Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 26 novembre 2014 à 15h00
Droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Tout cela contribue à aggraver les difficultés d’accès à l’IVG rencontrés dans certains territoires, mettant les femmes dans l’impossibilité de respecter le délai légal de douze semaines.

Aujourd’hui comme hier, nos voisins, notamment les Pays-Bas, l’Espagne et la Grande-Bretagne, constituent le dernier recours pour que soit respectée la volonté des femmes. Ne fermons pas les yeux sur cette réalité : chaque année, entre 3 500 et 5 000 femmes sont contraintes de se rendre à l’étranger pour accéder à un droit que la loi de la République leur reconnaît mais que nous ne sommes pas capables de leur garantir dans les faits.

Le temps n’est plus à argumenter sur le droit à l’interruption volontaire de grossesse. Disant cela, je ne prétends pas, bien entendu, qu’il n’y aurait plus de débats au sein de la société sur l’avortement, sur sa signification et sur ses conséquences. Les questionnements sur la vie, qu’il s’agisse de sa concrétisation ou de sa fin, sont indissociables de la condition humaine, et il n’y a rien de plus naturel que des penseurs, des philosophes, des autorités morales ou spirituelles s’expriment sur ces sujets. Mais ils doivent le faire pour aider chacun à construire son propre corpus éthique, et non plus pour imposer à la société tout entière des principes de vie ou des interdits qui ne seraient pas guidés par l’intérêt général et le respect scrupuleux, permanent, de la liberté de chacune et de chacun. Le libre arbitre, mes chers collègues, c’est de cela aussi, et peut-être avant tout, qu’il s’agit aujourd’hui.

Partout où des législations comparables à la législation française ont été adoptées, l’histoire a tranché : l’accès à l’IVG est bien un droit pour toutes les femmes, et les tentatives de retour en arrière, comme celle à laquelle on a assisté ici, dans cet hémicycle, il y a quelques mois encore, ou ailleurs, en Espagne par exemple, sont vouées à l’échec.

Laissez-moi vous dire ma conviction : qu’il s’agisse du droit à l’interruption volontaire de grossesse ou des autre libertés individuelles conquises depuis, les postures politiciennes et les petits calculs ne serviront de rien. S’il nous faut redoubler de vigilance face à la résurgence des conservatismes et parfois manifester pour rappeler notre attachement aux droits conquis, notre responsabilité première est de continuer à regarder devant nous.

Regarder devant nous, c’est agir pour soutenir celles et ceux qui, dans d’autres pays, se battent pour que le droit d’avorter dans la sécurité juridique et sanitaire soit reconnu et garanti. C’est nous interroger sur d’autres droits à conquérir, à inscrire dans la loi et à faire respecter ; des droits qui, comme hier le droit à l’avortement, sont bien souvent garantis chez nos voisins mais auxquels nos compatriotes, eux, accèdent dans l’insécurité juridique. Quel sens cela aurait-il de réaffirmer le droit à l’IVG si nous devions continuer de refuser d’avancer sur le droit des femmes à porter et à donner la vie dès lors que les conditions sociales et scientifiques le permettent ? Quel sens cela aurait-il de considérer que donner la vie est un choix si nous devions continuer de considérer qu’un individu n’est pas libre de déterminer ce qu’est pour lui une fin de vie digne et de refuser à celles et à ceux qui attendent une aide et un accompagnement le cadre juridique leur permettant d’exercer pleinement leur ultime liberté ?

C’est ce message que je voulais aujourd’hui porter devant vous, mes chers collègues. Un message et une conviction : la liberté est irrésistible et il n’est pas plus noble rôle pour le Parlement que de reconnaître et d’inscrire dans la loi, ainsi que de garantir l’égal accès des Françaises et des Français à leur exercice, des droits qui, demain, comme celui que nous réaffirmons solennellement aujourd’hui, sonneront comme des évidences.

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