Intervention de Jean-Frédéric Poisson

Séance en hémicycle du 26 novembre 2014 à 15h00
Modification du règlement de l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Frédéric Poisson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, la proposition de résolution tendant à modifier le règlement de notre assemblée comporte un certain nombre de dispositifs qui ne posent pas de difficultés de mon point de vue. Lorsqu’on évoque la publicité des travaux, quand on caresse l’espoir d’une meilleure coordination, quand on essaie d’exhorter à l’anticipation, quand on s’évertue à fournir au Parlement une information préalable suffisante, quand on espère fortement que l’organisation des travaux s’améliore et quand, enfin, on favorise l’expression des parlementaires, notamment à travers les rapports sur les textes de loi, il me semble que personne ne peut être en désaccord avec de telles orientations.

Cela étant dit, je me pencherai davantage sur ce que ce projet de réforme ne contient pas que sur ce qu’il contient. À ce sujet, monsieur le président, chers collègues, j’aimerais vous soumettre cinq réflexions.

La première concerne l’article 40 de la Constitution. Les raisons pour lesquelles tel amendement est examiné en séance, alors que tel autre ne l’est pas, relèvent bien souvent du mystère. Et quoique notre ancien collègue, Pierre Méhaignerie, ait rédigé, au cours de la douzième législature, un célèbre rapport qui constitue une sorte de vade-mecum permettant d’interpréter cet article, nous nous étonnons régulièrement, sur tous les bancs de cette assemblée, que l’un ou l’autre de nos amendements ne soit pas parvenu jusqu’en séance. Je regrette donc que ce projet de réforme du règlement ne soit pas l’occasion de clarifier, non pas le sens même de l’article 40 de la Constitution, mais au moins la manière dont il faut l’interpréter et peut-être renforcer l’aspect politique de cette interprétation.

S’agissant, deuxièmement, du chevauchement entre le travail de la séance et celui des commissions, je rejoins parfaitement ce qu’a dit Marc Dolez tout à l’heure. Évidemment, ceux d’entre nous qui préfèrent la séance à la commission, ou la commission à la séance, ne peuvent pas être dérangés par le fait que les deux se tiennent en même temps. Mais il en est aussi parmi nous qui, en fonction des textes qui sont examinés, ou par habitude, se trouvent écartelés entre l’une et l’autre. Pour ceux-là, et pour la bonne organisation de nos travaux et le bon examen des textes, il me paraît indispensable, même si nous avons du mal à respecter cette règle, que soit maintenue dans le règlement cette impossibilité – toute théorique, je vous le concède – de programmer les deux en même temps. Cela impliquera que l’Assemblée nationale soit plus performante en matière d’anticipation et de planification des travaux, mais après tout, il n’est pas interdit de rêver.

Troisièmement, monsieur le président, je me réjouis que vous ayez retiré en commission l’amendement tendant à limiter d’une manière plus drastique encore les temps d’intervention en discussion générale. Sur ce sujet, j’ai eu l’occasion de dire à plusieurs reprises, notamment en commission, que, d’une certaine façon, le temps qui passe fait partie de l’exercice de notre mandat, même s’il est parfois plus passif qu’actif, particulièrement lorsqu’on siège du côté de la majorité. C’est une expérience que les membres de toutes les majorités ont déjà faite, et que certains ont probablement découverte avec une certaine surprise…

S’il est vrai que la limitation du temps dévolu à la discussion générale aurait pour vertu de réduire la durée de nos travaux, il me semble néanmoins que cette discussion est importante, parce qu’elle permet la confrontation d’opinions différentes, parce qu’elle garantit l’expression des parlementaires, et même, parfois d’un certain nombre de nuances. Elle peut même éclairer, par avance, l’examen des articles, et la répétition fait partie de l’exercice. Je militerai donc farouchement, en ce qui me concerne, pour que cette liberté soit préservée, quoi qu’il arrive. Il ne serait pas bon, du reste, que ce qui se disait naguère en discussion générale soit désormais exposé à l’occasion de l’examen des articles, car je ne suis pas certain que nous y gagnerons en termes de durée globale du débat. C’est une réflexion que je me permets de porter à la connaissance de l’Assemblée.

S’agissant du plafonnement du nombre de questions écrites, faut-il indéfiniment, monsieur le président, mes chers collègues, sanctionner ceux d’entre nous qui respectent l’esprit des institutions et des questions écrites, à cause du comportement de ceux qui ne le respectent pas ? L’exagération de quelques-uns finira par réduire la liberté d’intervention de tous, et c’est fort dommage.

Je termine brièvement, monsieur le président, en indiquant qu’il serait bon que le délai de transmission des textes au Parlement soit respecté par le Gouvernement de manière systématique. Là encore, toutes les majorités ont connu ce problème, d’une manière plus ou moins prononcée, mais il est arrivé, ces derniers temps, que les membres d’une commission saisie au fond arrivent en séance, sans que le Gouvernement soit en mesure de leur fournir le texte en examen, ce qui, vous me l’accorderez, est un peu problématique !

Je fais une dernière proposition, qui servira sans doute à une prochaine refonte du règlement : j’apprécierais que l’Assemblée nationale se saisisse officiellement des décrets d’application des lois qu’elle vote. En effet – et nous avons échangé sur ce point à plusieurs reprises avec le président de la commission et quelques collègues – l’une des raisons pour lesquelles le texte législatif entre fréquemment dans des détails qui n’ont pas beaucoup d’intérêt et qui ne relèvent pas de sa compétence, tient à une forme de défiance du Parlement à l’égard de l’exécutif sur l’application qu’il fera de la loi qui est votée. Quelle meilleure manière de vérifier cette application que de réserver, dans les séances de contrôle, un temps à l’examen des décrets qui sont signés par les ministres, afin de s’assurer que l’esprit de la loi est bien respecté ?

Telles, sont, mes chers collègues, les réflexions que je voulais faire à ce stade de la discussion. Vous comprendrez que je regrette beaucoup que tous ces aspects n’aient pas été intégrés à cette proposition de résolution. Quant au reste, je m’en tiendrai à la position qu’a exprimée, pour notre groupe, notre excellent collègue Guy Geoffroy.

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