc eu un processus de consultation véritable.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mesdames et messieurs les députés, la concertation n’est pas l’immobilisme. Je vous confirme donc qu’ils n’étaient pas tous d’accord et qu’ils ne sont pas tous heureux. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne faille rien faire – sans quoi peu de lois seraient votées. La consultation a donc été faite et elle continue.
Deuxième point de méthode : ce dont vous parlez et contre quoi beaucoup manifestent aujourd’hui n’est pas un texte ayant quelque valeur que ce soit, mais des fuites publiées dans la presse ou sur internet.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Dans quelle démocratie vivons-nous s’il faut maintenant réagir devant la représentation nationale sur des textes qui n’ont pas de statut ? Nous serions toujours en train de courir après les fuites des uns ou des autres !
Troisième point : un dialogue et un vrai travail parlementaire sont en cours sur ce sujet, conduits par le député Richard Ferrand pour le compte du Premier ministre. Les conclusions rendues par M. Ferrand sont très constructives et alimenteront le travail du Gouvernement. Par ailleurs, la mission présidée par Mme Cécile Untermaier et vice-présidée par M. Philippe Houillon mène elle aussi un important travail de concertation.
Enfin, faut-il rappeler que c’est lorsqu’un texte aura été déposé en Conseil des ministres qu’il viendra au Parlement. Il y aura en effet un temps pour le débat parlementaire, qui viendra au bon moment – mais ce n’est pas maintenant.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’intérieur, je voudrais tout d’abord, au nom de la représentation nationale, féliciter nos forces de l’ordre qui, hier encore, à Paris, ont su montrer par leur courage les risques pris pour protéger les sauver les vies de nos concitoyens.
Nombreux applaudissements sur tous les bancs.
Les chiffres de la délinquance pour 2014 méritent d’être cités, tant ils sont éloquents.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les vols à main armée ont régressé de 14,8 %, avec une baisse record de 34,4 % à Marseille. Baisse également pour les cambriolages, les violences crapuleuses et les homicides. Volonté politique forte du ministère de l’intérieur,
« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
l’inflexion de la délinquance lourde est aussi le fruit du travail en partenariat mené par nos forces de police et de gendarmerie, spécialement dans les zones sensibles et de sécurité prioritaire.
Les violences sexuelles, malheureusement, ne suivent pas le cours de cette inflexion. Leur augmentation est à mettre en perspective avec les politiques publiques volontaristes portées et votées par notre majorité. La mise en oeuvre de moyens conséquents en faveur de la prévention pour les victimes facilite pour elles la dénonciation de faits graves.
Monsieur le ministre, la délinquance, quelle qu’elle soit, a une incidence sur le moral de nos concitoyens. C’est pourquoi nous leur devons d’être honnêtes et précis sur les chiffres avancés autant que sur les politiques publiques menées.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Depuis 2012, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales émettait des réserves sur ses propres chiffres. Pour remédier à ce problème, vous avez souhaité mettre en place le service statistique ministériel de sécurité intérieure, qui se trouve aujourd’hui très paradoxalement critiqué. Cette initiative est frappée de suspicion par les détracteurs de votre action, alors même que, si rien n’avait été fait, cela vous aurait été reproché.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Afin de lever les doutes qui pèsent injustement sur la probité de votre action en matière de sécurité intérieure,
« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
pourriez-vous redire à la représentation nationale en quoi ce nouveau service garantit la meilleure transparence en matière de critères, de comptage et de chiffres de la délinquance ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Merci, madame la députée. Je voudrais d’abord m’associer aux propos que vous venez de tenir sur les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre, avec beaucoup de courage et de maîtrise, ont réussi hier à éviter un drame au terme d’un vol à main armée qui s’est produit place Vendôme.
Nombreux applaudissements sur tous les bancs.
Je voudrais aussi, comme vous, insister sur les progrès accomplis au cours des derniers mois dans la lutte contre la délinquance. D’abord, il est incontestable que le service statistique ministériel mis en place sous l’égide de l’INSEE offre désormais au ministère de l’intérieur un dispositif très stable et totalement transparent de statistiques de la délinquance, qui permettra d’ailleurs au Parlement de disposer d’un véritable outil d’évaluation des politiques publiques.
Ensuite, nous avons fait de la lutte contre la délinquance une priorité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons d’abord décidé de mettre fin à la diminution des effectifs et de donner aux forces de sécurité les budgets dont elles ont besoin pour accomplir leurs missions. Alors qu’au cours des six dernières années, le budget d’investissement des forces de police et de gendarmerie, qui permet d’investir dans les véhicules, les commissariats et les casernes, avait diminué de 17 %, nous avons acté une augmentation de 9 % dans le budget pour 2015.
Cela donne des résultats : diminution de 4 % des cambriolages, très bons résultats en matière de vols liés à l’automobile – qui passent pour la première fois sous la barre des 9 000 actes par semaine, contre plus de 12 000 voilà quelques mois – et diminution de 15 % des vols à main armée et de 10 % des violences crapuleuses. Restent deux domaines sur lesquels nous devons mettre l’accent : la grande délinquance économique et financière, et nous allons donc mettre le paquet sur la lutte contre la cybercriminalité, et les violences intrafamiliales, qui ont justifié hier une réunion avec Mme Marisol Touraine et la garde des sceaux, afin de faire en sorte que les violences faites aux femmes soient désormais maîtrisées.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sophie Rohfritsch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, l’enseignement supérieur français est un des ultimes facteurs de rayonnement de notre pays. Nous avons, depuis 2005, collectivement accepté de faire de l’enseignement supérieur et de la recherche une priorité nationale : plusieurs milliards d’euros sont venus traduire concrètement ce choix fort, au travers des pôles de compétitivité, du plan Campus, du programme d’investissements d’avenir, des contrats de projets successifs dans lesquels le volet enseignement supérieur a toujours constitué une priorité.
Dans le programme du candidat Hollande, les universités étaient prioritaires et devaient voir leurs moyens renforcés, grâce à de nouveaux contrats d’objectifs et de financement.
Or, abandonnant sa promesse et cette priorité nationale stratégique pour l’avenir du pays, le Gouvernement a déclassé l’université, l’a assimilée à un acteur public classique soumis à une disette généralisée, rendue évidemment nécessaire par les impérities d’un État trop dépensier.
Dans le coup de rabot imposé à l’ensemble des acteurs publics, l’université n’est pas un acteur comme les autres : elle ne peut subir à la fois le gel de ses dotations et un abaissement de la ligne budgétaire qui lui est consacrée.
Dans le projet de loi de finances pour 2015, les universités perdront au bas mot 160 millions d’euros ! L’émotion est très grande parmi les acteurs concernés. Des bruits de couloir font même craindre une ponction du fonds de roulement des universités vertueuses, ce qui serait évidemment dramatique et stopperait net les investissements en cours.
Monsieur le Premier ministre, pensez à la France ! Un État stratège doit savoir faire des choix et ne doit pas oublier que son avenir dépend exclusivement de la qualité de la formation de sa jeunesse !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la députée Sophie Rohfritsch, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est une priorité depuis le début de ce quinquennat, avec une augmentation nette de 600 millions d’euros, y compris après la légère diminution dont il a fait l’objet à la suite de la décision prise par la majorité de cet hémicycle d’engager des dépenses nouvelles en première lecture budgétaire. Cette diminution de crédits s’élève à 70 millions d’euros pour l’enseignement supérieur et à 35 millions d’euros pour la recherche. Ce budget de 23,3 milliards d’euros enregistre donc une baisse de 0,2 %.
Toutefois, le plan Campus a été rendu opérationnel alors qu’il était bloqué par vos procédures absurdes et dogmatiques ; le programme d’investissements d’avenir dit PIA 2 a permis de développer et d’accélérer les projets qui, là encore, étaient bloqués par trop de technocratie et trop de rigidités ; enfin, nous avons maintenu l’effort pour la vie étudiante, parce que l’avenir, c’est la jeunesse, et que nous avons voulu afficher notre priorité pour les étudiants.
Les efforts en direction des universités, que je remercie d’avoir amélioré leur gestion et mutualisé leurs services au cours de ces deux dernières années, vont être poursuivis, avec 36 millions d’euros supplémentaires pour les aider à redresser leur budget, lequel avait été aggravé au moment de l’application de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, qui n’avait pas pris en compte le glissement vieillesse technicité, le GVT. Nous allons de plus continuer à embaucher dans la recherche, alors même qu’il y a moins de départs à la retraite.
Oui, la priorité est maintenue ; mais oui, nous sommes solidaires des efforts collectifs. Je me demande comment vous allez réaliser vos 150 milliards d’économies si vous ne faites pas d’économies générales ! Nous ne faisons pas d’économies sur le dos de la jeunesse et de l’avenir : nous maintenons la priorité pour l’enseignement supérieur et la recherche et nous devons collectivement soutenir cet effort et nous en réjouir.
La parole est à Mme Luce Pane, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, en décembre 2013, l’épidémie Ebola débute en Guinée ; dès 2014, elle s’étend rapidement en Afrique de l’Ouest ; le 8 août, l’Organisation mondiale de la santé décrète un état d’urgence international. On estime aujourd’hui que plus de 15 000 personnes ont été infectées et que près de 5 500 en sont décédées.
Ce virus se propage rapidement dans un monde où les déplacements sont intenses. La France a réagi immédiatement : vous avez mis en place un dispositif de communication transparent autour des données dont nous disposons. Le Gouvernement a installé une cellule dédiée à la lutte contre Ebola et vous avez pris des mesures importantes, comme les contrôles dans les aéroports.
À la demande du Président de la République et du Premier ministre, la France s’est dotée d’un grand plan de lutte contre Ebola pour se préparer à tous les scenarii éventuels. Avec le ministre de l’intérieur, vous avez réuni les préfets et tous les directeurs des agences régionales de santé afin que les territoires aient les moyens de réagir. Je sais que vous mobilisez et soutenez les personnels concernés afin que nous soyons prêts en cas de besoin. Je tiens d’ailleurs ici à les saluer particulièrement pour leur engagement.
Madame la ministre, vous avez mis en place un plan à destination des décideurs, des personnels de santé et des Français, qu’ils soient à l’étranger ou en France. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste ce plan ?
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée Luce Pane, l’épidémie d’Ebola continue en effet de progresser et les pays d’Afrique de l’Ouest qui sont touchés enregistrent jour après jour de nouveaux décès. Vous avez parlé de 5 500 personnes déjà décédées ; nous savons malheureusement que ce nombre est largement sous-estimé.
Face à cette situation qui nous préoccupe, puisque de nouveaux foyers continuent d’apparaître – je pense par exemple au Mali –, la France s’est mobilisée d’emblée. Vendredi, j’accompagnerai le Président de la République qui se rendra en Guinée pour marquer le soutien et l’engagement de la France.
En Guinée, des forces de sécurité civile et des réservistes sanitaires sont en place. Un centre de traitement a ouvert au milieu de la forêt le 15 novembre dernier, sous la responsabilité de la Croix-Rouge. Deux nouveaux centres de traitement vont ouvrir, dont l’un spécifiquement dédié aux personnels de santé.
Mais en France aussi, nous agissons. Je me réjouis qu’un membre du personnel de l’UNICEF, qui a été soigné en France, ait pu repartir guéri, et je veux encore une fois saluer le professionnalisme des équipes de l’hôpital Bégin.
En France, des exercices sanitaires ont eu lieu dans tous les services d’urgence et dans les SAMU. Les préfets et les agences régionales de santé sont coordonnés ; le coordonnateur national, le professeur Delfraissy, fait en sorte que la mobilisation de tous les services soit au rendez-vous. Vous le voyez, madame la députée, la France répond « présent » à l’étranger ; la France a mis en place un plan pour faire face à d’éventuels cas d’Ebola, qui actuellement n’existent pas sur le territoire national. Face à cette épidémie majeure, nous sommes préparés.
Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.
L’ordre du jour appelle la discussion, en application de l’article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution de Mme Catherine Coutelle, M. Bruno Le Roux, M. Christian Jacob, M. Philippe Vigier, Mme Barbara Pompili, M. François de Rugy, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. André Chassaigne et plusieurs de leurs collègues, visant à réaffirmer le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France et en Europe (no 2360).
En votre nom à tous, je saisis cette occasion pour rendre hommage à Mme Simone Veil, qui a mené il y a quarante ans dans cet hémicycle avec un courage et une détermination exceptionnels un combat fondamental pour les droits des femmes en faisant adopter la loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, chers collègues, une femme, une ministre, une grande dame, Simone Veil, montait à cette tribune il y a quarante ans jour pour jour pour défendre un texte qui a été une étape marquante de la marche des femmes vers l’émancipation : la loi dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse.
Elle ne supportait pas les conditions imposées aux femmes qui voulaient avorter et qui n’avaient le choix qu’entre la clandestinité, ses dangers et ses souffrances, avec le risque d’une issue fatale, et le départ à l’étranger, toujours dans l’illégalité.
Dans les années soixante-dix, des militants et des militantes, femmes, médecins, avocats, politiques – je salue celles d’entre elles qui sont aujourd’hui dans les tribunes –, se battaient pour l’abrogation de l’article du code Napoléon et de la loi de 1920 qui pénalisaient l’avortement.
Les initiatives furent nombreuses. Je ne citerai que trois dates décisives.
En 1971, 343 femmes, célèbres ou anonymes, déclarent, dans un manifeste rédigé par Simone de Beauvoir et publié dans le Nouvel Observateur : « Les femmes se font avorter en France dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées (alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples). On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. Nous réclamons l’avortement libre. » Ce manifeste, on l’oublie parfois, fut appuyé deux ans plus tard par 331 médecins, qui déclarèrent avoir pratiqué l’avortement.
En 1972, l’avocate engagée Gisèle Halimi obtient, lors du célèbre procès de Bobigny, l’acquittement d’une jeune fille poursuivie pour s’être fait avorter à la suite d’un viol.
En 1973, c’est la constitution, avec le planning familial, du mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, le MLAC, qui coordonnera désormais les luttes.
C’est dans ce contexte que le Président Valéry Giscard d’Estaing demande à sa ministre de la santé de présenter un texte à l’Assemblée nationale en faveur de la dépénalisation. Son examen commence le 26 novembre 1974. Jacques Chirac, Premier ministre, assiste à ces débats très houleux.
Quarante ans plus tard, c’est avec une certaine émotion que je présente devant vous cette résolution réaffirmant le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France et en Europe.
En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, je remercie Claude Bartolone pour son impulsion et son soutien dans le combat pour la liberté des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes. Je remercie les présidents de groupe, qui ont tous accepté de signer cette résolution. C’est un moment rare dans notre assemblée, il doit être signalé. Il nous permet de rendre un hommage mérité à cette femme digne et courageuse qu’est Simone Veil, d’apprécier le chemin parcouru depuis novembre 1974 et de souligner les combats qu’il nous reste à mener.
Les quarante ans qui nous séparent de la loi Veil ont été jalonnés de plusieurs textes, fruits eux aussi de combats militants. Rien n’est jamais donné aux femmes.
Notre résolution les rappelle. En 1979, la loi Pelletier reconduit définitivement la loi Veil, qui n’avait été votée que pour cinq ans. En 1982, la loi Roudy – je salue la présence de Mme Roudy – permet le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale. En 1993, la loi Neiertz crée le délit d’entrave à l’IVG, qui sanctionne d’une amende et d’une peine d’emprisonnement les actions commandos contre les centres de planification. La loi de 2001 affirme clairement le droit à la contraception et à l’avortement, et porte le délai légal de dix à douze semaines. En 2012, madame la ministre, vous avez accordé la gratuité de la contraception pour les jeunes filles de quinze à dix-huit ans et le remboursement intégral de l’IVG pour toutes les femmes. Enfin, loi du 4 août 2014 sur l’égalité entre les femmes et les hommes de Najat Vallaud-Belkacem, a, grâce à un amendement du groupe SRC, supprimé la notion de détresse comme condition d’accès à l’IVG. L’IVG n’est plus un droit concédé, c’est désormais un droit à part entière. Il constitue, avec la contraception, l’habeas corpus moderne des femmes, selon la belle formule de Geneviève Fraisse.
Ces avancées sont majeures. Cependant – et cette mise en garde s’adresse surtout aux jeunes femmes et aux jeunes filles –, il ne faut jamais nous endormir sur nos lauriers car les acquis ne sont jamais définitifs. Il nous faut rester des militantes de la cause des femmes car du chemin reste à parcourir.
Madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, je sais l’engagement des unes et des autres pour poursuivre ces avancées. La France doit, comme l’énonce notre résolution, réaffirmer le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse pour toutes les femmes, le droit universel des femmes à disposer de leur corps, le rôle majeur de l’éducation à la sexualité et de la prévention en direction des jeunes, la nécessité de garantir l’accès des femmes à une information de qualité, à une contraception adaptée, et à un avortement sûr.
En Europe aussi, il nous reste de nombreux combats à mener. Récemment, les femmes espagnoles ont réussi à faire reculer le gouvernement conservateur, qui souhaitait remettre en cause le droit à l’IVG. Grâce à leur mobilisation et aux soutiens qu’elles ont reçus du reste de l’Europe, le texte n’a pas été présenté au Parlement. D’autres pays européens n’ont pas encore de législation favorable dans ce domaine – je pense à la Pologne, à l’Irlande, au Luxembourg, à Chypre ou à Malte. De ce fait, l’Union européenne ne peut parler d’une seule voix dans les instances internationales, en particulier à l’ONU.
Alors que nous célébrons les vingt ans des grandes conférences internationales en faveur des droits des femmes, comme la Conférence de Pékin ou celle du Caire, ne pas parler d’une seule voix est une grande faiblesse face aux forces conservatrices, qui, elles, sont très organisées. C’est pourquoi notre résolution rappelle que la France doit poursuivre son engagement, tant au niveau européen qu’au niveau international, en faveur d’un accès universel à la planification familiale.
Ces dernières années, particulièrement depuis 2012, La France fait entendre sa voix. Elle est écoutée, elle est attendue. Une loi sur l’égalité votée en France a un écho dans le monde entier. La promotion des « droits sexuels et reproductifs », pour reprendre les termes de l’ONU, est un impératif pour la liberté des femmes. La maîtrise par les femmes de leur fécondité est la condition de leur émancipation et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Je voudrais terminer en évoquant Antoinette Fouque, grande militante qui nous a quittés cette année. Elle appelait les femmes à « faire l’histoire au lieu d’en être les victimes », à « devenir des femmes émergentes, puissantes, debout, ne cédant pas sur leur désir ». Elle ajoutait : « Tant qu’une femme est esclave, je suis esclave ; ma liberté commence là où commence celle de l’autre ».
Merci à tous ceux et à toutes celles qui font l’histoire de l’émancipation des femmes. Merci Simone Veil.
Applaudissements sur de très nombreux bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi Veil a été un moment historique. C’est évidemment dans un climat légèrement plus tendu qu’aujourd’hui qu’il y a quarante ans, Simone Veil, jeune ministre de la santé, est choisie par Jacques Chirac, Premier ministre, et Valéry Giscard d’Estaing, Président de la République, pour défendre ce projet.
Elle le fera avec la force et la conviction dont elle a toujours fait preuve. C’est cette femme que la vie à blessée qui va défendre avec courage la cause de femmes qui sont aussi blessées par la vie, et ce en dépit d’attaques personnelles incessantes.
La loi Veil, adoptée par l’Assemblée nationale le 20 décembre 1974 et par le Sénat peu de temps après, autorise l’IVG au cours des dix premières semaines de grossesse.
Depuis longtemps déjà, la société débattait avec passion de ce sujet, comme Mme Coutelle l’a rappelé. Elle a également évoqué le procès de Bobigny en 1972, qui est devenu, du fait des nombreuses personnalités, de droite et de gauche, des scientifiques ou des personnalités universellement reconnues qui y ont témoigné, celui de l’avortement en France, contribuant de toute évidence à faire progresser la législation sur ce sujet douloureux.
Ma génération de médecins a vu mourir des jeunes femmes, mutilées, blessées dans leur chair, d’infections majeures, de septicémies, d’insuffisances rénales causées par des avortements clandestins. La loi Veil, loi d’équilibre et de volonté, a mis fin à de tels drames.
Simone Veil utilisait des termes modérés, comme elle l’a toujours fait dans sa vie. Elle rappelait un fait qui reste vrai aujourd’hui : aucune femme ne recourt de gaîté de coeur à l’avortement. Elle disait aussi : « je le dis avec ma conviction, l’avortement doit rester l’exception ».
La loi Veil est une dérogation, on le sait, au principe du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie, principe figurant dans la convention internationale d’Oviedo que la France a signée.
Les nombreux débats sur le statut de l’embryon et du foetus n’ont jamais abouti. Ce que nous savons, c’est qu’il s’agit d’un être humain destiné à naître qui, sans avoir le statut de personne humaine, ne peut être considéré pour autant comme une chose ou comme un objet. Dès lors, c’est le choix de la femme enceinte, en situation de détresse aux termes de la loi Veil, qui prévaut.
Les modifications de la loi ont été nombreuses depuis, comme on vient de le rappeler. Depuis 1982, l’IVG est remboursée. En 1993, un délit d’entrave à l’IVG est créé. Depuis 2001, la pilule du lendemain est délivrée dans les collèges et les lycées et le délai légal de l’IVG est porté à la douzième semaine de grossesse. En 2004, l’IVG médicamenteuse est autorisée.
Parallèlement à ces modifications législatives, notre société a évolué. Aujourd’hui, les femmes ont, la plupart du temps, recours à l’IVG pour des grossesses non prévues. On constate que le nombre d’avortements restent stable, alors que le recours aux moyens contraceptifs est en hausse et qu’aucune baisse des naissances n’a été enregistrée en France, contrairement à ce que certains avaient annoncé.
Notre société est entrée dans l’ère de l’enfant choisi, et cela fait bien longtemps que la situation de détresse n’est plus un préalable au recours à l’IVG.
Qu’on l’approuve ou qu’on le regrette, on constate qu à l’exception de la situation de détresse s’est substitué le droit de choisir le moment où on souhaite devenir mère. Dans ce contexte, il apparaît que le recours à l’IVG concerne très souvent des femmes qui se croyaient protégées par une contraception.
Deux problèmes majeurs persistent. Premièrement, le recours à l’IVG rencontre encore de nombreux obstacles pratiques car il reste un acte médical peu valorisé. Vous avez d’ailleurs envisagé, madame la ministre, de le revaloriser.
