Pourquoi un amendement ? Vous l’avez tous rappelé : tout simplement pour permettre une période d’engagement intérimaire entre la fin du protocole de Kyoto et le futur accord climatique, puisque cet accord n’a pas pu être conclu lors de la COP15 à Copenhague.
Approuver cet amendement est tout d’abord un acte politique. Il couvre une deuxième période d’engagement en matière de gaz à effet de serre, qui va de 2013 à 2020. En l’approuvant, la France s’engage à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020 par rapport à 1990. L’approbation de l’amendement de Doha au protocole de Kyoto concrétisera donc l’engagement international de la France et de l’Europe dans la lutte mondiale contre les changements climatiques. La France enverra ainsi un signal fort, sur le plan international, quant à sa volonté de poursuivre sa lutte contre les changements climatiques. En contribuant selon ses responsabilités et ses capacités, elle réitérera son engagement dans ce processus international qu’elle soutient depuis l’adoption de la convention de 1992. Elle confirmera ainsi ce que sa législation prévoit déjà, et défendra ses intérêts, car nous sommes tous exposés aux effets néfastes des changements climatiques sur l’environnement et sur notre santé.
Oui, le problème de la réduction des gaz à effets de serre n’est que politique : ce n’est pas un problème technique comme certains voudraient nous le faire croire. Les moyens techniques, nous les avons : ceux nécessaires pour réduire ces gaz de manière à stabiliser le réchauffement du climat sans empêcher le développement économique, bien au contraire. Le découplage entre croissance des émissions et croissance économique constitue dès lors un élément central du développement durable et pauvre en carbone auquel tous les pays devraient désormais aspirer.
L’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère a des impacts négatifs, sur le long terme ou alors de façon immédiate sous la forme d’épisodes extrêmes, comme nous en avons connu dernièrement. Il est donc dans notre intérêt que les émissions mondiales soient réduites en vue de minimiser les effets négatifs de ces changements sur notre planète, qui entraîneraient des coûts économiques et sociaux considérables.
L’approbation de cet amendement est un acte politique majeur dans le calendrier de la préparation de la conférence sur le climat de 2015. La ratification de l’amendement s’inscrit dans un calendrier très dense, certains l’ont rappelé, entre la pré-COP20 qui aura lieu au Venezuela prochainement, la COP20 de Lima et, au cours du premier semestre 2015, le recueil des contributions des États parties, contributions qui constitueront la base du processus d’adoption des objectifs chiffrés lors de la conférence de Paris.
L’amendement, vous l’avez rappelé, définit des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre juridiquement contraignants pour les seules 38 parties signataires, dont l’Union européenne et ses États membres. Aux termes de cet amendement, l’Union européenne et d’autres, comme l’Islande, qui s’y est associée, sont tenus de limiter sur cette période 2013-2020 leurs émissions annuelles moyennes à 80 % des émissions constatées lors de l’année de référence, qui est 1990.
Approuver cet amendement, c’est aussi souligner la valeur du résultat de la difficile négociation de Doha. Une ratification est indispensable de manière à bien conforter l’engagement moteur de l’Union européenne. C’est d’autant plus nécessaire que cette conférence de Doha n’a pas donné lieu à la seule adoption de l’amendement, mais a également conduit à un autre compromis essentiel, sur la question du financement : les pays développés ont pris l’engagement d’un financement d’un montant de 30 milliards de dollars entre 2010 et 2012, avec la perspective d’une montée jusqu’à 100 milliards par an à l’horizon 2020, ainsi que de la création de la structure pour les recevoir, le Fonds vert pour le climat, qui avait déjà été esquissé dès Copenhague et a été lancé à Cancún en 2010.
Approuver cet amendement c’est, enfin, répondre à une urgence, une urgence à agir qui commence à être reconnue même aux États-Unis. Le climato-scepticisme y a perdu du terrain. Le fait que le président Obama ait présenté au mois de juin 2013 un plan d’action pour le climat qui comprend plusieurs volets en est une illustration. Cela marque un véritable changement, dont je me réjouis, par rapport à la politique de son prédécesseur, le président Bush.
La société civile mesure aujourd’hui avec angoisse l’écart grandissant entre, d’une part, l’urgence, l’importance des enjeux environnementaux et, d’autre part, la faible confiance des citoyens et des acteurs en la capacité des politiques, à l’échelle locale comme à l’échelle internationale, à modifier le cours des événements et écrire notre avenir collectif. Notre avenir ne peut se dérouler ni même s’imaginer au rythme actuel de dégradation de la planète et de non-renouvellement de ses ressources.
Le XXIe siècle compte déjà treize des quatorze années les plus chaudes jamais observées. La dernière décennie, 2001-2010, a battu tous les records. Rappelons quelques éléments significatifs : le typhon Yolanda, l’un des plus violents que les Philippines aient connus ; les masses d’air glaciales sur une partie de l’Europe et du sud-est des États-Unis ; les graves sécheresses en Angola, au Botswana, en Namibie et dans le nord-est de la Chine ; les pluies abondantes en Russie ; les chutes de neige en Israël, en Jordanie et en Syrie ; le niveau des océans, qui a battu de nouveaux records.
Le changement climatique ne menace pas simplement notre environnement. Le changement climatique menace la paix, comme l’a rappelé au sommet de New York Ban Ki-moon : « Le changement climatique menace la paix chèrement acquise, la prospérité et les chances de réussite de milliards de personnes […]. Nous ne sommes pas là pour parler, nous sommes là pour écrire l’histoire. »
Il reste à peine plus d’une année avant le sommet de Paris, au cours duquel doit être adopté un accord international ambitieux pour freiner les bouleversements du climat planétaire. Il y a urgence. Oui, il y a urgence pour les États, pour la France et l’Europe de faire preuve de leadership et de s’engager à réduire significativement le réchauffement climatique.
Mes chers collègues, par l’adoption de cet amendement, nous prenons en compte de manière forte, claire et audible le message de la société civile. J’espère qu’ensemble nous saurons contredire la fameuse phrase de Talleyrand : « Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard. »