Intervention de David Habib

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Habib :

…non par esprit d'opposition systématique, mais parce que nous souhaitons que soit enrichi ce texte élaboré un peu rapidement, sans que toutes les conséquences en aient été mesurées.

Sur la forme, tout d'abord, comme le président de la commission l'a signalé, une disposition législative n'était pas nécessaire. Elle peut même subir la censure du Conseil constitutionnel. La renégociation entre opérateurs et approvisionneurs relève du contrat ; elle est d'ailleurs prévue dans la totalité des contrats existants, du fait notamment que ces achats se font à long terme et s'accompagnent de clauses de révision et de rendez-vous. Il n'y a donc pas lieu de saisir le Parlement pour remettre en cause le dispositif.

Sur le fond, cette désindexation exige un accord des deux parties, acheteur comme vendeur. Or les pays producteurs s'opposent à une désindexation. C'est notamment le cas de l'Algérie. La Russie, quant à elle, a accepté une indexation spot partielle, mais n'ira pas au-delà. Cela suppose, si l'on considère comme moi que la désindexation est une bonne chose, d'engager un mouvement de taille, c'est-à-dire de dimension européenne. Or, c'est la grande faiblesse de cette proposition de loi : elle s'inscrit dans le seul espace hexagonal alors que ce type de contrats appelle à l'évidence la définition d'une stratégie tarifaire communautaire. On peut d'ailleurs s'étonner que Jean-Louis Borloo, lorsqu'il était le ministre en charge des questions énergétiques, n'ait pas saisi la Commission pour aboutir à une organisation tarifaire européenne.

Deuxième argument de fond : l'adoption de cette PPL mettrait nos opérateurs en difficulté. La désindexation les placerait en effet en situation d'hyperdépendance à l'égard des deux fournisseurs historiques, Russie et Algérie, mais aussi des producteurs de gaz de schiste. En outre, le texte prévoit que la composante des coûts d'approvisionnement indexés sur les prix pétroliers sorte de la formule tarifaire dès la promulgation de la loi. Cette disposition, disons-le tout net, est totalement irréaliste. La renégociation sera ardue, difficile, elle se fera sur des contrats signés depuis longtemps, dont certains pour vingt ans, et qui prévoient des clauses de sortie assorties d'indemnités considérables, lesquelles seraient payées au bout du compte par les consommateurs.

J'ajoute que cette négociation, engagée dans un cadre trop étroit car hexagonal, et trop précipitée car intervenant dès la promulgation de la loi, affaiblirait les petits fournisseurs, Direct Énergie et autres, davantage que Gaz de France qui, du fait de sa surface, pourrait renégocier dans de bien meilleures conditions.

Troisième argument : cette proposition de loi, si elle était adoptée, nous placerait dans une situation d'insécurité en termes d'approvisionnement. En cas de grand froid, les fournisseurs se tourneraient vers les marchés spots, qui risquent de connaître une flambée des prix ou une rupture physique d'approvisionnement.

Enfin, la Commission de régulation de l'énergie, dans un rapport de 2011, nous alerte et précise que la bulle gazière, sous-jacente à ce texte, se retournera à compter de 2015-2016.

Nous devons appréhender cette légitime préoccupation de désindexation avec une rigueur et un sérieux qui font défaut à la présente proposition. Le Gouvernement privilégie une démarche différente, en suggérant une nouvelle fixation des tarifs du gaz dans le cadre d'une loi plus aboutie qui s'adossera vraisemblablement aux travaux sur la transition énergétique.

Notre collègue Jean-Louis Borloo a pris son temps puisque, sous la précédente législature, il n'a pas, que je sache, exprimé publiquement ce désir de désindexation. Il nous a expliqué tout à l'heure, à la tribune, qu'il n'avait pas la certitude de pouvoir convaincre d'une telle nécessité la majorité de l'époque ; nous en prenons acte. Nous sommes quant à nous convaincus qu'il faut changer les règles tarifaires. Nous sommes persuadés qu'en assurant une meilleure maîtrise publique nous pourrons utilement fixer un prix qui correspondra à l'état du marché, tant pour les consommateurs individuels qu'industriels. Nous suggérons de prendre le temps de le faire. Le président Brottes, en commission, a proposé un tour de table long avec les pays producteurs, les fournisseurs, les approvisionneurs. Madame la ministre, nous souhaitons que cette démarche plus réfléchie soit retenue.

Je conclurai mon propos en rappelant – j'associe notre collègue Nathalie Chabanne à ce dernier point – qu'il y a aujourd'hui, pour le marché gazier français, une autre urgence : le problème des réseaux. Le groupe Total souhaite se séparer de sa filiale TIGF – Total Infrastructures Gaz France. À l'évidence, la modification de l'organisation économique du marché sur le territoire national, notamment dans le sud de la France, dans les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, peut-être même Poitou-Charentes, risque de changer sensiblement la donne. Le président Brottes a accepté que nous réfléchissions aux conditions tarifaires ; je souhaiterais que nous puissions mener aussi une réflexion sur la question des réseaux et du stockage, car on ne peut se pencher sur la problématique du prix sans examiner en même temps la sécurité de l'approvisionnement et donc les stockages.

Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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