Ces dernières années, le secteur privé a diminué son offre dans ce domaine. Par ailleurs, la répartition des gynécologues sur l’ensemble du territoire est très inégale et leur nombre diminue, tendance qui ne semble pas devoir s’inverser. Les délais d’attente sont quelquefois importants : un quart des IVG ont eu lieu dans les six jours suivant la première demande, la moitié dans les huit jours et les trois-quarts dans les dix jours. Ce problème n’est pas spécifique à l’IVG mais concerne beaucoup d’actes médicaux et est dû en grande partie à la désertification médicale de certains territoires.
Deuxièmement, le nombre d’IVG reste encore trop élevé, même s’il s’agit d’un acte légal et sûr, avec seulement 0,3 décès pour 100 000 interruptions.
Nous approuvons globalement les recommandations du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes : une meilleure information, claire, équilibrée, afin de faciliter l’entrée dans le parcours de soins de l’IVG et l’orientation des femmes, ainsi que des mesures de prévention fortes ; une meilleure offre de soins donnant aux femmes un accès rapide et de proximité à l’IVG et leur garantissant le choix de la méthode et la gratuité ; une meilleure gouvernance, en organisant un meilleur suivi de l’activité et une meilleure coordination de l’ensemble des professionnels.
Nous voudrions insister particulièrement sur la nécessité de mettre en place une démarche de prévention pour diminuer le nombre des IVG.
L’IVG est un droit. Est-ce un droit fondamental ?
Simone Veil déclarait en 1995 : « l’avortement ne représente plus, en France, un enjeu politique ». Elle avait raison. L’opposition aujourd’hui n’a aucune intention de revenir sur ce droit une fois au pouvoir. D’ailleurs, aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis quarante ans ne l’a remis en cause.
Mais le droit l’IVG est-elle à proprement parler un droit fondamental alors qu’il est une dérogation au principe du respect de l’être humain dès la conception, rappelé par l’article 16 du Code civil ?
Or un droit fondamental est un droit reconnu comme une norme conventionnelle ou constitutionnelle, ce qui n’est pas le cas, en France, du droit à l’IVG.
La doctrine juridique propose plusieurs définitions de ce qu’est un droit fondamental. Une première définition pose qu’un droit fondamental est un droit inscrit dans la Constitution, ce qui n’est pas le cas du droit à l’IVG.
Selon une deuxième définition, un droit fondamental est un droit qui, situé au sommet d’une hiérarchie juridique, chapeaute d’autres droits. Si le droit à la vie ou le droit d’être soigné satisfont à ce critère, ce n’est pas le cas du droit à l’IVG.
Le droit à l’IVG pourrait être reconnu comme fondamental du point de vue d’une philosophie de l’être, de la dignité de la personne humaine et du respect de sa liberté à disposer de son corps. Vous le voyez, si le droit à l’IVG est un droit fondamental sur le plan universel, mais il ne l’est pas sur le plan juridique.
Quel est donc le sens de cette résolution ? Soyons clairs : si son but est de constater qu’il existe aujourd’hui un consensus pour permettre à toutes les femmes, partout sur notre territoire, d’accéder à l’IVG, dans des conditions sûres, nous adhérons à cet objectif. Mais vous savez, madame la ministre, qu’il s’agit là d’un problème de moyens plutôt que de droit.
Si son but est de contribuer à faire de ce droit un droit universel, de l’étendre à toutes celles qui en sont privées dans le monde et de faire de la France le messager de l’égalité, nous adhérons à cet objectif.
Si son but est d’envoyer aux pays européens dans lesquels ce droit est contesté le message que la législation française ne variera pas sur ce point, nous adhérons à cet objectif.
Si son but est de rendre hommage à la grande figure politique qu’était Simone Veil, alors vous comprendrez que l’ensemble de l’opposition, et moi-même plus que d’autres, adhérent à cet objectif.
Mais si son but est, au travers d’une résolution sans valeur normative, de reconnaître le caractère constitutionnel de l’IVG ou de franchir une première étape sur la voie de cette reconnaissance, vous voyez qu’il y a erreur, tant dans la forme que sur le fond. Le droit à l’IVG n’a pas besoin d’être renforcé dans notre pays : c’est l’accès à ce droit qui mérite d’être amélioré.
Le groupe UMP souhaite donc affirmer la stabilité du droit à l’IVG. Il affirme vouloir concourir à toutes les solutions visant à faciliter l’accès à l’information, à l’éducation et à la prévention.
Nous exprimons avec force le souhait que le nombre d’IVG diminue en France, non pas parce qu’on aura créé des obstacles à son accès, mais parce qu’on aura su, par des mesures efficaces, prévenir le recours à ce qui reste pour les femmes, malgré le temps et les progrès médicaux, une épreuve humaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, il y a maintenant quarante ans, jour pour jour, Simone Veil prenait la parole à cette même tribune pour défendre le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse. Ce 26 novembre 1974, elle allait marquer le septennat de Valéry Giscard d’Estaing par son courage, par la noblesse de son combat, comme elle allait marquer le siècle dernier du sceau du progrès.
Je veux tout d’abord vous dire mon émotion et ma fierté, en tant que députée de la Nation mais aussi en tant que femme, de me tenir aujourd’hui à sa place. En effet, nous lui devons le droit pour toute femme, majeure ou mineure, qui ne veut pas poursuivre une grossesse, de demander à un médecin son interruption. Ce droit constitue un acquis majeur et marque une étape essentielle dans la conquête de la liberté la plus fondamentale pour les femmes, celle de disposer librement de leur corps.
La conquête de ce droit appartient également à la grande histoire de la lutte en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes, lutte qui, vous l’avez rappelé, est loin d’être achevée, mais qui a depuis longtemps dépassé cette seule dimension. Ce droit est en effet devenu une partie de notre héritage commun, désormais inscrit au panthéon des valeurs qui font la République. Avec cette loi, la société française est parvenue à un consensus précieux, au prix d’un bouleversement profond des mentalités, un bouleversement qui avait et continue d’avoir une résonance intime et charnelle pour chaque Française, pour chaque Français, un bouleversement qui a violemment divisé ou légitimement inquiété.
La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui démontre que le droit à l’avortement n’est plus le combat d’une partie de cet hémicycle contre une autre, ni même le combat d’une partie de la société contre une autre.
Cependant, nous devons avoir conscience que ces avancées, qu’il nous semble aujourd’hui indispensable de réaffirmer, sont fragiles et qu’elles peuvent à tout moment être remises en cause. C’est tout le sens de cette résolution.
Déjà Simone de Beauvoir, avec beaucoup de lucidité, nous alertait de ce risque, quand elle disait : « n’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question ».
Il suffit de se tourner vers l’Espagne pour en être malheureusement convaincus. Mariano Rajoy, le Premier ministre, souhaitait faire adopter un projet de loi qui n’autorisait l’interruption volontaire de grossesse qu’en cas de grave danger pour la vie, la santé physique ou psychologique de la femme, ou en cas de viol. L’adoption d’un tel projet, finalement retiré sous la pression des femmes, aurait entériné un recul grave et brutal des droits des femmes, non seulement pour les Espagnoles mais aussi pour toutes les Européennes. Cela doit nous interpeller : nous ne devons jamais oublier pourquoi ce combat a été mené.
La loi reconnaissant le droit à l’interruption volontaire de grossesse a mis fin à l’hypocrisie avec laquelle la France fermait les yeux depuis trop longtemps sur une situation qu’il faut rappeler : 300 000 femmes dans la détresse se faisaient avorter chaque année, au mépris de la législation alors en vigueur. Trois cent mille femmes condamnées à la clandestinité, dont la souffrance ne trouvait pour seul écho que le silence de l’État, les regards qui se détournent et les jugements accusateurs.
N’oublions jamais que des femmes partaient à l’étranger en charter pour accéder à cette interruption de grossesse que la France leur interdisait. N’oublions pas non plus le cauchemar des faiseuses d’anges, qui pratiquaient des avortements sur la table d’une arrière-cuisine, laissant des femmes mutilées, humiliées, et seules face à une épreuve si douloureuse, quand elles n’y laissaient pas la vie.
Simone Veil a écouté ces femmes ; mieux, elle les a entendues. Elle leur a permis de ne plus être rejetées dans la honte et l’illégalité. Elle leur a donné quelque chose d’essentiel : la liberté de choisir.
En reconnaissant ce droit, la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse n’avait pas pour autant vocation à encourager l’avortement. Car, s’il était impossible de continuer à ignorer l’existence de ces avortements clandestins, il était tout aussi impensable d’encourager la pratique de l’avortement. Aussi, dès son article 1er, la loi affirme le respect dû à tout être humain dès le commencement de la vie. Elle ne fait qu’admettre la possibilité d’un avortement, pour mieux contrôler cette pratique et mieux protéger les femmes.
En reconnaissant que la décision finale devait revenir aux femmes, la loi a fait le choix de leur responsabilisation face à la prise de décision. D’autre part, l’exercice de ce droit est encadré par le délai légal d’avortement, de façon que l’acte soit pratiqué sans risques physiques ou psychiques.
Enfin, la loi prévoit que l’exercice de ce droit est soumis à deux consultations préalables, qui permettent de s’assurer que la décision a été prise en toute connaissance de cause, d’apporter aux femmes une écoute, des conseils, un soutien susceptibles de faire évoluer leur choix, et de les sensibiliser à la nécessité d’utiliser à l’avenir des moyens contraceptifs.
Sa philosophie est donc claire : l’interruption volontaire de grossesse, auquel les femmes peuvent être contraintes de recourir, ne peut pas et ne doit en aucun cas être considérée comme un moyen de contraception, ni comme un acte banal.
L’avortement est toujours un drame ; jamais il ne pourra en être autrement. Ce n’est qu’au prix d’un questionnement intime, bouleversant, déchirant, qu’une femme fait ce choix. Ce choix n’est pas celui de femmes inconscientes ou inconséquentes. Il est celui de 222 500 femmes chaque année. Ces femmes, ce sont nos mères, nos soeurs, nos filles, nos amies, et ce peut être nous-mêmes. Souvent elles taisent leur détresse et la culpabilité qu’elles ressentent. Car ce choix, si difficile, marque toujours la vie d’une femme d’une blessure intime, d’une souffrance indicible, qui jamais ne disparaît.
« Aucune femme ne recourt de gaieté de coeur à l’avortement » affirmait Simone Veil, le 26 novembre 1974. Quarante ans plus tard, nous sommes les héritiers et les héritières de son combat humain et républicain. Pourtant, je veux le dire de la manière la plus claire qui soit, jamais nous ne pourrons nous satisfaire d’un nombre d’avortements encore si élevé.
C’est pourquoi il convient de tout mettre en oeuvre, absolument tout, pour permettre une meilleure prévention et une meilleure éducation à la contraception, en particulier des plus jeunes femmes.
Initialement prévue pour cinq ans, cette loi fait aujourd’hui l’objet d’un large consensus social et constitue une des grandes avancées sociétales qui font l’honneur de la République. Quarante après le début des débats parlementaires dont elle fit l’objet, la France s’honore encore de ce précieux héritage. Aussi, la majorité des députés du groupe UDI soutiendra cette résolution, qui affirme la force de ce consensus et sa vocation universelle.
Enfin, à titre personnel et en tant que femme, au-delà de mon soutien plein et entier à cette résolution, je veux dire toute mon indignation d’entendre certains remettre en cause ce droit précieux, cette liberté de décider donnée aux femmes, fruit d’un si long combat mené avec tant de courage et tant de détermination par une femme d’exception : Simone Veil.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, notre histoire politique est faite de moments rares, dont chacun conserve au fond de lui-même les images, d’autant que celles-ci sont désormais télévisées. Ces références communes forment la mémoire collective.
Quelle femme députée, en montant à cette tribune, n’a pas une seule fois pensé à Simone Veil avec reconnaissance et avec respect ? Souvenons-nous qu’au début de son intervention, elle remarquait que l’assemblée qui allait se prononcer sur un droit majeur pour les femmes était quasi exclusivement composée d’hommes. Convenons que quarante ans plus tard, il nous reste encore d’immenses progrès à accomplir sur ce point.
Oui, en débutant cette intervention, c’est à Mme Veil que je veux rendre un hommage reconnaissant, mais aussi au Président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, eux qui surent reconnaître, parfois à rebours de leur famille de pensée, que la société est souvent en avance sur la classe politique. C’est à cela qu’on reconnaît les hommes et les femmes d’État : leurs convictions ne sont pas à la merci de mouvements de foule.
Je veux aussi rendre hommage à ces députés de gauche qui surent dépasser les clivages partisans et les postures politiciennes pour apporter leurs voix au texte de Madame Veil, même si par certains points, comme l’absence de remboursement de l’acte ou la clause de conscience, il ne correspondait pas à ce qu’ils souhaitaient. C’est une leçon que nous devrions toutes et tous méditer. Ils surent faire prévaloir l’esprit de compromis et refuser l’esprit de chapelle. N’oublions jamais que c’est leur concours et leurs votes qui ont permis à cette liberté défendue par Simone Veil de devenir loi de la République.
Ce texte de 1974 a permis d’arracher les femmes à la condition de détresse juridique et aux risques sanitaires auxquels jusqu’alors l’avortement les vouaient. Cette loi n’a pas rendu l’avortement banal comme on l’entend dire parfois, propos absurde et insultant pour les femmes qui recourent à l’IVG. Elle a simplement – et c’est beaucoup, et c’est tant ! – permis qu’aux difficultés psychologiques d’un avortement ne s’ajoutent plus des risques juridiques et sanitaires. Et c’est pourquoi nous devons rappeler que l’accès à l’avortement est un droit fondamental pour les femmes, un droit qui ne peut être soumis à des préalables.
Il était inacceptable qu’on exige des femmes qu’elles justifient d’une situation de détresse et nous pouvons être fiers d’avoir, au cours de cette législature, supprimé cette notion de détresse dans la loi.
Nul autre que celle qui prend la décision de ne pas mener à terme sa grossesse ne peut être juge de la pertinence ou de la légitimité de son choix. Je me réjouis à cet égard que le Conseil constitutionnel, sur saisine d’une partie de mes collègues, ait confirmé cette liberté fondamentale des femmes.
Nous sommes donc aujourd’hui réunis pour voter une résolution qui sonne tout à la fois comme une célébration et comme une exigence.
C’est la célébration d’une avancée majeure, qui mit fin, pour des milliers de femmes, aux voyages clandestins à l’étranger, aux pratiques médicales sordides, mais aussi à l’insécurité juridique des médecins qui bravaient la loi pour pratiquer des interruptions volontaires de grossesse.
Que cette séance, cette pause dans nos travaux, soit également l’occasion de rappeler qu’il ne suffit pas de proclamer un droit pour qu’il s’applique : il faut également lui donner les moyens de son plein exercice. À cet égard, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes nous alerte : « 5 % des établissements publics et 48 % des établissements privés pratiquant l’IVG ont fermé ces dix dernières années, soit plus de 130 au total ». Ce phénomène, qui va de pair avec l’évolution démographique de la profession de gynécologue, un tiers des praticiens devant partir en retraite au cours des cinq prochaines années, doit nous alerter.
Comme doivent nous alerter les manoeuvres, de plus en plus décomplexées, de groupuscules qui, sous couvert d’information, tentent d’exercer sur les femmes des pressions psychologiques inacceptables, quand ils ne profèrent pas des menaces à l’encontre des personnels médicaux ou ne font pas physiquement obstacle au bon déroulement des actes médicaux.
Tout cela contribue à aggraver les difficultés d’accès à l’IVG rencontrés dans certains territoires, mettant les femmes dans l’impossibilité de respecter le délai légal de douze semaines.
Aujourd’hui comme hier, nos voisins, notamment les Pays-Bas, l’Espagne et la Grande-Bretagne, constituent le dernier recours pour que soit respectée la volonté des femmes. Ne fermons pas les yeux sur cette réalité : chaque année, entre 3 500 et 5 000 femmes sont contraintes de se rendre à l’étranger pour accéder à un droit que la loi de la République leur reconnaît mais que nous ne sommes pas capables de leur garantir dans les faits.
Le temps n’est plus à argumenter sur le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Disant cela, je ne prétends pas, bien entendu, qu’il n’y aurait plus de débats au sein de la société sur l’avortement, sur sa signification et sur ses conséquences. Les questionnements sur la vie, qu’il s’agisse de sa concrétisation ou de sa fin, sont indissociables de la condition humaine, et il n’y a rien de plus naturel que des penseurs, des philosophes, des autorités morales ou spirituelles s’expriment sur ces sujets. Mais ils doivent le faire pour aider chacun à construire son propre corpus éthique, et non plus pour imposer à la société tout entière des principes de vie ou des interdits qui ne seraient pas guidés par l’intérêt général et le respect scrupuleux, permanent, de la liberté de chacune et de chacun. Le libre arbitre, mes chers collègues, c’est de cela aussi, et peut-être avant tout, qu’il s’agit aujourd’hui.
Partout où des législations comparables à la législation française ont été adoptées, l’histoire a tranché : l’accès à l’IVG est bien un droit pour toutes les femmes, et les tentatives de retour en arrière, comme celle à laquelle on a assisté ici, dans cet hémicycle, il y a quelques mois encore, ou ailleurs, en Espagne par exemple, sont vouées à l’échec.
Laissez-moi vous dire ma conviction : qu’il s’agisse du droit à l’interruption volontaire de grossesse ou des autre libertés individuelles conquises depuis, les postures politiciennes et les petits calculs ne serviront de rien. S’il nous faut redoubler de vigilance face à la résurgence des conservatismes et parfois manifester pour rappeler notre attachement aux droits conquis, notre responsabilité première est de continuer à regarder devant nous.
Regarder devant nous, c’est agir pour soutenir celles et ceux qui, dans d’autres pays, se battent pour que le droit d’avorter dans la sécurité juridique et sanitaire soit reconnu et garanti. C’est nous interroger sur d’autres droits à conquérir, à inscrire dans la loi et à faire respecter ; des droits qui, comme hier le droit à l’avortement, sont bien souvent garantis chez nos voisins mais auxquels nos compatriotes, eux, accèdent dans l’insécurité juridique. Quel sens cela aurait-il de réaffirmer le droit à l’IVG si nous devions continuer de refuser d’avancer sur le droit des femmes à porter et à donner la vie dès lors que les conditions sociales et scientifiques le permettent ? Quel sens cela aurait-il de considérer que donner la vie est un choix si nous devions continuer de considérer qu’un individu n’est pas libre de déterminer ce qu’est pour lui une fin de vie digne et de refuser à celles et à ceux qui attendent une aide et un accompagnement le cadre juridique leur permettant d’exercer pleinement leur ultime liberté ?
C’est ce message que je voulais aujourd’hui porter devant vous, mes chers collègues. Un message et une conviction : la liberté est irrésistible et il n’est pas plus noble rôle pour le Parlement que de reconnaître et d’inscrire dans la loi, ainsi que de garantir l’égal accès des Françaises et des Français à leur exercice, des droits qui, demain, comme celui que nous réaffirmons solennellement aujourd’hui, sonneront comme des évidences.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP, GDR, UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chers collègues, il est fort heureusement lointain, le temps où Simone de Beauvoir écrivait : « Un million de femmes se font avorter chaque année en France. Elles le font dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées, alors que cette opération, pratiquée sous contrôle médical, est des plus simples. On fait le silence sur ces millions de femmes. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir avorté. De même que nous réclamons le libre accès aux moyens anticonceptionnels, nous réclamons l’avortement libre. » C’était en 1971 et c’était les premières lignes d’un manifeste qui allait bientôt être signé par 343 femmes, célèbres ou inconnues, déclarant publiquement avoir avorté. Le retentissement médiatique de ce « Manifeste des 343 » relancera le débat et permettra, quatre années plus tard, une avancée majeure pour le droit des femmes : la dépénalisation de l’avortement.
En effet, il y a quarante ans jour pour jour, à cette même tribune, Simone Veil, alors ministre de la santé, présentait le projet de loi relatif à l’interruption volontaire de grossesse. Malgré les insultes et les attaques violentes auxquelles elle dut faire face, la loi fut adoptée en janvier 1975, d’abord provisoirement pour une durée de cinq ans, avant de l’être définitivement en 1980.
Il faut rappeler les difficultés que les femmes rencontraient avant 1975 pour interrompre une grossesse non désirée : les médecins ne pouvant y procéder, sous peine d’être interdits d’exercice, elles devaient passer outre la loi et recourir à des méthodes inhumaines et très dangereuses, au prix de combien de séquelles physiques et morales, de combien de décès ?
Toutefois, même dépénalisée, l’IVG demeure alors soumis à de nombreuses restrictions : le médecin et le personnel soignant peuvent refuser de la pratiquer ; elle ne peut être réalisée qu’en établissement de santé ou chez un praticien ayant signé une convention avec un tel établissement ; l’état de grossesse doit placer la femme dans une situation de détresse ; l’autorisation parentale est obligatoire pour les mineures non émancipées ; un délai de réflexion de sept jours minimum doit être respecté ; l’IVG ne peut être pratiquée que dans les dix premières semaines de grossesse ; elle ne fait pas l’objet d’un remboursement par la Sécurité sociale. Cette loi de 1975 n’en demeure pas moins historique et pose des jalons fondamentaux. Elle signe le point de départ d’une législation en faveur de la liberté des femmes qui fera progressivement évoluer les pratiques et les mentalités, qu’il s’agisse de l’accès à la contraception ou du libre choix de grossesse.
Je tiens à rappeler les nombreuses étapes de ce progrès. En 1982, la loi Roudy autorise le remboursement de l’IVG par l’assurance maladie. En 1991, la publicité pour les préservatifs et la contraception est autorisée. En 1993, la loi Neiertz dépénalise le délit d’auto-avortement et crée le délit d’entrave à l’IVG, pour lutter contre les commandos anti-IVG qui se multiplient alors et qui, malheureusement, se manifestent toujours. En 1999, un contraceptif d’urgence, dit « pilule du lendemain », est mis en vente libre. En 2001, la loi Aubry porte de dix à douze semaines le délai légal de l’IVG et en assouplit les conditions d’accès, tout comme aux contraceptifs, pour les mineures. En 2004, l’IVG médicamenteuse est autorisée en médecine de ville et, trois ans plus tard, dans les centres de planification et d’éducation familiale.
Au cours de la présente législature, nous avons permis, dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 et conformément à un engagement du Président de la République, que l’IVG soit intégralement remboursé par la Sécurité sociale et que cet acte médical soit revalorisé pour augmenter le nombre de ceux qui le pratiquent. Enfin, la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, adoptée en août dernier, sanctionne toute entrave à l’information sur l’IVG, supprime la condition de détresse avérée et élargit le délit d’entrave.
Toutes ces avancées législatives ont fait de la faculté de recourir à l’IVG un droit fondamental de la femme : celui de disposer de son corps, celui de choisir ou non de devenir parent. Sans cette liberté, chaque année, 220 000 d’entre elles, de tous âges et de tous milieux sociaux, ne pourraient y recourir !
