Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 1er décembre 2014 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

La réforme de la protection sociale et de la santé, que le groupe UDI appelle de ses voeux, devait être préfigurée par ce projet de loi. Elle seule peut en effet permettre de concilier deux exigences majeures : un accès équitable à des soins de qualité, dans un contexte de tension budgétaire extrême. Or ce projet de loi ne contient aucune avancée significative en la matière.

Pire, notre groupe a défendu des propositions de réformes structurelles que vous avez, une à une, balayées d’un revers de main, qu’il s’agisse du mode de financement de la protection sociale, du système de retraites par répartition, de la prise en charge de la perte d’autonomie, de l’hôpital et de la régulation des dépenses liées à la médecine de ville, de l’accès aux soins ou enfin de la gestion et du pilotage de la Sécurité sociale.

Parce que vous vous refusez à engager ces réformes, il vous sera impossible de réaliser les 50 milliards d’euros d’économies budgétaires promises. À titre personnel, j’y étais favorable, car même si leur niveau était insuffisant, je les considérais comme allant dans le bon sens. Mais alors que la majorité s’apprête à adopter ce projet de loi, le Gouvernement n’a toujours pas présenté le détail des 6,4 milliards d’euros d’économies qu’il prétend réaliser sur les dépenses de protection sociale.

Vous prétendez notamment réaliser 3,2 milliards d’économies sur l’assurance maladie, mais l’appréciation des économies annoncées ne repose que sur l’écart par rapport à une croissance tendancielle de 3,9 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Vous ne faites par conséquent aucune économie ! Cela conduit le Haut Conseil des finances publiques à estimer qu’au vu des mesures présentées, l’objectif d’une croissance de la dépense publique limitée à 1,1 % en valeur, prévu pour 2015, ne sera pas atteint.

J’ajoute que les 6,3 milliards d’euros d’allégements de charges prévus par le pacte de responsabilité et de solidarité ne sont compensés que par des transferts. Ce tour de passe-passe budgétaire ne peut faire oublier que le pacte de responsabilité et de solidarité n’est pas financé.

Quelle est la conséquence directe de cette absence totale de courage ? Vous vous livrez à une attaque sans précédent contre la politique familiale. Pourtant, notre politique familiale fait l’honneur et la fierté de la France. Elle est l’investissement le plus précieux que nous ayons jamais réalisé, parce qu’elle constitue un trait d’union avec notre avenir commun. Elle repose depuis plus de cinquante ans sur le principe de l’universalité, s’adressant à tous les Français, sans aucune distinction d’origine, sans aucune distinction sociale : chaque enfant est une chance et une richesse pour la France, pour notre avenir, quelles que soient les ressources dont disposent ses parents.

La modulation des allocations familiales que vous mettez en oeuvre présente un caractère redistributif, remet en cause le principe d’universalité et relève d’une confusion grave sur les objectifs poursuivis par la politique familiale. En outre, la branche famille n’est déficitaire que parce que ses recettes continuent de combler le déficit de financement de notre système de retraites par répartition, faute de réformes structurelles permettant d’en assurer la pérennité.

Enfin, comment ne pas souligner à quel point la méthode choisie est choquante ? La majorité a fait voler en éclat le consensus sur notre politique familiale, vieux de plus de cinquante ans, au détour d’un simple amendement. La modulation des allocations familiales à laquelle la majorité prête des objectifs de justice sociale n’a qu’un but comptable, en réalité. Il ne s’agit que d’une fuite en avant, pour mieux repousser les réformes profondes, nécessaires pour préserver notre modèle social.

Enfin, le groupe UDI regrette profondément que le Gouvernement et la majorité n’aient pas été ouverts aux propositions formulées par la commission des affaires sociales ou par le Sénat. Le Gouvernement a ainsi fait l’erreur de tordre le bras à sa majorité pour qu’elle supprime l’amendement portant à 1,50 euro par heure la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs, amendement pourtant adopté par la commission des affaires sociales et par le Sénat.

Depuis deux ans maintenant, notre groupe ne cesse d’alerter le Gouvernement sur les attaques graves et répétées portées contre le secteur des services à la personne, secteur pourtant vital pour l’emploi et la cohésion sociale. Alors qu’il était encore l’un des plus dynamiques et présentait l’un des plus forts taux de recrutement du pays en 2012, il connaît aujourd’hui une dégradation inédite, tandis que l’on assiste à une recrudescence du travail non déclaré.

Il était par conséquent vital d’adresser un message fort de confiance aux 4,5 millions de familles qui emploient à domicile, et de les conforter dans leur capacité à créer de l’emploi et à agir pour plus de cohésion sociale et de solidarité locale. Nous ne pouvons que déplorer cette occasion manquée.

Notre seul – et maigre – motif de satisfaction réside dans l’adoption d’un amendement alourdissant la taxation exceptionnelle des retraites chapeaux, sous l’impulsion décisive de notre groupe. Cette mesure, qui ne concernerait que les retraites chapeaux les plus importantes, permettra de moraliser cette pratique particulièrement choquante pour nos concitoyens, dont les conditions de fixation échappent à toute transparence, et qui nourrit le sentiment d’incompréhension et d’injustice des Français, au moment où on leur demande toujours plus d’efforts.

Nous regrettons en revanche qu’il ait fallu que la retraite chapeau d’un dirigeant d’une grande entreprise fasse une nouvelle fois les gros titres pour que vous preniez enfin vos responsabilités, alors que nous défendons cette mesure depuis le début de la législature.

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