Vous ne semblez envisager la défense européenne que sous l'angle des relations bilatérales ; jamais vous n'évoquez le regroupement de tous les acteurs autour d'un même projet. Qu'en est-il ?
Vous avez souligné que l'étape suivante de la défense européenne serait l'acceptation par un pays donné de la perte d'une partie de ses capacités, confiées à un autre, ce qui suppose une solide confiance réciproque. Cela signifie aussi l'abandon de certaines compétences industrielles, ce qui compliquera encore les choses. D'autre part, le Royaume-Uni a choisi décidé d'acheter des drones Predator bien que le fournisseur américain ait refusé de le « britanniser » ; cette décision ne va-t-elle pas obérer le projet de drone européen ?
Sir Peter Ricketts. Encore une fois, le Royaume-Uni n'est pas contre la défense européenne, qu'elle prenne la forme d'une coopération bilatérale ou trilatérale ou qu'elle s'exerce sous l'égide de l'Union européenne. Nous participons, je vous l'ai dit, à plusieurs opérations européennes, et nous exerçons le commandement de l'une d'elles, Atalanta, qui utilise toute la mécanique bruxelloise.
Les coopérations bilatérales sont importantes pour les équipements, car l'expérience montre que prétendre lancer un projet d'équipement à 5, 10 ou 20 pays est une entreprise vouée à l'échec. Mieux vaut commencer seul ou à deux puis élargir le cercle, sinon les coûts et les délais ne cessent de croître. De même, s'agissant des opérations, mieux vaut pouvoir agir seul ou en petit groupe, comme en Libye, mais nous ne sommes aucunement opposés à des opérations militaires européennes quand elles sont nécessaires - au Mali par exemple.
Le terme « Europe de la défense » a plusieurs significations. S'il s'agit de défendre le territoire européen contre des attaques extérieures, alors non, nous ne considérons pas que l'Union européenne soit le meilleur instrument : c'est la mission de l'Alliance atlantique depuis soixante ans, et elle le fait très bien. S'il s'agit de projeter des forces européennes à l'extérieur, nous en sommes d'accord.
Nous utilisons effectivement le drone américain Predator en Afghanistan depuis plusieurs années. Il est inexact de dire que l'on ne peut compléter ces plates-formes par des moyens spécifiques.