Qu’il soit bien entendu que le droit à l’avortement, ce n’est pas inciter les femmes à interrompre leur grossesse ; c’est consacrer l’épanouissement féminin à travers la possibilité pour une femme ou pour un couple de décider d’accepter la venue d’un enfant ; c’est reconnaître le caractère déstructurant des grossesses subies et non désirées.
Chèrement acquis, ce droit ne doit souffrir d’aucune régression. Il faut sans cesse veiller à sa pleine et entière application. Ainsi, il est inacceptable qu’aujourd’hui encore, des équipes médicales cherchent à convaincre leurs patientes de ne pas avorter au-delà de la dixième semaine ou tentent d’imposer une méthode, médicamenteuse ou chirurgicale, au mépris du droit au choix.
Dans ce contexte, le plan annoncé pour janvier prochain par la ministre de la santé, Mme Marisol Touraine, visant à améliorer l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire, trouve toute sa justification : permettre à toues les femmes d’être prises en charge partout, dans les mêmes conditions.
Comme l’ont rappelé les précédents orateurs, il est des pays où ce droit reste un combat. Un chiffre permet d’en prendre la mesure : 40 % des femmes vivent dans des pays où elles ne peuvent pas avorter librement. Oui, il existe encore des pays où l’avortement est absolument interdit, même en cas de viol, même s’il s’agit d’une mineure, même si le foetus n’est pas viable ou que la grossesse met la mère en danger.
En plus de porter atteinte au droit à la santé et à la vie des femmes, la plupart de ces pays ont fait le choix d’infliger des sanctions pénales aux femmes qui ont recours à ces interventions et aux personnels de santé qui les pratiquent. Sur tous les continents, des femmes et des médecins sont condamnés, parfois à des peines d’emprisonnement, pour avortement clandestin.
D’autres pays permettent d’y recourir, mais sous conditions ; c’est, hélas, le cas de plusieurs États membres de l’Union européenne.
À chaque fois, le constat est le même : l’interdiction n’entraîne pas une réduction du nombre d’avortements ; elle contraint simplement les femmes à risquer leur vie. N’oublions pas qu’une femme meurt toutes les huit minutes dans le monde des suites d’un avortement clandestin.
Dans ces conditions, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apporte son entier soutien à la présente proposition de résolution, parce qu’elle réaffirme l’importance du droit fondamental à l’IVG pour toutes les femmes, en France, en Europe et dans le monde, parce qu’elle rappelle que le droit universel des femmes à disposer librement de leur corps est une condition indispensable de la construction d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’une société de progrès, parce qu’elle affirme le rôle majeur de la prévention et de l’éducation à la sexualité des jeunes, enfin parce qu’elle affirme la nécessité de garantir l’accès des femmes à une information de qualité, à une contraception adaptée et à l’avortement sûr et légal.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation, chers collègues, il y a quarante ans, s’ouvrait l’examen d’un projet de loi qui deviendra, le 25 janvier 1975, et pour l’histoire, la « loi Veil ». Ministre de la santé, Mme Veil, à qui je veux ici rendre hommage, commençait son intervention en faisant part de son « profond sentiment d’humilité devant la difficulté du problème, comme devant l’ampleur des résonances qu’il suscite au plus intime de chacun des Français et des Françaises ».
C’est que cette loi mêle l’intime et le droit, ou plutôt, elle fait de ce qui était caché, subi, sanctionné un droit reconnu par la République : le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Aussi est-ce avec émotion et fierté que nous, députés du Front de gauche, présentons, avec des collègues d’autres groupes, le présent projet de résolution.
Nous le portons comme le fruit du combat des femmes, et comme un appel à une mobilisation pour que ce droit devienne effectif pour chaque femme, ici et de par le monde.
Il y a quarante ans, c’est tout simplement la liberté des femmes que l’Assemblée nationale inscrivait à son ordre du jour.
Il y a quarante ans, il fallait du courage pour s’attaquer à l’une des plus anciennes expressions de la domination patriarcale, celle qui imposait aux femmes un destin biologique, une fatalité de la maternité. Oui, il fallait du courage aux femmes en lutte, et à Mme Simone Veil, pour affirmer l’exigence du droit, pour elles, de choisir.
On se souvient que la loi de 1920 considérait l’avortement comme un crime, lourdement puni : le crime de choisir de ne pas enfanter. N’est-ce pas en vertu de cette conception, qui érigeait l’inégalité des sexes en morale sociale, que le violeur de Marie-Claire avait osé, en 1972, dénoncer cette jeune fille pour avortement, pensant qu’il serait ainsi quitte de ses actes au regard de la loi et de la société ?
Mais ce qui reste dans nos mémoires, c’est le combat des femmes, individuel ou collectif, clandestin ou médiatisé ; les souffrances de l’avortement clandestin, mais aussi la solidarité qui permettait le départ à l’étranger, les manifestations de 1968 et le procès de Bobigny. Ce procès, auquel le nom de Gisèle Halimi reste attaché, sera celui de la loi de 1920 et ouvrira avec fracas le débat en faveur d’une nouvelle législation.
Oui, nous devons nous rappeler cette période où, après l’adoption, en 1967, de la loi Neuwirth autorisant la contraception orale, le mouvement des femmes devint incontournable.
En France, le mouvement féministe s’attaque au poids ancestral des traditions rétrogrades. Le Mouvement de libération des femmes, le MLF, et le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, le MLAC, interpellent toute la société et bousculent les partis politiques, y compris le mien.
En 1974, ce n’est pas sans heurts que la loi fut votée. Le débat fut vif, mais elle a été votée, malgré la réticence de la majorité de l’époque à soutenir la ministre, et avec l’appui de ceux qui étaient alors l’opposition : les députés de gauche, notamment les députés communistes. Ces derniers avaient, quelques mois plus tôt, déposé une proposition de loi-cadre pour la promotion de la femme et de la famille dans laquelle cette exigence figurait.
Un chemin s’ouvrait, et de nouvelles exigences apparurent, comme celle du remboursement de cet acte par la sécurité sociale.
Dès le débat de 1974, les députés communistes, dont Gisèle Moreau – je veux saluer sa présence dans les tribunes, ainsi que celle d’autres anciennes députées, Muguette, Jackie –, demandaient ce remboursement et posaient la question des moyens mis à la disposition des hôpitaux pour rendre ce droit effectif.
Le remboursement s’est fait attendre et les moyens hospitaliers ont, eux aussi, tardé à se déployer. L’accès au droit, après la loi, n’a pas été simple pour les femmes. Des barrières demeuraient : l’application de la clause de conscience ; des mentalités moralisatrices et réactionnaires et les commandos anti-IVG qui en étaient l’expression. Mesurons le traumatisme pour les femmes et pour les médecins de voir leur choix et leur pratique traînés dans la boue alors qu’elles étaient conformes à la loi de la République, !
Mais les femmes n’ont pas baissé les bras, et depuis le vote de cette loi, elles agissent, à travers leurs associations, pour défendre sa mise en oeuvre. Elles étaient – nous étions – de nouveau dans la rue samedi dernier, pour défendre ce droit.
La vigilance et la mobilisation sont en effet nécessaires. N’a-t-on pas entendu certains, lors de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, évoquer, comme en 1974, le risque d’un IVG de « convenance personnelle » pour contester la proposition de supprimer la condition d’une situation de détresse ?
En fait, ce droit de choisir leur maternité nous permet de mesurer la longue route parcouru par les femmes pour mettre fin à la domination patriarcale. « Un enfant si je veux quand je veux » : tel était le mot d’ordre des féministes dans les années soixante-dix. Il était subversif à l’époque. Mais ne le reste-t-il pas aujourd’hui aux yeux de ceux qui ne voient la place de la femme que dans la famille et dans la filiation par la procréation ? L’anthropologue Françoise Héritier ne me contredirait pas, elle qui fait de la maternité, « cette capacité de produire du différent », une des origines de la hiérarchie des sexes.
Depuis quarante ans, chers collègues, les conquêtes des femmes ont été nombreuses. Aux tristes heures du régime de Vichy, qui avait autorisé les abattements sur les salaires féminins, ont répondu les revendications du droit au travail et à l’égalité professionnelle. Le combat pour dire que la violence faite aux femmes ne relève pas de la sphère privée a débouché sur une loi-cadre contre toutes les violences faites aux femmes. L’exigence démocratique d’être reconnues comme citoyennes et de participer à tous les lieux de décisions a progressé, du droit de vote à la parité. L’école est mixte, et les filles sont aujourd’hui majoritaires parmi les diplômés, même si elles restent encore confinées dans certaines filières.
Les femmes se battent et avancent. Mais les écarts de salaires persistent. Trop de femmes meurent encore sous les coups de leur conjoint. La proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel n’a toujours pas été définitivement adoptée.Notre assemblée n’est toujours pas à l’image de l’humanité, même si la République a désormais un visage où le féminin n’est plus absent.
Nous devons rester mobilisés. Les violentes oppositions qui se manifestent contre l’éducation à l’égalité au sein de l’Éducation nationale ou contre l’accès de toutes les femmes à la maternité en témoignent.
S’agissant de l’IVG, sujet qui nous rassemble ce soir, la situation se dégrade. Dans un rapport d’octobre 2009, l’inspection générale des affaires sociales notait que les conditions n’étaient pas réunies pour garantir aux femmes un accès effectif au droit d’avorter. L’enquête réalisée cette année en Seine-Saint-Denis par le planning familial le confirme : elle dénonce les difficultés d’accès aux services d’IVG, la longueur excessive des délais, le défaut d’information des femmes concernées et le défaut d’application de la loi concernant les mineures.
Que ces défaillances soient la conséquence de la politique d’austérité dans le domaine sanitaire n’est plus à démontrer. Ainsi la maternité des Lilas, avec ses 150 salariés, ses cinquante années d’existence, ses 1 700 naissances et ses 1 000 IVG par an, a failli disparaître en raison de la politique de réduction des dépenses de santé ; seule la lutte des personnels, des femmes et des élus a permis de la sauver.
Oui, nous devons rester mobilisés, tant le droit des femmes à maîtriser leur fécondité est loin d’être universel. Le Mouvement pour le planning familial a sonné l’alerte : 222 millions de femmes n’ont aucun accès à la planification familiale. En Europe, la Pologne, l’Irlande et Malte interdisent l’avortement ; d’autres États tentent d’en restreindre l’accès, et seules les luttes ont fait reculer le gouvernement espagnol sur cette voie. Tandis que les « anti-choix » donnent de la voix un peu partout dans le monde, le viol est utilisé comme une arme de guerre, des collégiennes sont enlevées, des femmes lapidées, d’autres n’ont pas le droit d’être vues.
Dans un tel contexte, cette proposition de résolution est aussi un message de résistance à toutes les formes de domination ; elle est un message d’espoir pour celles qui se lèvent pour revendiquer leurs droits.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, la proposition de résolution que nous allons adopter énonce des principes et formule des exigences pour l’accès des femmes au droit à l’interruption volontaire de grossesse, en France et en Europe. Mon souhait, à ce moment du débat, est que ces affirmations aient valeur d’engagement,…
…l’engagement de la représentation nationale de donner les moyens à notre système de santé publique de répondre aux besoins des femmes et de leur assurer un droit effectif à l’IVG ; l’engagement du gouvernement français d’agir à l’échelon européen et international pour faire progresser ce droit partout et en toutes circonstances.
En votant ce soir en faveur de cette proposition de résolution, nous donnerons, chers collègues, de la force à ces engagements, et c’est pourquoi je vous appelle à la soutenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, RRDP et UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de rendre à mon tour hommage à Mme Simone Veil qui, il y a quarante ans, jour pour jour, affrontait – le mot n’est pas trop fort – cet hémicycle pour défendre son projet de loi.
Il faut se souvenir du contexte : jusque-là corsetée, fortement hiérarchisée, la société française avait été touchée dans les années soixante-dix par un formidable besoin de respirer, de dialoguer, d’expérimenter et, au final, de se moderniser.
Le Président Giscard d’Estaing avait capté l’esprit de ces mouvements sociaux – nous parlerions aujourd’hui d’ aspirations sociétales. Il voulait à la fois décrisper la France et la moderniser. Peut-être avait-il entendu Gisèle Halimi ; peut-être avait-il lu le Manifeste des 343 ; peut-être était-il sensible à l’action déjà ancienne du mouvement féministe, auquel je veux ici rendre hommage, car sans lui, rien n’aurait été possible.
La représentation nationale, en revanche, ne reflétait pas ce qui se passait alors dans la société. Au contraire, elle s’arc-boutait contre cette aspiration à plus de liberté, qu’elle s’évertuait à endiguer.
Les images d’archives, qui sont souvent diffusées, et en ce moment tout particulièrement, rendent compte de la violence dont nos collègues de l’époque ont fait preuve à l’encontre de la ministre de la santé. La haine, la vulgarité, la médiocrité, les insultes et les menaces : rien n’aura été épargné à celle qui, depuis cette tribune, demandait à l’Assemblée nationale de légaliser, au nom de la santé publique et pour la vie des femmes, le recours à l’interruption volontaire de grossesse dans notre pays.
Le soutien de la gauche a été décisif pour l’adoption de cette loi, la majorité de l’époque étant réticente à voter son propre texte.
C’est pourquoi vous me permettrez de saluer le Président de la République et le Premier ministre de l’époque, M. Giscard d’Estaing et M. Chirac, qui ont eu le courage politique d’inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée, en dépit de l’opposition d’une grande partie de leur majorité.
Je me réjouis, mes chers collèges qu’aujourd’hui, vous, les héritiers politiques de l’UDR, des républicains indépendants, des centristes et des autres groupes de droite de l’époque, vous vous soyez associés à ce projet de résolution visant à réaffirmer le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse en France, en Europe et dans le monde.
Je me réjouis du consensus politique autour de cet acquis que constitue le droit des femmes à disposer librement de leur corps et à enfanter lorsqu’elles le désirent, et uniquement lorsqu’elles le désirent.
Je me réjouis de ce consensus, mais je reste vigilant. Nous restons vigilants.
À la suite de la loi Veil, la loi Pelletier, cinq ans plus tard, a inscrit le droit à l’IVG dans la loi française. Des lois, votées là encore par des majorités de gauche, mais cette fois sous des gouvernements de gauche, ont conforté ce droit. Je pense à la loi Roudy, qui en a organisé le remboursement et la prise en charge par l’État – je salue d’ailleurs Yvette Roudy, qui reste pour nous celle qui a permis ces grandes avancées
Les députés des groupes SRC et plusieurs députés des groupes écologiste et RRDP applaudissent en direction des tribunes
Je pense à la loi Neiertz du 27 janvier 1993, qui crée le délit d’entrave à l’IVG ; et je pense à la loi votée l’été dernier, qui élargit ce délit d’entrave et supprime la notion de détresse, telle qu’elle était inscrite dans la loi initiale.
Nous restons vigilants parce que nous savons d’expérience qu’en ces domaines, les forces réactionnaires et conservatrices ne sont jamais loin. Voyez : il a suffi que cette proposition de résolution soit annoncée pour que des voix s’élèvent pour mettre en cause « une banalisation sans précédent » de l’avortement. Qui peut, un seul instant, penser qu’il est une femme au monde pour juger un tel acte banal et anodin ? Qui, en conscience, peut prétendre une chose pareille ?
On le sait : aujourd’hui encore, des praticiens sont réticents, tentent de dissuader et de culpabiliser les femmes qui viennent les consulter, refusent d’intervenir au-delà du délai de dix semaines alors que la loi l’autorise.
Il y a toujours des comportements qui font fi de la loi et du droit des femmes. Toujours une parole se libère pour remettre en cause les droits fondamentaux. Près de nous, l’Espagne a failli céder à cette tentation !
Nous avons pu le constater jusque dans cet hémicycle.
Alors, oui, mes chers collègues, nous devons être plus que jamais vigilants. Nous réjouir du consensus que nous constatons aujourd’hui ne doit pas nous empêcher de rester pleinement vigilants, afin que nulle part ce droit fondamental ne soit bafoué. Nous devons nous rappeler aussi que ce combat est universel et que la France est regardée, écoutée, qu’elle suscite l’espoir chez beaucoup de femmes qui se battent aujourd’hui pour conquérir ces libertés et constitue pour elles une référence. Cette proposition de résolution ne vaut pas seulement pour la France ; c’est aussi un engagement pour les femmes, toutes les femmes, en Europe et dans le Monde.
Alors, mes chers collègues, restons sans désemparer des militants des droits des femmes. Restons plus encore les artisans d’une politique publique d’information, d’éducation et d’accès à la contraception et à l’IVG.
Restons toujours, mes chers collègues, vigilants, au service du droit des femmes à disposer de leur corps.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Mouvements divers sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je veux demander pardon. Je veux demander pardon puisqu’une lourde responsabilité incombe forcément aux défenseurs de la vie quand une telle négation du principe le plus fondamental de la loi naturelle est présentée à la représentation nationale.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
225 000 par an en France, qui disparaissent devant la grande coalition du prêt-à-penser et de la culture de mort.
Pardon pour toutes ces mères que nous n’aurons pas su protéger des élans morbides qui ont tenu lieu de féminisme depuis des décennies.
Claquement de pupitre sur les bancs du groupe SRC.
Pardon aussi à l’ensemble des pays européens, notamment à l’Espagne, à qui certains, ici, voudraient imposer la marchandisation des parcours de vie des femmes et la négation de l’animation du foetus comme seul horizon de la politique.
Mêmes mouvements.
Pardon pour tous ceux qui se réveillent blessés de ces nombreux attentats contre le bon sens et se souviennent qu’aucun totalitarisme n’a fait l’impasse de l’eugénisme. Pardon également pour toutes ces femmes à qui personne ne propose jamais de possibilités alternatives à l’avortement puisque l’État comme les médias ont fait le choix de l’incitation à la suppression de la vie à naître. Pardon à toutes ces associations qui oeuvrent aux côtés des handicapés et notamment aux enfants victimes de maladie héréditaires. En forçant ainsi le passage d’un avortement érigé en principe organisateur de notre pays, vous brisez leur oeuvre.
Je veux demander pardon, puisqu’un représentant de la nation ne peut que souffrir quand le CSA – oui, le CSA – refuse la diffusion de vidéos défendant les enfants trisomiques pour favoriser une culture de l’éradication de la différence et de la faiblesse.
Une société qui érige de tels principes ne peut pas se plaindre des divers maux qui la traversent : réification de l’homme, hédonisme autodestructeur, victoire des puissants sur les innocents.
« Honteux ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Je veux demander pardon à nos aïeux pour un pays qui laisse des délinquantes ukrainiennes, les Femen, mimer un avortement dans une Église sans qu’aucune sanction lourde soit prise. Je veux demander pardon pour Simone Vei,l qui imposa un cas d’extrême limite en dépénalisant l’avortement alors que vous enlevâtes la condition de détresse pour le recours à l’interruption volontaire de grossesse. Je veux demander pardon à toutes ces femmes à qui vous vendîtes le droit à disposer de leur corps pour aboutir à la généralisation programmée de la GPA, c’est-à-dire au retour à la plus pure barbarie du marchandage du corps de la femme.
Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.
Je veux demander pardon pour cette atteinte sans nom à la liberté qu’est devenu le délit d’entrave, qui empêche les praticiens d’affirmer en conscience ce qui les pousse à refuser de faire de l’avortement un moyen de contraception. Je veux demander pardon pour ces femmes traumatisées par des recours nombreux à l’avortement qu’on leur avait vendu comme anodin.
Je veux demander pardon pour toutes ces vocations perdues dans la médecine, abasourdies qu’elles furent de cette négation des éléments les plus fondamentaux du serment d’Hippocrate.
Pour tout cela, je demande pardon, et je demande pardon pour votre intolérance.
Vives protestations et claquement de pupitres sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne demanderai pas pardon pour M. Bompard, : il est le seul responsable de ses propos.
Il y a quarante ans, Simone Veil, à qui je veux rendre hommage à mon tour, présentait son projet de loi reconnaissant l’interruption volontaire de grossesse. Il y a quarante ans, cet hémicycle était le lieu d’un débat d’une rare violence, qui s’est achevé par l’adoption de cette grande loi, grâce au soutien des députés de gauche. Sans eux, cette loi ne serait jamais passée. Il y a quarante ans, notre pays entrait enfin dans une nouvelle ère.
Depuis quatre décennies, des générations de Françaises se sont approprié ce droit, car il s’agit bien d’un droit, et non d’une simple tolérance assortie de conditions fluctuant selon les époques. Il s’agit du droit fondamental de chaque femme à disposer librement de son corps et à accéder aux moyens de planifier le moment où elle désire être enceinte. C’est ce que réaffirme avec force cette proposition de résolution.
La simple lecture des considérants nous rappelle que chaque génération a dû batailler pour ajouter sa pierre à l’édifice. Les parlementaires socialistes n’ont cessé de conforter, de renforcer, d’étendre ce droit pour que les principes établis par la loi Veil prennent toute leur ampleur. Parallèlement, nous avons toujours veillé à défendre ces droits une fois qu’ils avaient été obtenus.
Souvenons-nous que cette loi n’était au départ que provisoire, pour une durée de cinq ans, comme si les femmes avaient besoin d’une période d’essai pour prouver qu’elles peuvent être responsables à part entière. La liberté des femmes n’est jamais acquise définitivement. Une parole obscurantiste se libère un peu plus chaque jour.
Ici même, dans cet hémicycle, les débats que nous avons eus en janvier dernier nous ont rappelé que les discours réactionnaires ont toujours cours dans notre pays et sur ces bancs. Ce qui les avait provoqués ce jour-là était la proposition de supprimer la notion de détresse comme justification de l’interruption de grossesse. Cette notion, issue du difficile compromis politique de 1974, n’avait plus selon nous de raison d’être en 2014.
C’était oublier un peu vite que les discours rétrogrades sur la condition des femmes restent d’actualité. Ce jour-là, des députés, dont certains appartiennent à l’UMP, sont même allés jusqu’à proposer le déremboursement de l’IVG ! Il est incroyable que quarante ans plus tard nous subissions les mêmes discours sur l’avortement de complaisance et le risque de la banalisation. Il n’est jamais banal de mettre fin à une grossesse.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Et le choix, ce choix si chèrement acquis, n’est jamais facile et souvent douloureux.
C’est pour cette raison que l’État doit offrir aux femmes le cadre légal et médical qui leur permettra de recourir à une IVG dans les meilleures conditions et en toute connaissance de cause.
