Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 1er décembre 2014 à 16h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, la discussion de fin d’année d’un projet de loi de finances rectificative est l’occasion de procéder aux ajustements des comptes de l’exercice en cours.

Depuis 2012, notre objectif est clair : le redressement des comptes publics dans la justice, non pas seulement pour des raisons économiques – nos marges de manoeuvre sont en effet amputées par le poids des intérêts de la dette –, mais parce que nous ne pouvons décemment pas laisser à nos enfants la charge de nos dettes accumulées. Nous ne pouvons endetter leur futur et les écologistes doivent plus que d’autres contribuer à l’éviter, sauf à rêver que la dette puisse être balayée d’un revers de main et s’évaporer comme par miracle.

Face à cette responsabilité, notre majorité a pris des décisions importantes. Le projet de loi de finances pour 2014 actait ainsi une réduction de dépenses historique : 15 milliards d’euros d’économies, dont 9 milliards sur les dépenses de l’État. En 2014, plus de 80 % de l’effort pour redresser nos comptes est passé par la réduction de dépenses plutôt que par l’impôt.

Ce souci de l’équilibre de nos comptes et de la réduction de la dette se traduit par la volonté de gager, dans ce projet de loi de finances rectificative, toute ouverture de crédits par l’annulation d’autres crédits. Il se traduit également par l’engagement du Gouvernement à réaliser 50 milliards d’économies d’ici à 2017.

Nous avons fait des choix douloureux mais nécessaires. Malheureusement, les résultats ne sont pas encore au rendez-vous. Le déficit augmente ou, du moins, ne diminue pas ; il atteindra 4,3 % du PIB cette année. Les recettes sont inférieures aux prévisions de 6,1 milliards d’euros. Ce manque de résultats traduit la trop lente reprise de notre économie et de l’économie européenne.

L’effort d’assainissement de nos comptes publics, nous le faisons. L’effort pour restaurer les marges de nos entreprises, nous le faisons. Il nous manque aujourd’hui l’impulsion provenant d’investissements ciblés en faveur de projets rentables.

Au niveau européen, ce sont 1 000 milliards d’euros d’investissements publics et privés dont nous avons besoin. La semaine dernière, Jean-Claude Juncker a annoncé un programme d’investissements européens qui devrait mobiliser 315 milliards d’euros d’investissements : c’est un bon début, à condition que nous choisissions soigneusement les projets afin de ne creuser ni notre dette financière, comme ce fut le cas après les investissements d’avenir en 2010-2011, ni notre dette écologique.

Fin 2012, le Gouvernement a fait un choix : celui de soutenir nos entreprises pour créer de l’emploi et de l’activité. Ce choix, le Gouvernement le maintient en repoussant à nouveau de deux ans l’objectif de stabilisation des déficits à 3 %. Le Gouvernement a tracé un cap : la relance de l’économie par le pacte de responsabilité et le soutien aux ménages par le pacte de solidarité grâce à la programmation de 50 milliards d’économies de 2015 à 2017, qui s’ajouteront aux efforts réalisés lors de l’exercice 2014.

C’est donc en gardant ce cap que le Gouvernement a conçu ce projet de loi de finances rectificative. Il a ainsi heureusement décidé de ne pas chercher l’équilibre en réduisant à nouveau les dépenses publiques.

Tout d’abord, si nous bénéficions de taux d’intérêt faibles, qui nous permettent de couvrir une partie des 3,6 milliards d’euros manquants – en l’occurrence, 400 millions d’euros –, ce n’est pas une question de chance, comme on l’entend trop souvent ici, mais la conséquence positive d’une baisse d’activité qui nous est préjudiciable par ailleurs. Dès que l’activité reprendra, l’avantage des taux pourrait disparaître.

Ensuite, le Gouvernement choisit d’aller chercher des recettes là où certains souhaitent les cacher en fraudant, notamment par le non-paiement de la TVA ou par l’optimisation fiscale.

Je regrette néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, que la France ne s’implique pas davantage dans le programme de lutte contre l’érosion de la base fiscale proposé par l’OCDE. Lors du récent G20, elle s’y était pourtant engagée, aux cotés des autres pays. Je regrette que les premières mesures n’aient pas été inscrites dans ce projet de loi de finances rectificative.

