Intervention de Frédéric Roig

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Roig :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi vise à améliorer le pouvoir d'achat des ménages. Si tel est aussi l'objectif du groupe SRC, les moyens proposés ne le permettront malheureusement pas. Elle ne va pas pleinement dans le sens de l'intérêt du consommateur, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la renégociation des contrats et l'indexation des prix du gaz sur le marché spot, qui comprend des prix instantanés et très volatils, ne permettraient pas d'assurer à terme une baisse des prix, ni une stabilité des cours. Les instituts de prévision prévoient ainsi, à la fin de la bulle gazière, une diminution des cours.

GDF, Direct Énergie et d'autres vendent du gaz, eux seuls proposent une offre de marché : cela peut sembler le plus intéressant en ce moment, mais c'est aussi un risque car, si le marché est actuellement au plus bas, il peut très bien remonter. Inversement, les contrats négociés de long terme offrent davantage de sécurité au consommateur. L'évolution du prix du gaz en Europe dans les prochaines années est particulièrement incertaine. La forte augmentation de la demande asiatique ces dernières années pourrait avoir des répercussions et être un facteur d'augmentation des prix en Europe. La Commission de régulation de l'énergie, le « gendarme » des prix de l'énergie, va dans ce sens dans un rapport rendu en 2011.

L'intérêt des consommateurs consiste en une stabilisation du marché par des contrats à long terme. En abandonnant les tarifs régulés du gaz, le consommateur s'exposerait à une incertitude bien plus grande. Par exemple, les prix du gaz spot en Europe ont été multipliés par trois entre mi-2009 et mi-2012 alors que les prix du pétrole étaient multipliés par deux. Une indexation des tarifs réglementés sur les prix du spot sur cette période aurait donc été plus défavorable aux consommateurs.

De plus, l'adoption de la proposition de loi mettrait la France dans une situation d'hyperdépendance à l'égard, d'une part, du marché lié au gaz de schiste, et, d'autre part, notamment de la Russie et de l'Algérie, nos deux principaux fournisseurs. Notre capacité à discuter serait considérablement réduite et d'autant plus instable. Les prix seraient plus volatils et difficiles à maîtriser pour le consommateur.

La France peut-elle espérer que l'exploitation des gaz de schiste – si son sous-sol en contient – entraînera une baisse des prix de l'énergie ? Avancé par les défenseurs du gaz de schiste, l'argument s'appuie largement sur l'exemple des États-Unis, dont la situation est pourtant difficilement transposable. Certes, les prix du gaz conventionnel s'y sont effondrés en raison d'un afflux massif de gaz de schiste sur le marché, ce qui a entraîné, par ricochet, une baisse des prix du charbon, devenu, comme le nucléaire, moins compétitif. Mais le président de l'Institut français du pétrole a indiqué que la situation américaine n'est pas reproductible en Europe. En effet, aux États-Unis, l'industrie parapétrolière est très dynamique : on y compte 1 000 installations de forage, contre une cinquantaine seulement ici, où les coûts de production seraient plus élevés, de même que le prix final.

En outre, le mix énergétique est différent : outre-Atlantique, de nombreux exploitants de centrales électriques ont remplacé le charbon par le gaz, dégageant un double gain, financier et environnemental. La France, qui a très peu de centrales au charbon et un parc nucléaire fournissant une électricité encore compétitive, n'en retirerait pas de tels bénéfices. Les analystes ne voient pas non plus d'impact positif du gaz de schiste sur les prix du pétrole et des carburants. Leur développement rapide aux États-Unis n'a pas empêché le gallon d'essence de grimper à 3,85 dollars en septembre.

Dans l'état actuel de nos connaissances, personne ne peut non plus affirmer que l'exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd'hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l'environnement. Le principe de précaution impose d'en refuser toute exploitation car il s'agit de santé publique.

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