Grâce au développement de la contraception et à la légalisation de l’IVG, la maternité peut désormais être choisie plutôt que subie. Cela a un impact considérable sur les modes de vie : les femmes font des études plus longues, elles travaillent, elles souhaitent progresser dans leurs carrières, exercer des responsabilités, qui auparavant n’étaient dévolues qu’aux hommes. Au fond, la persistance de ces discours anti-IVG ne révèle-t-elle pas que c’est l’émancipation des femmes elle-même qui n’est toujours pas acceptée ? Ceux qui les prononcent ne regretteraient-ils pas en réalité l’époque où la place de la femme n’était certainement pas ici ?
Cette tendance réactionnaire ne se retrouve d’ailleurs pas qu’au sein de la droite française. Cela a déjà été dit mais nous ne dénoncerons jamais assez les tentatives du gouvernement de droite actuellement au pouvoir en Espagne de renvoyer la femme au statut de mineure qui était autrefois le sien. Qu’à nos frontières, un pays développé, avec qui nous construisons chaque jour notre destin européen, soit capable d’envisager un tel retour en arrière nous rappelle que nous ne devons jamais baisser la garde pour protéger les droits que nous avons chèrement acquis.
Nous ne devons pas oublier non plus qu’au sein même de l’Union européenne, pourtant très en pointe sur la question des droits des femmes, en Pologne, en Irlande, à Malte, à Chypre, l’accès à l’IVG reste limité, voire interdit. Le poids de la religion n’y est sans doute pas étranger, chers collègues, dans ces pays, comme dans d’autres pays dans le monde où la place des femmes recule.
C’est pourquoi je veux dire en conclusion que la laïcité a toujours été le meilleur soutien des droits des femmes.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, mesdames et messieurs les députés, il y a quarante ans exactement, Simone Veil, à qui je veux à mon tour rendre hommage, montait à cette tribune pour présenter une loi, devenue historique, qui dépénalisait l’interruption volontaire de grossesse et donnait ainsi aux femmes la possibilité d’avorter dans des conditions sûres et légales. Après l’ordonnance qui a ouvert le droit de vote aux femmes, cette loi, qui n’aurait pas pu être votée sans le soutien de la gauche, reste aujourd’hui l’un des textes les plus emblématiques de l’histoire récente des droits des femmes.
Il y a quarante ans, pour reprendre les mots de Simone Veil elle-même, les femmes sont sorties de l’opprobre, de la honte, de la solitude, de l’anonymat et de l’angoisse des poursuites. Elles sont entrées dans un nouveau siècle, celui où leur droit à disposer de leur corps était enfin reconnu, celui dans lequel il était dit, haut et fort, qu’une femme n’a pas vocation à être mère, mais qu’elle choisit de l’être et qu’elle choisit le moment de le devenir. Ce fut aussi le choix des libertés, politiques, économiques, et sexuelles.
Au moment où, dans des pays de grande civilisation, les plus hauts responsables peuvent affirmer, sans sourciller, que le statut des femmes, c’est la maternité ; au moment où, aux portes de la France, des reculs menacent, au moment où, dans notre pays même, renaît de ses cendres un discours moralisateur, un discours de culpabilisation, qui évoque pêle-mêle le risque d’avortements de confort et le sens des responsabilités, nous devons avec force rappeler l’exigence de ce combat pour la libération et l’émancipation des femmes.
Car ce qui a été une loi pour la santé des femmes qui avortaient est devenu une loi de libération et de conquête des droits.
Je salue aujourd’hui les militantes inlassables de la liberté qui ont combattu pour donner aux femmes le choix de leur propre destin : les militantes du Mouvement de libération des femmes, du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception, du Planning familial, de Choisir, ces militantes qui ont permis aux femmes d’avorter alors que la loi en faisait des criminelles. Je salue celles et ceux qui ont dénoncé le danger de la clandestinité et le silence qui entourait alors les femmes ayant avorté : les 343 signataires du manifeste, et les 331 médecins. Je salue les ministres qui m’ont précédée et qui ont agi pour renforcer le droit à l’avortement : Yvette Roudy, qui a fait voter le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse, et Martine Aubry, qui a allongé les délais légaux pour le pratiquer.
Ce gouvernement s’inscrit dans cette longue tradition. Il porte l’héritage des luttes politiques en faveur du droit des femmes à disposer de leur corps, mais il le porte résolument comme un combat d’avenir. Face aux bruits pernicieux de la culpabilisation et du mensonge, chacune et chacun doit défendre ce qui permet aux femmes de vivres libres et émancipées, ici comme ailleurs. Chacune et chacun doit rappeler que le droit des femmes à disposer librement de leur corps est une condition indispensable pour la construction de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’une société de progrès.
C’est la fierté de ce gouvernement d’avoir décidé, sans hésiter, de renforcer le droit des femmes à disposer de leur propre corps. Ainsi, depuis deux ans et demi, nous avons permis, avec le soutien de la majorité, le remboursement à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse par la Sécurité sociale ; l’extension du délit d’entrave à l’IVG ; la suppression de la notion de détresse, qui n’avait plus aucun rapport avec les pratiques et les faits ; la diffusion d’une information objective sur internet, grâce à la mise en place du site « ivg.gouv.fr », dont la fréquentation est un succès, et qui permet d’éviter aux femmes qui sont à la recherche d’informations de se trouver confrontées à des sites prônant le non-avortement classés en tête des moteurs de recherche. Nous avons enfin permis la revalorisation financière de l’acte, pour que les établissements qui le pratiquent soient confortés et reconnus dans leur activité.
Le droit à disposer de son corps, ce n’est pas seulement l’avortement : c’est aussi l’accès à l’information, l’éducation à la sexualité, qui est absolument indispensable, et, bien sûr, l’accès à la contraception. C’est pourquoi ce gouvernement est fier d’avoir introduit la gratuité de la contraception pour les mineures et de se battre pour garantir l’information des jeunes filles, et la formation à l’égalité entre les femmes et les hommes des filles et des garçons dans les écoles.
De grands progrès ont été accomplis : il ne faut pas les oublier. On peut avorter, en France, aujourd’hui : 220 000 femmes le font chaque année. Mais face aux obstacles du quotidien, aux inégalités entre les territoires, aux attentes des femmes elles-mêmes, ce droit, et l’accès à ce droit, doivent être confortés et garantis. Je présenterai en janvier prochain un programme d’actions visant à mieux informer, mieux orienter, mieux prendre en charge. Tels sont mes objectifs.
Aujourd’hui, nous devons faire face à de nouveaux défis. Il faut améliorer la qualité de l’information délivrée aux femmes qui souhaitent interrompre une grossesse non désirée. Cette information doit notamment permettre aux femmes de choisir la méthode d’avortement qui leur convient le mieux, qu’il s’agisse de l’intervention volontaire de grossesse chirurgicale ou médicamenteuse, et cela en toute liberté. Les femmes doivent être systématiquement orientées vers une solution effective de prise en charge dans les délais prescrits, et cela tout au long de l’année. C’est pourquoi j’ai donné instruction aux agences régionales de santé de veiller à ce que l’accès à l’IVG reste effectif partout et tout le temps, notamment pendant les périodes estivales. J’ai également demandé à ces agences de rappeler que la loi doit être respectée partout et par tous.
Nous devons garantir un accès de proximité à l’IVG. Je sais qu’il existe des inquiétudes dans certains territoires. Le mouvement de suppression des centres IVG a été enrayé. Je n’abandonne pas les établissements qui sont essentiels à cet accès, en particulier pour les femmes qui vivent dans des départements excentrés ou fragiles. J’ai demandé un état des lieux précis de la situation. Par ailleurs, il est évident que cette prise en charge doit être assurée dans les mêmes conditions financières partout sur le territoire.
Mesdames et messieurs les députés, le combat pour l’accès de toutes les femmes à l’avortement ne s’arrête pas à nos frontières. La France porte ce droit haut et fort dans le monde, et c’est ce qu’a fait Pascale Boistard en septembre dernier à la tribune de l’ONU. Ailleurs dans le monde, la reconnaissance du droit à l’avortement n’est pas seulement un enjeu politique ; c’est aussi un enjeu de santé publique. Chaque année, 22 millions de grossesses non désirées donnent lieu à un avortement non médicalisé. Huit millions de femmes en gardent les séquelles, temporaires ou définitives. Chaque année, 50 000 femmes au moins meurent des suites d’un avortement clandestin, soit une femme toutes les dix minutes. Comme le disait Gisèle Halimi dans sa célèbre plaidoirie du procès de Bobigny, « c’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée ».
Face aux alliances conservatrices, je veux dire que la France ne désarme pas, et qu’elle défendra toujours la reconnaissance universelle du droit à un avortement sûr et légal, en Europe, d’abord, et au-delà. Les échéances internationales de l’année 2015, notamment la célébration des vingt ans de la conférence de Pékin, nous offrent une opportunité forte de défendre cette position sur la scène internationale. La France sera au rendez-vous de ses responsabilités.
Défendre le droit des femmes à disposer de leur corps, c’est reconnaître les droits fondamentaux de l’humanité tout entière. L’émancipation de chacune et de chacun n’est pas une option : c’est notre responsabilité à toutes et à tous.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
Sur le vote de la proposition de résolution, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à saluer la volonté des parlementaires de réaffirmer, par cette proposition de résolution le droit fondamental à l’avortement. On pourrait considérer, quarante ans après les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle, que cette démarche n’est plus nécessaire. Je pense, au contraire, qu’elle est essentielle, à plusieurs titres.
Avec cette proposition de résolution, nous commémorons la loi Simone Veil et la progression vers la reconnaissance d’un droit conforté depuis. Cette loi a d’abord été mise à l’essai : fait exceptionnel et symptomatique d’une possibilité donnée aux femmes du bout des lèvres, et faisant peser sur elles la crainte d’être à nouveau criminalisées. En 1979, des dizaines de milliers de manifestants étaient au rendez-vous pour réclamer la confirmation de cette loi. Il ne faut pas oublier de saluer l’aboutissement de ce combat, de ce mouvement social, de l’engagement courageux des femmes et de quelques hommes.
Je veux m’arrêter sur quelques-uns de ces moments historiques pour le féminisme, pour toutes les femmes, et pour la France.
En 1971, 343 femmes ont eu le courage de signer le célèbre manifeste. Signer ce texte, c’était décider, pour défendre leur droit, mais aussi par solidarité, d’encourir des sanctions tant sociales que judiciaires. L’avortement était alors illégal. En France, des milliers de femmes avortaient dans la clandestinité et l’angoisse. Des milliers de femmes étaient exposées à des risques sanitaires. Un trop grand nombre d’entre elles y laissaient leur vie. Des militantes expliquaient ainsi leur action : « j’ai signé parce que j’ai perdu trop de sang, et vous voudriez en plus que je me taise ? » Il faut oser le dire, le crier, il faut en parler librement, il ne faut pas se cacher, avoir honte : il faut démolir ce tabou.
Ces femmes ont fait du privé une question politique. C’est là un point crucial, quand on sait les oppressions et les violences qui peuvent se donner libre cours dans les sphères privées. Cette mobilisation a permis de faire apparaître que ce droit était consubstantielle à l’émancipation des femmes. Elle a prouvé que les femmes étaient les actrices de leur propre libération et qu’il ne s’agissait pas uniquement d’une question sanitaire.
Me Gisèle Halimi interpellait ainsi le tribunal de Bobigny : « Quatre femmes comparaissent devant des hommes, et pour parler de quoi ? De sondes, d’utérus, de ventres, de grossesses et d’avortements. Ne croyez-vous pas que l’injustice fondamentale soit déjà là ? Nous sommes des êtres libres et responsables. » Au-delà de la violence des avortements clandestins, ce sont toutes les humiliations, toutes les discriminations, toutes les dominations sexistes qui sont rendues visibles. Comme on a pu le dire lors de ce célèbre procès, les femmes conservaient alors leurs chaînes les plus anciennes et les plus lourdes : les maternités non désirées. Ces chaînes cadenassent tout : la possibilité de terminer ses études, de travailler, de militer, et surtout de choisir l’orientation que l’on souhaite donner à sa vie.
Si, aujourd’hui, certains continuent à se mobiliser contre l’avortement, c’est pour s’attaquer à toutes les libertés qui reposent sur ce droit fondamental. Il faut redire, face à tous les réactionnaires, tous les obscurantistes, que nous ne permettrons aucune remise en cause, aucune régression. Notre devoir est au contraire de faire progresser ce droit.
La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a supprimé la notion de détresse qui conditionnait le recours à l’avortement. Nous avons renforcé le délit d’entrave à l’avortement. Nous avons réaffirmé le droit des femmes à disposer de leur corps sans encourir de stigmatisation moralisante. En France, les droits sexuels et reproductifs sont reconnus, et les centres de planning familial sont soutenus. Nous allons lancer, comme vient de le dire Marisol Touraine, un plan pour renforcer l’accès à l’avortement.
Mais les droits sexuels sont encore bafoués dans de nombreux pays. Il nous faut réaffirmer le droit des femmes à l’information, à la contraception et à l’avortement. On oublie parfois ce que signifie un avortement clandestin : l’isolement, le rejet, la peur, la souffrance, la crainte de mourir. Les avortements réalisés chaque année dans des conditions non sécurisées entraînent le décès de près de 50 000 femmes. Risquer sa vie ne peut être le prix à payer par une femme pour disposer de son corps et de son destin. L’avortement doit devenir légal partout où il ne l’est pas encore. Nous devons nous montrer offensifs pour porter fortement ce message au sein de l’Union européenne et de la communauté internationale, et nous montrer offensifs.
Enfin, aux femmes des jeunes générations, je veux rappeler le message de Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse, pour que les droits des femmes soient remis en question. » Ces droits ne sont jamais acquis : vous devez rester vigilantes votre vie durant.
Les députés des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP se lèvent et applaudissent.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 151 Nombre de suffrages exprimés: 150 Majorité absolue: 76 Pour l’adoption: 143 contre: 7 (La proposition de résolution est adoptée.)
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale (nos 2273, 2381).
Je me félicite que nous examinions aujourd’hui cette proposition de résolution, qui résulte des travaux du groupe de travail que j’ai eu l’occasion de mettre en place et qui a mené ses travaux au cours de l’année 2013. Son périmètre est circonscrit, car il s’agit de mettre en oeuvre les points de convergence auxquels nous sommes parvenus. Chacune des mesures techniques proposées, qui concernent tous les aspects du travail parlementaire, vise à moderniser nos méthodes de travail et à rendre plus efficaces nos délibérations.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Il m’est difficile de prendre la parole après vous, monsieur le président, car vous avez dit l’essentiel de ce travail que vous avez conduit.La proposition de résolution que vous avez déposée vise évidemment à améliorer le fonctionnement de notre Assemblée, pour mieux légiférer, mieux contrôler et mieux évaluer.
Comme vous l’avez excellemment dit, monsieur le président, ce texte trouve son origine dans un groupe de travail mis en place par la Conférence des présidents le 15 janvier 2013. Il rassemblait les six vice-présidents, les présidents de groupe, un député par groupe et votre serviteur, devenu en l’espèce votre rapporteur.
Il est apparu rapidement que les conditions politiques d’une révision constitutionnelle, qui aurait engagé des changements fondamentaux dans notre fonctionnement, n’étaient pas réunies. Nous nous sommes donc concentrés sur les mesures les plus consensuelles et, surtout, sur celles qui pouvaient être prises « à Constitution constante ».
Comme vous le soulignez, monsieur le président, dans l’exposé des motifs de la proposition de résolution, « la politique des petits pas vaut mieux que l’immobilisme ». Voilà pourquoi nous sommes aujourd’hui invités à nous pencher sur ce qui aboutira à la trente-troisième modification de notre Règlement – ce chiffre devrait nous inciter à la modestie.
Cette proposition de résolution contient de multiples mesures : le texte crée ou modifie pas moins de vingt articles dans notre Règlement. Si l’ensemble peut apparaître à première vue un peu disparate, trois grandes finalités peuvent en réalité se dégager.
Sa première finalité est d’améliorer le fonctionnement de notre Assemblée. Il s’agit, d’une part, de mieux organiser les travaux qui se déroulent en séance publique. Demain, afin de dynamiser les débats, la Conférence des présidents fixera, à chaque début de législature, la durée de la discussion générale des textes inscrits à l’ordre du jour. L’objectif est – personne ne s’en cache –, de raccourcir les discussions générales.
En commission, j’ai même proposé d’aller encore plus loin et d’assumer plus clairement encore cette ambition, en limitant les interventions à dix minutes par groupe, les plaçant ainsi sur un strict pied d’égalité. Cette proposition a fait l’objet d’un assez long débat duquel nul consensus ne s’est nettement dégagé . Pour tout dire, elle a même profondément divisé. Je l’ai donc retiré, de façon à ne pas rompre l’esprit qui a animé le groupe de travail que vous avez présidé, monsieur le président, et je n’ai pas déposé cet amendement en séance. Cela reste néanmoins un regret, tant je suis convaincu que la phase de la discussion générale n’est pas la plus utile à la production de la loi et à l’élaboration concrète de la norme.
Il vous est également proposé de limiter les prolongations de séance au-delà d’une heure du matin au seul cas où il s’agit d’ « achever une discussion en cours », selon les termes de la proposition de résolution. Le travail parlementaire réalisé au coeur de la nuit n’a effectivement jamais été un gage de la qualité de la loi.
La réforme du Règlement vise également à limiter plus drastiquement la possibilité de tenir des séances supplémentaires d’autres jours que les mardis, mercredis et jeudis. Plus précisément, le Gouvernement ne pourrait plus obtenir, de droit, la tenue de séances les autres jours – en général les lundis et vendredis – que pour les textes énumérés à l’article 48 alinéa 3 de la Constitution, c’est-à-dire, pour l’essentiel, les projets de loi de finances et de financement de la Sécurité sociale et les textes en navette.
Comme je l’ai dit en commission, cette mesure me rend dubitatif à la fois pour des raisons constitutionnelles – ne va-t-on pas trop loin dans la limitation des prérogatives du Gouvernement en matière d’ordre du jour ? – mais aussi pour des raisons de fonctionnement concret de notre institution. Je crains que nous nous engagions dans une excessive rigidité de l’organisation de nos travaux, dont l’encadrement n’a cessé d’être renforcé depuis les modifications apportées à l’article 28 de la Constitution en 1995 et à l’article 48 en 2008. Mais comme, en commission, aucun amendement n’est venu contester le principe de cette tentative de restriction des moyens du Gouvernement, je n’ai pas déposé en séance de proposition de suppression.
En second lieu, l’amélioration du fonctionnement de notre Assemblée passe aussi par le renforcement des droits conférés à l’opposition et aux groupes minoritaires. En commission, nous sommes allés plus loin que la résolution. Nous avons ainsi consacré la pratique de la commission des lois consistant à désigner, dès le début de l’examen d’un texte, le co-rapporteur d’opposition chargé de la mise en application de la loi.
De même, pour éviter que les séances réservées à un ordre du jour défini par un groupe d’opposition ou un groupe minoritaire, ce que l’on appelle un peu cavalièrement les « niches », soient concentrées dans la seule journée du jeudi, ce qui est la pratique aujourd’hui, la proposition de loi ouvre la possibilité de répartir les trois séances auxquelles les groupes ont droit sur plusieurs journées.
Par ailleurs, les rapports législatifs pourront désormais comporter, en annexe, une contribution écrite et synthétique de chacun des groupes d’opposition ou minoritaires. En nous inspirant, là encore, de la pratique de la commission des lois depuis juillet 2012, nous y avons ajouté une contribution du co-rapporteur d’opposition, qui portera plus particulièrement sur l’étude d’impact du projet de loi.
Ce co-rapporteur pourra ensuite prendre la parole en séance, avant le début de la discussion générale. Un débat contradictoire sur l’étude d’impact pourra ainsi avoir lieu, ce qui ira dans le sens des recommandations de la mission d’information sur la simplification législative présidée par Mme Laure de La Raudière et dont le rapporteur était M. Régis Juanico.
Enfin, le droit de tirage dont bénéficient les groupes d’opposition ou minoritaires en matière de commission d’enquête sera élargi aux demandes de création d’une mission d’information, instrument plus souple et plus adapté qu’une commission d’enquête. Surtout, les conditions de création de ces commissions d’enquête, dans le cadre du droit de tirage, seront demain facilitées.
La deuxième finalité de cette réforme du Règlement de l’Assemblée nationale est de valoriser les travaux menés à bien par les députés, tout particulièrement en matière de contrôle et d’évaluation. Il faut tordre le cou à l’idée selon laquelle les députés seraient plus intéressés par leur fonction législative que par l’exercice de leur mission de contrôle de l’action du Gouvernement ou d’évaluation des politiques publiques. Ces missions ont été, en 2008, inscrites dans la Constitution.
Les travaux que mène notre assemblée dans ces domaines sont foisonnants : rapports d’information des commissions ou de la conférence des présidents, rapports d’évaluation du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, travaux des délégations et offices.
Manque, en réalité, afin d’éviter les chevauchements, les redites et les initiatives concurrentes, une coordination, en amont, de ces différents travaux. La proposition de résolution que vous avez déposée, monsieur le président, y remédie, en confiant à la conférence des présidents une fonction de coordination des travaux de contrôle et d’évaluation.
Une fois ces travaux réalisés, il reste à les discuter, à les faire appliquer et à les faire connaître, bref, à les valoriser. C’est l’objet de la modification du droit de tirage dont dispose les groupes d’opposition, ou minoritaires, lors des semaines dites de contrôle. Désormais, ce sont prioritairement les conclusions des travaux réalisés au sein de notre assemblée qui devront faire l’objet des débats inscrits à l’ordre du jour de ces semaines.
Une autre procédure de contrôle – qui a suscité, reconnaissons–le, un peu plus de débats – sera réformée : celle des questions écrites adressées au Gouvernement. Nous considérons que cette procédure, extrêmement utile, est aujourd’hui victime de son succès. L’explosion du nombre de questions posées chaque année a engendré un allongement sans cesse croissant des délais de leur traitement par les ministères.
La qualité des réponses fournies aux parlementaires s’en ressent. Il est donc proposé de charger la conférence des présidents de fixer, chaque année, un plafond limitant le nombre de questions écrites susceptibles d’être déposées par chaque député. Cette limitation devra naturellement s’opérer dans des proportions tout à fait respectueuses du droit des parlementaires à exercer leurs fonctions de contrôle.
La troisième et dernière finalité de notre réforme est de renforcer la transparence de l’Assemblée nationale. Deux grands axes ont pour cela été retenus. Le premier consiste à rendre systématique la publicité des travaux des commissions.
Notre commission des lois a, depuis le début de cette législature, et par principe, fait sienne cette exigence de publicité. Cela signifie, concrètement, que nos travaux sont ouverts à la presse en même temps qu’ils font l’objet d’une diffusion audiovisuelle, en direct puis en différé, sur le site internet de l’Assemblée nationale.