De même, je suis opposé à l’article 24, qui prévoit un système fiscal favorable pour les institutions sportives organisant les grandes compétitions internationales, car nous encouragerions ainsi une dérive analogue à celle pratiquée par les multinationales, qui font jouer la concurrence à l’implantation et la concurrence fiscale afin de négocier avec les États et d’obtenir la création de régimes fiscaux particuliers – régimes fiscaux d’exception, devrait-on dire ! – dans certains pays et de se soustraire à l’impôt, alors que celui-ci permet des dépenses publiques utiles.

Je déposerai donc un amendement de suppression de cet article car nous avons là le parfait exemple de l’injonction contradictoire entre l’objectif de lutter contre l’optimisation fiscale et les régimes d’exception, et l’officialisation de ces mêmes régimes.

Les écologistes sont également étonnés que ce projet de loi de finances rectificative soit l’occasion d’une nouvelle baisse des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », alors que ceux-ci étaient déjà en baisse dans le budget initial. En effet, il est notamment proposé d’annuler 100 millions d’euros dans le programme 403 consacré à l’innovation pour la transition écologique et énergétique, et 46 millions d’euros dans le programme 414 consacré aux villes et territoires durables. Ces annulations ne peuvent être approuvées par les écologistes, alors que nous avons besoin d’ambition pour concrétiser les objectifs de la loi de transition énergétique.

Nous serons également très attentifs à la qualité du dispositif qui remplacera la prime pour l’emploi, supprimée dans ce projet de loi de finances rectificative. Nous comprenons évidemment qu’une telle suppression intervienne dans ce contexte pour des raisons de calendrier ; cependant, nous aurions souhaité obtenir plus d’informations sur le dispositif applicable au 1er janvier 2016, et avoir l’assurance qu’il sera effectivement utilisé et ne sera pas l’objet de non-recours important – la prime pour l’emploi est un crédit d’impôt – et que les personnes en bénéficieront donc presque automatiquement.

Il est en effet connu que 68 % des personnes ayant droit au RSA activité, dans lequel la prime pour l’emploi pourrait être intégrée, ne demandent pas à en bénéficier. L’effectivité du droit, notamment en faveur des personnes les plus modestes, est pour nous un sujet d’une extrême importance.

Enfin, je salue les propositions du Gouvernement en ce qui concerne le système des zones franches urbaines qui soutiennent l’emploi, notamment dans les zones les plus touchées par le chômage. Néanmoins, je proposerai une mesure visant à le renforcer en rendant ces zones, trop souvent délaissées, encore plus attractives pour les PME. Tout comme le Gouvernement et l’ensemble de la majorité, je reste entièrement mobilisé par l’objectif de diminuer la courbe du chômage. Créer de l’emploi et assainir nos comptes resteront nos priorités jusqu’à la fin de ce mandat.

Vous le constatez, monsieur le secrétaire d’État, nous avons des attentes sur un certain nombre de sujets ; mais vous pouvez compter sur notre soutien concernant notamment l’augmentation de l’impôt sur les résidences secondaires, qui fera contribuer nos concitoyens les plus aisés.

De même, nous nous félicitons que notre proposition du Pass de transport à tarif unique pour l’ensemble du réseau de transport en commun de l’Île-de-France ait abouti, grâce au vote d’un amendement tendant à augmenter le versement « transports », défendu avec conviction par ma collègue Eva Sas.

Ce vote permet, en effet, de concrétiser un engagement pris par la majorité du conseil régional et le Syndicat des transports d’ÎIe-de-France, qui ont décidé de mettre en oeuvre une réforme profonde de la tarification dans les transports en commun. Il s’agit d’une mesure de justice sociale et territoriale, facilitant la mobilité dans la région capitale.

Enfin, nous saluons l’amélioration que constitue l’augmentation de la garantie de l’État pour le Commissariat à l’énergie atomique, dont le plafond passe de 19 à 700 milliards par an et par accident nucléaire, bien que ce chiffre reste très sous-estimé par rapport au risque financier que font peser sur la France les centrales nucléaires, sans même parler des risques en matière de santé publique ou environnementale. Il s’agit de se mettre en cohérence par anticipation avec la loi de transition énergétique, ce dont nous nous félicitions. Ce chiffre mesurant le risque d’un accident nucléaire montre, s’il le fallait encore, que cette technologie est très coûteuse pour le contribuable et qu’elle ne serait pas rentable sans une intervention forte de l’État.

Pour conclure, je reconnais que les résultats se font attendre, mais c’est dans la constance que nous saurons rétablir la confiance avec les acteurs économiques. Et cette constance, monsieur le secrétaire d’État, elle est au coeur de ce projet de budget rectificatif que vous nous présentez.

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