Intervention de René Dosière

Séance en hémicycle du 26 novembre 2014 à 15h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois et rapporteur de cette proposition de résolution, la modification du Règlement de l’Assemblée nationale proposée par notre président illustre sa volonté de moderniser le fonctionnement de notre assemblée.

Depuis le début de la législature, cette volonté, dont le rapporteur a rappelé les principales manifestations, est permanente.

Cette proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale résulte des travaux menés, au sein d’un groupe de travail, par les divers responsables politiques de notre assemblée. Ses conclusions, le rapporteur l’a également rappelé, ont fait l’objet d’un accord unanime.

Les propositions faites demeurent modestes, car des modifications plus importantes auraient nécessité, au préalable, une révision de la Constitution. Pour autant, elles ne sont pas négligeables. Je voudrais insister sur trois d’entre elles.

D’abord, pour la première fois, les collaborateurs des députés apparaissent dans le Règlement de l’Assemblée nationale. Il s’agit de poser les fondements d’un statut attendu et réclamé par les intéressés. Cela se fera en préservant deux aspects spécifiques à leurs fonctions : leur dimension politique et leur lien direct avec le député.

En second lieu, la déontologie des députés, définie durant la législature précédente par le Bureau, va également apparaître dans le Règlement. Ainsi, les députés ne s’exonèrent pas des obligations créées par la loi du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique. La séparation des pouvoirs imposait cependant que les modalités en soient précisées dans le cadre du Règlement.

En troisième lieu, conformément à son attitude constante, le groupe SRC s’est efforcé d’offrir plus de possibilités aux groupes d’opposition, par exemple en matière de création de commissions d’enquête. Il a, bien entendu, soutenu les amendements de notre rapporteur allant dans ce sens.

Pour terminer, je voudrais appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur ce qui m’apparaît comme un recul important des pouvoirs d’investigation et de contrôle des députés. Il s’agit, en l’occurrence, de la procédure des questions écrites signalées, mise en place en 1995 par notre ancien président Philippe Seguin.

Ce terme désigne des questions écrites sélectionnées par les présidents de groupes dans le cadre d’un quota permettant d’éviter tous les débordements. Il y a eu environ, durant la XIIIe législature, 600 questions écrites signalées par session, contre 800 depuis l’ouverture de l’actuelle législature.

L’intérêt de cette procédure de signalement réside dans le délai laissé au Gouvernement pour répondre : dix jours. Dix jours ! De 1995 à 2009, c’est-à-dire pendant quatorze ans, près de 8 500 questions signalées ont été posées, et pas un seul jour de retard n’a été constaté dans les réponses qui leur ont été apportées. Que dis-je, pas une seule heure !

Grâce à cette obligation faite au Gouvernement de répondre rapidement, j’ai pu mener ce qui a été qualifié de parlementarisme d’investigation et qui m’a permis de faire la lumière, par exemple, sur le financement du budget de l’Elysée.

À partir de 2009, les premiers retards à certaines de mes questions, peu appréciées du Gouvernement de l’époque, ont – à la stupeur, d’ailleurs, des services de l’Assemblée – été constatés. Il a fallu l’intervention conjointe du président de l’Assemblée nationale et du ministre chargé des relations avec le Parlement de l’époque, pour que les réponses finissent, avec quinze jours de retard, par me parvenir.

Mais ces retards se sont progressivement multipliés. Durant la session 2011-2012, 28 % des questions écrites signalées ont obtenu une réponse hors délai. Le phénomène s’est encore accentué depuis. Au cours de la session 2013-2014, ce pourcentage de réponses reçues hors délai est en effet passé à 32 %. Plus grave encore, au jour d’aujourd’hui, 187 questions n’ont toujours pas reçu de réponse, certains ayant été déposées depuis plus d’un an.

Je ne me résous pas à ce recul du pouvoir de contrôle de l’Assemblée nationale. Je regrette que cette situation perdure. Monsieur le ministre, elle s’est aggravée, d’ailleurs, sous ce Gouvernement de gauche qui proclame pourtant son attachement aux pouvoirs de contrôle du Parlement.

Pour terminer, à la suite des travaux de la commission des lois, j’ai relu l’ouvrage de notre ancien président Jean-Louis Debré intitulé Paroles de députés.

Dans cet ouvrage passionnant, Jean-Louis Debré écrit : « C’est à tort qu’on bornerait l’étude de la vie parlementaire aux discours prononcés dans l’hémicycle par les députés. Le plus intéressant demeure sans doute le premier de ces textes, celui que tout député a rédigé encore simple candidat, en jetant sur le papier tout ce qui motivait sa candidature, tout ce qui lui laissait espérer la victoire ».

De 1881 à 2007, un document, appelé le « Barodet », du nom du député républicain qui en a permis la création, a réuni toutes les professions de foi des députés élus. Pour des raisons de coût, ce document a été, lors de la dernière révision de notre Règlement, supprimé. Son intérêt n’est pourtant pas mince.

Je cite encore Jean-Louis Debré : « de 1881 à nos jours, le Barodet conserve toute la mémoire de nos passions électorales. Les historiens, les linguistes ou les simples curieux y trouvent de véritables trésors aussi bien littéraires que politiques. Parce que le style c’est l’homme, ces profession de foi permettent aussi de reconstituer une véritable galerie de portraits […]. La lecture des anciennes professions de foi constituent une belle leçon d’éducation civique. »

Le relecture de cet ouvrage m’a conduit à souhaiter un retour à cette tradition républicaine, sous une forme numérique afin d’en limiter le coût de diffusion, pour que la mémoire de nos prédécesseurs ne soit pas oubliée.

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