Il s’agit de l’une des conséquences logiques de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Depuis lors, sauf de rares exceptions, la discussion des projets et des propositions de loi s’engage, en séance publique, sur le texte adopté par la commission compétente.
Mais il ne s’agit pas de la seule raison. Qu’on le regrette ou non, dans une démocratie d’opinion, l’écrit ne pèse guère face à la force de l’image. Les députés, lorsqu’ils contrôlent le Gouvernement, évaluent des politiques publiques ou écrivent la loi, ont besoin d’être vus. Les citoyens, les observateurs et les médias doivent donc pouvoir accéder facilement à nos échanges.
Nous avons, évidemment, pris en considération la préoccupation partagée par la commission des affaires étrangères et par la commission de la défense. Elle souhaitent pouvoir, sur certains sujets ayant trait à notre politique européenne, étrangère ou de défense, préserver la confidentialité de leurs travaux. Un amendement satisfaisant cette demande a été déposé et adopté en commission des lois. Il permettra de concilier cette volonté de transparence et la nécessité de respecter une confidentialité garante d’une qualité des échanges.
Le dernier axe du renforcement de la transparence a trait à la déontologie au sein de l’Assemblée nationale. Beaucoup a déjà été fait, grâce au vote, en octobre 2013, des lois sur la transparence de la vie publique. Nous allons aller encore plus loin en consacrant, dans notre Règlement, les compétences du Bureau en matière de déontologie. Nous consacrerons, dans ce même Règlement, l’existence du code de déontologie propre aux députés et celle du déontologue. Nous le ferons également en définissant la notion de conflit d’intérêts.
Nous permettrons ainsi au Bureau, en cas de manquement à une obligation déontologique, je cite l’article 8, alinéa 12, de la proposition de résolution, de « prendre à l’encontre du député toute mesure destinée à faire cesser ce manquement ». Le débat qui s’ouvre me permettra sans doute de préciser ce qu’il faut entendre par cet alinéa.
Enfin, nous allons également consacrer, dans le Règlement, nos collaborateurs parlementaires et déterminer leurs conditions d’emploi. L’ambition que je poursuis, et que la commission des lois soutient, est de participer à la mise en place de négociations d’un statut qui soit protecteur des droits de ces collaborateurs.
Voilà, mes chers collègues, une réforme dont le Président de l’Assemblée nationale avait dit qu’elle était consensuelle, ce que nos débats vont montrer. Elle s’avère également toute aussi ambitieuse que raisonnable. Je vous invite donc à l’adopter.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur de cette proposition de résolution, la modification du Règlement de l’Assemblée nationale proposée par notre président illustre sa volonté de moderniser le fonctionnement de notre assemblée.
Depuis le début de la législature, cette volonté, dont le rapporteur a rappelé les principales manifestations, est permanente.
Cette proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale résulte des travaux menés, au sein d’un groupe de travail, par les divers responsables politiques de notre assemblée. Ses conclusions, le rapporteur l’a également rappelé, ont fait l’objet d’un accord unanime.
Les propositions faites demeurent modestes, car des modifications plus importantes auraient nécessité, au préalable, une révision de la Constitution. Pour autant, elles ne sont pas négligeables. Je voudrais insister sur trois d’entre elles.
D’abord, pour la première fois, les collaborateurs des députés apparaissent dans le Règlement de l’Assemblée nationale. Il s’agit de poser les fondements d’un statut attendu et réclamé par les intéressés. Cela se fera en préservant deux aspects spécifiques à leurs fonctions : leur dimension politique et leur lien direct avec le député.
En second lieu, la déontologie des députés, définie durant la législature précédente par le Bureau, va également apparaître dans le Règlement. Ainsi, les députés ne s’exonèrent pas des obligations créées par la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique. La séparation des pouvoirs imposait cependant que les modalités en soient précisées dans le cadre du Règlement.
En troisième lieu, conformément à son attitude constante, le groupe SRC s’est efforcé d’offrir plus de possibilités aux groupes d’opposition, par exemple en matière de création de commissions d’enquête. Il a, bien entendu, soutenu les amendements de notre rapporteur allant dans ce sens.
Pour terminer, je voudrais appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur ce qui m’apparaît comme un recul important des pouvoirs d’investigation et de contrôle des députés. Il s’agit, en l’occurrence, de la procédure des questions écrites signalées, mise en place en 1995 par notre ancien président Philippe Seguin.
Ce terme désigne des questions écrites sélectionnées par les présidents de groupes dans le cadre d’un quota permettant d’éviter tous les débordements. Il y a eu environ, durant la XIIIe législature, 600 questions écrites signalées par session, contre 800 depuis l’ouverture de l’actuelle législature.
L’intérêt de cette procédure de signalement réside dans le délai laissé au Gouvernement pour répondre : dix jours. Dix jours ! De 1995 à 2009, c’est-à-dire pendant quatorze ans, près de 8 500 questions signalées ont été posées, et pas un seul jour de retard n’a été constaté dans les réponses qui leur ont été apportées. Que dis-je, pas une seule heure !
Grâce à cette obligation faite au Gouvernement de répondre rapidement, j’ai pu mener ce qui a été qualifié de parlementarisme d’investigation et qui m’a permis de faire la lumière, par exemple, sur le financement du budget de l’Elysée.
À partir de 2009, les premiers retards à certaines de mes questions, peu appréciées du Gouvernement de l’époque, ont – à la stupeur, d’ailleurs, des services de l’Assemblée – été constatés. Il a fallu l’intervention conjointe du président de l’Assemblée nationale et du ministre chargé des relations avec le Parlement de l’époque, pour que les réponses finissent, avec quinze jours de retard, par me parvenir.
Mais ces retards se sont progressivement multipliés. Durant la session 2011-2012, 28 % des questions écrites signalées ont obtenu une réponse hors délai. Le phénomène s’est encore accentué depuis. Au cours de la session 2013-2014, ce pourcentage de réponses reçues hors délai est en effet passé à 32 %. Plus grave encore, au jour d’aujourd’hui, 187 questions n’ont toujours pas reçu de réponse, certains ayant été déposées depuis plus d’un an.
Je ne me résous pas à ce recul du pouvoir de contrôle de l’Assemblée nationale. Je regrette que cette situation perdure. Monsieur le ministre, elle s’est aggravée, d’ailleurs, sous ce Gouvernement de gauche qui proclame pourtant son attachement aux pouvoirs de contrôle du Parlement.
Pour terminer, à la suite des travaux de la commission des lois, j’ai relu l’ouvrage de notre ancien président Jean-Louis Debré intitulé Paroles de députés.
Dans cet ouvrage passionnant, Jean-Louis Debré écrit : « C’est à tort qu’on bornerait l’étude de la vie parlementaire aux discours prononcés dans l’hémicycle par les députés. Le plus intéressant demeure sans doute le premier de ces textes, celui que tout député a rédigé encore simple candidat, en jetant sur le papier tout ce qui motivait sa candidature, tout ce qui lui laissait espérer la victoire ».
De 1881 à 2007, un document, appelé le « Barodet », du nom du député républicain qui en a permis la création, a réuni toutes les professions de foi des députés élus. Pour des raisons de coût, ce document a été, lors de la dernière révision de notre Règlement, supprimé. Son intérêt n’est pourtant pas mince.
Je cite encore Jean-Louis Debré : « de 1881 à nos jours, le Barodet conserve toute la mémoire de nos passions électorales. Les historiens, les linguistes ou les simples curieux y trouvent de véritables trésors aussi bien littéraires que politiques. Parce que le style c’est l’homme, ces profession de foi permettent aussi de reconstituer une véritable galerie de portraits […]. La lecture des anciennes professions de foi constituent une belle leçon d’éducation civique. »
Le relecture de cet ouvrage m’a conduit à souhaiter un retour à cette tradition républicaine, sous une forme numérique afin d’en limiter le coût de diffusion, pour que la mémoire de nos prédécesseurs ne soit pas oubliée.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur de cette proposition de résolution, mes chers collègues, je voudrais reprendre un des propos de notre rapporteur. Il déclarait – et comment ne pas adhérer à ses propos – qu’il vaut mieux des petits pas que l’immobilisme.
Mais se contenter de petits pas peut confiner à l’immobilisme.
Je dois dire, au nom du groupe UMP, que mis à part un certain nombre d’éléments franchement positifs, sur lesquels je reviendrai, cette proposition de résolution, ainsi que les modifications de notre Règlement que vous proposez, nous laissent considérablement sur notre faim.
Si des dispositions sont nouvelles, d’autres constituent des redites. Vous voulez probablement présenter ces dernières comme des novations issues de votre unique initiative.
Et puis, j’y reviendrai en conclusion, les débats très riches que nous avons eus en commission des lois font ressortir, à propos et à partir de cette proposition, des différences d’appréciation, qui sont d’ailleurs, dans certains cas, des divergences. Et celles-ci sont beaucoup plus importantes et plus nombreuses que l’on peut le penser.
Elles portent sur le travail parlementaire aujourd’hui, et sur ce que sera, pourra être, ou sur ce que devra être, demain, le rôle du député lorsque seront entrées en application les dispositions des lois récentes, en particulier celles relatives au non-cumul des mandats.
Commençons par les points qui peuvent nous réunir et que nous devons, en tant que membres de l’opposition, considérer comme positifs.
La proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale comporte une vraie et bonne mesure, sur laquelle je veux insister. Elle permet aux groupes d’opposition, ou minoritaires, d’exercer leur droit de tirage pour obtenir la création d’une mission d’information.
Aujourd’hui ce droit de tirage est limité à la demande d’une création de commission d’enquête. La disposition que vous nous avez proposée, monsieur le président, est intéressante. Elle l’est d’autant plus que le travail effectué en commission a permis de l’améliorer : il est désormais prévu que ce droit de tirage sera un véritable droit et non une simple opportunité.
En effet, on sait bien que, en l’état actuel de notre Règlement, notre assemblée peut s’opposer au vote d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête par un vote émis à la majorité qualifiée des trois cinquièmes.
Pour le reste, en tout cas pour le groupe UMP, le compte n’y est pas. Si l’on veut et si l’on doit opérer de véritables mutations au sein du règlement d’une assemblée parlementaire, la plupart du temps cela fait suite à des modifications institutionnelles, au travers de révisions constitutionnelles, qui obligent les assemblées à mettre en oeuvre dans leurs règlements de nouvelles dispositions concernant leur fonctionnement, leurs pouvoirs, leurs attributions et l’articulation de celles-ci avec le travail de l’exécutif. Cela n’est pas le cas aujourd’hui et personne ne peut en faire reproche à quiconque.
Toutefois, nous pouvons faire le constat que vous n’avez pas été en mesure, et que vous le serez sans doute de moins en moins – le seuil des trois cinquièmes du Congrès du Parlement est loin d’être atteint –, de réaliser ce qui avait été envisagé au début de cette législature : une modification constitutionnelle. Vous n’en avez pas les moyens politiques, aussi faites-vous au travers de cette réforme de notre règlement un ensemble de modifications lesquelles, si elles ne manquent pas toutes d’intérêt, sont pour beaucoup d’entre elles d’une assez grande tiédeur.
Il n’y a rien, en particulier, sur les conditions d’application de l’article 40 de la Constitution à l’Assemblée nationale. Pourtant, nous l’avons noté à plusieurs reprises, et surtout depuis le début de cette législature : la question des conditions de l’application particulière de l’article 40 à l’Assemblée a pris une importance accrue. Or, nos collègues sénateurs semblent avoir pris quelques libertés avec cette disposition constitutionnelle. Pour tout dire, ils paraissent même s’affranchir parfois de la rigueur qu’impose cet article, bien plus que nous ne le faisons.
Pourtant, à l’occasion de l’examen de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances 2015, à propos du fonds d’amorçage, nous avons découvert une nouvelle appréciation de l’article 40. Le Gouvernement a pris position en amont et, alors que l’amendement présenté impliquait une nouvelle charge, le Premier ministre ayant annoncé qu’il y était favorable avant même son dépôt, cet amendement est devenu, par l’onction de la déclaration préalable du Premier ministre, recevable. Il y a manifestement à se pencher sérieusement sur la question de la mise en oeuvre effective et rationnelle de cette disposition et à comparer, autant qu’il est possible, notre situation avec celles de nos collègues sénateurs.
Je voudrais également faire une remarque d’ordre général sur le paradoxe qui existe entre votre exposé des motifs et les dispositions qui en découlent. Vous affirmez que la réforme du règlement est rendue nécessaire par le non-cumul des mandats. On s’attendrait donc à ce que les dispositions contenues dans le nouveau règlement prouvent à l’ensemble de nos concitoyens que les députés seront effectivement plus souvent à l’Assemblée. C’est d’ailleurs l’argument qui nous a été seriné : les députés et les sénateurs qui n’exerceront plus de fonction exécutive locale seront plus présents à l’Assemblée nationale et au Sénat ; les travées ne seront plus vides ; aussi nos concitoyens auront-ils le sentiment qu’ils n’élisent pas des députés et des sénateurs pour ne rien faire ou pour être ailleurs.
Sur la base de cette affirmation, dont on peut comprendre la logique interne, nous découvrons que le règlement a comme ambition de limiter la durée des discussions générales…
…ou de plafonner le nombre de questions écrites par député. Pourquoi pas ? Cependant, dans l’optique du non-cumul des mandats et d’un temps supérieur consacré au seul mandat parlementaire, on s’interroge. De la même façon, nous sommes tous d’accord pour limiter les séances après une heure du matin. Pourquoi pas, également, siéger moins souvent le lundi et le vendredi ? Mais quel est le rapport entre ces dispositions et l’affirmation selon laquelle le non-cumul des mandats rendra les parlementaires plus disponibles ?
Je crains, au contraire, que les journalistes, assez friands de toutes les contradictions de nos politiques et de nos initiatives, trouvent là le moyen de produire un peu d’interrogations, de papier et de populisme en plus.
Qui plus est, vous n’avez pu vous empêcher de prétendre une fois de plus laver plus blanc que blanc, en réintroduisant dans le règlement, et en en faisant de nouveau devant l’opinion publique votre vertu cardinale, l’ensemble des dispositions relatives à la déontologie des députés. Vous nous resservez ce que vous nous avez déjà servi. Une fois de plus, vous jetez en pâture l’ensemble des députés…
…à une opinion publique qui ne se souviendra plus – mais c’est probablement ce que vous souhaitez – qu’à l’origine de tout ce qui l’a tant blessée, il y avait la triste et assez lamentable affaire Cahuzac.
Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Le groupe UMP, et je le regrette au fond, ne vous suivra pas, parce que nous avons trop de différences dans l’appréciation de ce qu’est le travail parlementaire aujourd’hui et de ce qu’il sera demain, lorsque l’ensemble des dispositions relatives au non-cumul s’appliqueront. Vous comprenez nos différences. Vous comprenez nos divergences. Vous comprendrez certainement que notre groupe ne vous suivra pas s’agissant de cette proposition de résolution.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cinq ans après sa dernière réforme, le règlement de notre assemblée a sans nul doute besoin d’être amélioré. Le groupe UDI avait participé aux travaux du groupe de travail sur la réforme des institutions, l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée nationale et il se félicite de voir que ces travaux donnent naissance à des propositions concrètes, même si celles-ci ne sont pas toutes à la hauteur de nos attentes.
Nous le constatons chaque jour dans la pratique : une amélioration de l’organisation de nos travaux est nécessaire. Le fonctionnement de nos institutions est tel que nous légiférons le plus souvent dans l’urgence, dans des délais contraints. De plus, reconnaissons-le, une grande part du travail parlementaire se déroule de nuit, tout au long de la semaine, alors que ces situations devraient demeurer exceptionnelles. Depuis 2008, notre assemblée se consacre de plus en plus intensément à ses missions de contrôle. Indéniablement, et c’est là l’un des objets de cette proposition de résolution, ces travaux de contrôle et d’évaluation doivent être mieux exploités et valorisés. En outre, la réforme du règlement de l’Assemblée doit constituer l’occasion de renforcer les droits de l’opposition et des groupes minoritaires, et plus globalement du Parlement – le groupe UDI y veillera tout particulièrement.
En janvier 2013, notre groupe avait déjà fait part de ses inquiétudes à l’égard de certains comportements du Gouvernement face au débat parlementaire. Le texte de loi relatif au logement social a même été censuré par le Conseil Constitutionnel pour atteinte aux droits du Parlement. Trop souvent, le Gouvernement a tenté, sur des textes majeurs, de contourner les procédures parlementaires, méprisant ainsi notre travail de législateur. Alors que la parole publique est aujourd’hui souvent mise en doute, nous considérons qu’il est plus que jamais utile de privilégier la sincérité et la clarté des débats parlementaires, non seulement pour respecter ces principes constitutionnels, mais par respect de nos concitoyens eux-mêmes.
Il nous apparaît plus que présomptueux et quelque peu disproportionné de présenter cette réforme comme s’inscrivant dans la perspective de « faire entrer l’Assemblée dans l’ère du non-cumul ». Ce projet de réforme, s’il propose des évolutions intéressantes, est, de votre propre aveu, monsieur le rapporteur, une réforme a minima. Il est avant tout destiné à reprendre celles des propositions qui ont recueilli le plus large consensus dans le cadre du groupe de travail sur la réforme des institutions. Il écarte de fait, et nous ne vous en blâmons pas, les réformes qui auraient pu nécessiter une révision de la Constitution ou une modification de dispositions organiques. N’exagérons pas la portée de ce texte : il ne bouleverse, ni ne révolutionne le fonctionnement de nos institutions.
Incontestablement, la loi sur le non-cumul du 14 février 2014 va modifier de façon importante le travail parlementaire. Pour autant, il nous est impossible d’anticiper totalement ces évolutions tant que le non-cumul ne sera pas réellement en vigueur, c’est-à-dire avant 2017. Une autre réforme sera, à ce moment, très certainement nécessaire. Par ailleurs, certaines dispositions du texte semblent en contradiction avec de telles affirmations. L’article 6 prévoit de restreindre les possibilités de tenir d’autres séances que celles prévues les mardis, mercredis et jeudis et d’encadrer la faculté de siéger au-delà d’une heure du matin. Il nous semblait pourtant que l’un des effets attendus du non-cumul était de permettre aux parlementaires de consacrer plus de temps à leur travail législatif. Au-delà de ces aspects généraux, des avancées sont à souligner et elles emportent l’adhésion du groupe UDI.
Nous nous réjouissons que certaines des propositions que nous avions formulées dans le cadre du groupe de travail figurent désormais dans cette proposition de résolution. Une telle collaboration est primordiale sur un sujet si peu clivant et porteur d’un véritable enjeu démocratique. Nous saluons en particulier la possibilité de répartir sur plusieurs journées les trois séances réservées à un groupe d’opposition ou minoritaire, alors qu’actuellement nous sommes contraints de faire tenir l’examen de l’ensemble de nos propositions de loi en trois séances, sur une seule journée. Cette mesure devrait permettre d’assurer l’étude de tous les textes mis à l’ordre du jour dans des circonstances respectables. Une telle disposition va dans le sens du respect du Parlement.
Nous avions également souhaité la généralisation de la publicité des travaux en commission qui, si elle existe déjà, n’est pas encore une pratique automatique. La suppression du renvoi à la fin de la séance des demandes de parole pour un fait personnel est également une mesure dont nous avions souligné la pertinence. En effet, nous avons pu constater, notamment au moment des débats sur le mariage pour tous, que cette disposition était désormais inadaptée au regard de la rapidité et de la réactivité des réseaux sociaux. D’autres dispositions, enrichies des débats en commission, sont également à souligner. Le statut des collaborateurs qui sera négocié dans des conditions fixées par les questeurs est une avancée sociale majeure nécessaire pour ceux qui travaillent à nos côtés à longueur d’année.
Le groupe UDI salue également les avancées qui concernent les droits des groupes minoritaires et d’opposition : je pense notamment à la création d’un véritable droit de tirage en matière de commission d’enquête ou bien encore à la nomination d’un rapporteur issu d’un groupe d’opposition ou minoritaire, dans le cadre des commissions chargées de donner leur avis sur une nomination envisagée par le Président de la République.
En outre, la possibilité de recevoir une explication écrite justifiant l’irrecevabilité d’un amendement ou d’une proposition de loi n’est pas qu’un souci technique mais un vrai enjeu de démocratie. Nous devons pouvoir être informés des raisons du rejet de nos propositions. C’est là aussi la condition du respect du Parlement. En effet, nous constatons les conditions difficiles dans lesquelles nous sommes parfois contraints d’aborder nos travaux législatifs et la frustration que nous pouvons éprouver, lorsque nous ne pouvons pas l’assumer pleinement. À cet égard, cette possibilité d’information permettra que les conditions d’application de l’article 40 de la Constitution ne soient pas perçues comme une limitation excessive de notre droit d’amender.
Afin de compléter ces dispositions, le groupe UDI défendra d’autres propositions au cours de la séance, pour garantir la présence des groupes minoritaires au sein des organes de l’Assemblée, mais également dans le but d’attribuer un temps de parole minimum à l’ensemble des parlementaires, quelle que soit la durée globale de discussion. Nous souhaitons, en outre, que les travaux législatifs se déroulent dans des conditions plus satisfaisantes : cela passe notamment par des délais plus longs, afin de permettre aux parlementaires d’étudier convenablement les textes et de les amender. Quoi qu’il en soit, bien que conscients du caractère limité de cette proposition de résolution, nous en approuvons les dispositions qui font l’objet d’un relatif consensus et qui devraient utilement améliorer le fonctionnement de notre assemblée. Le groupe UDI votera donc pour ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président et rapporteur, mes chers collègues, nous allons examiner et adopter, je l’espère, cette modification du règlement de l’Assemblée nationale, alors que dans l’esprit d’une majorité de Français, nos institutions apparaissent très souvent figées, pour ne pas dire sclérosées. Les grands équilibres, à moins que ce ne soit d’ailleurs les grands déséquilibres, de la Ve République perdurent depuis plus de cinquante ans et ils n’ont jamais fait l’objet de réformes profondes, même si la Constitution a été maintes et maintes fois, en quelque sorte, amendée.
J’ai tendance à dire que la devise réelle de nos institutions pourrait être formulée ainsi : laisser le Président présider, le Gouvernement gouverner et le Parlement parler…
Or, nous considérons que le rôle du Parlement n’est pas seulement de parler. S’il doit parler, c’est utilement, pour légiférer, pour contribuer à une production législative de qualité, pour contrôler l’action du Gouvernement et de l’administration.
