Madame la présidente, mes chers collègues, le développement des filières djihadistes est un phénomène récent et extrêmement préoccupant. Il est la traduction de l’une des nombreuses mutations du terrorisme, dont les causes et les caractéristiques évoluent sans cesse. Selon un rapport de l’ONU, 15 000 personnes, issues de 80 pays, ont rejoint les groupes fondamentalistes en Irak et en Syrie. Au niveau européen, environ 3 000 ressortissants sont partis faire le djihad.
La France n’est donc pas un cas isolé. Elle fournit néanmoins, avec la Belgique, le Danemark et le Royaume-Uni, un des plus importants contingents occidentaux. En effet, les chiffres ne cessent d’augmenter. De 50 en mars 2013, puis 800 en juillet dernier, nous serions passés selon le ministère de l’intérieur à 1 132 Français impliqués dans des filières djihadistes. Parmi eux, 376 Français seraient présents en Syrie et en Irak. Jamais ce phénomène ne s’était manifesté dans de telles proportions.
La menace est donc bien réelle, et grandissante. Elle est d’autant plus inquiétante que l’on sait que ces citoyens français, qui prennent les armes afin de partir faire le djihad, peuvent potentiellement revenir en Europe avec une idéologie chargée de haine envers l’Occident et la solide expérience militaire qu’ils ont pu acquérir.
C’est pleinement conscients de ces menaces que les sénateurs du groupe UDI-UC ont initié une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Créée le 9 octobre dernier, cette commission d’enquête a d’ores et déjà débuté ses travaux et procédé à plusieurs auditions.
Certes, il serait inexact de dire que cette menace n’a pas été prise en compte par le législateur. À deux reprises, sous cette législature, nous avons adapté notre législation à ces nouvelles réalités. Cet arsenal a été complété par une interdiction administrative du territoire, dont nous avions souligné le caractère indispensable, pour faire face à la recrudescence du départ de jeunes Français vers des zones où l’apprentissage de la lutte armée se double d’un embrigadement idéologique. Les conséquences de l’utilisation intensive d’internet comme moyen de propagande et de recrutement ont également été prises en compte. Rappelons que 91 % des recrutements se feraient par internet, sur les réseaux sociaux et par des vidéos de propagande et d’endoctrinement.
La loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a également permis la création d’un délit d’entreprise terroriste individuelle. Pour autant, comme certains d’entre nous l’avaient dénoncé, la question du retour en France des individus qui auront participé à des actions sur les théâtres djihadistes est demeurée sans réponse.
À ce titre, la création d’une commission d’enquête nous semble nécessaire. Elle permettra à notre assemblée d’analyser l’efficacité des moyens de prévention, de détection et de surveillance des filières djihadistes et des radicaux religieux présentant des risques manifestes de réalisation d’actes terroristes. Cette commission, qui sera également l’occasion de faire le point sur la coopération policière en Europe, devrait aboutir à la formulation de propositions pour renforcer la lutte contre le djihad.
Nous ne saurions nous priver d’un tel travail d’analyse, qui sera à coup sûr utile au renforcement de la surveillance et de la lutte contre ces filières. Le groupe UDI soutient donc la création de cette commission d’enquête.