Intervention de Rémy Pflimlin

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Rémy Pflimlin, président de France Télévisions :

Monsieur Beffara, si l'on fait le choix d'un financement mixte – basé sur la CAP et la publicité –, il faut absolument lui donner une stabilité dans la durée. Je suis pour ma part favorable à l'extinction de la subvention de l'État, source de fragilité ; c'est pour nous adapter à sa diminution – et non à une baisse des recettes de la CAP – que nous avons dû lancer le plan d'économies massives.

Si la CAP n'est pas élargie à tous les écrans – avec une redevance par foyer disposant d'au moins un écran –, son rendement baissera inéluctablement et rapidement car les jeunes adultes regardent de plus en plus la télévision sur d'autres types de postes. Les Allemands, les Anglais, les Belges et les Suisses ont déjà fait cette réforme, et l'Europe entière est en train de les suivre. Les Italiens souhaitent actuellement la mener de manière plus radicale encore.

S'agissant de la publicité, les chaînes qui proposent aux annonceurs des écrans puissants – plages horaires en soirée, à forte audience – captent une part croissante des budgets. Par conséquent, malgré nos audiences correctes dans l'après-midi, la diminution de la publicité sur France Télévisions est beaucoup plus forte que celle du marché. Sans envisager de rouvrir à la publicité la totalité des écrans après vingt heures, préserver le financement mixte exige de disposer de quelques écrans puissants. Ainsi, réintroduire la publicité entre vingt et vingt et une heures sur France 2 et France 3 nous rapporterait une centaine de millions d'euros environ, même si le montant exact dépend des conditions du marché. En diffuser à la mi-temps des événements sportifs en soirée nous donnerait jusqu'à une dizaine de millions ; ces revenus pourraient d'ailleurs nous permettre d'acheter davantage d'événements sportifs. En effet, comme le souligne Mme Buffet, France 2 est aujourd'hui la seule parmi les chaînes généralistes et gratuites à offrir du sport. Ce week-end, nous avons ainsi diffusé le match de rugby France-Argentine et la coupe Davis. Aucune chaîne privée n'achète plus ces événements – désormais retransmis par les chaînes payantes –, se contentant des matchs de football de l'équipe nationale. Ayant failli perdre la coupe d'Europe de rugby – nous avons finalement obtenu la moitié des droits détenus jusqu'à maintenant –, nous avons besoin de moyens supplémentaires pour acheter ce type d'événements.

La publicité sur France Télévisions ne coupera jamais les programmes de fiction ou de cinéma ; je n'envisage pas non plus d'en remettre après vingt et une heures. En revanche, réintroduire la publicité entre vingt et vingt et une heures contribuerait à consolider notre chiffre d'affaires. L'union des annonceurs s'y est d'ailleurs dite extrêmement favorable, soulignant la spécificité du public de France Télévisions et de sa réception du message publicitaire. La conséquence d'une telle décision sur le marché et sur la répartition de la publicité entre les différents grands acteurs sera infiniment moins importante que celle de l'arrivée sur ce marché de Google. En effet, les 100 millions d'euros que cela rapporterait à France Télévisions sont à comparer aux quelque 1,5 milliard que Google captera cette année.

Les recettes de la publicité régionale – diffusée sur France 3 avant vingt heures – ont diminué de 42 % entre 2010 et 2013, passant de 20,8 à 12 millions d'euros. Ouvrir un écran après vingt heures nous servirait donc non à développer, mais à essayer de maintenir le niveau de nos ressources. Soulignons que la publicité régionale – qui correspond aux besoins des annonceurs régionaux – ne concurrence pas la PQR qui vend de la publicité locale sur des zones de chalandise et qui vise la grande distribution et le commerce, alors que France Télévisions se spécialise sur la publicité institutionnelle. Nous étudierons la question durant six mois et serons prêts à la discussion ; mais les premières semaines d'observation laissent à penser que les dégâts se révéleront extrêmement faibles.

Le rapport de Mme Anne Brucy montre que le modèle actuel de France 3 – celui d'une grande chaîne nationale à décrochage régional – est plébiscité par nos concitoyens car l'offre nationale de France 3 est très différente de celle des autres chaînes. Dans la journée, France 3 propose des programmes de proximité – Midi en France, puis Météo à la carte – ou des jeux qui s'adressent à un public très spécifique ; en première partie de soirée, elle diffuse soit des fictions patrimoniales, soit des émissions telles que Des racines et des ailes ou Thalassa, ancrées dans les territoires. Le public est attaché à ces programmes nationaux très identitaires et complémentaires de ce que fait France 3 Régions. À partir de ce modèle, il nous faut développer des contenus régionaux plus importants – notamment le matin –, accompagner tous les événements par des prises d'antenne événementielles, mener des expérimentations à l'image de ce que nous faisons en Corse avec la création de Via Stella sur un canal parallèle, qui est désormais la quatrième chaîne de l'île en part d'audience. Il faut démultiplier nos activités, notamment par le biais du numérique qui se développe fortement en régions.

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