Reconnaissons-le, nous en sommes encore loin. Si cette réforme du règlement peut contribuer à nous rapprocher de cet objectif, il faut la soutenir. C’est ce que nous ferons, car cette proposition de résolution va permettre, modestement, d’améliorer le travail parlementaire.
Elle s’inscrit d’ailleurs dans un mouvement de réforme par étapes. Le président Urvoas, tout à l’heure, a dit que les petits pas valaient mieux que l’immobilisme. Nous pourrions peut-être, parfois, faire plus que des petits pas, mais reconnaissons que, ces dernières années, plusieurs étapes ont été franchies.
Il y a d’abord eu la révision constitutionnelle de 2008 : je le dis d’autant plus librement que nous ne l’avions pas soutenue globalement, mais certains aspects étaient positifs. Il en est allé de même de la réforme du règlement qui l’a suivie : examiner en séance plénière les textes tels qu’ils ont été amendés a valorisé le travail des commissions.
Bien sûr, la loi sur le cumul des mandats, même si elle ne sera appliquée qu’à partir de 2017, constitue une réforme majeure qui aura beaucoup de conséquences positives pour notre Parlement.
Il y a eu aussi, l’année dernière, la loi sur la transparence de la vie politique, qui a introduit davantage de déontologie dans nos pratiques institutionnelles.
Cette réforme du règlement est le résultat d’une concertation de plusieurs mois, souhaitée par vous monsieur le président. Elle s’est concrétisée par un groupe de travail réunissant des représentants de tous les groupes parlementaires. Il convient de saluer tout à la fois ce travail et l’état d’esprit dans lequel, monsieur le président, vous avez conduit les débats.
Renforcer les pouvoirs du Parlement consiste souvent à renforcer les droits de l’opposition, ce qui va dans le bon sens. Le président Urvoas a indiqué comment nous allons rééquilibrer le fonctionnement de notre assemblée, en décrivant le rôle du co-rapporteur pour l’opposition. C’est une avancée importante, tout comme la réaffirmation d’un « droit de tirage », ce qui signifie un véritable droit pour l’ensemble des groupes de faire créer des commissions d’enquête parlementaires, sans que ce droit soit soumis au veto du groupe majoritaire. C’était le cas sous la précédente législature et reconnaissons que la tentation a pu exister aussi depuis 2012.
D’autres dispositions vont dans le bon sens. Le groupe écologiste est attaché à faire progresser la déontologie chaque fois que c’est possible, ce qui passe par la transparence. De ce point de vue, reconnaître l’existence du déontologue dans notre règlement est une bonne idée. Sa création, sous la précédente législature, était une avancée, mais il n’avait pas reçu de reconnaissance officielle.
L’adoption, en commission, d’amendements qui visent à améliorer la transparence concernant les représentants d’intérêts est une bonne chose également.
De même, nous aurons à y revenir et je le dis à titre préventif,
Sourires
il faut améliorer la transparence des scrutins publics. Cela peut paraître quelque peu anecdotique, mais nos concitoyens ont le droit de savoir qui vote quoi, et aussi qui a voté au nom de qui. C’est une règle de base de tout fonctionnement démocratique. Nos concitoyens, d’ailleurs, peuvent eux-mêmes donner procuration à quelqu’un pour voter en leur nom au moment des élections et chacun peut vérifier, sur le registre d’émargement des scrutins, qui a voté au nom de qui.
La disposition que je souhaite existait d’ailleurs avant 1993 et il n’y a pas de raison de ne pas entériner ce qui a été décidé en commission.
Renforcer les prérogatives de certaines commissions va également dans le bon sens. Il est de tradition, pour justifier une faible présence dans l’hémicycle, dont nous avons encore un exemple cet après-midi, d’invoquer un travail intense en commission. Mais encore faut-il que le travail en commission soit amélioré. La création d’un rapporteur général, au sein de la commission des affaires sociales, pour l’examen de la loi de financement de la Sécurité sociale, est une bonne mesure : un tel fonctionnement donne satisfaction et garantit l’équilibre entre majorité et opposition au sein de la commission des finances.
Il est prévu de limiter le nombre des questions écrites. Leur inflation illustre les dérives auxquelles s’expose le Parlement. Elle est aussi la conséquence directe de l’informatique, nos moyens de travail rendant la chose extrêmement simple. Ce n’est même plus du stakhanovisme, car on pourrait considérer celui-ci comme une forme de travail intensif : il s’agit d’un dévoiement du principe d’interpellation et la dérive quantitative des questions nuit à la qualité de notre travail. Elle permet au Gouvernement de justifier ses réponses très partielles aux interpellations pourtant légitimes des députés.
Limiter le nombre des questions écrites est donc une bonne mesure. Celles et ceux qui abusent de cette procédure pourront tout à fait entrer dans un cadre raisonnable.
Une autre disposition pourrait sembler marginale, mais il faut dire publiquement qu’il est important de reconnaître une forme de statut aux collaborateurs parlementaires dans notre règlement. Il reste beaucoup à construire, mais c’est une excellente mesure qui ouvrira une forme de négociation sociale au sein de notre assemblée. C’est légitime. Il faut, chaque fois que nous en avons l’occasion, saluer le travail réalisé par eux à nos côtés : nous ne pourrions pas faire tout ce que nous faisons sans l’aide de nos collaborateurs.
Évidemment, nous regrettons un peu que, dans cet élan réformateur, monsieur le président, nous nous soyons heurtés aux limites constitutionnelles et au refus systématique qu’oppose le principal groupe de l’opposition à toute révision de la Constitution. Pourtant, il y a de vrais problèmes, qui sont récurrents : le diagnostic est connu, le remède aussi, et pourtant on n’agit pas.
Je pense à l’article 40, qui sert à limiter grandement le droit d’amendement, alors qu’il était conçu pour limiter le déficit budgétaire. Chacun a vu qu’il était d’une inefficacité totale en la matière ; en revanche, il entrave au quotidien le droit d’amendement. L’application de cet article 40 est également sujette à caution : nous y reviendrons à propos d’un certain nombre d’amendements qui visent à clarifier la situation.
Pour finir, je voudrais dire un mot de la commission des affaires européennes : certains collègues en effet, entre l’examen en commission et la séance, ont déposé des amendements visant à faire de cette commission transversale une commission permanente. Cela mérite réflexion et nous souhaiterions que ces amendements soient retirés pour que le travail puisse avoir lieu dans le même état d’esprit que l’élaboration, menée par vous monsieur le président, de cette réforme du règlement.
Mes chers collègues, le groupe écologiste accompagnera naturellement cette réforme : il la soutiendra et proposera un certain nombre d’amendements pour la renforcer.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Notre règlement, pour reprendre le mot d’Eugène Pierre dans son Traité, n’est « qu’en apparence » la loi intérieure de notre assemblée. En effet, s’il relève de ce que le droit administratif appelle des « mesures d’ordre intérieur », dont la validité est limitée à l’ordre particulier que constitue l’Assemblée nationale, son importance est considérable. Je citerai Eugène Pierre une seconde fois : « Il a souvent plus d’influence que la Constitution elle-même sur la marche des affaires publiques. »
Toute modification du corpus composé de nos règles d’organisation et de fonctionnement communes doit donc être particulièrement soupesée, car elle nous engage et engage l’ensemble des pouvoirs publics, en premier lieu le Gouvernement. Si les chambres parlementaires sont autonomes, elles ne sont pas indépendantes et leur ordre interne est relié à d’autres.
Les députés radicaux de gauche en ont toujours été conscients et s’ils ont voté la réforme constitutionnelle de 2008, permettant ce faisant son adoption par le Congrès, ils ont voté contre la réforme du règlement subséquente, considérant qu’elle outrepassait la lettre de la réforme qui avait vocation à conforter et à améliorer les pouvoirs du Parlement.
La proposition de résolution qui nous est présentée par le président de l’Assemblée nationale est issue des travaux du groupe de travail sur la réforme des institutions, l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée nationale, mis en place à son initiative dès le début de la législature. L’ensemble des groupes politiques étaient représentés au sein de cette instance et les propositions sont censées refléter le consensus auquel ils sont parvenus.
Ce consensus est mince, constatons-le. Cependant, des dispositions concernent l’organisation du travail parlementaire, largement critiquée par les participants au groupe de travail, la gestion de l’ordre du jour partagé – déjà délicate sous la précédente législature avec quatre groupes parlementaires, devenue assez chaotique aujourd’hui avec six groupes –, la procédure législative ou encore le renforcement de la fonction de contrôle de l’Assemblée, mouvement engagé depuis la présidence de Jean-Louis Debré.
Plusieurs dispositions reçoivent notre agrément : la modification de la composition du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques ; l’élargissement du « droit de tirage » dont disposent les groupes pour créer des missions d’information ; la soumission à la conférence des présidents de la décision d’ouvrir des journées supplémentaires au-delà des mardis, mercredis et jeudis.
D’autres rencontrent notre opposition ou notre scepticisme. La fixation d’un plafond au nombre des questions écrites que chaque député pourra poser nous semble une mesure à la constitutionnalité douteuse. Nous désapprouvons en particulier la réduction uniforme de la discussion générale des textes, décidée par la conférences des présidents en début de législature.
Nous regrettons également que les nominations individuelles et la composition des instances de l’Assemblée ne reflètent qu’imparfaitement celle de l’Assemblée entière. Les députés radicaux regrettent particulièrement que sous la présente législature, les groupes minoritaires ne soient pas tous représentés au sein des commissions mixtes paritaires.
Le tableau fixé en début de législature ne laisse à ceux-ci qu’un seul poste de suppléant. Une autre répartition doit être décidée. En effet, comme le rappellent les professeurs Avril et Gicquel dans leur manuel Droit parlementaire…
… « le principe logique est que la composition des CMP reflète les rapports de forces politiques entre les deux assemblées, la présence de suppléants, sans voix délibérative, permettant d’assurer la représentation des groupes qui n’auraient pas de titulaires ».
Faute de modifier la répartition des membres suppléants des CMP, des candidatures directes pourraient être présentées, entraînant leur désignation par scrutin dans l’hémicycle.
Je souligne que l’amendement que nous avons déposé à ce propos reprend la rédaction initiale de la proposition de résolution de mars 2009 – plus démocratique, de ce point de vue, que le règlement actuel.
Plusieurs dispositions tendant à conforter les droits des groupes d’opposition ou minoritaires ont été introduites, ce dont nous nous félicitons : rapport sur certaines nominations du Président de la République en application de l’article 13 de la Constitution, ou du président de l’Assemblée nationale ; précision quant aux contributions écrites annexées aux rapports législatifs des commissions ; meilleure association au travail législatif du co-rapporteur sur la mise en application de la loi ; modification du mécanisme d’inscription à l’ordre du jour de la semaine de contrôle d’un sujet d’évaluation et de contrôle.
À l’initiative de notre président Roger-Gérard Schwartzenberg, un amendement étendant aux présidents de groupe la faculté de proposer à l’Assemblée de prolonger une séance au-delà de l’horaire normal d’une heure du matin a été adopté ainsi que la possibilité, pour les députés auteurs de propositions de loi ou d’amendements, de demander la motivation d’une décision d’irrecevabilité financière au nom de l’article 40 de la Constitution.
Les caractères que présente le contrôle de la recevabilité financière ne se retrouvent pas dans toutes les interprétations ni dans toutes les pratiques : la motivation permettra de clarifier la jurisprudence et d’éviter ainsi l’arbitraire et les solutions improvisées.
A ce propos, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir le « Barodet », supprimé en 2009. En commission, le rapporteur a justifié son avis défavorable en arguant du coût de ce rétablissement.
Or, cet argument ne tient pas, puisque l’amendement a été déclaré recevable et sera soumis à discussion.
Je rappelle que l’article 40 s’applique également à l’Assemblée nationale : ses membres ne peuvent aggraver une charge lui incombant.
Les travaux en commission des lois ont en effet enrichi le texte de la proposition de résolution.
Si la pratique consistant à élever dans le Règlement les décisions du Bureau peut être contestable, préciser la compétence des questeurs pour négocier un statut des collaborateurs parlementaires constitue une avancée qu’il faut souligner.
En effet, la nature du contrat qui les unit à leur employeur-député est particulière et la question d’une éventuelle convention collective – qui a été posée en commission – devra trouver une réponse adaptée.
Par ailleurs, la création, à compter de la prochaine législature, de la fonction de rapporteur général de la commission des affaires sociales est une heureuse initiative, ainsi que l’adoption des dispositions nécessaires à l’entrée en vigueur à partir du 1er janvier prochain du référendum d’initiative partagée – même si cette réforme datant de la révision de 2008, tardivement complétée par les nécessaires dispositions organiques, a peu de chance, il faut l’avouer, d’être appliquée.
Ces dispositions, certes disparates, traduisent la volonté d’adapter notre Règlement tout en édictant des règles valables sur le long terme pour les futures législatures.
La réforme de 2009 révélait la volonté de la majorité de l’époque de couler dans le marbre la situation politique alors en vigueur.
Même si les instruments de parlementarisme rationalisé, tant décriés – comme le temps législatif programmé – sont finalement entrés dans les moeurs parlementaires – tout au moins celles de notre Assemblée, le Sénat ne connaissant pas cette procédure –, l’organisation des travaux de notre Assemblée est encore perfectible.
Les différents délais et leurs règles de computation, en particulier lorsque la procédure accélérée est – trop souvent – demandée par le Gouvernement, sont perfectibles.
L’information des parlementaires et leur accès aux documents parlementaires sont imparfaits.
Le président de l’Assemblée avait pris le parti de ne retenir que des propositions ne nécessitant ni révision de la Constitution, ni modification de dispositions organiques. L’enjeu était donc circonscrit mais il n’en est pas moins essentiel.
La reconnaissance officielle des groupes parlementaires est le fruit d’une résolution de 1910, pas d’une disposition constitutionnelle ou législative.
Alors, mes chers collègues, en conclusion, je dirai que notre groupe se déterminera sur cette proposition de résolution en fonction du sort qui sera réservé aux nombreux amendements qu’il a déposés.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, avant d’évoquer plus précisément le contenu de cette proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de notre Assemblée avec l’objectif d’améliorer le travail parlementaire, je souhaite – cela n’étonnera personne – relativiser la portée de notre discussion à la lumière de la grave crise de la représentation politique que connaît aujourd’hui notre pays.
Comme le démontre – à notre sens très justement – le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur à l’Université de Paris-I, la situation politique actuelle est aussi le reflet d’une Constitution à bout de souffle qui protège les gouvernants des gouvernés alors que ce devrait être l’inverse.
Je le cite : « Depuis la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral en 2002, tous les quinquennats ont connu des difficultés de fonctionnement. C’est un problème structurel lié à ce que nos institutions ne sont pas solides mais rigides. À l’heure actuelle, nos institutions corsètent la société, qui ne peut s’exprimer au Parlement, et cela déborde ».
De ce diagnostic, nous tirons pour notre part la conclusion que cette crise démocratique et institutionnelle appelle une réforme constitutionnelle d’envergure pour mettre en place une VI° République qui rende véritablement le pouvoir au peuple et à ses représentants, une VI° République parlementaire, sociale et participative.
C’est pourquoi, vous l’aurez compris, si nous soutenons la proposition de résolution présentée par le président Bartolone, ce soutien ne peut être qu’en rapport avec les aménagements proposés, qui améliorent certes quelque peu l’existant sans pour autant le rendre satisfaisant –aménagements qui ne sont pas de nature à donner au Parlement la place et le rôle qui devraient être les siens.
Ceci étant, nous constatons également que, même dans un cadre très restreint, cette proposition de résolution qui résulte d’un accord entre les présidents de groupes, reste encore en deçà de ce que nous aurions pu espérer.
Elle ambitionne par exemple de permettre aux députés de légiférer dans de meilleures conditions mais elle reste au milieu du gué en ne donnant pas les moyens concrets de satisfaire à cette exigence et en ne prévoyant pour cela que d’encadrer plus fermement les jours d’ouverture en plus des mardis, mercredis et jeudis, ainsi que les séances de nuit.
Notre façon de travailler ne réunit pas toujours les conditions – c’est le moins que l’on puisse dire – pour produire un travail de qualité. C’est une évidence, tant les exemples sont nombreux. Pourtant, comme l’affirmait Portalis, c’est avec une loi bien écrite que le Parlement peut trouver sa place.
Le nouvel article 1erocties introduit par la commission des lois risque d’ailleurs d’accentuer ce travers en supprimant à l’article 41 alinéa 1 la disposition du Règlement qui prévoit que les commissions permanentes ne pouvaient se réunir concomitamment avec la séance publique que pour terminer l’examen d’un texte inscrit à l’ordre du jour.
Tous les abus et télescopages sont désormais officialisés.
De même, il conviendrait de prévoir des délais raisonnables entre l’examen d’un texte en commission et son examen en séance. Ce n’est pas révolutionnaire, c’est juste raisonnable et pragmatique.
Une loi ne peut pas être bien écrite si le législateur n’a que quelques heures pour examiner le texte sorti de la commission et l’amender.
Au-delà de l’atteinte à la qualité, des délais trop serrés constituent aussi une atteinte au droit d’amendement. Nous espérons donc que la volonté affichée de légiférer dans de meilleures conditions s’exprimera concrètement avec l’adoption de l’amendement que nous avons déposé en ce sens.
Nous avons une autre inquiétude, que je tiens à souligner.
Si nous comprenons et partageons la volonté de valoriser les activités de contrôle et d’évaluation telles que décrites par l’exposé des motifs, nous nous opposons fermement à la rédaction actuelle de l’article 4.
L’exposé des motifs dispose : « Il est proposé que le droit des groupes d’inscrire un point à l’ordre du jour de la semaine de contrôle s’exerce prioritairement sur un rapport émanant d’une commission ou d’un autre organe de l’Assemblée ».
Prioritairement ne veut pas dire exclusivement. Or, la rédaction de l’article 4 prévoit que ce droit s’exercera exclusivement sur ces rapports, en dehors des questions à un ministre. Ce n’est évidemment pas acceptable. Il s’agit là d’une atteinte pure et simple au pouvoir d’évaluation et de contrôle des parlementaires.
Du reste, restreindre le champ de ce pouvoir aux seuls rapports, qui ne sont bien évidemment pas exhaustifs, revient à transformer ces séances, en quelque sorte, en « promotion » de nos rapports parlementaires. Ce n’est évidemment pas là la finalité première de la fonction d’évaluation et de contrôle des députés !
Les parlementaires doivent pouvoir organiser des débats sur tous les sujets, y compris ceux qui n’auront pas fait l’objet de rapports. C’est pourquoi nous avons proposé un amendement pour préciser la volonté originelle de l’auteur de la proposition de résolution – j’espère qu’il y sera sensible : le droit des groupes s’exercera « prioritairement » sur des rapports et non « exclusivement ».
Dans un Parlement digne de ce nom, les droits des groupes d’opposition ou minoritaires doivent être préservés et protégés tant ils sont indispensables à la vitalité d’une démocratie qui ne peut exister sans le respect du pluralisme.
Un petit pas est fait en ce sens en donnant la possibilité à ces groupes de répartir sur plusieurs journées leurs séances réservées, souplesse dans l’organisation qui permet a un groupe de porter ses propositions à différents moments de l’année.
Pour autant, il ne faudrait pas que cette opportunité ne soit qu’un leurre et que ces séances soient programmées aux moments de plus faible affluence.
Nous avons là aussi déposé un amendement qui reprend d’ailleurs une proposition faite au mois de janvier 2010 par les députés socialistes, verts, radicaux et communistes.
Nous souhaitons que ces journées soient programmées les mardi et mercredi faute de ne pouvoir obtenir l’engagement que ces séances ne seront pas renvoyées à des moments inopportuns de nos travaux.
Par ailleurs, nous saluons l’intégration dans notre Règlement d’un chapitre consacré à la déontologie parlementaire qui consacre l’institution du déontologue et l’existence d’un code de déontologie.
Enfin, nous allons pouvoir – je l’espère – répondre à une très ancienne revendication des collaborateurs parlementaires, qu’ils soient collaborateurs de groupes ou de députés, lesquels aspirent depuis de nombreuses années à un statut.
Les dispositions que nous allons voter doivent être l’amorce d’un travail commun pour la mise en place, dans les meilleurs délais, d’un véritable statut protecteur pour ces collaborateurs du quotidien qui nous accompagnent avec beaucoup de dévouement dans nos mandats et qui souffrent de la précarité de leurs fonctions.
Bien évidemment, les députés du Front de gauche ne peuvent que se réjouir de cette avancée pour la reconnaissance effective de ces emplois.
Nous reviendrons dans la discussion sur ces différents points et sur d’autres, que je n’ai pu aborder ici, en défendant nos amendements.
Pour conclure, malgré sa portée toute relative, que j’ai soulignée au début de mon propos, nous reconnaissons que cette proposition de résolution a le mérite d’exister et qu’elle apportera quelques aménagements utiles au travail parlementaire. C’est pourquoi les députés du Front de gauche la voteront, tout en espérant que les craintes qu’ils ont exprimées seront dissipées dans le cours de la discussion.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, la proposition de résolution dont nous discutons aujourd’hui s’inscrit dans un mouvement qui vise à ce que notre assemblée travaille d’une manière plus transparente et plus efficace, afin que ce pour quoi nos concitoyens nous ont choisis et nous ont délégué un pouvoir, à savoir faire et contrôler la loi, se fasse dans de meilleures conditions. Le mérite de cette initiative revient amplement au président Claude Bartolone, ainsi qu’au président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, qui a conduit les travaux.
Mon propos sera axé autour de trois idées : le mouvement que dessine cette proposition de résolution, l’enjeu de l’évaluation, et la question des droits fondamentaux, à l’aune de la Convention européenne des droits de l’homme.
Concernant le mouvement que dessine cette proposition de résolution, plusieurs axes de travail ont été privilégiés. Je citerai d’abord celui visant à limiter la durée de certaines procédures qui, loin de déboucher sur une activité de qualité, ne font que susciter des flux peu pertinents. Tel est par exemple le cas des questions écrites. Leur nombre étant illimité, elles restent sans réponse, et certains ministres peuvent même tirer prétexte de leur surabondance pour justifier leur insouciance et ne pas y répondre avec pertinence. J’évoquerai également les discussions générales trop longues, qui retardent parfois l’examen au fond du dispositif et de ses effets réels, ou encore les journées supplémentaires ajoutées au fil du temps.
Parmi les autres orientations majeures de cette proposition de résolution, j’évoquerai également l’objectif de renforcement du travail d’évaluation du Gouvernement et de l’efficacité des lois. Il s’agit notamment d’élargir la composition des organes d’évaluation, d’améliorer la coordination des travaux et de faciliter le recours à des procédures telles que les missions d’information, en lien notamment avec le statut des groupes d’opposition.
