Madame la ministre, je redirai ce que d’autres ont déjà dit ici, et que nous répéterons sans relâche : il existe en France de nombreuses politiques à améliorer et à réformer, y compris des politiques sociales. Faute d’avoir le courage de réformer celles qui mériteraient de l’être avec vigueur – pour que la réforme des retraites offre enfin un horizon lisible et crédible à toutes les générations et suscite la confiance dont notre économie a tant besoin, et pour intervenir dans d’autres champs des politiques sociales où les réformes sont nécessaires –, vous avez décidé de consacrer vos efforts à la politique sociale qui fonctionne le mieux : la politique familiale.
Cette manière de faire est assez courante dans notre pays ; elle n’est jamais le signe d’un grand courage politique, ni d’une grand efficacité. À cela, madame la ministre, vous répondez régulièrement que le Gouvernement n’a rien contre la politique familiale, bien au contraire. Hélas, la démonstration n’est jamais solide, jamais bien établie, jamais crédible, jamais réaliste.
Rappelons sans relâche, madame la ministre, les mesures que vous avez prises depuis votre arrivée au Gouvernement à l’été 2012. En 2013, le quotient familial a subi une première mise en cause. Il s’agit pourtant d’une mesure fondamentale de justice et de justesse pour le calcul de l’impôt. Cependant, vous avez voulu le réduire pour chaque demi-part lors du budget pour 2013.
Les mesures prises dans ce PLF ont déjà coûté 700 millions d’euros aux familles. L’année suivante, vous avez de nouveau abaissé le plafond du quotient familial pour 1 million de familles. Cette deuxième baisse prévue dans le budget pour 2014 correspondait à une pénalisation de l’ordre de 1 milliard d’euros sur le dos des familles.
Le budget pour 2014 prévoyait d’autres mesures : la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant, la diminution du complément du libre choix d’activité, le partage du congé parental ou encore cette signature idéologique des maigres initiatives que vous avez décidé dans le domaine des retraites qu’était la fiscalisation des majorations de retraite versées aux parents ayant eu ou élevé au moins trois enfants, alors même que dans notre système de répartition, les enfants incarnent par définition la contribution au financement des retraites. Les majorations familiales et l’ensemble des droits familiaux de retraite sont souvent – et à tort – présentés comme un dispositif non contributif, au contraire même de la logique de répartition.
Non contents du processus que vous aviez enclenché depuis deux ans, vous avez ajouté de nouvelles dispositions dans le présent PLFSS, qu’il s’agisse de nouvelles règles – caractérisées par une grande hypocrisie, comme vous le savez – de partage du congé parental, de mesures comptables au détriment du budget de la CNAF ou encore, bien entendu, de la mise en cause des allocations familiales.
L’orateur du groupe GDR l’a dit lui-même : vous avez décidé là de mettre en cause un pilier essentiel de notre politique familiale. La politique familiale française comporte depuis longtemps un certain nombre de prestations soumises à condition de ressources. Qu’on les approuve ou qu’on les critique, ces prestations ont pris au fil du temps une part croissante par rapport à celle des allocations familiales. Le pilier que celles-ci représentent a pourtant été maintenu, car il incarne tout à la fois la justice et l’efficacité de notre politique familiale, mais aussi le principe d’universalité qui régit nos systèmes sociaux.
Dans ce PLFSS, vous avez fait le choix de renforcer les sanctions qui s’appliquent à ceux qui contestent certains éléments de nos systèmes sociaux. Vous savez bien qu’en prenant cette initiative sur le dos de la politique familiale et en mettant en cause l’universalité des allocations familiales, vous encouragez en réalité un nombre croissant de Français à considérer qu’ils sont étrangers aux politiques sociales et à la politique familiale de la nation. Cela n’est pas de bonne pratique.
Vous avez parfois argué du fait que tout cela ne concernerait au fond que peu de monde.