Je voudrais m’arrêter quelques instants sur l’enjeu de l’évaluation, et notamment sur les expertises qui nous sont demandées et sur lesquelles l’exécutif s’appuie dans bon nombre de cas pour expliquer et argumenter ses projets. Certes, la Constitution a conforté et sanctuarisé la mission d’évaluation de nos assemblées, mais, au quotidien et dans le travail des rapporteurs, des responsables de groupes et des députés impliqués, les moyens techniques manquent cruellement pour disposer de données, d’analyses techniques, quand ce n’est pas le temps qui fait défaut pour auditionner ou se déplacer.
L’examen de mesures introduites de façon séparée dans plusieurs textes, ou de manière successive à l’intérieur d’un même texte, limite parfois significativement la marge de manoeuvre des parlementaires, qui n’ont pas une vue cohérente sur l’ensemble des dispositions en cours de discussion. Par ailleurs, c’est l’administration au service de l’exécutif qui, du fait de sa permanence, des connaissances et des outils dont elle dispose, peut faire des prévisions utiles, alors que les parlementaires sont souvent incapables de prévoir l’impact de certains dispositifs et d’envisager d’éventuelles réallocations de moyens.
Ces constats doivent nous conduire à renforcer l’évolution des moyens de contrôle de l’exécution législative et budgétaire, afin d’inventorier les marges qui nous permettraient, collectivement, de peser plus significativement sur les choix ministériels. Car tel est bien l’enjeu de la délibération collective démocratique : reconnaître qu’à plusieurs, on est plus intelligent que tout seul !
Autre sujet d’importance directement lié à l’évaluation, celui de la capacité de notre assemblée à renforcer son intervention dans le domaine de la protection des droits de l’homme et du citoyen. En tant qu’assemblée, et de par notre histoire et nos compétences, nous avons le souci du droit et des droits fondamentaux. C’est cette préoccupation qui a déterminé la commission des lois à élargir explicitement son champ de compétence, en y ajoutant les droits fondamentaux.
Nous devons également avoir le souci que notre assemblée soit, dans les faits, un meilleur acteur du contrôle de la bonne application de ces droits fondamentaux. Depuis deux décennies, plusieurs exemples peuvent être donnés de décisions prises par la Cour européenne des droits de l’homme ayant débouché sur une prise de conscience de l’inadéquation de notre droit national aux standards européens, qui devraient pourtant s’imposer, eu égard à notre « état de civilisation commune », comme l’aurait dit l’éminent juriste Guy Braibant.
À ce titre, je pense que notre assemblée pourrait aller plus loin, à l’instar de ce que font plusieurs assemblées parlementaires en Europe. Le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Allemagne débattent en commission et en séance publique du suivi des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Selon moi, c’est dans le cadre du débat public et de la délibération politique que nous pouvons faire bouger les choses. L’opportunité nous est peut-être donnée de renforcer notre capacité en la matière en complétant notre règlement.
Il s’agirait d’adopter le principe selon lequel une partie relative à l’exécution des décisions de la Cour figure systématiquement dans le rapport annuel de notre délégation, celle de l’Assemblée nationale à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et donne lieu à une discussion en commission des lois, désormais compétente. L’ensemble des évolutions dans notre façon de fonctionner et de délibérer, que je viens de citer, sont peut-être modestes ; elles n’en sont pas moins résolument modernes.
Elles traduisent le sentiment objectivé que l’effritement qu’a connu le Parlement au long des décennies passées n’a pas forcément de raison d’être. Dans un monde devenu complexe, un Parlement mieux armé au plan de l’expertise, disposant de prérogatives plus fortes en termes de contrôle et de droits d’initiative plus significatifs, n’est pas un frein à l’efficacité, mais un moteur. Essayons de faire oeuvre de modernisation.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de notre assemblée comporte un certain nombre de dispositifs qui ne posent pas de difficultés de mon point de vue. Lorsqu’on évoque la publicité des travaux, quand on caresse l’espoir d’une meilleure coordination, quand on essaie d’exhorter à l’anticipation, quand on s’évertue à fournir au Parlement une information préalable suffisante, quand on espère fortement que l’organisation des travaux s’améliore et quand, enfin, on favorise l’expression des parlementaires, notamment à travers les rapports sur les textes de loi, il me semble que personne ne peut être en désaccord avec de telles orientations.
Cela étant dit, je me pencherai davantage sur ce que ce projet de réforme ne contient pas que sur ce qu’il contient. À ce sujet, monsieur le président, chers collègues, j’aimerais vous soumettre cinq réflexions.
La première concerne l’article 40 de la Constitution. Les raisons pour lesquelles tel amendement est examiné en séance, alors que tel autre ne l’est pas, relèvent bien souvent du mystère. Et quoique notre ancien collègue, Pierre Méhaignerie, ait rédigé, au cours de la douzième législature, un célèbre rapport qui constitue une sorte de vade-mecum permettant d’interpréter cet article, nous nous étonnons régulièrement, sur tous les bancs de cette assemblée, que l’un ou l’autre de nos amendements ne soit pas parvenu jusqu’en séance. Je regrette donc que ce projet de réforme du règlement ne soit pas l’occasion de clarifier, non pas le sens même de l’article 40 de la Constitution, mais au moins la manière dont il faut l’interpréter et peut-être renforcer l’aspect politique de cette interprétation.
S’agissant, deuxièmement, du chevauchement entre le travail de la séance et celui des commissions, je rejoins parfaitement ce qu’a dit Marc Dolez tout à l’heure. Évidemment, ceux d’entre nous qui préfèrent la séance à la commission, ou la commission à la séance, ne peuvent pas être dérangés par le fait que les deux se tiennent en même temps. Mais il en est aussi parmi nous qui, en fonction des textes qui sont examinés, ou par habitude, se trouvent écartelés entre l’une et l’autre. Pour ceux-là, et pour la bonne organisation de nos travaux et le bon examen des textes, il me paraît indispensable, même si nous avons du mal à respecter cette règle, que soit maintenue dans le règlement cette impossibilité – toute théorique, je vous le concède – de programmer les deux en même temps. Cela impliquera que l’Assemblée nationale soit plus performante en matière d’anticipation et de planification des travaux, mais après tout, il n’est pas interdit de rêver.
Troisièmement, monsieur le président, je me réjouis que vous ayez retiré en commission l’amendement tendant à limiter d’une manière plus drastique encore les temps d’intervention en discussion générale. Sur ce sujet, j’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises, notamment en commission, que, d’une certaine façon, le temps qui passe fait partie de l’exercice de notre mandat, même s’il est parfois plus passif qu’actif, particulièrement lorsqu’on siège du côté de la majorité. C’est une expérience que les membres de toutes les majorités ont déjà faite, et que certains ont probablement découverte avec une certaine surprise…
S’il est vrai que la limitation du temps dévolu à la discussion générale aurait pour vertu de réduire la durée de nos travaux, il me semble néanmoins que cette discussion est importante, parce qu’elle permet la confrontation d’opinions différentes, parce qu’elle garantit l’expression des parlementaires, et même, parfois d’un certain nombre de nuances. Elle peut même éclairer, par avance, l’examen des articles, et la répétition fait partie de l’exercice. Je militerai donc farouchement, en ce qui me concerne, pour que cette liberté soit préservée, quoi qu’il arrive. Il ne serait pas bon, du reste, que ce qui se disait naguère en discussion générale soit désormais exposé à l’occasion de l’examen des articles, car je ne suis pas certain que nous y gagnerons en termes de durée globale du débat. C’est une réflexion que je me permets de porter à la connaissance de l’Assemblée.
S’agissant du plafonnement du nombre de questions écrites, faut-il indéfiniment, monsieur le président, mes chers collègues, sanctionner ceux d’entre nous qui respectent l’esprit des institutions et des questions écrites, à cause du comportement de ceux qui ne le respectent pas ? L’exagération de quelques-uns finira par réduire la liberté d’intervention de tous, et c’est fort dommage.
Je termine brièvement, monsieur le président, en indiquant qu’il serait bon que le délai de transmission des textes au Parlement soit respecté par le Gouvernement de manière systématique. Là encore, toutes les majorités ont connu ce problème, d’une manière plus ou moins prononcée, mais il est arrivé, ces derniers temps, que les membres d’une commission saisie au fond arrivent en séance, sans que le Gouvernement soit en mesure de leur fournir le texte en examen, ce qui, vous me l’accorderez, est un peu problématique !
Je fais une dernière proposition, qui servira sans doute à une prochaine refonte du règlement : j’apprécierais que l’Assemblée nationale se saisisse officiellement des décrets d’application des lois qu’elle vote. En effet – et nous avons échangé sur ce point à plusieurs reprises avec le président de la commission et quelques collègues – l’une des raisons pour lesquelles le texte législatif entre fréquemment dans des détails qui n’ont pas beaucoup d’intérêt et qui ne relèvent pas de sa compétence, tient à une forme de défiance du Parlement à l’égard de l’exécutif sur l’application qu’il fera de la loi qui est votée. Quelle meilleure manière de vérifier cette application que de réserver, dans les séances de contrôle, un temps à l’examen des décrets qui sont signés par les ministres, afin de s’assurer que l’esprit de la loi est bien respecté ?
Telles, sont, mes chers collègues, les réflexions que je voulais faire à ce stade de la discussion. Vous comprendrez que je regrette beaucoup que tous ces aspects n’aient pas été intégrés à cette proposition de résolution. Quant au reste, je m’en tiendrai à la position qu’a exprimée, pour notre groupe, notre excellent collègue Guy Geoffroy.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, selon l’article 24 de la Constitution, modifié en 2008 : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »
Mais le Parlement vote trop de lois, qui s’empilent, et les normes s’accumulent : huit mille lois sont actuellement en vigueur, et on en compte une centaine de plus chaque année. Le nombre de lois votées annuellement a augmenté de près d’un tiers en trente ans.
Et le taux d’application des lois promulguées est de 65 %. L’inflation normative affecte la qualité des lois : leur impact est souvent mal évalué en amont de la procédure législative, tout comme leur efficacité après leur vote et leur entrée en vigueur. Le Parlement n’est pas le seul responsable de cette situation, puisque 80 % des textes de loi émanent du Gouvernement.
La procédure accélérée a été engagée vingt-trois fois lors de la douzième législature, cinquante-sept fois lors de la treizième, et cent dix fois lors de la quatorzième – et nous ne sommes qu’à mi-mandat !
L’entrée en vigueur en 2017 de l’interdiction de cumul entre les fonctions exécutives locales et les fonctions de parlementaire, j’en suis convaincu, permettra de renforcer nos fonctions de contrôle et d’évaluation au Parlement.
La proposition de modification du règlement que nous allons adopter permettra de revaloriser notre travail parlementaire et de mieux l’organiser, tout d’abord en valorisant les activités de contrôle et d’évaluation. L’article 17 prévoit de renforcer l’efficacité et le rôle du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale en lui donnant une nouvelle composition, qui permettra une meilleure participation de ses membres ; c’est une bonne chose.
En tant que vice-président de ce comité d’évaluation et de contrôle, et m’exprimant sous le contrôle du président Bartolone, je veux souligner la qualité et la richesse des travaux de ce comité. Un travail approfondi y est mené chaque année dans un cadre bipartisan, avec la participation d’un rapporteur de la majorité et d’un rapporteur de l’opposition qui travaillent souvent pendant près d’un an sur l’évaluation de l’efficacité des politiques publiques. Ce travail se fait dans une approche comparative avec les autres pays européens et donne lieu à des suites. De nombreuses préconisations des travaux du comité d’évaluation et de contrôle sont reprises par l’exécutif ou dans le cadre de nos travaux parlementaires.
Le président de Claude Bartolone a bien voulu confier une mission d’information sur la simplification législative à Laure de La Raudière et à moi-même, appelé à remplacer Thierry Mandon qui en était le rapporteur. Ce rapport, intitulé : « Mieux légiférer, mieux évaluer : quinze propositions pour améliorer la fabrique de la loi », dont je vous recommande la lecture, insiste sur un certain nombre de propositions.
Certaines d’entre elles relèvent de modifications constitutionnelles, par exemple la question du délai de dépôt des amendements gouvernementaux en séance ou en commission, je ne vais pas les détailler dans le peu de temps qui me reste.
Mais d’autres évoquent l’enrichissement de l’étude d’impact, qui est pour moi une question centrale. Il faut enrichir le contenu des études d’impact si l’on veut mieux légiférer. Nous préconisons de rendre public l’avis du Conseil d’État sur l’étude d’impact, mais aussi que nos débats parlementaires soient mieux centrés sur ces études d’impact. De ce point de vue, une avancée significative est prévue par ce projet de modification du règlement puisqu’un co-rapporteur sera désigné dès le stade de la commission, et lors du débat en séance publique, la question de la qualité de l’étude d’impact pourra être discutée collectivement. C’est un grand progrès. J’aurai l’occasion de présenter un amendement permettant de préciser que le rapporteur, lui aussi, peut et doit procéder à une analyse de l’étude d’impact dans son rapport au fond.
Pour terminer, certaines mesures ne relèvent pas forcément du règlement, telles que l’organisation de nos débats budgétaires. Aujourd’hui, il n’est pas normal que nous consacrions très peu de temps à la loi de règlement et beaucoup – voire trop – à la loi de finances initiale. Mais cela relève plus des prérogatives du président de l’Assemblée nationale.
Enfin, s’agissant des évaluations ex post, des progrès sont également prévus grâce à une meilleure coordination au sein de la conférence des présidents de tous les travaux de contrôle et d’évaluation. J’avais proposé de réunir une conférence de l’ensemble des évaluateurs, c’est-à-dire le Sénat, l’Assemblée nationale, la Cour des comptes et les différents corps de contrôle qui réalisent des travaux d’évaluation.
Nous avons besoin, si nous voulons progresser, d’une évaluation plus méthodique. Sur ce point, je présenterai un amendement afin d’instaurer des rendez-vous triennaux d’évaluation trois ans après l’entrée en vigueur d’une loi. Un travail réalisé par un rapporteur de la majorité et un rapporteur de l’opposition permettrait d’avoir une évaluation très précise de l’efficacité des lois votées.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le président de l’Assemblée nationale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je serai très bref puisque ce débat relève de l’autonomie de votre assemblée.
Je veux, en tout premier lieu, saluer votre initiative, monsieur le président de l’Assemblée nationale, en tant qu’auteur de cette proposition de résolution. J’y vois une nouvelle marque de votre engagement en faveur de la de la modernisation de notre vie publique et pour la consolidation du lien entre les citoyens et les élus de la nation.
Je souhaite également saluer les membres du groupe de travail pluraliste que votre conférence des présidents a mis en place en janvier 2013, et dont les réflexions ont inspiré le texte dont vous allez débattre.
Sous l’autorité de son excellent président et rapporteur, votre commission des lois a adopté plusieurs amendements qui donnent des pouvoirs spécifiques aux groupes minoritaires et d’opposition : ce faisant, elle a donné une portée plus large et plus concrète au principe de pluralisme inscrit dans notre Constitution.
L’introduction dans votre règlement de règles relatives au référendum d’initiative partagée vient par ailleurs compléter ce dispositif constitutionnel nouveau dans notre démocratie.
Mesdames et messieurs les députés, sur une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement ne peut faire entendre qu’une voix discrète. Il appartient en effet à chaque assemblée parlementaire de déterminer souverainement les règles d’organisation de ses travaux.
Ainsi, pour terminer ce bref propos, je veux évoquer un sujet relatif à des prérogatives que le Gouvernement et les assemblées ont en partage, à savoir la décision de tenir des jours supplémentaires de séance. Je comprends pleinement les préoccupations qui sont à l’origine de l’article 6 de la proposition de résolution : la volonté de lutter contre l’inflation législative, de préparer l’Assemblée nationale au non-cumul, d’éviter la prolongation des séances de nuit. Le Gouvernement partage ces objectifs et s’efforce de limiter l’ouverture de jours supplémentaires de séance. Pour autant, le dispositif envisagé peut soulever des questions juridiques et pratiques. Le rapport de la commission des lois en identifie quelques-unes, et M. le président de la commission des lois les a soulignées lors de son intervention. Il appartiendra donc au Conseil constitutionnel d’examiner la portée de ce dispositif au regard d’un contexte sensiblement modifié par la révision du 23 juillet 2008 en ce qui concerne la fixation de l’ordre du jour des assemblées.
Mesdames et messieurs les députés, je tiens encore une fois à me réjouir avec vous du travail accompli. La modification du règlement que vous vous apprêtez à examiner est un pas de plus dans la modernisation de l’Assemblée nationale. Elle donnera à chacun d’entre vous, qu’il appartienne à l’opposition ou à la majorité, les moyens de travailler avec encore plus d’efficacité, et elle renforcera, en matière de déontologie, l’exemplarité à laquelle nous sommes tous attachés. Je vous remercie.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
Nous vous remercions également, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Sirugue remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.
J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de résolution.
L’article 1er est adopté.
Par cet amendement, il vous est proposé d’imposer la parité entre hommes et femmes au sein du bureau de l’Assemblée nationale. Les effectifs assez nombreux du bureau le permettraient tout à fait. Nous avons eu ce débat en commission, je crois qu’il y a certes quelques dispositions particulières à prendre pour se donner les moyens d’atteindre cet objectif. Mais ces dispositions existent, s’il s’agit d’un objectif prioritaire.
Lorsque l’on a introduit la parité entre hommes et femmes pour les mandats électifs, il fallait naturellement prendre des dispositions contraignantes. Il est sans aucun doute nécessaire de faire de même puisqu’il est arrivé, il y a encore peu, que les principaux postes de responsabilité du bureau de l’Assemblée nationale soient quasi exclusivement occupés par des hommes.
Monsieur le président, avant de répondre à M. de Rugy, permettez-moi de m’interroger sur la présence du Gouvernement. Je suis assez attaché à la séparation des pouvoirs, et sauf à ce que l’on me démontre qu’il est indispensable que le Gouvernement assiste à nos débats, je trouverais assez logique que l’Assemblée nationale puisse débattre hors de la présence du secrétaire d’État, s’il ne souhaite pas participer à nos échanges.
Puisque nous allons débattre pendant plusieurs heures d’un sujet sur lequel il n’a que peu d’avis, puisque cela concerne notre fonctionnement, et qu’il me souvient qu’au Sénat, cette question avait été soulevée, j’avoue que je ne serais pas choqué, personnellement, si le Gouvernement consentait à laisser l’Assemblée nationale délibérer souverainement de son règlement, même si j’entends bien que la présence du Gouvernement n’est pas une tutelle, mais un amical intérêt. Je laisse donc toute latitude au Gouvernement, mais je ne serai pas vexé si le Gouvernement laissait l’Assemblée nationale délibérer souverainement.
J’en viens maintenant à l’argumentation que je souhaitais développer pourM. de Rugy. Il ne sera évidemment pas surpris par le fond de mon propos, puisque cet amendement a été rejeté en commission. Je comprends bien son souci, tout le monde ici le partage. Je suis simplement soucieux que l’Assemblée nationale se dote de règles qu’elle pourrait appliquer. Dans le cas d’espèce, François de Rugy sait parfaitement que même si nous décrétions la parité au bureau de l’Assemblée nationale, nous serions en incapacité de la faire respecter car cela impliquerait que nous désignions préalablement à la composition quels sont les postes qui doivent être occupés par un homme ou par une femme. Cela sous-entendrait que les groupes soient capables de répondre à cette contrainte, et comme tous ces éléments ne sont évidemment pas de l’ordre du réel en ce temps, j’ai donné un avis défavorable et la commission m’a suivi. Je souhaite donc que l’Assemblée nationale repousse cet amendement.
J’aurai néanmoins l’occasion de donner un avis favorable à l’amendement no 9 rectifié déposé par M. de Rugy, dont nous débattrons plus tard. En 2009, j’avais déposé à peu près le même amendement avec Marietta Karamanli, et l’argument que je développe aujourd’hui nous avait alors été opposé. J’en avais été convaincu, j’essaie donc d’être cohérent.
Mesdames et messieurs les députés, je n’avais pas l’intention d’intervenir mais la finesse du président de la commission des lois m’amène à le faire. Personnellement, je n’ai pas d’avis sur la question.
Je trouve plutôt normal que cette discussion se passe comme le souhaite Jean-Jacques Urvoas, en maintenant l’idée que je suis parfaitement à la disposition de l’Assemblée. Si elle m’appelait sur un point ou un autre, je serais évidemment présent au banc. De la même façon, si en suivant les travaux, j’estimais que je devais apporter un éclairage particulier à l’Assemblée par un biais ou un autre, je serais également présent ici pour le faire.
Néanmoins, je comprends tout à fait les remarques du président Urvoas qui ont d’ailleurs également été faites au Sénat dans une situation équivalente.
Monsieur le président, nous créons là un précédent, il faut que les choses soient claires. Autant je comprendrais que le Gouvernement respecte la volonté de l’Assemblée nationale, autant je souhaite que le Gouvernement soit là au moment de la discussion de l’article 6, qui porte justement sur l’ordre du jour partagé. Le point de vue du Gouvernement me paraît indispensable à ce moment. Je souhaite donc que l’on puisse acter du fait que si le Gouvernement n’est pas présent, c’est à la demande de l’Assemblée nationale qui souhaite pouvoir délibérer.
Constitutionnellement, la présence d’un représentant du Gouvernement est tout à fait possible. Néanmoins, nous discutons d’un texte qui ne requiert pas forcément la réponse du Gouvernement sur chacun des amendements proposés. Cela étant, le secrétaire d’État peut, comme il l’a suggéré, être présent ou ne pas l’être.
Je rappelle simplement que sur l’ensemble des textes de même nature qui ont été discutés, le Gouvernement était représenté. Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes libre de faire comme vous le souhaitez.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Je ne suis ni choqué – ni surpris d’ailleurs – de la remarque de notre collègue Jean-Jacques Urvoas. Je voudrais simplement m’assurer qu’il n’y a pas, dans les textes qui régissent notre assemblée, de dispositions prévoyant de manière générale que l’Assemblée nationale ne peut délibérer en l’absence du Gouvernement.
Si cette formulation existe – je crois m’en souvenir –, elle ne comporte aucune restriction. Je comprendrais très bien que M. le secrétaire d’État Le Guen, qui a certainement d’autres choses à faire davantage liées à sa fonction, puisse vaquer à ses occupations. Cela étant, si l’absence du ministre constituait un risque d’inconstitutionnalité pour la réforme du règlement, la situation serait un peu délicate.
Si cette formulation existe – je crois qu’elle existe, même si je n’ai pas été capable de la retrouver au cours des dernières minutes –, je me permets d’alerter notre assemblée sur le fait que l’absence d’un membre du Gouvernement pourrait faire encourir à cette proposition de résolution un risque que, même si nous n’apprécions pas forcément ce texte avec l’enthousiasme qui conviendrait, personne n’a envie de voir se réaliser.
L’intervention du président de la commission des lois et la réponse du secrétaire d’État m’amènent à évoquer un sujet dont j’ai déjà parlé à maintes reprises, et sur lequel nous n’avons pas obtenu de réponses extrêmement claires des autorités qui seraient compétentes pour nous les donner. Je veux parler de la présence du Gouvernement lorsque la commission légifère.
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le texte discuté en séance publique est celui qui a été adopté par la commission. Cela signifie que, depuis 2008, la commission légifère. Or je me suis toujours interrogé quant à la capacité qu’avait la commission à légiférer en l’absence d’un représentant du Gouvernement. Par exemple, la commission des lois a travaillé hier soir, très tard, sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Nous avons adopté un certain nombre d’amendements présentés par le Gouvernement sans que ce dernier puisse les défendre, puisqu’il n’était pas représenté. Il s’agit donc d’un vrai sujet.
J’ai déjà évoqué un autre vrai sujet, celui de la possibilité de faire légiférer une commission en dehors d’une session parlementaire. C’est ce qui s’est passé pour la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la transition énergétique, qui a siégé entre deux sessions extraordinaires – ce qui est toujours possible –, mais qui a aussi légiféré. Le moment venu, nous interrogerons le Conseil constitutionnel sur la régularité d’une telle procédure.
Nous parlons aujourd’hui de la réforme du Règlement et de la relation nouvelle entre le Gouvernement et le Parlement depuis la révision constitutionnelle de 2008, mais nous n’abordons pas ces sujets comme il le faudrait. Ne serait-ce que pour la sécurité juridique des actes adoptés par le Parlement, il serait indispensable que nous nous penchions sur ces questions et que nous y apportions, dans le meilleur dialogue possible, toutes les réponses nécessaires.
Il est une question à laquelle le Gouvernement n’a pas répondu alors qu’il est tout à fait concerné : je veux parler du délai dans lequel le Gouvernement répond aux questions signalées. J’ai déjà indiqué que ce délai était passé de dix jours à un an, six mois ou huit mois.
Ce sujet relève de la responsabilité du Gouvernement. Naturellement, ce dernier est dirigé par le Premier ministre, mais c’est traditionnellement le ministre chargé des relations avec le Parlement qui rappelle à tous ses collègues qu’il convient de répondre aux questions signalées. Je parle uniquement des questions écrites signalées : parmi les multiples questions écrites, dont les mauvaises chassent les bonnes, ne confondons pas les questions écrites ordinaires et les questions écrites signalées !
Comme tous ceux qui siègent ici, je suis bien sûr attaché à la séparation des pouvoirs – cela va de soi – et à la capacité du Parlement de débattre en toute liberté et en toute indépendance.
Le président de la commission des lois a proposé légitimement et courtoisement que le Gouvernement puisse choisir d’être représenté ou non et de revenir à l’occasion de l’examen d’un article – j’ai entendu parler de l’article 6. Mais tout cela doit être organisé avant le débat, et non en pleine séance, à l’improviste !
Le secrétaire d’État prendra bien sûr sa décision en toute indépendance et liberté. Mais je le répète : pour ce genre d’initiative parfaitement légitime, que l’on peut comprendre, les choses auraient dû être organisées en amont, avant même que nous commencions la discussion de cette proposition de résolution.
Pour que les choses soient claires, je veux rappeler quelques éléments. Lorsque l’Assemblée nationale a discuté d’une réforme de son règlement en 2009, le Gouvernement a été représenté pendant l’ensemble du débat.
Néanmoins, si M. le secrétaire d’État proposait, au nom du Gouvernement, de ne pas être présent pendant nos travaux, cela n’empêcherait pas la tenue des débats. D’ailleurs, lorsque notre assemblée discute d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, le Gouvernement peut ne pas être représenté.
J’ai considéré que les propos du président Urvoas concernaient l’Assemblée et avaient vocation à apaiser les débats et rassembler les parlementaires.
Pour répondre à la question posée, le Gouvernement se tient à la disposition de l’Assemblée nationale : ce n’est évidemment pas lui qui décide de ne pas être représenté. Il est déjà arrivé que les sénateurs souhaitent débattre de leur règlement en dehors de la présence du Gouvernement. Le président Urvoas a posé une question qui me paraît légitime :…
…puisqu’elle a été posée au Sénat, je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas l’être à l’Assemblée nationale. En tout cas, le Gouvernement n’a pas la prérogative de décider de ne pas assister aux débats.
S’agissant des questions écrites signalées, ce sujet a déjà fait débat. Mon ministère est prêt à agir afin de raccourcir les délais de réponse aux questions écrites signalées par les groupes et de flécher davantage la procédure. Le délai devrait se rapprocher de ce que M. Dosière a évoqué : je ne sais pas si dix jours suffiraient, mais je pense qu’un délai de deux semaines pourrait être fixé pour répondre à une question signalée.
Certes, monsieur le député, mais vous avez noté qu’il y a eu une inflation de ces questions et même un dérèglement de la procédure, qui a été transformée. L’Assemblée a d’ailleurs tiré les conclusions de ce constat en créant le système des questions signalées, qui n’existait pas à l’origine et qui fonctionne encore plus ou moins bien. Nous essaierons maintenant de différencier les choses et d’avancer dans le sens que vous souhaitez. C’est parce qu’on a constaté une inflation des questions écrites et un dérèglement de la procédure que nous avons été amenés à faire des propositions, que je remets à l’ordre du jour pour qu’elles soient dorénavant prises en compte à la fois par les groupes, par les parlementaires et par le Gouvernement.
La question de savoir si le Gouvernement peut ou doit assister à nos travaux est très intéressante. Pour éclairer ce débat, je me référerai aux propos de Michel Debré…
Sourires.
…lorsqu’il présenta le projet de Constitution de la Ve République devant le Conseil d’État : « À la confusion des pouvoirs dans une seule assemblée, à la stricte séparation des pouvoirs avec priorité au chef de l’État, il convient de préférer la collaboration des pouvoirs : un chef de l’État et un Parlement séparés, encadrant un Gouvernement issu du premier et responsable devant le second, entre eux un partage des attributions donnant à chacun une semblable importance dans la marche de l’État et assurant les moyens de résoudre les conflits qui sont, dans tout système démocratique, la rançon de la liberté. » Pour exercer notre liberté parlementaire, nous avons besoin de collaborer avec le Gouvernement : c’est pourquoi je souhaite, pour ma part, qu’il reste présent jusqu’au bout de la nuit s’il le faut !
Sourires.
Mes chers collègues, je vous propose que, sur l’examen des amendements, je ne demande pas l’avis du Gouvernement comme nous le faisons traditionnellement. Néanmoins, si un député le souhaite ou si M. le secrétaire d’État souhaite s’exprimer, je lui donnerai bien évidemment la parole.
L’amendement no 8 a été présenté par M. de Rugy.
La parole est à M. Patrick Mennucci.
Nous sommes ravis que M. le secrétaire d’État reste avec nous. Je suppose qu’il nous invitera à dîner tout à l’heure.
Sourires.
Ce n’est plus la présence, c’est la pression !
Sourires.
Revenons à l’amendement de M. de Rugy, que je soutiens, comme je l’ai déjà fait en commission des lois. J’ai réfléchi aux remarques de l’excellent président de notre commission, qui affirmait que cet amendement poserait un problème – je ne sais pas s’il a parlé de constitutionnalité – touchant à l’autonomie des partis politiques et qu’il faudrait flécher des postes pour les femmes et pour les hommes. Or, quand le législateur organise un scrutin proportionnel en imposant une alternance entre les hommes et les femmes sur les listes, il limite aussi, en quelque sorte, la liberté des partis politiques : en effet, si le premier candidat de la liste est un homme, la seconde personne doit être une femme.
Nous devons faire cet effort et soutenir l’amendement de M. de Rugy, parce qu’il correspond à ce que nous souhaitons, à savoir la parité parfaite dans toutes les structures de la République. Sur cette question, nous devons essayer d’évoluer en regardant ce que nous avons fait, à l’Assemblée nationale, lorsque nous avons défini les modalités des scrutins proportionnels et imposé aux partis politiques l’alternance entre les hommes et les femmes sur les listes. Effectivement, ce principe limite l’autonomie des partis, mais il a permis une grande avancée, notamment dans les conseils régionaux où les femmes sont presque aussi nombreuses que les hommes. Le même phénomène se produira demain, selon d’autres modalités, dans les départements.
J’étais un peu inquiet de la tournure que prenaient nos débats tout à l’heure.
Nous avons assisté à un échange sur les questions écrites signalées, alors que nous examinions un amendement visant à instaurer la parité au Bureau de l’Assemblée nationale. Je n’ai pas voulu y voir, bien sûr, une manoeuvre pour écarter le débat sur ce sujet, mais j’aimerais que nous y revenions et que nous y consacrions tout de même quelques minutes !
Je remercie notre collègue Patrick Mennucci de soutenir l’amendement du groupe écologiste – ce n’est pas simplement mon amendement, c’est celui de l’ensemble du groupe écologiste.
Sourires.
Aujourd’hui, le Bureau de l’Assemblée nationale compte six vice-présidents, dont trois hommes et trois femmes – le président de séance pourra me corriger si je me trompe. Pourtant, la désignation des vice-présidents est plus compliquée que celle des titulaires des autres postes au sein du Bureau, puisqu’elle dépend du poids des groupes : les groupes SRC et UMP se partagent les vice-présidences, tandis que mon groupe n’en a obtenu qu’une seule. Parmi les trois questeurs, il y a deux hommes et une femme. Quant aux douze secrétaires, on ne compte étrangement que quatre femmes.
Je veux bien entendre l’argument selon lequel il serait compliqué d’atteindre la parité mais, bizarrement, c’est lorsque le nombre de postes à pourvoir est le plus important que nous sommes le plus loin de la parité, alors même que c’est parmi les secrétaires qu’elle serait le plus facile à atteindre. Si nous nous en donnions la peine en nous fixant un certain nombre de règles, monsieur le président de la commission des lois, nous y arriverions !
On pourrait objecter que certains groupes ne seraient composés que de députés hommes. Fort heureusement, ce n’est pas le cas. Je ne veux pas pointer du doigt tel ou tel groupe, mais je tiens à souligner que le groupe écologiste est composé de neuf hommes et de neuf femmes ; contrairement à ce que certains pourraient dire, ce n’est pas le fruit du hasard, car nous avons dû organiser nos candidatures pour qu’il en soit ainsi.
Mais il est vrai qu’un groupe de trente membres ne compte que deux ou trois femmes dans son effectif. On est là très loin de la parité et de l’égalité. Néanmoins, ce groupe aurait tout à fait la possibilité de proposer que l’une des deux ou les deux femmes qui en sont membres occupent des postes de responsabilité dans le Bureau de l’Assemblée nationale.
Dans d’autres groupes, les proportions sont loin d’atteindre la parité, mais il y a largement de quoi pourvoir les postes du Bureau.
Il existe un mode de scrutin, la méthode D’Hondt – du nom de son créateur d’origine belge – laquelle est appliquée pour certaines élections, notamment dans les instances universitaires françaises. Cela est donc possible.
Je rappelle que dans le règlement de l’Assemblée, la rédaction retenue est « s’efforce de » car on ne peut pas décréter. Je suis tout à fait d’accord avec l’objectif poursuivi par François de Rugy et si l’on avait pu lui donner satisfaction, on l’aurait fait.
Selon lui, il n’est pas inutile de se doter de règles en la matière. C’est précisément ce qui manque. Il existe aujourd’hui douze secrétaires et cinq membres de l’UMP. Qui décrète que sur les cinq membres de l’UMP, il doit y avoir deux, trois, quatre ou une femme ? L’amendement ne le précise pas et n’est donc pas opérant.
Non, car votre amendement no 9 rectifié répond à mes objections. Il faut tendre vers la parité, se fixer cet objectif, mais nous ne pouvons pas le décréter.
L’amendement no 8 n’est pas adopté.
Le présent amendement propose de passer de six à huit vice-présidents. Il serait souhaitable que le pluralisme se reflète dans l’équipe des vice-présidents chargés de présider à tour de rôle les séances et, en outre, d’assurer la responsabilité d’une délégation. De plus, cette tâche devient – vous ne me démentirez pas, monsieur le président – de plus en plus lourde à assumer, l’Assemblée tenant davantage de séances qu’auparavant.
Selon nous, au nom du pluralisme et d’une meilleure efficacité, il serait opportun de passer de six à huit vice-présidents. J’entends déjà l’argument financier qu’on risque de m’opposer. Afin que cela n’entraîne aucune augmentation des dépenses de l’Assemblée, l’on conserverait la même enveloppe globale pour l’indemnisation des vice-présidents et l’allocation de leurs moyens matériels, en la divisant par le nombre de vice-présidents : huit au lieu de six.
Avis défavorable. Certes, il faut renforcer le pluralisme, mais dans le même temps, il faut aussi rendre le fonctionnement de l’Assemblée nationale cohérent. J’entends les arguments d’Olivier Falorni. En réalité, le bon amendement est l’amendement no 95 qui propose que chaque groupe parlementaire dispose d’au moins un vice-président. Pour ma part, je ne crois pas que l’institution parlementaire ait besoin de huit vice-présidents. Les six vice-présidents actuels suffisent largement.
Notre groupe soutiendra l’amendement de M. Falorni qui est raisonnable et de bon sens. Il a pris la précaution que sa proposition n’entraîne aucune dépense supplémentaire pour l’Assemblée.
Huit vice-présidents ne seraient pas de trop, monsieur le rapporteur, pour faire face à l’ensemble des charges qui leur incombent. Je me permets de rappeler qu’au Sénat, avec 343 membres, il y a 8 vice-présidents.
Permettez-moi de poursuivre mon argumentation, chers collègues. Je ne vois pas en quoi il serait scandaleux d’avoir huit vice-présidents à l’Assemblée nationale. Il est important de garantir le pluralisme. Au sein du Bureau, le pluralisme est garanti s’agissant des douze secrétaires, mais tel n’est pas le cas pour les autres membres, qui exercent les responsabilités les plus importantes, à savoir les six vice-présidents et les trois questeurs. Trois groupes sur six ne sont absolument pas représentés.
J’avoue ne pas comprendre comment l’on peut s’opposer à un tel amendement qui ne coûte rien à l’Assemblée et qui lui permettrait à l’évidence de fonctionner encore mieux.
Pour le groupe UMP, il s’agit d’une fausse bonne idée. Je veux bien qu’on mette de la démocratie partout…
mais pourquoi huit ? S’il y avait dix groupes politiques différents, pourquoi pas dix ?
C’est une fausse bonne idée. Les six vice-présidents actuels font très bien leur travail. Dans une autre vie législative, vous pourrez proposer un tel changement, mais dans celle-ci je n’en vois pas l’intérêt.
Sous la précédente législature, les députés écologistes ont plaidé en ce sens, c’est-à-dire en faveur d’une meilleure représentation de la diversité politique de l’Assemblée. Un travail serait à mener au sein des instances de l’institution afin de prendre en compte cette diversité, notamment les groupes minoritaires.
Marc Dolez l’a rappelé. Il y a trois groupes qui participent pleinement au travail parlementaire – en commission, dans l’hémicycle, au sein de missions – qui y prennent toute leur part, mais qui ne sont pas associés à la gestion de cette maison. L’amendement propose de passer de six à huit vice-présidents, pas davantage. C’est donc un compromis tout à fait acceptable. Dans ces conditions, nous voterons l’amendement.
Nous faisons partie des groupes qui sont concernés. Je ne vois pas en quoi le fait de rajouter deux vice-présidents et de permettre à tous les groupes de s’exprimer au sein du Bureau gênerait le bon fonctionnement de l’Assemblée.
En 2008, j’étais alors dans la majorité, nous avons fait évoluer les choses. Nous pourrions peut-être poursuivre et franchir une dernière étape. Ce n’est pas une question de travail bien fait ou mal fait. Il s’agit seulement de faire en sorte que chaque groupe soit représenté. C’est cohérent, logique.
N’oublions pas qu’un jour, nous sommes dans la majorité, demain, dans l’opposition. Tout change très vite. Nous travaillons tous les uns pour les autres.
Sourires.
De quoi parlons-nous ? De la représentation de chaque groupe au sein du Bureau ? Celle-ci existe puisque les présidents de groupe assistent à la Conférence des présidents et participent ainsi à la vie de l’Assemblée. Parlons-nous de l’existence des groupes ou de la représentation proportionnelle du nombre de députés de chaque groupe au sein de l’hémicycle ? Le sujet n’a pas été évoqué.
À l’heure actuelle, c’est bien ce qui se passe. Il y a deux groupes importants en nombre – tous sont importants en qualité : le groupe le plus important de la majorité et le groupe le plus important de l’opposition. Proportionnellement, – et il y a beaucoup d’adeptes de la proportionnelle présents – le nombre actuel de vice-présidents au Bureau correspond exactement à la représentation proportionnée du nombre de députés des groupes correspondants. Je tenais à le dire.
Franchement, vous aurez beau dire à l’opinion publique que nous allons passer de six à huit vice-présidents à moyens constants, celle-ci retiendra que l’Assemblée nationale a décidé d’augmenter le nombre de ses vice-présidents. Je ne pense pas qu’un tel message soit particulièrement audible par les temps qui courent.
Depuis que je suis député, j’ai pu constater que le nombre de députés pour constituer un groupe a considérablement diminué. Au fur et à mesure que les effectifs du groupe communiste baissaient, on a dans le même temps abaissé le nombre de députés nécessaires pour former un groupe, afin que les communistes en aient un. De ce fait, parce qu’on ne peut diviser à l’infini, on est arrivé à un moment où il n’y a pas de vice-président pour les petits groupes.
L’amendement no 94 n’est pas adopté.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement no 76 .
Si l’on suivait le raisonnement de nos amis de l’UMP, il faudrait ne pas traiter les groupes de la majorité et de l’opposition de la même manière. En 2008, et j’ai participé à ce travail, la logique était de faire une place aux groupes minoritaires et d’opposition. On pourrait poursuivre dans cette voie d’autant que la mesure ne coûte rien. Pour un groupe, disposer d’un vice-président a de l’importance car cela lui permet d’exister. C’est un affichage. L’amendement présent répond à la même logique que précédemment.
La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement no 9 rectifié .
Nous en arrivons à l’amendement de repli au sujet de la parité entre les hommes et les femmes au sein du Bureau, et auquel le président Urvoas a fait référence.
Nous proposons de fixer un objectif dans le Règlement, en quelque sorte une obligation de moyens, à défaut de résultats, ce qui est dommage. Notre Assemblée a encore des progrès à faire s’agissant de sa composition. Le scrutin majoritaire uninominal ne permet pas la parité dans la composition de notre Assemblée. Je ne sais pas si certains de nos collègues défendront la mise en oeuvre pour les députés du mode de scrutin inventé pour les élections cantonales. En toute logique, puisqu’il s’agit d’un mode de scrutin à la fois majoritaire, de circonscription et paritaire, ils devraient le faire. Pour ma part, je m’en garderai. L’élection à la proportionnelle permettrait d’atteindre cet objectif beaucoup plus facilement.
Je rappelle que le groupe écologiste est composé à parité d’hommes et de femmes. Le groupe socialiste a beaucoup progressé ces dernières années avec 36 % de femmes contre 64 % d’hommes. Le groupe UMP en compte 14 % contre 86 % d’hommes.
Il y a des progrès à faire !
Autre exemple : les rapporteurs des textes de loi sont, depuis deux ans et demi, très majoritairement des hommes. Il n’y a que deux femmes qui ont eu à présenter des textes de loi.
En la matière, il reste des progrès à faire. Chaque fois que nous le pourrons, nous devrons franchir un pas.
Nous avons voté cet après-midi une proposition de résolution visant à saluer la loi Veil, quarante ans après sa présentation. Commémorer, c’est bien, mais les commémorations peuvent aussi nous conduire à franchir des pas importants dans le sens de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Je pourrais, comme vient de le faire M. de Rugy, évoquer de nombreux sujets. Le dernier point qu’il vient d’évoquer, en tout cas, n’est absolument pas vrai. En effet, pour la seule commission des lois, les textes ont une fois sur deux une rapporteure. Je rappelle ainsi que le premier texte que nous avons élaboré l’a été sous la responsabilité de Mme Pascale Crozon, que Mmes Marie-Françoise Bechtel, Colette Capdevielle, Nathalie Nieson, Marie-Anne Chapdelaine et Marietta Karamanli ont été rapporteures et que Mme Sandrine Mazetier l’est actuellement.
Avis favorable, cependant, à l’amendement no 9 rectifié .
L’amendement no 9 rectifié est adopté.
Je ne doute pas que le rapporteur sera favorable à cet amendement, qu’il a décrit comme étant d’une logique limpide.
Notre assemblée a besoin de pluralisme et nous proposons donc que chaque groupe parlementaire dispose au moins d’un vice-président. Aujourd’hui, en effet, sur six groupes parlementaires, trois sont représentés par un vice-président. Le groupe écologiste dispose ainsi – et c’est très légitime – d’un vice-président en vertu d’un accord de parti à parti, alors que le groupe UDI, qui compte 30 députés, et le groupe RRDP, fort du même nombre de députés que le groupe écologiste, n’en ont pas, faute d’accord entre les appareils politiques.
Le plus simple serait donc d’adopter un principe de juste pluralisme : puisqu’un seuil est fixé à la constitution d’un groupe parlementaire, chaque groupe pourrait avoir au moins un vice-président. Cette proposition de bon sens, monsieur le rapporteur, ne peut donc, je le répète, que recueillir votre adhésion.
À chacun sa cohérence. Je suis évidemment, comme la commission, défavorable à cet amendement. On forme un groupe politique à partir de quinze personnes, et il y a déjà six vice-présidents : on ne peut multiplier ces postes à l’excès.
La proposition formulée par cet amendement présente un problème de conception : admettre qu’un groupe politique de dix députés peut avoir un vice-président reviendrait pour notre assemblée à ne tenir aucun compte du résultat de l’élection. Il existe en outre un risque de scissiparité : des groupes pourraient se constituer à la seule fin d’obtenir un poste de vice-président.
Pas moi, en tout cas, mais j’ai des doutes pour ce qui vous concerne, monsieur Poisson.
Sourires.
Je rappelle que la moyenne du nombre de députés permettant d’obtenir un poste de vice-président est de 96 et il ne me semble pas possible de ramener ce chiffre à 15. Il faut donc suivre la position du président de la commission des lois.
L’amendement no 95 n’est pas adopté.
L’article 1 bis est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly