La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Jacques Barrot s’est éteint aujourd’hui à l’âge de soixante-dix-sept ans. Avec lui disparaît une grande figure de notre vie politique et un grand serviteur de l’État. Partout où il est passé, il a laissé l’image d’un homme de dialogue et de conviction. « La vie politique est une vocation », affirmait-il avec insistance, et il y aura consacré une très grande partie de sa vie, s’engageant passionnément après la mort brutale de son père.
Les députés que nous sommes garderont le souvenir de ses vingt-huit années de mandat au cours desquelles il présida le groupe de l’Union du centre, le groupe de l’UMP, la commission des affaires sociales et la commission des finances.
Plusieurs fois ministre sous les présidences de M. Valéry Giscard d’Estaing et de M. Jacques Chirac, commissaire européen et vice-président de la Commission européenne, il siégeait depuis 2010 au Conseil constitutionnel, nommé par Bernard Accoyer, alors président de l’Assemblée nationale.
En votre nom à tous, je présente à sa famille et à ses proches les condoléances de l’Assemblée nationale. Je vous invite maintenant à observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et membres du gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.
Monsieur le président, vous avez trouvé les mots justes concernant la disparition de Jacques Barrot. Nous avons tous été choqués et touchés à l’annonce, il y a quelques heures, de son décès brutal. Pour beaucoup d’entre nous, Jacques Barrot était une figure de la Ve République : vous l’avez rappelé, il a été ministre de Valéry Giscard d’Estaing et de Jacques Chirac. Pour le parlementaire que j’ai été, il incarnait non seulement une voix, mais il faisait également preuve d’un grand sens de l’écoute, de fraternité, et d’une amabilité et d’une courtoisie exquises.
Nous pouvons retenir de Jacques Barrot une continuité dans les idées et son grand engagement européen. Incontestablement, il manquera à la vie politique française.
Applaudissements sur tous les bancs.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, je vous remercie d’avoir évoqué la personne de Jacques Barrot. Au groupe UMP, qu’il a présidé avec tant de talent, nous sommes très émus et très tristes. C’est un homme qui a profondément marqué la vie politique française et la vie parlementaire. C’est avec une vraie émotion que nous regrettons aujourd’hui sa perte brutale.
Monsieur le Premier ministre, – en fait je m’adresse à l’ensemble du Gouvernement et à l’ensemble de votre majorité tant le sujet est vaste, et au Président de la République, si cela était possible –, ma question concerne l’impôt. Vous connaissez l’expression : « trop d’impôt tue l’impôt », ce n’est pas faute de vous l’avoir répétée depuis quelques années.
Votre matraquage fiscal porte hélas ses fruits et les chiffres sont accablants : en 2014, les recettes fiscales seraient inférieures de 11,5 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale, dont 6,1 milliards d’euros au titre de l’impôt sur le revenu. L’an dernier déjà, 5 milliards d’euros n’avaient pas été perçus. La rapporteure générale du budget elle-même, Mme Rabault, s’inquiète d’ailleurs aussi et souligne dans son rapport sur le collectif budgétaire « qu’aucune analyse sérieuse des causes de l’affaissement du produit de l’impôt sur le revenu n’a été fournie ».
Alors que se passe-t-il ? C’est ce que nous voudrions savoir car, au-delà de la surestimation de vos prévisions de croissance, tout le monde pense – y compris les membres de la majorité – que le ras-le-bol fiscal fait son effet ! Vous suscitez des modifications de comportement que vous ne voulez pas accepter, mais qui sont le résultat de votre politique : réduction volontaire d’activité, contribuables s’installant à l’étranger, hausse du travail au noir, délocalisation… Voilà les effets de votre politique ! Continuez en ce sens, et la France y perdra toute son énergie !
Monsieur le député, je veux d’abord partager l’émotion dont vous avez fait part au début de votre intervention. Parmi toutes ses responsabilités, Jacques Barrot a aussi été le prédécesseur de François Rebsamen, donc mon prédécesseur, à la fonction de ministre du travail, poste dans lequel il a excellé.
La question que vous posez est évidemment sérieuse. Quel est aujourd’hui le niveau des rentrées fiscales et son lien avec la réalité de la situation économique de la France ? J’appelle simplement votre attention sur un point, que vous n’ignorez pas, monsieur le député : la loi de finances pour 2014, votée à la fin de l’année 2013, était fondée sur deux hypothèses qui ont été remises en cause, non pas sur l’initiative du Gouvernement, car il aurait surestimé les prévisions, mais parce que tous les observateurs prévoyaient un taux de croissance à 1 %, ce qui n’est pas énorme, et un taux d’inflation à 1 %.
Lorsque, comme je l’ai fait en août, ses prévisions sont révisées, cela a des effets immédiats et automatiques sur le niveau des rentrées fiscales : en l’occurrence, la prévision de croissance a été ramenée à la moitié du taux prévu, soit 0,4 % – ce qui sera le taux de croissance de 2014 –, et le taux d’inflation constaté a été de 0,3 %.
Il ne s’agit donc pas d’un matraquage !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous le savez bien, car vous analysez également ce sujet avec sérieux. Une activité et une inflation inférieures à celles qui avaient été prévues conduit à des rentrées fiscales inférieures à celles initialement prévues.
J’ai souhaité, à la mi-août, dire quelle était exactement la réalité de la situation française. Depuis lors, toutes les prévisions sont en ligne. Le niveau de dépenses que j’avais prévu correspond au niveau effectivement atteint.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les dépenses de l’État sont tenues. Ce que j’avais prévu en termes d’impôts est aujourd’hui conforme à la réalité.
Tout est en ligne. Cette fois-ci, nos prévisions correspondront à la réalité de la situation de la France.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Monique Rabin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, vous avez ce matin, lors d’une conférence de presse, détaillé les grandes orientations de la politique financière de la France pour les prochaines années.
Alors que le projet de loi de finances rectificative pour 2014 suscite des débats vifs et récurrents dans notre assemblée – nous avons encore pu le constater lors de la séance d’hier soir –, les éléments que vous avez détaillés nous intéressent au plus haut point. Ils nous permettent également d’espérer.
On constate que, dans cet hémicycle, et encore plus au Sénat, qui semble être devenu le laboratoire de la droite, deux visions s’affrontent.
Celle de l’UMP se résume à des attaques violentes contre la solidarité, la protection sociale et les politiques actives en matière d’emploi.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Cette droite n’a rien appris des échecs du quinquennat de M. Sarkozy en matière de dépenses publiques et de dette – je rappelle qu’au moment où nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit public dépassait 5 % du produit intérieur brut.
Elle propose à la fois d’augmenter les dépenses et de réaliser 110 milliards d’économies. Il ne faut pas oublier non plus les 36 milliards d’euros qu’elle avait déjà prélevés en 2011. Nous n’avons donc aucune leçon à recevoir d’elle en matière d’impôt.
À gauche, nous construisons un équilibre complexe, qui fait débat, à juste titre.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre, vos annonces nous intéressent au plus haut point. Vous avez évoqué d’un objectif de déficit public ramené à 4,1 %, ainsi que d’une stabilisation fiscale sur la période 2015-2016. Enfin une loi de simplification fiscale devrait nous permettre de gagner en clarté et en lisibilité.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, nous vous remercions de poursuivre ces objectifs économiques, dans le contexte difficile que nous connaissons tant en France qu’en Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
En effet, madame…
… la députée Monique Rabin, j’ai fait ce matin deux annonces qui, me semble-t-il, sont plutôt positives pour les Français. La première concerne le niveau de notre déficit public. Je vous rappelle que le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un déficit égale à 4,3 % de notre produit intérieur brut. Or les débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle, ainsi que certaines bonnes nouvelles, relatives aux recettes, ou des dépenses qui s’avèrent moins importantes que prévu, m’ont permis d’annoncer ce matin que cette prévision de déficit pour l’année prochaine était revue à la baisse, passant de 4,3 % à 4,1 %.
Il s’agit d’une bonne nouvelle, car moins de déficit entraîne moins de dettes, et moins de dettes, c’est préserver l’avenir des Français et des générations futures.
Ma deuxième annonce, qui elle aussi a tenu compte du débat qui a eu lieu dans cet hémicycle, concerne les impôts.Vous avez eu raison de rappeler que la majorité précédente avait voté plus de 36 milliards d’euros d’augmentations d’impôts en 2011 et 2012.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
A ces augmentations d’impôt se sont ajoutées celles que nous avons dû décider pour diminuer le déficit qui nous avait été laissé. Les hausses d’impôt sont désormais derrière nous.
Je peux dire ici clairement qu’en 2015, en 2016 et en 2017, nous ne proposerons aucune augmentation d’impôts aux Français.
C’est difficile à croire, tant ils s’étaient habitués à voir les impôts augmenter. C’est pourtant la réalité, et chacun pourra le constater.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste. Je vous demande de retrouver votre calme.
Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, vous avez déclaré, lors de la conférence environnementale, avoir la conviction qu’écologie et démocratie participative étaient indissociables. Cette conviction, je la partage, comme l’ensemble des députés du groupe écologiste.
Or, en ce qui concerne le projet de Center Parc en forêt de Chambaran, en Isère, qui prévoit la construction de 990 cottages et la création de 468 emplois équivalent temps plein, le processus démocratique a dysfonctionné, ce qui explique l’actuelle situation de blocage.
Malgré l’avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature, les conclusions unanimement défavorables des trois commissaires-enquêteurs lors de l’enquête publique prévue par la loi sur l’eau, les arrêtés préfectoraux autorisant le projet ont été délivrés.
Il faut préciser que ces commissaires-enquêteurs ont été nommés par le tribunal administratif et que leur décision, rendue sur le fond, vise à protéger une vaste nappe phréatique située en tête de bassin versant sous la zone humide de 110 hectares en cause.
Lors de l’enquête publique, les citoyens se sont prononcés à une large majorité contre ce projet. Les travaux de déboisement ont pourtant débuté, en dépit des recours déposés par plusieurs associations et qui à ce jour n’ont pas encore été instruits
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Les « zadistes », c’est-à-dire les opposants au projet présents à proximité de la « zone à défendre », jouent le rôle d’observateurs non violents.
Madame la ministre, ce projet, grand consommateur d’argent public – son coût dépasse les cent millions d’euros – est–il compatible avec la directive–cadre européenne sur l’eau ?
Par ailleurs, des organisations non gouvernementales demandent une finalisation rapide du schéma d’aménagement et de gestion des eaux concerné, la suspension immédiate des arrêtés préfectoraux, ainsi que la mise en oeuvre d’une mission et l’organisation d’une table ronde.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, il s’agit là d’un projet porté par le conseil général de l’Isère. Je vous redis ici ma conviction : il est possible de concilier la création d’activité et d’emplois – vous venez de le dire, madame la députée, ce projet doit générer 470 emplois – et le respect des règles de protection de l’environnement.
Je sais qu’à l’initiative des responsables locaux de ce projet, des améliorations lui on été apportées, qui tiennent compte des observations des commissaires-enquêteurs.
Le tribunal saisi en référé doit se prononcer le 12 décembre. Les élus responsables de ce projet sauront donc très rapidement ce qu’il en est. Le ministère est à la disposition des parties prenantes pour apporter un appui technique à d’éventuelles solutions de compromis, mais je n’ai nulle intention de me substituer aux élus locaux, qui prennent, dans ce dossier, leurs responsabilités.
Quelques applaudissements sur les bancs des groupes SRC et UMP.
Cela dit, des choix précédés de débats approfondis ainsi que le souci de dialoguer dans la transparence sont toujours plus fructueux que des situations de crispation.
Une amélioration des procédures est engagée, vous le savez. Elle visera à raccourcir les délais de construction sans reculer sur les valeurs environnementales, et à approfondir le dialogue et la démocratie. L’un ne va pas sans l’autre, et nous devons tous y être particulièrement vigilants.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Avant de poser ma question, je voudrais, au nom du groupe UDI et de son président et à titre personnel, rendre un hommage particulier et appuyé à notre ami Jacques Barrot. Jacques Barrot était un homme que j’appréciais beaucoup, dont j’étais très proche. Aujourd’hui, j’ai perdu un ami très cher et un homme droit, qui a fait honneur à la politique.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Depuis juin 2009, Asia Bibi, Pakistanaise et chrétienne, est emprisonnée et condamnée à la pendaison pour blasphème pour avoir bu de l’eau dans un puits censé être interdit aux chrétiens. Cette terrible et effroyable sentence témoigne tant de la maltraitance dont les femmes sont victimes que du développement de l’obscurantisme religieux. Asia Bibi ne peut et ne doit pas mourir pour un verre d’eau.
La Haute Cour de Lahore a confirmé la peine de mort. Il reste l’espoir d’un ultime recours devant la Cour suprême du Pakistan.
Mme la maire de Paris a proposé de l’accueillir ainsi que sa famille, également menacée de mort. Asia Bibi, par l’intermédiaire de son mari, nous a crié sa détresse : « Vous êtes ma seule chance de ne pas mourir au fond de ce cachot. S’il vous plaît, ne me laissez pas tomber ».
La France, terre des droits de l’Homme, ne doit pas laisser tomber Asia Bibi. Il est de notre devoir d’user de toute notre influence pour la sauver. II est de notre devoir de soutenir toutes les initiatives qui permettront d’abroger ces lois inhumaines et intolérantes, car, comment ne pas rappeler qu’au Pakistan, ce sont plus de 2 500 hommes et femmes qui se trouvent dans le couloir de la mort ?
Monsieur le ministre, comment ne pas laisser tomber Asia Bibi aujourd’hui ? Nous sommes convaincus que notre démarche trouvera un écho unanime dans cet hémicycle, témoignage du soutien de la représentation nationale. Nous comptons sur vous.
Applaudissements sur de très nombreux bancs.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.
Gravité, émotion et révolte, c’était le ton de votre question, monsieur le député, et c’est ce que nous ressentons tous ici, face à la condamnation à mort dont fait l’objet Mme Asia Bibi, une femme pakistanaise condamnée pour blasphème, condamnée pour ce qu’elle pense, pour ce qu’elle croit, au fond pour ce qu’elle est.
Cette notion même de délit de blasphème, nous ne pouvons pas l’accepter. La France ne transigera jamais sur le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales que sont la liberté de parole, la liberté d’expression, la liberté religieuse, consacrées dans notre déclaration des droits comme dans les engagements internationaux.
Le Pakistan a signé le pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il l’a ratifié en 2010. Il doit désormais l’appliquer et les libertés que j’ai évoquées en font pleinement partie.
La France est mobilisée depuis quatre années. De nombreuses démarches ont eu lieu à tous les niveaux de notre diplomatie et avec nos partenaires européens. La Cour de Lahore a récemment confirmé le verdict. Le Président de la République est personnellement intervenu auprès de son homologue pakistanais pour plaider la cause de Mme Bibi…
…et appeler le Pakistan à respecter ses engagements.
Nos partenaires européens sont eux aussi mobilisés.
Le Gouvernement français fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour tenter d’obtenir un dénouement positif face à cette condamnation inique et, au-delà, fidèles à notre tradition, nous resterons mobilisés pour l’abolition de la peine de mort partout dans le monde.
Applaudissements sur de nombreux bancs.
La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j’associe les 135 parlementaires de Génération entreprise-Entrepreneurs associés, s’adresse au Premier ministre.
« Impôts, taxes, charges : trop, c’est trop », c’est avec ce cri du coeur que nos chefs d’entreprise tirent la sonnette d’alarme.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
« Pigeons », « plumés », ou simplement exaspérés, des milliers d’entrepreneurs se mobilisent cette semaine pour exprimer leur colère face à des mesures qui asphyxient l’économie, étouffent leurs entreprises et détruisent des emplois.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Rendez-vous compte, elles payent 137 milliards d’impôts de plus que leurs concurrentes allemandes.
Mêmes mouvements.
Les 40 milliards que vous avez consentis sont loin de combler le fossé de compétitivité entre nos deux nations. Redonnons de l’oxygène à nos entreprises avant de leur demander des contreparties.
Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.
Comment peuvent-elles être compétitives à l’international, investir et en même temps embaucher, si on leur impose de telles contraintes ?
Combien pensez-vous, par exemple, que le compte pénibilité va leur coûter ? C’est encore une usine à gaz.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Figer le temps de travail entre 24 et 35 heures, au lieu de l’assouplir, c’est une décision de votre majorité. Devoir informer les salariés de la cession d’une entreprise, au risque de l’empêcher,…
…alors que c’est parfois la seule solution pour la sauver et garantir l’emploi, c’est encore vous. C’est vrai qu’on n’y avait pas pensé au cours de ces trente dernières années.
Cessez de simplifier d’une main quand vous complexifiez de l’autre.
Le pacte de responsabilité, vous fustigez les patrons en les accusant d’être responsables de son fiasco. C’est un échec, vous en convenez, nous l’avions prédit.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il eût mieux valu, il faut le répéter, ne pas supprimer les heures supplémentaires défiscalisées dès votre arrivée.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.
Là, c’est votre responsabilité.
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : que comptez-vous faire concrètement pour insuffler ce vent de liberté et de flexibilité dont nos entreprises ont aujourd’hui tant besoin ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Quel plaisir, monsieur Olivier Dassault, de vous voir soutenir des manifestants dans la rue, cela ne doit pas arriver souvent.
Rires et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Votre discours m’en a rappelé d’autres que j’ai souvent entendus sur ces questions.
Nous avons besoin des entreprises et des entrepreneurs, parce que, sans entreprises et sans entrepreneurs dans notre pays, on ne crée ni richesse ni croissance ni emploi. Le Président de la République et la majorité depuis 2012 ont décidé de soutenir les entreprises, notamment à travers le CICE, voté à la fin de l’année 2012, et le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le chef de l’État le 14 janvier dernier.
Le pacte de responsabilité a été voté par le Parlement et il va se mettre en oeuvre essentiellement, au-delà du CICE, à partir du 1er janvier 2015. Il se traduira par une baisse du coût du travail, des impôts et des charges.
Nous devons ainsi soutenir les entreprises et, notamment, les PME et les PMI, qui seront essentiellement concernées par la première phase du pacte de responsabilité, et je ne veux pas oublier les indépendants et les artisans, qui bénéficieront d’une baisse d’impôts et de charges de près d’un milliard.
Nous devons soutenir la compétitivité de nos entreprises parce que, depuis plus de dix ans, je le soulignais ici même hier, elles en ont perdu. Le dialogue va se poursuivre avec le patronat, mais j’ai bien rappelé hier la responsabilité de chacun. Quand la nation consent un tel effort, 40 milliards sur quatre ans, chacun doit être à la hauteur de ses responsabilités.
Pour le pacte de responsabilité et de solidarité, je ne parle pas d’échec.
Je parie d’abord sur l’accord entre les partenaires sociaux, et je parie surtout sur l’intelligence collective. Je ne doute pas que les partenaires sociaux qui se sont engagés en faveur du pacte de responsabilité et de solidarité trouveront l’accord nécessaire.
Au-delà des organisations patronales, que je respecte et à qui je rappelle en même temps leurs responsabilités, j’appelle les chefs d’entreprise à conclure des accords gagnant-gagnant pour l’emploi dans toutes les branches. Comme l’a rappelé le ministre du travail encore hier matin, il faut que tout le monde s’engage, il faut qu’il y ait des accords parce que les Français, les salariés attendent légitimement que chacun s’engage pour l’emploi ou la formation.
Nous baissons les charges et les impôts des entreprises, et cette majorité a voté encore une fois la baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages les plus modestes et les classes moyennes. Mais attention, nous avons également besoin de recettes pour l’État. Cela vaut pour l’État comme pour les collectivités territoriales, nous avons besoin collectivement de considérer que l’impôt a un caractère citoyen.
Ceux qui critiquent en permanence l’impôt, monsieur le député, sont en effet les mêmes qui se plaignent, à juste titre, quand il n’y a pas assez de policiers, de gendarmes, d’enseignants ou d’infirmières
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
et considèrent même, monsieur Dassault, et je vais être le plus fin possible, que l’État a un rôle à jouer dans la politique industrielle, et même quand il s’agit de vendre des avions à l’étranger.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes GDR et RRDP.
La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, 35 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, dont 3,2 millions d’enfants. En France, ce sont plus de 150 000 personnes qui sont porteuses du VIH. En 2013, plus de 6 000 nouveaux cas de séropositivité ont été découverts. Selon l’institut de veille sanitaire, ces nouvelles infections touchent très majoritairement les 25-49 ans et 98 % des contaminations sont causées par des rapports sexuels non protégés.
Pourtant, des progrès remarquables ont été accomplis dans le traitement de la maladie. Dernière expérimentation en date, le Truvada permettrait de réduire de 80 % le risque d’infection lors de relations sexuelles, selon le professeur Molina de l’hôpital Saint-Louis à Paris. Pourtant, les pouvoirs publics sont mobilisés : je me félicite notamment de la baisse de la TVA sur les préservatifs, qui sont la pierre angulaire de la prévention. Pourtant, les associations poursuivent leur mobilisation quotidienne pour la prévention et l’accompagnement de personnes malades.
Malgré tout, chers collègues, l’épidémie est loin d’être endiguée. De manière tristement paradoxale, on a aujourd’hui l’impression que la perception du risque s’est atténuée chez les générations arrivant à l’âge adulte. Il semble que le sida, qui faisait très peur il y a vingt ans, soit de plus en plus considéré comme une maladie banale. Une étude récente est particulièrement éloquente. Réalisée auprès de cinq cents élèves des universités franciliennes, elle indique que 30 % d’entre eux n’utilisent jamais de préservatifs lors de leurs rapports sexuels. Cela nous contraint à nous interroger sur les actions de prévention en milieu scolaire et universitaire.
Monsieur le Premier ministre, l’endiguement du VIH est primordial. Nous ne devons pas baisser la garde. Que fait le Gouvernement pour réduire encore davantage les contaminations en France et dans le monde et contribuer ainsi à la réalisation de l’objectif d’ONUSIDA de mettre fin à cette épidémie mortelle d’ici à 2030 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Madame la députée Seybah Dagoma, je vous prie d’excuser l’absence de Marisol Touraine, retenue à Marseille par les XIVe Assises nationales hospitalo-universitaires et le salon Hôpital Expo Méditerranée.
Ce lundi 1er décembre était la journée mondiale de mobilisation contre le sida. À cette occasion, Marisol Touraine a rappelé la nécessité de rester mobilisés contre la maladie. N’oublions pas qu’actuellement en France, 150 000 personnes vivent avec le VIH et que l’on évalue à près de 30 000 celles qui ignorent leur séropositivité. Le risque de contamination reste bien réel : le sida n’est pas une maladie banale.
C’est pour cela que Marisol Touraine a annoncé trois actions fortes. D’abord, une campagne d’affichage d’information et de prévention à destination du grand public, sera lancée, plus particulièrement des jeunes. Le dépistage des populations les plus exposées, souvent éloignées du système de santé, sera renforcé. Ainsi, les dépistages communautaires par test rapide d’orientation diagnostique – le TROD – seront poursuivis et généralisés. Le montant versé aux associations sera réévalué. Des autotests de dépistage seront disponibles en pharmacie en juillet 2015, et le projet de loi de santé, qui sera discuté au début de l’année 2015 à l’Assemblée nationale, prévoit que ces autotests seront mis à la disposition des associations pour renforcer des actions de dépistage ciblées en direction des personnes les plus exposées. Les utilisateurs de ces tests seront par ailleurs accompagnés via une plateforme téléphonique.
Vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est mobilisé pour poursuivre et accentuer la lutte contre le sida dans tous ses aspects : prévention, dépistage et prise en charge des personnes séropositives. Moi-même, je travaille avec les acteurs du secteur médico-social à la prise en charge des personnes séropositives vieillissantes dans les établissements. Le Gouvernement, à travers toutes ses politiques sociales, est mobilisé chaque jour, et pas seulement le 1er décembre, par la lutte contre le sida.
La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le Premier ministre, la commission d’enquête chargée d’étudier les difficultés du monde associatif a récemment rendu son rapport. Celui-ci souligne le poids des 1,3 million d’associations, qui représentent plus de 16 millions de bénévoles, un budget de 85 milliards d’euros et 1,8 million d’emplois, soit 10 % du total des emplois du secteur privé.
Il appelle également l’attention sur les difficultés rencontrées par les associations , frappées par la baisse des financements de l’État et des collectivités locales qui répercutent la diminution drastique de leurs moyens, ce qui menacerait 200 000 emplois ; par la suppression de la clause de compétence générale, et par la marchandisation rampante imposée par les nouvelles règles européenne,s qui conduit la puissance publique à considérer de plus en plus les associations comme des prestataires mis en concurrence pour remplir des missions de service public dans les conditions du privé.
Pour que soient reconnus le poids des associations et leur plus-value en termes de lien social, le rapport de mes collègues Alain Bocquet et Françoise Dumas fait plusieurs propositions, notamment la simplification des procédures administratives ; la sécurisation des financements, en recourant à des subventions plutôt qu’aux marchés publics et en développant le dispositif des contrats pluriannuels ; la constitution d’un fonds de garantie pour éviter aux associations de verser de coûteux agios en attendant le versement des subventions publiques. Ils soulignent également l’urgence de donner vie à la charte des engagements réciproques, signée en février dernier par l’État, le mouvement associatif et les collectivités.
Monsieur le Premier ministre, quelles suites comptez-vous donner aux propositions contenues dans ce rapport, notamment à celles que je viens de citer et que le monde associatif considère comme essentielles ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Madame la députée Jacqueline Fraysse, nous devons féliciter l’Assemblée nationale pour la qualité de ses travaux sur la vie associative. Un premier rapport, réalisé par le député Jean-Pierre Allossery, a été consacré à la question de l’engagement associatif des jeunes. A suivi un excellent rapport d’Yves Blein sur la simplification de la vie associative. Je veux par ailleurs souligner la qualité du travail mené par la commission d’enquête, qui réunissait des députés de tous les groupes, sur les difficultés rencontrées par les associations en cette période de crise. Le Gouvernement partage un grand nombre des conclusions de ce rapport.
Toutefois, il ne faut pas dramatiser la situation : des choses ont été faites, ne serait-ce que le relèvement de l’abattement de la taxe sur les salaires, qui a entraîné l’exonération de 70 % des associations. En outre, le monde associatif a été le principal bénéficiaire du succès des emplois d’avenir, qui ont permis d’y maintenir l’emploi.
Il est vrai que des efforts restent à faire, en matière de simplification, de relations avec les collectivités territoriales qui, aujourd’hui, substituent la commande publique à la subvention et partant fragilisent le monde associatif – le rapport le montre très bien –, enfin en matière de reconnaissance du bénévolat.
Cette situation me rappelle une citation de Mark Twain : « Certains voient les choses comme elles sont et se disent : pourquoi ? D’autres voient les choses comme elles pourraient être et se disent : pourquoi pas ? » Mes chers collègues, pourquoi pas ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes plus à une promesse près. Ce matin, votre ministre des finances a déclaré que le déficit français serait largement en dessous de 3 % du PIB en 2017. Une énième annonce à l’emporte-pièce, avec une nouvelle promesse : la prévision de déficit pour 2015 est actualisée à 4,1 % au lieu de 4,3 %.
De qui se moque-t-on, monsieur le Premier ministre ? Alors que nous sommes en train d’examiner le projet de loi de finances rectificative qui poursuit les augmentations d’impôt et contredit la très récente promesse du Président de la République, Michel Sapin nous promet aujourd’hui une amélioration du déficit.
On aimerait vous croire, mais la situation est dramatique. Tous les clignotants sont au rouge. La dette augmentera de 7 % en 2015, soit 216 milliards d’euros supplémentaires, les rentrées fiscales sont en baisse et les taux d’intérêt remonteront probablement à la fin de l’année 2015. La Commission européenne, qui a rendu un avis très réservé sur notre budget, nous a octroyé un sursis in extremis.
Alors que le collectif budgétaire acte le dérapage du déficit en 2014, le magicien Michel Sapin sort du chapeau une baisse du déficit en 2015
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP
et une promesse de déficit inférieur à 3 % en 2017 ! La révision du déficit pour 2015 est due aux 3,6 milliards d’euros de mesures nouvelles. Nous ne partageons pas votre enthousiasme, car nous savons que ces 3,6 milliards ne proviennent pas de réformes structurelles. Ce montant doit même être pris avec précaution. Vous ne pouvez pas vous en sortir encore avec des recettes exceptionnelles générées par les mesures de lutte contre la fraude fiscale.
Monsieur le Premier ministre, la Commission européenne est moins optimiste que vous : elle envisage un dérapage important de notre déficit en 2016. Après son élection, le Président de la République avait dit qu’il rétablirait l’équilibre du budget. Quel crédit pensez-vous que les Français donnent à cette nouvelle promesse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la députée, vous avez de la mémoire : vous êtes donc capable d’analyser la situation qui était celle de la France il y a un peu plus de deux ans – disons trois ans.
Vous savez exactement dans quel état était la France au moment où la majorité est passée de droite à gauche.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Vous savez quel était le niveau du déficit, largement supérieur à 5 %.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Vous savez aussi quel était le niveau d’augmentation des impôts, largement supérieur à 36 milliards d’euros en un an et demi. On ne l’avait jamais vu ! C’est votre bilan !
Madame la députée, quand vous posez ce genre de question, il faut le faire avec un peu plus de modération et de sérieux.
Voilà ce que j’ai annoncé ce matin : compte tenu des débats que vous connaissez bien et auxquels vous avez participé, car vous êtes une députée active sur ces sujets, compte tenu des votes intervenus – il s’agit de faits et non d’engagements, il s’agit de décisions et non de promesses –,…
…compte tenu, en particulier, du fait que vous avez inscrit 3,6 milliards d’euros de mesures nouvelles dans le projet de loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances rectificative pour 2014 dont vous êtes en train de débattre, oui, madame la députée, l’objectif de déficit pour l’année prochaine passe de 4,3 % à 4,1 %. Vous devriez vous en réjouir et nous aider à aller dans ce sens plutôt que d’utiliser une ironie qui ne fait même pas mouche !
Nous sommes naturellement en dialogue avec la Commission européenne, comme vous avez pu l’être, les uns ou les autres – je pourrais vous rappeler tous les moments où vous avez allègrement outrepassé les règles communes. Ce dialogue est constructif.
La Commission européenne avait besoin de temps pour mieux connaître les décisions que nous allions prendre : elle les connaît maintenant, et elle pourra adopter les positions nécessaires dans les prochains mois.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sylviane Bulteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Hugues Fourage, député de Vendée, s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.
Madame la ministre, la gauche a porté hier, porte aujourd’hui et portera encore demain une grande et belle ambition pour l’école de la République. Cette école de la République doit toujours demeurer en mesure d’assurer la réussite de tous les élèves, dans une France riche de la diversité de ses territoires. La refondation de l’école est, dans ce contexte, un acte fort.
À la rentrée 2015, les réseaux d’éducation prioritaire – les REP – regrouperont les établissements où se concentrent le plus de difficultés. Ils bénéficieront d’un soutien massif et d’un renforcement de leurs moyens au regard des réalités sociales. La réforme a donc été construite autour de la notion de réseau d’établissements articulé entre enseignement primaire et enseignement secondaire, c’est-à-dire entre écoles et collèges.
Pour autant, madame la ministre, de nombreuses écoles, qui ne pourront rejoindre les REP du fait de l’absence d’un collège tête de réseau, accueillent d’ores et déjà un public défavorisé dans le périmètre de l’enseignement prioritaire. Dans les établissements de ces territoires, le choix de la mixité sociale a été porté avec force par tous les acteurs locaux ; les élèves en grande difficulté sont alors répartis sur plusieurs collèges au lieu d’un seul. Ces écoles restent malgré tout situées dans des quartiers identifiés comme relevant de politique de la ville – une notion que vous avez portée avec ambition –, où la réussite scolaire est une priorité.
Madame la ministre, il ne faudrait pas que, pour des raisons purement administratives, des moyens ou des savoir-faire jusqu’ici entièrement mobilisés en faveur de la réussite de nos enfants soient perdus. L’inquiétude des parents et des enseignants est particulièrement forte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame Bulteau, merci pour votre question. Il faut commencer par le dire et le redire à chaque fois que c’est possible : si notre pays s’engage dans cette réforme de l’éducation prioritaire, c’est parce que le fonctionnement actuel de ce système ne donne pas satisfaction.
Pour ne citer qu’un seul chiffre, les élèves en retard à l’entrée en sixième représentent environ 20 % d’une classe d’âge dans l’éducation prioritaire, contre environ 11 % d’une classe d’âge en dehors de ces réseaux. Ce système ne donne donc pas satisfaction. Il n’a pas été repensé depuis des années. En termes cartographiques, il a été constitué par des empilements successifs, à tel point que certains établissements cumulent des difficultés sociales mais ne font pas partie de l’éducation prioritaire. Je le répète : ce système ne donne pas satisfaction.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de prendre le taureau par les cornes et de réformer la carte et les moyens de l’éducation prioritaire. C’est un sacré défi !
Nous consacrons à ce système davantage de moyens, en abondant son budget de 350 millions d’euros pour un nombre de réseaux d’éducation prioritaire constant – ils sont 1 082.
Nous réformons la carte sur la base d’un indicateur social simple. Nous prenons en considération les difficultés sociales et leur concentration pour offrir les moyens de l’éducation prioritaire à ceux qui en ont le plus besoin.
Certes, du fait de cette réforme, certains établissements entrent dans le système tandis que d’autres en sortent. Mais les établissements sortant de l’éducation prioritaire ne sont pas laissés pour compte : ils ne disparaissent pas des radars de l’éducation nationale, qui continue à les accompagner. C’est vrai, en particulier, pour les écoles que vous évoquez, qui ne font pas partie d’un réseau à proprement parler mais qui connaissent bien des difficultés sociales. Nous signons avec elles des conventions académiques de priorité éducative qui leur permettront d’accueillir un maître de plus que de classes, de scolariser les enfants avant 3 ans et, au fond, de continuer à bénéficier des avantages auxquels elles avaient droit auparavant, dans le cadre d’un traitement désormais singulier.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, le quatre-vingt-dix-septième congrès des maires vient de se terminer. Au terme d’une de ces opérations séduction dont vous avez le secret, vous avez annoncé de nouvelles aides pour les communes…
…afin de calmer la grogne des élus locaux. Après les départements, dont, finalement, vous ne souhaitez plus la disparition, les maires ont aussi eu droit à leurs annonces de circonstance,…
…mais le problème principal demeure : celui de l’ampleur de la baisse des dotations. La question n’est pas la baisse des dotations en tant que telle, dans le contexte du redressement des comptes publics, mais la hauteur de la marche que vous imposez, aux communes notamment. L’effort demandé aux collectivités est un coup de massue pour les élus locaux, et ce alors même que l’État rechigne à montrer l’exemple.
Monsieur le Premier ministre, il faut baisser les dépenses publiques, toutes les dépenses publiques, et non pas se contenter de pressurer les collectivités et les contribuables français. Vous annoncez la pérennisation du fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires : c’est une bonne nouvelle, mais le problème est d’avoir imposé cette réforme coûteuse aux maires. Par ailleurs, les élus peuvent légitimement s’interroger sur la durée de cette pérennisation.
Vous annoncez des mesures pour soutenir l’investissement public : c’est une très bonne chose, mais le problème est que c’est vous qui cassez l’investissement public local : c’est vous qui placez une épée de Damoclès sur la tête des collectivités en baissant drastiquement les dotations !
Vos mesures sont intéressantes, monsieur le Premier ministre, mais elles ne sont pas de taille à rassurer les élus locaux, inquiets des onze milliards d’euros de baisse des dotations ; elles ne font que révéler l’incohérence de votre politique et votre manque de vision. Vous naviguez à vue ! Or, ce luxe que vous vous permettez, au mépris des Français, les maires, qui oeuvrent chaque jour pour améliorer le service public local, eux, ne peuvent pas se le permettre.
Monsieur le Premier ministre, quel prochain coup de massue les élus locaux doivent-il craindre de la politique au coup par coup que vous menez ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je vous remercie, monsieur le député, de votre question, car elle me permet de souligner combien le Gouvernement est attentif au problème et de confirmer les annonces du Premier ministre, qui seront concrétisées par le projet de loi de finances que le Parlement examine en ce moment.
Confronté aux difficultés liées à la faible inflation, à la faiblesse de la croissance et à un contexte budgétaire que tout le monde connaît, l’État a défini un programme d’économies auquel chaque secteur contribue, proportionnellement à sa part dans la dépense publique. Pour les collectivités, de manière strictement proportionnelle, cela représente un montant de onze milliards d’euros sur trois ans. Leurs dépenses s’élevant, sur une seule année, à 250 milliards d’euros, il faut relativiser cet effort. Il n’est certes pas négligeable, et je ne nie pas l’implication des élus locaux ni l’action des collectivités territoriales ; vous n’avez jamais entendu, ni dans ma bouche ni dans celle d’aucun autre membre du Gouvernement, la moindre accusation de gabegie, la moindre critique de la politique courageuse que mènent les élus locaux, en prise directe avec le terrain.
Le Premier ministre a annoncé que 200 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à l’investissement des collectivités territoriales, sous la forme d’un abondement de la dotation d’équipement des territoires ruraux. Cent millions d’euros supplémentaires seront destinés à l’accompagnement de ceux que l’on appelle les bâtisseurs, c’est-à-dire ceux qui, dans les zones tendues, sont à l’initiative de projets de construction de logements. Ils pourront ainsi financer les équipements de ces nouveaux quartiers.
Vous avez jugé ça intéressant, monsieur le député : c’est un premier pas. Avec nous, emmenez ces collectivités vers une réduction des dépenses de fonctionnement et un soutien à l’investissement.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Qu’il me soit permis, monsieur le président, de m’associer, après François Rochebloine, à l’hommage qui a été rendu à Jacques Barrot, à qui j’avais succédé à la tête du groupe d’amitié France-Liban, et qui m’a fait découvrir le Liban et les Libanais. J’associe également à cet hommage M. Henri Jibrayel et l’ensemble des membres du groupe d’amitié France-Liban.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UDI.
Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, vous avez conduit, la semaine dernière, les travaux de la conférence environnementale. Celle-ci a coïncidé, par une heureuse opportunité de date, avec la préparation de la conférence de Paris sur le changement climatique, ainsi qu’avec l’adoption du troisième plan national de santé environnementale par votre ministère et celui de la santé. La feuille de route adoptée dans ce cadre invite à prendre des mesures immédiates dans trois domaines majeurs, sur lesquels je voudrais vous interroger.
En premier lieu, au moment où nos compatriotes de la côte méditerranéenne subissent les conséquences dramatiques du changement climatique, quelles initiatives comptez-vous prendre en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?
Ensuite, concernant la pollution de l’air, au moment où une étude sur la pollution à Paris vient de choquer l’opinion, quelles mesures envisagez-vous de prendre pour que, selon la belle formule d’Hubert Reeves, « les futurs petits Parisiens ne pensent pas, comme aujourd’hui les petits Chinois, que le ciel est jaune » ?
Enfin, de multiples études scientifiques établissent un lien de causalité entre l’exposition à la pollution chimique, à laquelle nul n’échappe désormais, et des affections métaboliques, allergiques, reprotoxiques ou cancérigènes. Certaines, largement commentées dans l’édition d’aujourd’hui du journal Le Monde, font le lien entre l’exposition intra-utérine à certains polluants et l’explosion des cas d’autisme, de troubles de 1’attention et d’hyperactivité chez les enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et du groupe écologiste.
Quelles initiatives comptez-vous prendre au plan européen, madame la ministre, pour que des mesures efficaces…
Merci, monsieur le député !
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, il m’est impossible de restituer en deux minutes toute la richesse des travaux menés durant les longs mois qui auront précédé la conférence environnementale, et même celle de ces deux journées, auxquelles vous avez largement contribué. Je voudrais à ce propos vous remercier de vos travaux à la tête de la commission santé et environnement, qui ont permis d’aboutir à des propositions très concrètes. Celles-ci seront rendues publiques dès le mois de janvier prochain par le Premier ministre, lors d’une réunion spéciale du Conseil national de la transition écologique.
Je veux cependant rappeler nos propositions quant à ce qu’il est convenu d’appeler « l’hygiène chimique ». Nous comptons généraliser la démarche « Terre saine, ma commune sans pesticide » et accroître la part des produits issus de l’ agriculture bio et des circuits courts et des produits du terroir dans les cantines scolaires. Nous allons également prolonger le moratoire qui frappe les trois substances néonicotinoïdes qui ont des effets désastreux sur les abeilles, donc sur la pollinisation, donc sur l’agriculture. Nous allons aussi examiner la possibilité d’étendre ce moratoire à d’autres substances, ou de supprimer certaines exemptions.
Il y a également le problème des résidus des 20 000 tonnes de médicaments non consommés rejetés dans l’environnement. Ce gaspillage est inacceptable et j’ai l’intention de renforcer les objectifs de récupération des médicaments non consommés assignés à l’éco-organisme Cyclamed.
En ce qui concerne les nanomatériaux, je proposerai au Conseil européen de l’environnement du 17 décembre prochain une stratégie d’étiquetage des produits de consommation courante contenant des nanomatériaux et de restriction de tous les produits dangereux en contact avec la peau. L’interdiction des phtalates dans les jouets des enfants et dans tous les matériaux de puériculture fera l’objet d’une diligence toute particulière.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Le Mèner, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le Premier ministre, c’est devenu un triste rendez-vous : chaque mois, depuis deux ans et demi, vous nous présentez les chiffres du chômage, et chaque mois, ils sont catastrophiques. Chaque mois, on se demande un peu plus comment on a pu mentir à ce point aux Français, d’abord en leur promettant l’inversion de la courbe du chômage – c’était l’année dernière –, puis en affirmant qu’il y avait un frémissement – c’était il y a quelques semaines.
Avec 28 400 chômeurs de plus par rapport à la fin du mois de septembre, la France a une nouvelle fois battu son triste record du chômage. Fin octobre, près de 3,5 millions de nos compatriotes sont privés d’emploi.
Hélas, il y a pire encore ! Pour le mois d’octobre, pas moins de neuf indicateurs ont atteint leur plus haut niveau historique : record du nombre d’inscrits à Pôle emploi, quelle que soit la catégorie, record du nombre de chômeurs de plus de 50 ans, record du nombre de demandeurs d’emploi de 25 à 49 ans, record également pour l’ancienneté moyenne au chômage, qui atteint 536 jours fin octobre, soit une hausse de 31 jours en un an !
Monsieur le Premier ministre, le communiqué de votre ministre du Travail semble complètement déconnecté de la réalité.
Il se félicite à demi-mot du volume élevé de contrats aidés disponibles pour faire face au chômage. La réalité, monsieur le Premier ministre, c’est que vous avez complètement échoué dans la lutte contre le chômage.
La réalité, c’est que votre Gouvernement n’a rien d’autre à proposer que des contrats aidés. Ce manque d’imagination et de perspectives est très inquiétant. Vous attendez que la croissance reparte, mais vous ne vous étonnez pas que nous soyons un des rares pays dont l’activité économique ne redémarre pas.
M. Macron reconnaît l’échec du pacte de responsabilité, et rejette la faute sur les entreprises. Mais c’est vous qui gouvernez ! Si le pacte de responsabilité est inefficace, c’est votre échec qu’il faut condamner !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, comptez-vous annoncer de nouveaux contrats aidés, en continuant de dire que tout n’est pas de votre faute, ou comptez-vous changer de politique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Monsieur le député, vous évoquez là un problème récurrent de la société française. En effet, depuis 1975, le taux de chômage n’a cessé de progresser. Il est passé de 2,8 % à 9,7 %, et pendant ce temps la richesse produite par notre pays a été multipliée par deux.
Nous voyons bien qu’il y a une distorsion entre la richesse de notre pays et le manque d’efforts collectifs depuis 1975 pour lutter contre le chômage.
Vous avez posé votre question avec sérénité ; je n’adopterai donc pas un ton agressif. Je vous rappelle néanmoins que de 2007 à 2012, le nombre de chômeurs a augmenté de 750 000. Ce chiffre ne justifie pas pour autant que l’on critique toutes les politiques de lutte contre le chômage qui ont été menées par le passé.
Aujourd’hui, les politiques de l’emploi portent leurs fruits. Elles concernent des publics spécifiques : que ce soient les jeunes ou les seniors, nous devons nous en occuper. C’est ce que nous faisons : Grâce aux 150 000 emplois d’avenir mis en place à la demande du Gouvernement, 150 000 jeunes ont aujourd’hui un emploi dans les quartiers, ou reçoivent une formation. Nous en sommes fiers, parce que nous savons que grâce à ces emplois d’avenir, ils resteront définitivement dans l’emploi.
Le pacte de responsabilité, dont il ne faut pas se moquer, va porter ses fruits.
Vous aurez l’occasion de le voir : avant la fin du mois du décembre, des accords significatifs seront signés grâce à ce pacte.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la secrétaire d’État chargée du numérique, la génération que nous représentons majoritairement dans cet hémicycle a appris à apprivoiser le monde digital, à aller sur internet. Les enfants qui naissent aujourd’hui, eux, sont directement plongés dans internet. C’est une chance pour eux, mais aussi pour notre pays, car le numérique est un formidable vecteur d’évolution.
Les Français s’interrogent pourtant régulièrement sur les évolutions induites par le numérique, qui posent aussi problème du point de vue du droit. L’arrivée de nouveaux acteurs de vidéos en ligne via les réseaux – et ce que l’on appelle les « box » – remet fortement en cause notre exception culturelle. Les applications disponibles sur les smartphones qui permettent de réserver des chauffeurs privés ont récemment défrayé la chronique, et bousculent l’institution des taxis. Les sites internet de partage de logements particuliers ignorent royalement nos règles fiscales. Enfin, l’affaire Snowden a mis au coeur du débat l’utilisation et la communication des données personnelles.
Selon la formule connue, la technologie est un serviteur utile mais un maître dangereux. Nous devons sortir de ces poncifs anxiogènes pour doter notre pays d’une législation ambitieuse pour notre économie, qui protège la vie privée de nos concitoyens et soit vecteur de croissance, d’innovation et de démocratie.
La France peut facilement s’appuyer sur ses atouts pour prendre toute sa place dans la deuxième vague de cette révolution. Nous sommes déjà leaders dans le domaine des impressions en trois dimensions et des objets connectés. La French Tech, et nos start-up, sont l’illustration de ces réussites.
Madame la ministre, vous avez été qualifiés il y a peu, avec votre collègue Thierry Mandon, de « hackers du gouvernement ». Le terme hacker ne doit pas ici être pris dans le sens de « pirate informatique » qu’il a malheureusement pris en France ; au contraire, il faut lui rendre sa dimension originelle d’innovation et de transformation de l’ordre ancien – ce que le monde numérique appelle « disruption ». Dans cet esprit, pouvez-vous nous dire comment vous allez « hacker » la France ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, hacker, je ne sais pas, mais de tout coeur, certainement !
Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est d’ailleurs l’ensemble des membres du Gouvernement qui vont mener, à terme, la transition numérique de notre pays, qui concerne désormais tous les secteurs économiques. C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre en ont fait une priorité.
En France, le numérique stimule la croissance et crée des emplois. Or nous ne sommes pas la Silicon Valley, nous ne sommes pas non plus le quartier de Tech City à Londres ; nous sommes une République. C’est pourquoi nous avons le projet d’une République numérique, au service de tous, dans le respect de la loi.
Le moteur de ce projet, c’est l’innovation. Or l’innovation ne se décrète pas dans un bureau à Bercy : elle s’accompagne au plus près des initiatives, dans les territoires. Les auteurs de ce projet sont nos concitoyens, naturellement, les collectivités territoriales, qui sont très novatrices dans ce domaine, et les entreprises. Ce sont en particulier les start-up, qui peuvent éclore partout, y compris dans les zones rurales, à condition que l’accès à internet à très haut débit soit déployé partout, pour toute la population : c’est l’objectif fixé par le Président de la République à l’horizon 2022.
Notre pays aura ainsi cinq ans d’avance sur ses voisins européens. Il sera prêt pour accueillir le big data, les objets connectés, la télémédecine, ou les contenus audiovisuels. Grâce à la labellisation des métropoles French Tech, Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Montpellier, Nantes et Rennes forment une sorte d’équipe de France du numérique. Grâce à la concertation, les Français participeront à l’élaboration du prochain projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, après la réforme des rythmes scolaires imposée à tous, après la suppression de la bourse au mérite, voilà que vous décidez de revoir la carte des collèges en zones d’éducation prioritaire !
Cette décision est vécue par le département de la Seine-et-Marne comme une trahison, et tout particulièrement un abandon du monde rural. Ainsi, ce sont quatre collèges de ma circonscription – Souppes-sur-Loing, Lorrez-le-Bocage, Château-Landon et Nemours – qui vont être rayés de la carte en 2015…
… dans cette circonscription qui se trouve ainsi être la plus pénalisée de France, mais également les collèges de Villiers-Saint-Georges, La-Ferté-sous-Jouarre ou Lizy-sur-Ourcq – au total dix collèges en Seine-et-Marne.
Cet après-midi, élus de tous bords politiques, enseignants et parents sont mobilisés à Melun pour dénoncer cette injustice et demander à votre ministre de l’éducation nationale de revoir les critères choisis ; votre ministre qui, je le rappelle, nous disait lors de la séance du 21 octobre : « J’accorderai toute leur place aux écoles rurales, parce que je connais les difficultés qui sont les leurs, les contraintes singulières qu’elles rencontrent, je sais l’isolement, je sais la difficile continuité entre le primaire et le collège, je sais le décrochage scolaire…
… À chacun de ces défis, le Gouvernement sera là pour accompagner les collectivités locales et trouver des réponses. »
Monsieur le Premier ministre, vous avez là un vrai défi ! Ne déshabillez pas la Seine-et-Marne au profit de la Seine-Saint-Denis…
Huées sur les bancs du groupe SRC.
Ne démobilisez pas des enseignants investis dans ces collèges éloignés, dont le remplacement est déjà difficile ! N’abandonnez pas ces élèves qui bénéficient d’un accompagnement essentiel pour envisager un avenir hors de ces territoires ruraux ! Ne découragez pas les élus de ces territoires !
Monsieur le Premier ministre, les représentants des enseignants et des parents m’ont demandé d’être leur porte-parole…
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Merci, Madame Lacroute.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, attentive à la Seine-Saint-Denis.
Sourires
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée Lacroute…
Je l’ai dit, la révision de la carte de l’éducation prioritaire a vocation à rétablir de la justice et à corriger les inégalités. Bien évidemment, elle concerne le milieu rural comme le milieu urbain.
Il est vrai que les indicateurs sociaux que nous prenons en considération permettent une convergence avec la réforme de la politique de la ville que nous menons par ailleurs. Ce n’est pas pour autant que la ruralité est d’une quelconque façon oubliée. La preuve en est que neuf nouveaux réseaux d’éducation prioritaire seront créés dans des communes de moins de 2000 habitants et neuf dans des communes de 2000 à 5000 habitants. Quant à l’académie de Créteil, dont relève votre circonscription, elle compte 130 REP, dont 34 REP +, soit le plus important contingent de France.
Quant à La Seine-et-Marne, votre département, elle compte désormais seize réseaux : douze REP, dont l’un comprend le collège Balzac de Nemours, dans votre circonscription, et quatre REP +.
" Ah !" sur les bancs du groupe SRC.
Vous le voyez, madame la députée, je n’ai pas l’impression avoir oublié ce territoire !
Au-delà de la réforme de l’éducation prioritaire, le système éducatif va s’engager dans ce que j’ai appelé la réforme de l’allocation des moyens. Il s’agira de répartir, territoire par territoire, qu’il soit urbain ou rural, établissement par établissement, les moyens en fonction de leur réalité sociale et des difficultés qu’ils rencontrent, qui se traduisent trop souvent par des difficultés scolaires.
Dans le cadre de cette réforme de l’allocation des moyens, je m’adresse notamment aux territoires ruraux isolés, en faveur desquels j’ai pris un engagement fort : même en cas de diminution du nombre de leurs élèves, les territoires ruraux qui accepteront de s’engager dans une démarche de réorganisation de leurs réseaux d’écoles, en particulier de regroupement, bénéficieront d’un maintien du nombre des postes pendant trois ans. C’est dire à quel point nous voulons accompagner les collectivités locales dans la restructuration de leurs réseaux d’écoles.
La parole est à M. Jérôme Lambert, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, l’absence d’harmonisation fiscale en Europe est l’une des principales causes de la stratégie d’optimisation fiscale aujourd’hui mise en oeuvre par d’importantes entreprises. L’absence de règles communes au sein du Marché unique européen favorise cette véritable évasion fiscale. Certains États, comme le Luxembourg, ont même fait de ces systèmes d’évitement de l’impôt une véritable carte de visite.
Des entreprises telles que Google, Amazon ou Yahoo bénéficient pleinement de cette politique visant à attirer les sièges sociaux des grandes entreprises par la promesse d’une diminution de l’impôt. Elle leur permet de ne pas payer l’impôt dû là où elles exercent les activités qui génèrent leurs bénéfices.
Ces dispositions sont pour le moment légales dans l’Union européenne, qui a instauré le principe de la libre concurrence, y compris sur le plan fiscal, entre États. Les entreprises ne font donc qu’utiliser les moyens que les politiques mettent à leur disposition.
Consciente des dommages pour les finances publiques et des atteintes au principe de l’égalité devant l’impôt causés par de telles pratiques, l’Europe tente de résoudre ce problème très compliqué, qui suscite beaucoup de mécontentement parmi nos compatriotes.
À l’heure où la France et l’Allemagne manifestent leur volonté de mettre en oeuvre une stratégie économique commune, et alors que vous dévoilez une série de mesures visant à renforcer l’attractivité de la place financière de Paris, quelles initiatives souhaitez-vous défendre, à la veille du Conseil européen du 18 décembre, afin de faire échec aux stratégies d’évasion fiscale de certains grands groupes multinationaux et de retrouver une juste répartition de l’impôt dû par ces entreprises dans les pays où elles exercent réellement les activités qui génèrent leurs bénéfices ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP et écologiste.
Monsieur le député Lambert, voilà, un sujet qui devrait nous rassembler tous en cette fin de séance.
Le constat est implacable, et il est désormais fait par toutes les grandes nations du monde : de très grandes entreprises tirent de très gros bénéfices de l’activité qu’elles peuvent avoir sur tel ou tel territoire, en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, au Japon ou en Chine, et qui ne payent aucun impôt nulle part. Il ne s’agit plus de chercher à s’implanter dans tel ou tel pays pour payer un peu moins d’impôt : elles n’en payent absolument nulle part, pas même aux États-Unis, dont elles sont souvent originaires.
Cette situation est tellement inacceptable qu’elle a fait réagir l’ensemble des grands pays du monde, en particulier lors du dernier G20 : les vingt plus grands pays du monde ont décidé de mettre en oeuvre ce que l’on appelle le plan BEPS – base erosion and profit shifting – pour lutter contre l’érosion fiscale et ces stratégies d’optimisation…
… qui sont néfastes à nos économies et qui rendent incompréhensible pour les citoyens de tous les pays les efforts qui sont exigés d’eux.
Parce que beaucoup de ces stratégies d’optimisation fiscale passent par l’Europe, voire par des États membres de l’Union européenne ou de l’Eurogroupe, nous avons, avec mes homologues allemand et italien, proposé de prendre dès maintenant une initiative commune. J’ai demandé au commissaire européen chargé de la fiscalité de faire des propositions dans ce sens avant la fin de l’année, en particulier à l’occasion du Conseil qui se tiendra lundi et mardi prochains, pour que l’Union européenne puisse mettre en oeuvre dès 2015 les principes sur lesquels nous nous sommes mis d’accord au G20, et puisse ainsi lutter avec efficacité contre ces pratiques totalement insupportables d’optimisation fiscale.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.
L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote sur la proposition de résolution de MM. Christian Jacob, Éric Ciotti, Pierre Lellouche et Guillaume Larrivé et plusieurs de leurs collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes (nos 2240, 2402).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle donc l’examen de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, déposée conformément aux articles 137 et suivants du règlement de l’Assemblée nationale.
Le dépôt de cette proposition de résolution, à l’initiative d’Éric Ciotti et de moi-même, résulte d’abord de la prise de conscience dans notre pays de l’ampleur du phénomène djihadiste, révélé cet été après les exactions commises au nord de l’Irak et en Syrie par les combattants de l’État islamique sur les populations chrétiennes, kurdes et yézidies. J’ai appris sur place, du commandement kurde à Erbil, que sur les 40 000 djihadistes qui prennent part aux combats, 10 000 sont des étrangers, dont plus d’un millier de Français.
Cette résolution s’inscrit également dans le prolongement de la loi du 13 novembre 2014 présentée par le ministre de l’intérieur M. Bernard Cazeneuve, tendant à renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme et dont je rappelle que l’opposition l’a votée, compte tenu de l’urgence pour la sécurité nationale.
Durant l’examen du projet de loi, le ministre de l’intérieur s’était publiquement engagé à « prendre 100 % de précautions contre le risque d’attentat djihadiste ». Je le cite encore : « Nous devons tout faire pour contenir la menace potentielle que représente le retour en France de combattants formés en Syrie au maniement des armes et des explosifs, qui ont souvent commis les pires atrocités criminelles, endoctrinés par le discours de haine envers l’Occident laïque et souvent déshumanisés par l’expérience quotidienne et répétée de la violence ».
Certains, nous le constatons déjà, auront fui la Syrie, sur leur propre initiative, et chercheront sans aucun doute à oublier cette terrible épreuve. Cependant, le ministre l’affirmait : « nous ne pouvons pas courir le risque d’en laisser d’autres tenter de reproduire, sur le sol français, au nom du djihad, la violence barbare qu’ils auront connue en Syrie ou, désormais, en Irak ».
Lors de la discussion du projet de loi, le groupe UMP a déposé une série d’amendements visant à renforcer la détection des filières, les sorties du territoire et, bien sûr, le retour des terroristes djihadistes, en s’inspirant parfois des dispositifs législatifs des pays voisins. Je pense notamment à l’Angleterre et à l’Allemagne.
Tout en nous rejoignant sur le constat – M. Cazeneuve disait : « vous avez raison, il faut s’occuper de ceux qui reviennent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous nous en occupons grandement » – le ministre avait cependant cru bon de rejeter la quasi-totalité de nos amendements.
On connaît la suite. Il n’aura fallu qu’une petite semaine pour que les craintes exprimées par les députés UMP lors des débats se vérifient. À la suite, semble-t-il, d’un défaut de coopération flagrant entre les services de police et de renseignement turcs et français d’une part et d’une panne, apparemment fréquente, du système Cheops visant à identifier les personnes suspectes au moment où elles franchissent les frontières françaises d’autre part, trois individus soupçonnés d’activités terroristes, fichés comme tels et revenant de Syrie – l’un d’entre eux était même lié à la famille de l’auteur des attentats de Toulouse, Mohammed Merah – ont pu pénétrer en France en toute tranquillité, sans le moindre contrôle, en provenance de Syrie via la Turquie.
Ces dysfonctionnements sont d’autant plus atterrants que le cabinet du ministre de l’intérieur avait, à l’époque, estimé de bonne politique de communiquer par avance sur l’arrestation de ces trois suspects alors même qu’ils entraient tranquillement en France.
Devant cette situation aussi inacceptable que grave, j’ai demandé la création d’une commission d’enquête parlementaire visant à balayer l’ensemble des sujets, de la détection et la surveillance des filières et des individus radicaux représentant des risques manifestes de réalisation d’actes terroristes, ou du contrôle aux frontières, à la sortie comme au retour, jusqu’au traitement de ces personnes, dans le milieu carcéral ou en dehors.
De même, il conviendra de faire la lumière sur l’état de nos systèmes de contrôle et sur les missions assignées aux agents chargés de la coopération sécuritaire dans nos ambassades et postes à l’étranger. Cette commission pourrait également faire le point sur la coopération policière en Europe, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’espace Schengen, ainsi qu’avec des pays clés comme la Turquie.
En outre, il me semble important de nous interroger sur la politique carcérale pratiquée. On peut en effet se demander si le regroupement sur une même maison d’arrêt des islamistes radicaux de retour de zones de combat, comme c’est le cas semble-t-il en ce moment à Fresnes, constitue une mesure adaptée. À cet égard, les récents travaux Guillaume Larrivé, pourraient être utiles à la commission. Nous pourrions aussi nous pencher sur la récente initiative danoise de « décontamination des djihadistes ».
Tous ces sujets, qui n’ont pas été pleinement traités lors de l’examen de la loi, méritent d’être étudiés. Ils pourront être abordés par cette commission.
Enfin, l’actualité nous conduit à poser de nouveau la question du recrutement des candidats français au djihad, au nombre – tenez-vous bien – de cinq ou six par semaines, d’après les chiffres officiels.
Sur ce point, la guerre d’image orchestrée par l’État islamique mérite d’être évaluée à sa juste mesure. Une vidéo postée fin novembre et montrant les auteurs des décapitations de soldats syriens et d’un travailleur humanitaire américain, parmi lesquels figurent deux Français, témoigne de l’extrême gravité de ce phénomène. Seulement quelques jours plus tard, on pouvait voir sur internet une seconde vidéo montrant trois jeunes combattants de l’État islamique qui appelaient, en français, les musulmans de France à rejoindre les rangs des djihadistes en Syrie ou, à défaut, à commettre des attaques en France, tout en brûlant leur passeport français devant la caméra. Cette vidéo a fait l’objet d’une intervention du ministre de l’intérieur, qui, à raison, demande de regarder en face les monstruosités et la barbarie de ces groupes terroristes.
La commission que je vous demande de créer aura, là encore, mission de renforcer notre dispositif.
Vous conviendrez, mes chers collègues, que cette demande de commission d’enquête, inspirée uniquement par le souci de protéger nos concitoyens contre la menace mortelle que font peser les fanatiques, recrutés pour partie au sein même de notre communauté nationale, écarte d’emblée tout esprit partisan. Il s’agit de renforcer les moyens des agents de l’État qui se battent contre ce phénomène ainsi que d’évaluer et de mieux coordonner l’action publique pour forger le consensus le plus large possible au sein de la nation contre ce péril sans précédent.
Tel est le sens de l’initiative que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui au nom du groupe UMP et dont nous souhaitons, avec Éric Ciotti, qu’elle recueille un assentiment général sur tous les bancs.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. Michel Zumkeller, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, mes chers collègues, le développement des filières djihadistes est un phénomène récent et extrêmement préoccupant. Il est la traduction de l’une des nombreuses mutations du terrorisme, dont les causes et les caractéristiques évoluent sans cesse. Selon un rapport de l’ONU, 15 000 personnes, issues de 80 pays, ont rejoint les groupes fondamentalistes en Irak et en Syrie. Au niveau européen, environ 3 000 ressortissants sont partis faire le djihad.
La France n’est donc pas un cas isolé. Elle fournit néanmoins, avec la Belgique, le Danemark et le Royaume-Uni, un des plus importants contingents occidentaux. En effet, les chiffres ne cessent d’augmenter. De 50 en mars 2013, puis 800 en juillet dernier, nous serions passés selon le ministère de l’intérieur à 1 132 Français impliqués dans des filières djihadistes. Parmi eux, 376 Français seraient présents en Syrie et en Irak. Jamais ce phénomène ne s’était manifesté dans de telles proportions.
La menace est donc bien réelle, et grandissante. Elle est d’autant plus inquiétante que l’on sait que ces citoyens français, qui prennent les armes afin de partir faire le djihad, peuvent potentiellement revenir en Europe avec une idéologie chargée de haine envers l’Occident et la solide expérience militaire qu’ils ont pu acquérir.
C’est pleinement conscients de ces menaces que les sénateurs du groupe UDI-UC ont initié une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. Créée le 9 octobre dernier, cette commission d’enquête a d’ores et déjà débuté ses travaux et procédé à plusieurs auditions.
Certes, il serait inexact de dire que cette menace n’a pas été prise en compte par le législateur. À deux reprises, sous cette législature, nous avons adapté notre législation à ces nouvelles réalités. Cet arsenal a été complété par une interdiction administrative du territoire, dont nous avions souligné le caractère indispensable, pour faire face à la recrudescence du départ de jeunes Français vers des zones où l’apprentissage de la lutte armée se double d’un embrigadement idéologique. Les conséquences de l’utilisation intensive d’internet comme moyen de propagande et de recrutement ont également été prises en compte. Rappelons que 91 % des recrutements se feraient par internet, sur les réseaux sociaux et par des vidéos de propagande et d’endoctrinement.
La loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a également permis la création d’un délit d’entreprise terroriste individuelle. Pour autant, comme certains d’entre nous l’avaient dénoncé, la question du retour en France des individus qui auront participé à des actions sur les théâtres djihadistes est demeurée sans réponse.
À ce titre, la création d’une commission d’enquête nous semble nécessaire. Elle permettra à notre assemblée d’analyser l’efficacité des moyens de prévention, de détection et de surveillance des filières djihadistes et des radicaux religieux présentant des risques manifestes de réalisation d’actes terroristes. Cette commission, qui sera également l’occasion de faire le point sur la coopération policière en Europe, devrait aboutir à la formulation de propositions pour renforcer la lutte contre le djihad.
Nous ne saurions nous priver d’un tel travail d’analyse, qui sera à coup sûr utile au renforcement de la surveillance et de la lutte contre ces filières. Le groupe UDI soutient donc la création de cette commission d’enquête.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Madame la présidente, mes chers collègues, l’UMP souhaite utiliser ce que l’on appelle son droit de tirage parlementaire annuel pour lancer aujourd’hui une commission d’enquête sur les filières djihadistes.
Le phénomène, par son ampleur, est récent et la menace réelle. D’après le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, M. François Molins, 1 132 Français seraient, à ce jour, impliqués dans des filières djihadistes et 376 seraient présents en Syrie et en Irak, dont au moins 88 femmes et 10 mineurs.
Les meurtres barbares et les massacres commis par Daech montrent l’extrémisme d’une partie de ces combattants. Les attentats antisémites commis, eux, par Mohammed Merah et Mehdi Nemmouche démontrent que les liens avec ces filières peuvent étendre ensuite les menaces en Europe.
Face à ces risques réels pour nos concitoyens, nous saluons le travail des services de police et de sécurité qui agissent au quotidien pour endiguer le danger.
Ce péril concerne non seulement les populations qui subissent tous les jours les sévices de ces terroristes, dans le monde comme en France, mais aussi nos jeunes, qui se font endoctriner par ces réseaux. Ils vont mettre leur vie en danger et, parfois, se transformer en véritables bombes humaines.
Je reste persuadé que nous ne pouvons pas nous dédouaner d’une vraie politique de prévention auprès des publics les plus vulnérables à ce phénomène. La prévention est une arme efficace pour protéger nos populations : elle permet d’arrêter la spirale de l’embrigadement et d’alerter l’ensemble des services concernés avant que le danger ne devienne réel.
Des familles entières se font dépasser par la radicalisation de leurs filles ou de leurs fils. Soyons avec elles pour les aider à se protéger du risque, et pour nous protéger des actes qui peuvent découler de cette radicalisation.
Permettez-moi de vous citer le dernier paragraphe de mon avant-propos dans le rapport de la commission d’enquête que j’ai présidée il y a quelques mois : « car le renseignement dans un État de droit est un outil au service de la décision publique, il sera nécessaire de replacer la prévention des actes terroristes dans une approche non strictement sécuritaire. La prévention dans les quartiers où existent les lieux d’embrigadement ne doit pas se limiter à une simple surveillance. Elle doit s’accompagner d’une véritable reprise en main des rapports sociaux et humains dans le cadre des politiques de prévention de la délinquance ».
J’espère sincèrement que la présente commission d’enquête saura aussi se pencher sur le sujet des moyens et entendre des professionnels éducatifs, sociaux, et, évidemment, policiers sur ce thème.
En tout état de cause, elle risque de se heurter à deux écueils : d’une part les poursuites judiciaires en cours, même si la garde des sceaux a indiqué que, pour l’instant, son périmètre n’en touchait aucune, et d’autre part le secret défense. La défense de ce secret peut être légitime, tant il est nécessaire, parfois, de protéger les affaires suivies, mais il risque d’appauvrir cette commission d’enquête.
La commission d’enquête que j’ai présidée en 2013 portait sur le suivi et la surveillance des mouvements radicaux armés, notamment des filières djihadistes, un sujet très proche. Elle a rendu son rapport il y a tout juste dix-huit mois. L’article 138 de notre règlement qui prévoit qu’une commission d’enquête ne peut reprendre un sujet dans les douze derniers mois n’est donc pas opposable, mais l’on peut tout de même regretter la confluence de ces sujets sur lesquels nous possédons maintenant une grande partie des éléments nécessaires aux décisions à prendre.
Nous savons que nous devons renforcer certains de nos services de sécurité et mieux travailler à la coordination entre services, qu’ils soient spécialisés ou de droit commun, en France, en Europe ou dans le monde. Nous savons aussi que nous devons répondre à l’amélioration du cadre législatif concernant l’évolution des phénomènes liés à des réseaux – je pense notamment à l’utilisation d’internet.
Le risque, c’est qu’au cours de cette commission d’enquête, nous entendions de nouveau les personnes déjà auditionnées précédemment. Les informations qu’elles donneront n’auront que peu ou pas évolué, à mon avis. En outre, je note que, sur l’initiative du groupe UDI, le Sénat a lancé une commission d’enquête identique il y a quelques semaines. On peut s’étonner que deux commissions d’enquête aient été lancées sur les mêmes sujets au même moment.
Qu’apporteront-elles de différent, ou de nouveau ? Je ne suis pas certain de l’utilité de ce doublon, sauf à vouloir instrumentaliser ce sujet à des fins politiques, ce que je ne peux imaginer ici, comme M. Lellouche l’a aussi dit.
Toutefois, nous sommes très attachés au droit de chaque groupe de proposer une commission d’enquête. C’est une avancée non négligeable du droit parlementaire.
Nous comptons sur la sagesse de nos collègues parlementaires pour s’appuyer sur les travaux déjà réalisés afin que cette commission d’enquête ne soit pas perçue par nos concitoyens uniquement comme un acte symbolique, une réaction émotionnelle à l’actualité.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et SRC.
C’est pour cela que, tout en constatant ses limites, nous voterons la création de cette commission d’enquête, par respect du règlement et du droit parlementaire.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, mes chers collègues, ayant été désigné comme rapporteur de cette proposition de résolution devant la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, j’avais suivi le sage avis de la commission, qui a adopté, à l’unanimité, le principe de la création d’une telle commission.
Après un tel vote, je souhaite bien évidemment que cette commission soit très fructueuse. Cependant, je ne peux m’empêcher d’exprimer quelques réflexions, qui reprennent globalement les propos de M. Cavard.
Tout d’abord, le nombre de Français qui se rendent en Syrie augmente de mois en mois, pour ne pas dire de semaine en semaine.
Une mise à jour des travaux peut donc parfaitement se concevoir : avec l’amplification des flux, on peut estimer que de nouveaux phénomènes interviennent.
L’actualité récente, cela a été rappelé par Pierre Lellouche, a été marquée par le massacre de plusieurs soldats syriens et d’un travailleur humanitaire américain, massacre auquel auraient participé deux Français, ce qui est tout de même totalement nouveau. Pourquoi ? Jusqu’où cela peut-il aller ? Y a-t-il d’autres personnes susceptibles de commettre de tels crimes ? Telles sont les questions auxquelles nous devons trouver des solutions.
Il serait d’ailleurs bon de disposer des chiffres du procureur de la République de Paris en temps réel, chaque mois. D’après François Molins, ce sont 1 132 Français qui sont à ce jour impliqués dans les filières djihadistes, dont 376 seraient présents en Syrie et en Irak, dont au moins 88 femmes et 10 mineurs. La structuration de ce nombre se différencie-t-elle semaine après semaine ? Il serait bon de le savoir, et c’est ce à quoi la commission d’enquête serait utile.
Face à l’ampleur de ce phénomène, la nécessité d’un renforcement de la surveillance des filières et des individus djihadistes ne saurait donc être contestée. Nous le savons, certains individus présentent à leur retour en France un risque sérieux de passage à l’acte terroriste. Nous nous en voudrions énormément si une telle commission n’était pas constituée et que des actes terroristes se produisaient sur le sol français.
Par ailleurs, il est parfaitement exact que d’autres travaux ont été réalisés par l’Assemblée nationale, en particulier le rapport qui a été publié le 24 mai 2013 et celui de la mission d’information sur l’évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement, qui a été cité tout à l’heure et qui remonte à environ dix-huit mois.
On peut dès lors voir les choses de deux façons : estimer que la commission est inutile car le phénomène a déjà été étudié, ou considérer qu’on peut s’appuyer sur un substrat pour aller plus loin. C’est plutôt ce raisonnement que je tiens. Quelles évolutions peut-on constater depuis les conclusions qui ont été rendues dans le rapport publié voilà dix-huit mois ? C’est à partir de ce constat que nous pourrons faire des propositions sur un sujet aussi important pour la sécurité de chacun.
Je rappelle également que le Sénat a décidé le 9 octobre dernier la création d’une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe.
On pourrait souhaiter interdire par le règlement toute concurrence entre les travaux des deux assemblées, au profit d’une corrélation ou d’une complémentarité. Les deux commissions pourraient d’ailleurs se réunir afin de travailler ensemble, les présidents et les rapporteurs pourraient échanger leurs informations et travailler de concert. C’est ainsi que pourrait se traduire la complémentarité que j’appelle de mes voeux, mais je m’en remets à cet égard bien évidemment à la sagesse des deux présidents et des deux rapporteurs.
Pour conclure, j’ajouterai qu’il serait pertinent que l’évaluation de l’efficacité des moyens de surveillance des filiales et des individus soit faite dans la perspective de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. Les travaux de la commission permettront ainsi d’observer et d’analyser les premiers effets de cette loi, ce qui constitue également un élément important.
Comme vous le voyez, mon état d’esprit est très positif. Devant la commission, je m’en étais remis à la sagesse de ses membres, car je pensais que c’était le rôle du rapporteur. J’ai écouté les avis et les opinions de chacun. Je me rallie donc aujourd’hui pleinement à la création de cette commission d’enquête.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UDI.
La parole est enfin à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, mes chers collègues, nous pourrions accepter cette commission d’enquête en nous abritant, comme je l’ai entendu, derrière les dernières modifications du règlement de l’Assemblée nationale, adoptées la semaine dernière, qui confèrent un droit de tirage absolu aux groupes politiques. Mais ce n’est pas l’attitude que le groupe SRC, au nom duquel j’interviens, a décidé d’adopter cet après-midi. Nous estimons au contraire que cette proposition de nos collègues de l’UMP peut s’inscrire dans l’unité nationale qui prévaut en matière de lutte contre le terrorisme.
Les commissaires SRC qui siégeront dans cette commission auront à coeur de la rendre utile quant à la prévention et à la compréhension de ce phénomène, une question qui, nous le comprenons tous aujourd’hui, est essentielle pour la République et pour les valeurs que nous défendons. Toutefois, si nous donnons notre accord sans condition à sa création, nous serons évidemment vigilants sur les dérives qui pourraient apparaître ici ou là, à commencer par la stigmatisation d’une partie de la population française.
Je le dis parce que nous examinerons demain, ici même, une proposition de loi de l’UMP qui prévoit pour la énième fois la déchéance de nationalité – une possibilité déjà inscrite dans notre corpus juridique. On peut s’étonner qu’une proposition de cette nature soit discutée au moment où une commission d’enquête va être créée pour essayer de trouver les causes, les raisons et les moyens de lutter contre le djihadisme.
Chacun, y compris au sein du groupe UMP, comme je l’ai constaté en commission, considère que cette proposition risque d’être utilisée pour stigmatiser telle ou telle partie de la population. La déchéance de nationalité ne pourrait concerner qu’un infime nombre de djihadistes. En outre, cette possibilité existe déjà puisque depuis 2008, le Conseil d’État a déchu de la nationalité française huit personnes.
En effet, merci, monsieur Larrivé. Une question prioritaire de constitutionnalité a d’ailleurs été posée au Conseil constitutionnel sur un jugement qui a été rendu le 28 mai 2014 sur cette question.
J’entends par là que, dans le cadre du travail de la commission d’enquête, nous devrons garder à l’esprit que ceux dont nous examinerons le cas sont des Français, et que leur origine, leur histoire, n’est pas le problème qui nous est posé.
En effet, selon les chiffres communiqués par le ministre de l’intérieur ou que nous voyons dans la presse, et à moins que vous ne considériez qu’être normand, comme le dernier individu mis en cause, est une nationalité…
En tout état de cause, sur cette question, les commissaires socialistes seront extrêmement vigilants.
Nous le serons avec votre aide, j’en suis persuadé, mes chers collègues, parce qu’en commission, le travail est généralement plus apaisé et plus intelligemment mené qu’ici.
Pour nous, ce qui est important, cela a été dit par le rapporteur et par d’autres, et je passe sur toutes les arguties, c’est qu’à l’issue des travaux de cette commission d’enquête nous comprenions mieux le phénomène et surtout que nous soyons en capacité de proposer au Gouvernement les mesures qui l’aideront à travailler sur cette question.
M. Lellouche a abordé la question de l’opportunité d’enfermer les Français de retour de Syrie ou d’Irak dans un même lieu,…
…comme le font par exemple les Danois avec leurs propres ressortissants. Il sera intéressant de les entendre dans le cadre de la commission d’enquête, pour savoir en quoi consiste leur programme de réhabilitation. Est-ce le système Guantánamo qui doit être mis en place ? Un autre système ? Tel est le travail que cette commission d’enquête devra effectuer, et de mon point de vue c’est très important.
Voilà pourquoi le groupe SRC approuve sans aucune réserve cette proposition de résolution de nos collègues de l’UMP.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et RRDP.
Je vais à présent mettre aux voix la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.
Je rappelle qu’aux termes de l’article 141, alinéa 3, du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale s’y oppose, soit 345 voix.
En outre, seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.
Je mets aux voix la demande de création de la commission d’enquête.
La majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote sur la proposition de résolution de M. Noël Mamère et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux missions et modalités du maintien de l’ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation (nos 2389, 2416).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.
Madame la présidente, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de créer une commission d’enquête relative aux missions et aux modalités du maintien de l’ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation.
Chacun, dans cet hémicycle, sait qu’elle a été demandée par le groupe écologiste à la suite des manifestations durement réprimées qui ont entraîné la mort de Rémi Fraisse, un jeune homme de 21 ans qui contestait la construction du barrage de Sivens. Cette mort, provoquée par une grenade offensive, a généré à son tour du désordre, comme l’ont prouvé les manifestations de violence dans plusieurs villes comme Nantes, Toulouse ou Rennes.
L’heure est maintenant à l’apaisement…
…mais il ne peut y avoir d’apaisement sans vérité et il ne peut y avoir de paix civile sans justice. C’est pour cette raison que cette commission d’enquête parlementaire nous paraît absolument nécessaire.
Nous ne pouvons en effet nous contenter d’une simple enquête administrative, même si nous entendons les conclusions de l’inspection générale de la gendarmerie,…
…selon lesquelles il n’y a pas eu de « faute professionnelle » mais qui ne disent rien quant à la chaîne de responsabilité qui a conduit à ce drame.
Nous devons donc faire notre travail de parlementaires en élargissant notre réflexion à l’ensemble des questions qui sont posées par le désastre de Sivens qui, c’est notre conviction, aurait pu être évité.
L’histoire des rapports entre le maintien de l’ordre et le respect du droit à manifester a toujours été un enjeu politique important. Rappelons la mort de Vital Michalon, tué dans les mêmes conditions que Rémi Fraisse en 1977 pour avoir contesté la centrale de Creys-Malville, ou celle de Malik Oussekine en 1986.
Ces disparitions doivent être rappelées ici. En 1986, par exemple, une commission d’enquête de l’Assemblée nationale fut consacrée aux manifestations et produisit, malgré l’enquête judiciaire, deux volumes de conclusions en 1987.
Et si nous n’avons pas demandé la création d’une commission d’enquête sur le seul barrage de Sivens, c’est non seulement en raison de l’enquête judiciaire qui est en cours…
…mais aussi parce que le maintien de l’ordre républicain est en question dans d’autres situations tout aussi préoccupantes. Je veux parler par exemple du fait que le maintien de l’ordre s’applique de façon différenciée selon la catégorie particulière de population qui perpètre les violences : agriculteurs liés à la FNSEA, opposants violents à l’écotaxe, groupes fascistes, comme dans le cas de Jour de colère, ou encore groupes liés à la Manif pour tous qui débarquent en fin de parcours…
Dans nombre de ces cas, la perception de l’action des forces de l’ordre se comprend selon la politique des deux poids, deux mesures. Nous l’avons vu également dans la pratique d’interdiction des manifestations sur la Palestine en juillet 2014.
Cette commission d’enquête doit aussi nous permettre de nous interroger sur l’emploi d’armes qui finiront par tuer, comme à Sivens, telles que le Taser, le Flash-ball ou le lanceur de balles de défense, trois armes dites non létales mais néanmoins redoutables et dont l’utilisation par les forces de l’ordre se révèle abusive.
Telle était déjà d’ailleurs la conclusion du dernier rapport du Défenseur des droits, le regretté Dominique Baudis, publié en juin 2013, sur ce que l’on appelle les moyens de force intermédiaire, ou MFI. Combien de temps donc nous faudra-t-il attendre, alors qu’une personne est morte en 2010 à la suite de l’utilisation de flash-balls et qu’une dizaine d’autres ont été énucléées ?
Nous devrons aussi nous interroger sur l’utilisation de méthodes policières telles que l’infiltration clandestine par des policiers déguisés en casseurs dans les manifestations. La Fédération police de la CGT, dans le cas de la manifestation des sidérurgistes de mars 1979, en avait d’ailleurs démontré l’usage. Plusieurs vidéos l’ont prouvé lors des dernières manifestations liées au barrage de Sivens.
Les contrôles d’identité musclés, les clés d’étranglement font aussi partie de ces pratiques qui alimentent le ressentiment d’une partie de la jeunesse envers les forces de l’ordre.
Le respect des références déontologiques n’est pas toujours assuré, loin de là.
Enfin, la commission d’enquête parlementaire doit nous permettre de réfléchir aux règles et aux conditions de l’application du maintien de l’ordre, dans une époque où l’État en fait un usage croissant.
L’Observatoire des libertés publiques recensait une moyenne de 10 à 15 morts par an à la suite d’opérations de police, soit, en quarante ans, entre 400 et 600 morts directement ou indirectement liées à ce qu’il est convenu d’appeler une bavure policière. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur cette question.
Cette commission d’enquête s’impose, parce qu’au-delà de la nécessaire lumière que la justice fera sur les événements proprement dits, les responsabilités de la chaîne de commandement doivent être établies. Nous devrons déterminer qui fait quoi.
Dans l’affaire de Sivens, on ignore par exemple qui a ordonné la mise en place du dispositif policier destiné à protéger un groupe électrogène qui ne fonctionnait déjà plus : le Premier ministre, le ministre de l’intérieur, le préfet, un colonel de gendarmerie ? Les déclarations officielles ont varié, tant l’écart est grand entre les consignes que le ministre de l’intérieur dit avoir données et les termes concrets de l’affrontement. En effet, les militants de terrain nous avaient alertés dès début septembre du comportement délibérément provocateur et violent des forces de l’ordre.
De quelles instructions, de quel niveau de commandement procède un tel comportement ?
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Chers collègues, nous allons travailler ensemble pendant plusieurs mois et mener de nombreuses auditions. Notre rôle n’est pas d’entrer dans la polémique et de savoir qui a provoqué les affrontements et qui a fait naître l’humiliation. Notre rôle est de construire et d’améliorer l’État de droit. C’est l’objet principal de cette commission d’enquête parlementaire. Alors ne venez pas faire de ceux qui parlent à cette tribune des boucs émissaires !
Ne faites pas croire que nous voulons manger du flic matin, midi et soir ! Ne nous faites pas passer pour les alliés des casseurs et de ceux que vous appelez les « écoterroristes ».
Oui, nous sommes députés de la nation, nous avons la même légitimité démocratique que vous et nous sommes fondés à améliorer l’État de droit au travers de cette commission d’enquête parlementaire. Au-delà, nous avons un devoir vis-à-vis de la mémoire de Rémi Fraisse, de la douleur de sa famille et de tous ceux qui réclament que nos forces de l’ordre respectent les règles républicaines, les libertés publiques, le droit à la liberté d’expression et le droit à manifester.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, je connais bien Noël Mamère et son caractère passionné, et je comprends le sens de ses avertissements. Il veut participer au renforcement de la République, c’est son droit. Mais aujourd’hui, je veux d’abord rendre hommage aux forces de l’ordre qui font respecter l’ordre républicain,…
…et parfois des cocktails molotov en flammes.
Je veux aussi rendre hommage à ceux qui manifestent, ceux qui ont le courage de manifester, parce qu’ils ont un idéal chevillé au corps, même lorsqu’ils savent qu’une manifestation s’annonce difficile et qu’elle est susceptible de tourner à des affrontements sous l’influence d’irresponsables.
Bien sûr, je veux rendre hommage à celui qui a perdu sa vie et à tous ceux qui ont été blessés, non pas parce qu’ils appartenaient à un camp ou à un autre mais parce qu’ils se trouvaient là.
Chers collègues écologistes, je pense que vous avez raison de proposer la création d’une telle commission. Mais elle devra travailler dans un climat apaisé, ainsi que Noël Mamère l’a proposé en premier lieu. Il est un temps pour tout : un temps pour la révolte, un temps pour l’apaisement, et un temps pour la vérité.
Ce terme aussi, il l’a employé. Et quel plus beau terme que celui de vérité ? Cette commission débouchera sur un certain nombre de propositions, des mesures qu’il faudra prendre.
Bien sûr, nous sommes en train de torturer les textes juridiques. Théoriquement, il est impossible d’enquêter sur cette manifestation terrible où un jeune a perdu sa vie, sur des faits dont l’autorité judiciaire est saisie. Il faudra que le président et le rapporteur trouvent le juste milieu pour que la loi soit respectée, mais que l’on n’ignore pas ce qui a pu se passer.
Je souhaite qu’il n’y ait plus jamais de violence de la part des manifestants, ni de violence des forces de l’ordre qui ne répondent pas à un principe de proportionnalité. Ce principe, vous aurez à le définir : en quoi il permet l’envoi de telle ou telle grenade, en quoi il permet de répondre par telle ou telle charge… C’est ce principe de proportionnalité qui permet de justifier l’emploi de la force par les forces de l’ordre. C’est en cela que cette commission prouvera son utilité. Voilà pourquoi, chers collègues, il sera utile d’y participer.
Noël Mamère a, au fond de lui, une grande révolte. J’espère qu’il trouvera un apaisement et j’espère que tout cela se fera pour la République.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nos collègues du groupe écologiste proposent aujourd’hui la création d’une commission d’enquête dont la visée première est de nous permettre de débattre des conditions d’intervention des forces de l’ordre et des conditions actuelles d’exercice du droit de manifestation.
Ils se proposent de confronter la doctrine française en matière de maintien de l’ordre aux expériences étrangères, mais aussi de recueillir le point de vue des différents acteurs : responsables opérationnels du maintien de l’ordre, organisateurs de manifestation, journalistes, ONG, responsables politiques.
Nous saluons cette initiative, qui intervient quelques semaines après la mort tragique de Rémi Fraisse, jeune militant écologiste de 21 ans, survenue suite au jet d’une grenade offensive par les gendarmes mobiles, aux abords du chantier du barrage de Sivens.
Les conditions d’intervention des forces de maintien de l’ordre dans la dispersion des manifestations interpellent chacun sur ces bancs, quelle que soit sa famille politique. La Manif pour tous, les rassemblements des « bonnets rouges », les manifestations contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou contre la ferme-usine des mille vaches, toutes ces manifestations récentes ont soulevé leur lot de protestations et de réactions indignées, à droite comme à gauche.
Il appartient bien sûr à chacun d’apprécier la légitimité de ces manifestations, selon qu’il estime que ces luttes sont ou non des « forces de civilisation », pour reprendre les mots de Jaurès. Pour notre part, il ne fait aucun doute que les luttes pour la justice sociale et la sauvegarde de l’environnement ont la consistance et le sérieux d’enjeux de civilisation.
La décision d’autoriser ou non une manifestation, de la réprimer avec plus ou moins de sévérité, oscille quant à elle toujours entre sauvegarde de la paix civile et défense de l’ordre établi, entre sauvegarde de l’ordre républicain et décision politique. C’est d’une telle évidence que seule l’autorité civile, et non militaire, est habilitée à décider du moment où l’on peut considérer que le trouble à l’ordre public est atteint. Les forces de l’ordre ne disposent pas à cet égard de pouvoir d’appréciation.
Il faut donc constamment garder à l’esprit que si l’ordre public est un rempart contre l’arbitraire, il peut aussi en être l’instrument et la justification. En la matière, notre première préoccupation doit être de garantir les libertés publiques, de garantir le droit effectif de manifester, de nous assurer, comme le suggèrent nos collègues, de la transparence de la chaîne de commandement des opérations de maintien de l’ordre.
Elle doit être aussi de définir de manière plus précise les types d’intervention et de recours à la force publique légitimes et acceptables. Permettre aux représentants du peuple de conduire une réflexion collective sur ces questions essentielles, qui touchent au socle même de notre pacte républicain, nous paraît non seulement être justifié mais relever des plus élémentaires de nos devoirs.
Nous approuvons donc sans réserve la création de cette commission d’enquête parlementaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
La proposition de résolution dont notre assemblée est saisie tend à la création d’une commission d’enquête relative aux missions et modalités du maintien de l’ordre républicain, dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation.
Avant d’étudier plus avant cette proposition, il convient de faire quelques rappels qui, bien qu’allant de soi, semblent nécessaires. D’abord, nous avons pleinement confiance dans l’action de nos forces de l’ordre dans l’exercice du maintien de l’ordre, et, trop souvent, cet exercice s’effectue dans des conditions extrêmement difficiles. L’ordre républicain s’impose partout de la même manière. Il ne peut y avoir d’amalgame, ni deux poids deux mesures. Nous devons assurer l’ordre républicain et le respect du droit de manifestation de la même manière. Ainsi, lorsqu’il a été fait état tout à l’heure de provocations policières, il eût été utile et juste de dire qu’il y a aussi des provocations de la part des manifestants. J’y reviendrai tout à l’heure.
Alors il fallait que le général le dise hier lors de son audition et qu’il en soit fait état dans le rapport !
Qu’il faille, à l’aune des différents événements, revisiter, réexaminer, réinterroger nos méthodes est légitime dans une démocratie qui doit à la fois se préoccuper des libertés fondamentales, dont fait partie le droit de manifestation, et assurer l’ordre républicain. Mais cette proposition de résolution n’est pas et ne doit pas être une commission d’enquête sur Sivens.
L’intitulé est clair. Il ne peut y avoir de dérive sur ce point, sans quoi il s’agirait d’une tentative manifeste de détournement de procédure. À terme, cela poserait la question de la légitimité et de la pertinence des commissions d’enquête.
Je fais pleinement confiance au président et au rapporteur de la commission d’enquête pour se limiter à l’objet de la commission. En vertu de la séparation des pouvoirs, nous ne devons pas faire interférence dans les procédures judiciaires en cours. C’est un principe fondamental auquel nous ne pouvons déroger.
Sur le fond de cette résolution, nous sommes tous attachés aux libertés publiques, et il ne viendrait à l’esprit de quiconque de les remettre en cause. Mais j’invite, au nom du groupe SRC, cette commission d’enquête à réfléchir sur deux notions qui me semblent différentes et qui méritent des réponses adaptées, proportionnées et différenciées.
Au côté des manifestations habituelles, avec un début et une fin, dont le parcours est connu, délimité et qui ne posent généralement pas de difficultés hormis quelques débordements causés par des éléments incontrôlés qui veulent casser ou en découdre avec les forces de l’ordre, d’autres formes d’atteinte à l’ordre public se développent aujourd’hui. L’exposé des motifs y fait référence. Elles n’ont plus rien à voir avec la notion de manifestation, mais en appellent plutôt à une notion d’occupation. J’en veux pour preuve le nom qui leur est donné : les « zones à défendre ».
Dans ce cas, nous avons affaire à une forme de guérilla où l’usage d’armes véritables se combine avec un entraînement et des techniques d’affrontement très élaborées. Le rapport d’enquête de l’inspection générale de la gendarmerie nationale sur Sivens est à ce titre éloquent.
Nous invitons par ailleurs la commission à réfléchir à la notion de responsabilité des organisateurs, car en démocratie, dans un État de droit, une liberté ne peut s’exercer sans responsabilité.
Notre assemblée a modifié la semaine dernière son règlement intérieur pour rendre automatique le droit de tirage en matière de commissions d’enquête. Cette mesure sera opérationnelle à partir du 1er janvier 2015, mais il apparaît d’ores et déjà nécessaire de créer une commission d’enquête sur les missions et les modalités du maintien de l’ordre républicain. C’est pourquoi le groupe SRC votera cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Faut-il, comme les députés écologistes le proposent, créer une commission d’enquête sur le maintien de l’ordre républicain ? Le règlement de l’Assemblée nationale leur en donne le droit, ou presque, puisqu’un groupe d’opposition ou un groupe minoritaire, sans que l’on sache très bien d’ailleurs à quelle catégorie il convient de rattacher leur groupe, peut obtenir la création d’une telle commission une fois par session, sauf si les trois cinquièmes de notre Assemblée s’y opposent.
Ce point de procédure étant précisé, venons-en au fond et parlons sans détour : ce qui guide d’abord Noël Mamère et les députés de son groupe, c’est la volonté de mettre en cause les forces de l’ordre dans la gestion de la triste affaire de Sivens.
Chacun reconnaîtra ici que la mort d’un manifestant est une tragédie. Depuis 1986, jamais un gouvernement n’avait eu à déplorer le décès d’une personne dans le cadre d’une manifestation ayant donné lieu à une opération de maintien de l’ordre.
C’est donc un échec majeur qui ne peut qu’être vécu comme tel par ceux qui ont dirigé, conduit et mis en oeuvre, à Sivens, l’opération de maintien de l’ordre. Mais au-delà de l’émotion partagée, il y a les faits.
Pour notre part, nous ne voulons pas, Éric Ciotti l’a dit avec force ce matin en commission des lois, que l’Assemblée nationale instruise un faux procès contre les militaires de la gendarmerie nationale qui se sont efforcés, à Sivens comme ailleurs, de faire leur devoir en maintenant l’ordre au service de la République.
La commission des lois a entendu hier après-midi le général de corps d’armée Pierre Renault, chef de l’inspection générale de la gendarmerie nationale. Il nous a rendu compte de manière très précise des conditions dans lesquelles le manifestant a perdu la vie. Aucune faute professionnelle, cette nuit-là, ne peut être imputée aux gendarmes intervenant sur le terrain, qui devaient faire face, depuis plusieurs semaines, à des manifestants très violents, armés de projectiles et d’engins incendiaires et menant une sorte de guérilla.
S’il y a une question à poser publiquement, elle ne porte pas sur l’action opérationnelle des gendarmes lors de la nuit de la mort du manifestant, mais sur la manière dont l’autorité politique a géré ou n’a pas su gérer l’affaire de la retenue d’eau de Sivens en amont, c’est-à-dire dès l’été, en laissant s’installer, durablement, un abcès de fixation, et en aval, au mois de novembre, en donnant le sentiment d’abandonner le projet d’intérêt général qui avait été défini localement par les agriculteurs, les élus territoriaux et les services de la préfecture.
Plus le pouvoir politique est faible, plus l’ordre public est fragile, car des individus organisés sont alors tentés de chercher l’affrontement avec les forces de l’ordre. Voilà la vérité : des groupuscules gauchistes tentent aujourd’hui de contester, par la violence, l’autorité de l’État. Et lorsque l’État hésite, lorsque l’État tergiverse, lorsque l’État cède, il n’est plus capable d’assurer sereinement l’ordre public.
Tous les républicains, mes chers collègues, doivent refuser un tel abaissement de l’État. Ne nous y trompons pas, les vrais défenseurs des libertés publiques ne sont évidemment pas les groupuscules armés qui détournent le droit de manifester et qui harcèlent la police et la gendarmerie nationale.
Les vrais défenseurs des libertés publiques, madame Duflot, ce ne sont pas non plus ceux qui instruisent, matin, midi et soir, sur les plateaux de télévision ou dans l’hémicycle, le procès des forces de l’ordre et cherchent en réalité à leur retirer toute capacité opérationnelle d’intervention.
Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.
Défendre les libertés publiques, madame Duflot, monsieur le président de Rugy, c’est d’abord appeler le Gouvernement à exercer pleinement sa mission, avec discernement.
Le Gouvernement a le devoir d’être ferme contre les individus organisés et armés qui sèment le désordre. Mais il a tout autant le devoir de respecter les manifestants paisibles qui ont le droit d’exprimer un désaccord légitime. Cet équilibre est bien sûr difficile à assumer. Il suppose de l’expérience, du professionnalisme, de l’autorité et de la sérénité, au sommet de la chaîne de commandement d’abord, au plan opérationnel ensuite.
Je ne suis pas sûr que la commission d’enquête proposée par les députés écologistes contribue à retrouver cette nécessaire sérénité. C’est la raison pour laquelle, comme vous l’avez compris, le groupe UMP n’approuvera pas la création de cette commission d’enquête.
La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
L’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le barrage de Sivens, et bientôt peut-être le Center Parcs de Roybon : nombreux sont les projets dont la réalisation a été, est ou sera mise en difficulté, voire définitivement stoppée suite à l’opposition non pas de militants pacifiques mais de groupes de casseurs qui ont tout sauf un comportement républicain.
Les députés du groupe UDI ne peuvent que déplorer cette situation. Il est inacceptable, en démocratie, que les minorités puissent imposer leur refus à des majorités élues. Il est inacceptable que des individus puissent interrompre et bloquer des projets élaborés, décidés et votés par de larges majorités d’élus locaux, départementaux ou régionaux.
Dans un État de droit, le point de vue de manifestants qui, souvent, ne représentent qu’eux-mêmes et sont même parfois originaires de régions très éloignées du lieu du projet et celui d’élus au suffrage universel qui représentent leurs concitoyens ne doivent pas être placés sur un pied d’égalité.
Nous le réaffirmons aujourd’hui avec force : le droit des minorités à s’exprimer ne saurait remplacer celui des majorités à décider. En aucun cas, des minorités ne devraient tirer prétexte de leur droit à s’exprimer et à manifester pour recourir à la violence.
Mes chers collègues, nous en avons tous conscience : confrontés à l’hostilité des manifestants et à la violence des casseurs, la mission des forces de l’ordre s’avère bien souvent particulièrement délicate. Les députés du groupe UDI souhaitent ici rendre un hommage appuyé aux forces de l’ordre et saluer leur action essentielle au service de la protection des personnes et des biens.
Je tiens à rappeler, en tant que député du Tarn, que la contestation autour du barrage de Sivens, apparue il y a de nombreux mois, est longtemps restée pacifique et qu’elle a changé de nature en 2014 pour se radicaliser suite à la venue d’éléments extérieurs à notre département. Des casseurs sont alors arrivés avec de l’expérience, de la détermination, des engins, identifiés et photographiés, comme en atteste le rapport d’enquête administrative, et des techniques presque paramilitaires.
Munis d’explosifs, notamment de cocktails Molotov, casqués, ces individus particulièrement dangereux avaient la volonté de « casser » du gendarme ou du policier.
Les affrontements qui n’ont pas manqué d’éclater entre les manifestants et les forces de l’ordre ont débouché sur un terrible drame dans la nuit du 25 au 26 octobre dernier avec le décès du jeune Rémi Fraisse. En démocratie, rien, aucune cause, aucune idée, aucun projet ne saurait justifier la mort d’un jeune homme. Nous avons bien sûr une pensée émue pour sa famille et ses proches.
Rémi Fraisse a été certes victime d’une grenade offensive, mais il a surtout été la victime de casseurs qui ont profité de sa jeunesse et de sa naïveté pour l’entraîner dans un affrontement contre les forces de l’ordre, dans un climat particulièrement tendu et violent.
Le général Pierre Renault, qui nous a présenté hier le rapport d’enquête administrative relative à la conduite des opérations de maintien de l’ordre à Sivens, a déclaré que ces casseurs, particulièrement violents, avaient lâchement placé des manifestants entre eux et les forces de l’ordre, les utilisant comme de véritables boucliers humains.
Depuis que les gendarmes se sont retirés, le 26 octobre, une véritable zone de non-droit s’est développée au coeur de la République. Des points de contrôle sont tenus par de pseudo-milices qui procèdent à des contrôles d’identité et entravent la libre circulation de nos concitoyens sur une route départementale. Des manifestations d’une extrême violence ont eu lieu à Albi et Gaillac. Nous condamnons ces déchaînements inacceptables et intolérables qui ont choqué nos concitoyens.
Il est essentiel que les forces de l’ordre soient en mesure de remplir leur mission pour maintenir l’ordre républicain et protéger les populations. Dans cet esprit, les députés du groupe UDI ne s’opposeront pas à la création de cette commission d’enquête demandée dans des termes quelque peu contestables par le groupe écologiste.
Sans esprit polémique, nous souhaitons qu’un travail serein puisse être réalisé par notre assemblée afin que les missions de maintien de l’ordre puissent être remplies dans les meilleures conditions possible.
Aux termes de l’article 141, alinéa 3, du règlement, la demande de création d’une commission d’enquête est rejetée si la majorité des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale s’y oppose, soit 345 voix.
En outre, seuls les députés défavorables à la création de la commission d’enquête participent au scrutin.
Je mets aux voix la demande de création de la commission d’enquête.
La majorité requise pour le rejet n’est pas atteinte.
La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.
Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 379 à l’article 16.
La taxe foncière est aujourd’hui calculée à partir de la valeur locative diminuée d’un abattement de 50 %, qui est destiné à couvrir les charges supportées par les propriétaires. Cet abattement s’applique aux logements meublés, y compris ceux qui ne sont pas affectés à l’habitation principale. À Paris, compte tenu du taux très peu élevé de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la contribution des résidences secondaires à cette taxe reste beaucoup trop faible pour inciter à l’affectation de ces logements à la résidence principale.
Cet amendement vise donc à supprimer l’abattement prévu à l’article 1388 du code général des impôts, pour les seules résidences secondaires situées sur le territoire de la commune de Paris. Cette proposition est soutenue par la municipalité parisienne, qui a voté une disposition en ce sens il y a un mois.
Comment imaginer que les propriétaires de résidences secondaires, qui sont très nombreux dans le centre de Paris, continuent à payer une taxe foncière beaucoup plus faible que dans le reste de l’agglomération ?
Je le répète : cette mesure, qui rassemble toute la gauche parisienne, est utile. Elle servira à libérer des dizaines de milliers de logements à Paris. Ce sera le moyen le plus sûr et le plus efficace d’offrir de nouveaux logements aux Franciliens et de faire baisser les prix du marché qui, à Paris et dans toute l’Île-de-France, ont atteint un niveau insoutenable.
Permettez-moi de citer, une fois n’est pas coutume, Louis Gallois.
Le coût du logement, rappelait-il, particulièrement en Île-de-France, est un très grand handicap pour la compétitivité de notre pays. « Compétitivité » : vous connaissez bien ce mot, monsieur le secrétaire d’État.
Mettons en oeuvre des mesures simples, efficaces, soutenues par les élus locaux et qui ne coûtent pas un sou au budget de l’État pour faire baisser les prix du logement.
Chers collègues, nous débattons ici entourés de dizaines de milliers de résidences secondaires qui sont autant de logements vacants au coeur même de Paris.
Agissons enfin pour mettre un terme à ce scandale, et adoptons cet amendement !
La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.
La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. L’abattement s’applique aujourd’hui à toutes les résidences, qu’elles soient secondaires ou principales. Or l’utilisation d’une résidence est généralement décidée par l’occupant, qu’il soit locataire ou propriétaire. Imaginons donc un propriétaire louant sa maison, dont le locataire déciderait de faire sa résidence secondaire, et non principale : par votre amendement, vous pénaliseriez le propriétaire pour une décision qu’il n’aurait pas prise lui-même.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.
Nous sommes d’accord sur un point, monsieur le député : le prix du logement est un facteur de handicap pour la compétitivité de la France. En effet, l’acceptation des niveaux de salaires est liée aux dépenses contraintes qui, comme chacun sait, sont principalement liées au logement. Je partage donc cette analyse, défendue par Louis Gallois et par d’autres.
C’est néanmoins notre seul point d’accord. J’ajoute à l’argument que vous a opposé Mme la rapporteure générale à juste titre le fait que l’impôt foncier est dû par le propriétaire. Or, celui-ci n’est pas responsable de l’affectation du logement.
D’autre part, l’assiette de l’impôt foncier subit un abattement de 50 % lié aux frais de gestion, d’assurance, d’amortissement, d’entretien et de réparation qui sont à la charge du propriétaire. Quelle que soit l’affectation du logement, ces frais sont les mêmes. En priver les propriétaires de logements non affectés à l’habitation principale serait contraire au principe d’égalité.
Votre amendement, s’il se base sur une analyse que je peux partager, apporte une solution qui n’est pas respectueuse de la notion d’égalité devant l’impôt et serait, à coup sûr, plus que fragile aux yeux du Conseil constitutionnel.
Je ne peux que vous suggérer de retirer cet amendement, d’autant que nous avons la nuit dernière adopté une disposition qui répond en partie à votre préoccupation – laquelle est d’ailleurs partagée par de nombreux élus parisiens, et de beaucoup d’autres villes du reste. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement si vous décidiez de le maintenir.
L’amendement no 379 n’est pas adopté.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 31 rectifié .
Nous abordons là un sujet qui relève du feuilleton puisque nous avons à plusieurs reprises, dans cette enceinte, débattu de la « majoration des valeurs cadastrales des terrains constructibles » que vous avez imaginée pour que ces terrains soient vendus et construits.
Nous dénonçons depuis un certain temps les effets négatifs d’une telle mesure. Je constate que, pour une fois, vous avez bien voulu nous écouter, ne serait-ce que partiellement. Notre combat n’a donc pas été vain. En effet, vous avez exonéré de cette majoration l’ensemble des terres agricoles exploitées par des agriculteurs – il aurait été effectivement redoutable de les priver de terres susceptibles de concourir à l’équilibre de leur exploitation – et vous avez réduit le nombre des communes dans lesquelles elle sera appliquée.
Alors, quelle est la nouvelle carte ? Combien y a-t-il de communes concernées : 1 000, ou un peu plus de 700 ? Quelles sont-elles ? Il est indispensable, pour que nous puissions travailler en toute connaissance de cause, que nous disposions de cette carte.
Nous considérons que nous ne sommes pas allés jusqu’au bout du chemin et que le dispositif reste malsain. En outre, nous avons eu le grand tort d’écouter le Président de la République : quand, à la télévision, devant des millions de Français, il a expliqué qu’il n’y aurait pas de nouvel impôt, nous avons eu tendance, spontanément, à le croire ! Mais quelques heures plus tard, il était contredit par son secrétaire d’État… Je ne nie pas l’autorité du secrétaire d’État chargé du budget et encore moins sa compétence, mais il n’en demeure pas moins que ces messages contradictoires ne sont plus compris par nos concitoyens et qu’ils ont pour effet de discréditer la parole publique, en particulier celle du Président.
Nous avons la volonté de mettre un terme à cette erreur. Vous l’avez partiellement comprise, monsieur le secrétaire d’État, il vous faut maintenant tirer toutes les conclusions.
Je vais procéder à un court rappel historique, monsieur Le Fur, concernant la majoration de la valeur locative des terrains constructibles.
Il y a plus de trente ans, la loi du 10 janvier 1980 a donné aux conseils municipaux la possibilité de majorer le montant de taxe foncière sur les propriétés non bâties. Ensuite, la loi du 13 juillet 2006 a renforcé le mécanisme et prévu que la majoration pouvait atteindre 3 euros par mètre carré. Plus récemment, la loi de finances rectificative pour 2012, votée par votre majorité, a rendu obligatoire cette majoration.
Non ! Il y en a eu plusieurs, et je parle de la première. Elle a rendu obligatoire cette majoration dans les communes situées en zone tendue.
En 2014, son montant est passé de 3 à 5 euros par mètre carré. Quoi qu’il en soit, ce mécanisme d’automaticité a été mis en place par vous, chers collègues de l’opposition.
Certes, mais par vous.
Par la suite, l’article 82 de la loi de finances pour 2013 a renforcé la portée de cette majoration et en a revu le zonage. Enfin, l’an dernier, nous avons voté l’entrée en vigueur de la majoration ainsi que l’exonération immédiate des terrains agricoles.
Un certain nombre des défauts initiaux de cette disposition ont été constatés et sont désormais corrigés, monsieur Le Fur, et c’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable à votre amendement.
Monsieur Le Fur, vous êtes assidu et actif, et vous pouvez comprendre nos arguments. Vous voulez une carte. Soit, quoique nous n’ayons pas le droit d’en montrer ou d’en projeter dans cet hémicycle.
Le dispositif a été effectivement resserré, puisque le nombre de communes est passé de 1 151 à 618. Vous connaissez l’article qui fixe la liste des communes dans lesquelles s’applique la taxe sur les logements vacants, ainsi que la liste des communes situées en zones A et A bis éligibles au dispositif Pinel : il vous suffit…
Si ! Elles ont été publiées dans un arrêté du 1er août 2014. Il vous suffit de croiser les deux listes. Si vous cochez les deux cases, votre commune figure dans le dispositif. Si vous n’en cochez qu’une, ou a fortiori aucune, elle n’est pas concernée. Connaissant votre opiniâtreté, je sais que vous parviendrez à faire le point.
Par ailleurs, monsieur Le Fur, Mme la rapporteure a rappelé mieux que je ne saurais le faire l’historique du dispositif. Quand le Président de la République affirme donc qu’il n’y aura pas de décision nouvelle en 2015, il est clair qu’il ne vise pas des dispositions antérieures, a fortiori si elles datent de plusieurs années. Ce dispositif est connu, il a été amélioré, perfectionné et recentré. Il ne s’agit donc pas d’une disposition nouvelle et, comme à l’accoutumée, il n’y a aucune contradiction entre les propos du Président de la République et les positions que je défends ici. Si vous aviez encore des doutes, je vous invite à lire les dépêches relatives à la conférence de presse que le ministre des finances et le secrétaire d’État au budget ont tenue conjointement ce matin.
Il n’y a pas lieu de retenir votre amendement, qui d’ailleurs, tel qu’il est rédigé, n’aboutit pas à ce que vous souhaitez puisqu’il supprimerait les bases et rendrait le dispositif obligatoire. Si je voulais vous jouer un mauvais tour, je vous conseillerais de l’adopter et vous obtiendriez le contraire de ce que vous voulez. Mais cela arrive à tout le monde, y compris, parfois, à nous-mêmes… Bref, avis défavorable.
Nous avons examiné la nuit dernière, à l’article 16, les dispositions concernant la taxation à 20 % des résidences secondaires dans les communes situées en zone tendue. Comme je l’ai alors indiqué, le groupe UMP est opposé à cette mesure.
Pourtant vous l’avez votée, ce qui a fait tomber tous les autres amendements !
Non ! Nous avons voté l’amendement de M. Caresche qui visait à ce que cette disposition ne soit pas appliquée de façon systématique, qu’une modulation soit possible, que la décision soit prise par les conseils municipaux et enfin que les communes aient la liberté de ne pas l’appliquer.
Ce que je trouve dommage, en ce qui concerne cette disposition applicable aux terrains constructibles non bâtis, c’est que vous auriez pu adopter une approche, comme l’a indiqué tout à l’heure Marc Le Fur, qui permette de laisser l’initiative aux collectivités territoriales. Je ne comprends pas pourquoi l’État impose une telle disposition dans un projet de loi de finances rectificative. L’automaticité, vous l’avez rappelé, provient d’une erreur qui a été commise en février 2012. Nous assumons cette erreur que vous semblez constater aujourd’hui, mais il n’est jamais trop tard pour corriger. Revenons à une mesure de bon sens et laissons aux communes le soin de délibérer et d’appliquer les dispositions qu’elles souhaitent sur leur territoire en matière de terrains constructibles non bâtis.
L’amendement no 31 rectifié n’est pas adopté.
Dans la droite ligne de l’intervention de Mme Dalloz, je pense que nous pouvons considérer que la disposition votée en février 2012 était une erreur, mais le Gouvernement peut-il nous expliquer ce qui, au regard de sa propre analyse et de sa logique, justifie une telle obligation pour les communes ? Pourquoi ne pas assumer le fait que la politique foncière, puisque c’est de cela qu’il s’agit, puisse faire l’objet d’un certain nombre d’orientations fixées par les communes, décidant d’appliquer ou non une majoration ?
Sur le fond, considérant que nous sommes libres de confirmer ou non la disposition qui a été votée en février 2012 et qui n’était pas la meilleure idée de la planète, qu’est-ce qui justifie que nous ne laissions pas aux communes le choix d’appliquer cette disposition ou de ne pas l’appliquer ?
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 277 .
Je vous rappelle le débat que nous avons eu cette nuit sur le même sujet : la quasi-totalité de nos collègues ont voté un amendement qui tend à modifier le dispositif du Gouvernement visant à augmenter la taxe d’habitation sur certaines résidences secondaires. Cet amendement précise en outre que la majoration doit être le résultat d’une décision explicite des conseils municipaux et intercommunaux et il instaure une modulation allant de zéro à 20 %.
Nous ferions preuve de cohérence en adoptant la même position pour les terrains à bâtir. Il n’est pas normal que la majoration soit volontaire dans certains cas et obligatoire dans d’autres cas.
J’attends moi aussi de M. le secrétaire d’État qu’il justifie sa volonté d’imposer aux communes une évolution de la taxation sans qu’elles puissent exercer leur libre arbitre. C’est un choix. Vous précisez le cadre de la taxe, les zones tendues, son niveau, ainsi que le niveau de l’augmentation, comme vous l’avez fait pour la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. C’est le choix du Gouvernement, et vous avez parfaitement raison de le proposer.
Mais la nuit dernière, monsieur le secrétaire d’État, nous avons fait évoluer ce dispositif afin de responsabiliser les collectivités. Cela me semble indispensable, et vous le savez bien puisque vous avez laissé entendre, il y a quelque temps, que vous ne pourriez maintenir, voire baisser la pression fiscale dans notre pays que si les collectivités elles-mêmes faisaient des efforts en matière de réduction de leurs dépenses. En les responsabilisant de cette manière, vous les inciteriez à faire ces efforts, vous montreriez que vous leur faites confiance, que vous les croyez capables de moduler l’augmentation de la taxation, et enfin vous leur adresseriez un message fort leur demandant de réduire leurs dépenses publiques.
Cet amendement a du sens et il mérite un peu plus qu’un simple « avis défavorable ».
Je vais tenter de convaincre le Gouvernement d’appliquer un principe simple : celui de la liberté pour les collectivités territoriales de décider de leurs recettes et de leur fiscalité.
L’augmentation que vous nous proposez porte sur la base de la taxe, et non sur les taux ou les montants.
Trois problèmes se poseront aux collectivités territoriales qui se verront appliquer cette augmentation significative. Le premier est le risque de déstockage massif de terrains, dans certaines hypothèses. Nous pouvons penser qu’un certain nombre de collectivités seront amenées à effectuer des investissements du fait de la multiplication des constructions. Le deuxième problème tient à la disproportion. En effet, certaines communes parviendront à des montants d’imposition extrêmement importants par rapport à la valeur des terrains.
Il existe enfin une troisième difficulté, sur laquelle j’ai attiré votre attention en commission, monsieur le secrétaire d’État : quelle est la définition d’un terrain à bâtir ? Un terrain situé en zone à urbaniser, ou zone AU, est constructible s’il est relié aux réseaux d’eau, de téléphonie, d’électricité et autres. Mais comme il s’agit d’une zone AU, l’urbanisation est future ! C’est la commune qui décide du rythme d’urbanisation, par une modification de son PLU ou un arrêté de lotissement. Si vous leur laissez cette liberté, certaines communes seront à même de décider du rythme de construction.
La cohérence consiste à laisser aux collectivités la liberté de décider du rythme de constructibilité du terrain, grâce au PLU. C’est pourquoi l’amendement no 250 , qui est assez simple, prévoit de laisser au maire le choix d’appliquer ou non la surtaxe. J’ajoute une dernière observation : en cas d’excès, les collectivités diminueront les taux. Or la diminution s’appliquera non seulement aux terrains constructibles mais aussi à l’ensemble du foncier, ce qui peut créer des déséquilibres au sein d’une commune entre les terrains à bâtir et ceux qui ne le sont pas. La liberté devrait être la règle, monsieur le secrétaire d’État. Tel est le sens de mon amendement.
Je commencerai par compléter ma réponse lapidaire d’il y a un instant, même si je me suis déjà beaucoup exprimé sur le sujet. Quel est l’objectif ? Pas une augmentation des recettes des collectivités, mais un effet dissuasif sur la rétention du foncier dans les zones tendues. Le développement du logement qui nous occupe, et nous occupera encore quelque temps, souffre de plusieurs facteurs de freinage. L’argent en est parfois un, mais quoi qu’en dise M. Dumont, il nous semble que les moyens financiers alloués aux dispositifs destinés à encourager la construction de logements, sous forme de dépense fiscale ou d’aide à la pierre, sont importants. Deuxièmement, les normes renchérissent les coûts. Le Gouvernement a entamé un travail important à ce sujet et des progrès sont en cours. Troisièmement, il y a les prix bien sûr : ils sont fonction du marché et nous parlons là des zones tendues.
Enfin, j’évoquerai la volonté, monsieur le député, comme dernier facteur de freinage. Que constate-t-on, depuis quelques mois ? Que, dans de nombreuses mairies – je dois tâcher de bien peser mes propos – de nouvelles équipes se sont installées, pas forcément d’un autre bord politique d’ailleurs.
Bien entendu, mais pas toujours. Or, comme chacun peut le constater, les renouvellements d’équipes induisent parfois des changements de volonté politique. Si j’en crois tout ce que l’on m’en dit, le principal facteur de blocage actuellement réside dans le renoncement d’un certain nombre d’élus à des programmes de construction, pour de bonnes ou de mauvaises raisons – mais le bon et le mauvais sont des notions subjectives ! Si nous voulons lever le point de blocage qu’est la rétention du foncier, il faut prendre une mesure vigoureuse. Les questions de logement ont souvent une dimension extra-municipale. Il faut donc avoir le courage de dire que la disposition a vocation à inciter à la libération du foncier et la mise sur le marché de terrains à bâtir.
Quant à l’argument selon lequel il serait nécessaire de construire de nouveaux équipements, j’ai évoqué tout à l’heure lors de la séance de questions au Gouvernement un dispositif d’accompagnement des « maires bâtisseurs », annoncé par le Premier ministre et visant à faciliter la construction d’infrastructures autour des nouvelles constructions. Voilà pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements qui selon moi manquent leur objectif.
Il me semble que cette argumentation ne tient pas. Les communes sont libres et mènent une politique d’urbanisme dans leur périmètre.
Par ailleurs, je n’ai pas obtenu de réponse à ma deuxième question : un terrain situé en zone AU est-il considéré comme constructible ? Ce point mérite d’être précisé, car cela peut avoir des conséquences fiscales lourdes. Il l’est selon la jurisprudence mais le délai de constructibilité peut aller jusqu’à six ans, au cours desquels une taxe sera perçue alors qu’aucune opération ne peut être lancée ! Il s’agit d’une question extrêmement précise : qu’en est-il des terrains classés en zone 1 AU, 2 AU voire 3 AU ?
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 108 .
Défavorable. J’en profite pour répondre à la question précise qui m’a été posée. Je n’ai pas toujours réponse à tout mais je m’efforce de répondre le plus précisément possible, car ce qui est dit ici engage. La liste des terrains considérés comme constructibles est communiquée par les maires. Ils se trouvent évidemment en zone U et dans certaines parties des zones AU qui peuvent être considérées comme constructibles en fonction de leur situation et de leurs caractéristiques.
L’amendement no 108 n’est pas adopté.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Je salue à ce sujet la continuité de l’État et de l’administration. En effet, l’idée selon laquelle il est possible de faciliter la mise sur le marché de terrains potentiellement constructibles en imposant une survaleur locative à la catégorie des terrains susceptibles d’être bâtis était déjà dans l’air quand j’ai commencé ma carrière au ministère de l’équipement, en 1976 ! Tous les élus locaux savent que cela ne marche pas. Cela n’empêche pas qu’on la ressorte périodiquement du tiroir…
En effet, je me suis battu autant que j’ai pu, au début de l’année 2012, afin d’éviter que le dispositif soit rendu obligatoire.
Mais il faut faire des arbitrages, je le reconnais bien volontiers, et lors de la discussion de la loi de finances rectificative du début de l’année 2012, l’administration a en quelque sorte gagné et le dispositif a été rendu obligatoire.
Je suis vraiment persuadé, par expérience, qu’il ne fonctionnera pas.
Pourtant M. Blanc a évoqué un déstockage massif et un effondrement du marché !
Par ailleurs l’État risque d’en subir les conséquences. Un jour, un reportage sera diffusé à la télévision, à une heure de grande écoute, dans lequel un retraité montrera d’une main sa feuille de retraite, 1 000 euros par mois, et de l’autre un avis d’impôt foncier sur un petit terrain exclu de toutes les exonérations prévues, trois fois plus élevé !
Et là, il faudra expliquer pourquoi ! Mais vous le savez bien, vous avez été maire, monsieur le secrétaire d’État. Quoi qu’il en soit, je tenais à clore le débat en saluant la ténacité de l’administration centrale, qui ne connaît pas les réalités de terrain que nous qui sommes maires connaissons parfaitement.
À ce que vous-même avez voté, madame la députée !
Si nous étions un tant soit peu respectueux de la démocratie locale, que ferions-nous ? Nous ouvririons la possibilité d’une modulation, assortie d’un plafond. Cinq euros, c’est une somme énorme dans certains secteurs, pas dans d’autres. Il n’est pas possible, à l’échelon national, de fixer le bon seuil. Faisons donc confiance aux élus, tous ne sont pas complètement débiles !
Sourires.
On ne trouve dans ce pays que des hegeliens, de droite et de gauche, pour lesquels l’État est l’incarnation de la raison dans l’Histoire et l’autorité centrale est seule à même de définir les règles de la République. Mais les hegeliens se sont tous plantés, qu’ils soient de gauche ou de droite !
Ceux de droite aussi… Cela doit cesser. Faisons un peu confiance aux élus du peuple ! Il faudrait au moins rendre la majoration facultative et prévoir la possibilité d’une modulation.
Comme je l’ai rappelé hier soir, le choix d’une équipe municipale doit être respecté. Ses décisions concernent l’ensemble du périmètre de la commune. En outre il s’agit d’une recette communale, qui ne sera jamais une recette de l’État : comment l’État pourrait-il décider par un projet de loi de finances rectificative l’augmentation automatique d’une taxe qu’il ne percevra pas ? Effectivement, monsieur le secrétaire d’État, si un reportage est diffusé un jour sur une aberration de ce genre, il sera très difficile d’expliquer aux Français que l’État a décidé autoritairement le doublement à partir de 2016 d’une taxe sur le terrain non bâti mais constructible perçue par les communes ! Votre réponse à propos des zones AU me semble assez préoccupante, car des surfaces considérables seront alors taxées. Certes, il s’agit d’une recette pour les communes, mais laissez-les gérer elles-mêmes leur budget et prendre leurs responsabilités ! Prendre leurs responsabilités, c’est pour cela que les conseils municipaux ont été récemment élus par les citoyens électeurs.
L’amendement no 249 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 218 .
L’amendement no 218 est adopté.
La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 521 .
Il s’agit d’un amendement technique visant à modifier la date limite de prise de délibération pour l’application des dispositions favorisant la libération du foncier constructible et la mise sur le marché de logements en zone tendue. Il sera en effet difficile pour les collectivités de décider de l’application ou non des dispositions entre le 2 et le 21 janvier 2015. Afin de laisser tout le temps au débat public, il est proposé de reporter la date butoir d’un mois, au 28 février 2015.
La commission est un peu dubitative sur cet amendement. En effet, l’administration doit émettre des rôles et nous ignorons si un report du 21 janvier au 28 février poserait ou non un problème opérationnel. La commission a donc émis un avis défavorable en l’état et laisse M. le secrétaire d’État répondre à cette question.
Je comprends l’idée qui sous-tend cet amendement, mais celui-ci pose un problème opérationnel – nous avons déjà eu cette discussion hier soir, à l’occasion de l’examen d’un autre amendement. Pour que les rôles puissent être élaborés, il est nécessaire que la teneur de la délibération des collectivités soit connue avant le 21 janvier – date proposée par l’article. En effet, malgré tous les progrès informatiques, la puissance de nos ordinateurs et l’ensemble des fichiers dont nous disposons, la mise en oeuvre de certaines dispositions exige beaucoup plus de temps que ce que l’on peut imaginer ! En revanche, que la liste des terrains concernés soit transmise, elle, un peu plus tard a priori, selon notre administration, pose moins de problèmes.
Pour être rapide et clair – en tout cas rapide, clair je ne sais pas (Sourires) –, je vous propose de m’en remettre à la sagesse de l’Assemblée sur cet amendement, en prévenant que le travail nécessaire avec les services administratifs nous conduira peut-être à modifier cette disposition au cours de la navette. Ma prudence provient, non pas d’une opposition de principe, mais d’une question de faisabilité dans l’établissement des rôles. Avis de sagesse, donc, mais ne soyez pas offensés si le Gouvernement vous propose des modifications ou des ajustements au cours de la navette parlementaire, auxquels vous serez bien entendu libres de réserver le sort que vous voudrez.
Il faut distinguer deux cas de figure. Lorsqu’une faculté de délibération sur un impôt local est donnée pour la première fois à une collectivité locale, il est normal que des délais plus longs soient accordés. Souvenez-vous, quand, il y a deux ans, les nouvelles dispositions relatives à la cotisation minimale au titre de la cotisation foncière des entreprises – la CFE – ont été mises en place, du temps a été donné aux collectivités.
En revanche, en régime de croisière, il est tout à fait normal, afin que les rôles puissent être établis dans les temps, de fixer chaque année une date butoir pour le vote de la délibération, qui doit être la plus proche possible. Mais, je le répète, lorsqu’il s’agit d’une disposition nouvelle, instituée de surcroît par un collectif de fin d’année, il est normal d’accorder des délais plus longs, même si je suis conscient que cela pose un problème aux services fiscaux.
Monsieur le secrétaire d’État, quand les élus locaux que nous sommes reçoivent-ils les états leur permettant de fixer les taux ?
Effectivement ! Nous le recevons théoriquement avant la fin du mois de mars, mais souvent courant avril. Les collectivités qui votent leur budget en décembre se fondent donc sur des recettes estimées à taux inchangé, avant de voter leurs taux en mars. Mais cette situation en conduit beaucoup précisément à ne voter leur budget qu’en mars, voire début avril, car elles veulent être sûres de la recette et voter les taux dans le même temps, ce qui est logique. Sinon, c’est un peu comme si nous votions le budget de l’État en décembre et les taux d’imposition seulement en mars ! Juridiquement possible, cela n’en serait pas moins très bizarre. Pour autant, certaines communes procèdent ainsi mais avouez que du point de vue de la clarté du débat dans les assemblées locales, ce n’est quand même pas optimal !
Pour ce qui est de la proposition qui nous est faite, une réponse négative de vos services, monsieur le secrétaire d’État, m’étonnerait, car il n’y a là rien d’impossible, vu la date à laquelle nous recevons les états. Élu local depuis près de trente ans, je peux attester que nous les recevons de plus en plus tard.
Je remercie le secrétaire d’État de sa réponse et retiens qu’il a donné un accord de principe pour décaler la date butoir. Je souhaiterais donc que nous adoptions cet amendement, tout en ayant bien conscience qu’il faudra probablement lajuster dans le temps de la navette parlementaire, pour régler l’ensemble des questions techniques qu’il soulève.
L’amendement no 521 est adopté.
L’article 16, amendé, est adopté.
Monsieur le secrétaire d’État, en vertu de l’article 244 bis A du code général des impôts, les Français résidant dans les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen voient leurs plus-values immobilières imposées à 19 %, alors que pour les Français établis aux États-Unis ou au Canada, ces plus-values sont imposées à hauteur de 33 %. Depuis des mois, je dénonce cette injustice.
Un certain nombre de contentieux sont en cours devant les juridictions administratives, puisque des non-résidents ont contesté ce taux de 33 % sur le fondement du caractère discriminatoire de cette différence de taux. La Cour administrative d’appel de Paris, le 13 février dernier, et le Conseil d’État, dans un arrêt du 20 octobre dernier, ont tranché dans le sens des redevables. Vous le savez, je défends depuis des mois, dans cet hémicycle, l’idée d’une proposition de loi, dont j’ai repris les principaux éléments sous la forme d’amendements.
Le Conseil d’État a considéré qu’il fallait aligner le taux d’imposition des plus-values immobilières des non-résidents, qu’ils soient établis ou non dans l’Union européenne. Lors de la réunion, le 17 novembre dernier, du groupe de travail sur la fiscalité des Français de l’étranger, que vous avez bien voulu accepter de constituer, à ma demande dans cet hémicycle, vous avez indiqué que cette différenciation de taux posait effectivement problème et que le Gouvernement était disposé à intervenir par le biais d’amendements au projet de loi de finances rectificative.
Nous y sommes. Vous m’avez d’ailleurs confirmé, lors de l’examen du projet de loi de finances, que vous acceptiez de ramener ce taux à 19 %. J’ai déposé un amendement, lequel porte le no 3, visant à taxer de manière uniforme résidents et non-résidents. Je mentionne pour mémoire le sujet connexe, que vous connaissez, de la CSG et de la CRDS, appliquées à ces mêmes plus-values des non-résidents mais aussi à leurs revenus fonciers de source française.
Comme vous le savez, les conclusions de l’avocate générale, Mme Sharpston, laissent entrevoir une condamnation et confirment la position que je défends avec constance dans cet hémicycle, à chaque occasion qui m’est donnée.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que vous puissiez confirmer ce soir, au nom du Gouvernement, que vous entendez bien tenir l’engagement que vous avez pris dans le cadre du groupe de travail, le 17 novembre dernier, et ici même, il y a quelques semaines.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à Mme Rabault, pour soutenir l’amendement no 351 rectifié .
L’amendement no 351 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 393 .
Il s’agit d’un amendement de la commission des finances visant à supprimer l’alinéa 9, c’est-à-dire les dispositions qui valident expressément, afin d’éviter les contentieux, les évaluations de la valeur locative de certains biens, effectuées selon la méthode générale dite « par comparaison » avec un local de référence. Vous le savez, certains locaux de référence avaient disparu, soit qu’ils aient été détruits soit que leur valeur locative n’ait jamais été actualisée.
Monsieur Lefebvre, je n’ai pas bien compris pourquoi vous êtes longuement intervenu sur un article qui ne traite pas du sujet que vous avez abordé. Vous seriez-vous trompé ?
Avant que vous ne répondiez à M. Lefebvre, je vous propose, monsieur le secrétaire d’État, de donner d’abord l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 393 de la commission des finances, que nous a présenté M. de Courson.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement visant à supprimer la validation législative des évaluations par comparaison effectuées avant le 1er janvier 2015. En effet, en l’absence de cette validation, l’État n’est pas en mesure de garantir avec précision l’assiette des impôts directs locaux ainsi que le maintien du niveau actuel des recettes des collectivités territoriales au titre de l’année 2015. Au reste, cette validation est parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J’ajoute que cette mesure est équilibrée car elle ne prive ni les contribuables ni les collectivités de leur droit de recours pour les évaluations à venir.
Comme la rapporteure générale, j’ai soutenu l’amendement de M. de Courson. D’abord, d’une manière générale, nous n’aimons pas trop les validations législatives, que nous étudions donc scrupuleusement. Ensuite, cette validation est fragile, car il faut un motif d’intérêt général impérieux.
Or, de quoi s’agit-il ? Les commissions communales des impôts directs se réunissent chaque année avec un représentant de l’administration fiscale. Il n’est pas rare de découvrir lors d’une de ces réunions qu’un local de référence a disparu, par exemple parce qu’il a été démoli. Or, c’est vraiment le travail de ces commissions de constater qu’un local de référence n’existe plus et de lui en substituer un autre puisqu’elles se réunissent annuellement. Je crains donc que le motif d’intérêt général impérieux et urgent soit difficile à alléguer. Cet amendement rend par anticipation, en quelque sorte, service au Gouvernement.
Puisqu’on risque de se heurter à un problème juridique, je me dois de préciser la position du Gouvernement, pour justifier le motif d’intérêt général que vous mettez en doute. Nous avons sur ce point des avis divergents. La suppression de la validation législative créerait une incertitude juridique pour les évaluations existantes, qui servent de bases d’imposition pour 1,5 à 2 millions de locaux commerciaux, soit 54 % à 71 % de ces locaux, ainsi qu’à une partie des 47 millions de locaux d’habitation.
Cette décision aurait deux conséquences. D’une part, elle contraindrait l’administration à procéder à de nouvelles évaluations, c’est-à-dire à vérifier sur le terrain que les locaux-types utilisés comme terme de comparaison ultime existent toujours et demeurent pertinents ; le cas échéant, à rechercher un autre terme de comparaison – à savoir un local-type qui existait au 1er janvier 1970 ; à défaut de terme de comparaison valable, à procéder à une évaluation par appréciation directe. Sauf à permettre par la loi une évaluation des locaux concernés par référence à un bail existant, l’ensemble des évaluations nouvellement réalisées conduirait à fixer des valeurs locatives établies à la date du 1er janvier 1970 et ne seraient pas nécessairement représentatives du marché locatif actuel.
D’autre part, ces nouvelles valeurs locatives induiraient une évolution, à la hausse ou à la baisse, de l’imposition pour les contribuables et, par suite, un gain ou une perte de produit pour les collectivités territoriales.
En tout état de cause, la charge de travail des services induite par ces travaux de masse est estimée, en se limitant aux seuls locaux commerciaux, à 850 équivalents temps plein pour un an, étant précisé qu’il est trop tard pour les impositions dues au titre de 2015.
Dans ces conditions, le Gouvernement considère que la jurisprudence du Conseil constitutionnel est pleinement respectée. Cette validation, qui s’appliquera sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, est en effet motivée par un triple motif d’intérêt général : prévenir un contentieux potentiellement de masse ; prévenir la perturbation du service public administratif qui résulterait de la mobilisation de 850 ETP à la Direction générale des finances publiques l’an prochain ; prévenir l’évolution des bases des impositions directes locales, dans l’intérêt des contribuables comme des collectivités locales.
Le Conseil constitutionnel, lorsqu’il a été saisi de dispositions de validation destinées à corriger des irrégularités formelles en matière fiscale, a déjà admis ces motifs. Ainsi, dans sa décision no 99-425 DC relative à la loi de finances rectificative pour 1999, il a admis la validation d’avis de mise en recouvrement sur la base, notamment, du motif d’intérêt général résidant dans la « prévention des troubles qu’apporterait à la continuité des services publics fiscaux et juridictionnels concernés, la multiplication de réclamations ». Voilà un certain nombre d’éléments qui seront utiles, si cette décision devait être examinée par le Conseil constitutionnel.
Si l’amendement adopté par la commission des finances n’a pour seul objet que de prévenir un risque juridique, je peux le comprendre. En revanche, j’avoue ne pas bien comprendre depuis le début de ce débat ce qui se passerait s’il était adopté.
En effet, si un local de référence peut être contesté, cela signifie que la valeur locative ne peut être établie, que l’imposition correspondante ne peut être ordonnancée, ni donc in fine l’impôt acquitté.
Je me demande donc si l’adoption de cet amendement n’aurait pas pour conséquence, dès 2015, de priver les collectivités locales concernées de certaines ressources. Je crains que l’absence de validation n’aboutisse à l’avenir, notamment dans toutes les situations recensées où lesdits locaux de référence ont disparu et où il faut donc procéder à une nouvelle évaluation, à une perte de ressources.
Je considère, personnellement, qu’il est prudent pour les ressources des collectivités locales de valider antérieurement, puis de faire en sorte, pour l’établissement des impositions ultérieures – sachant qu’une réforme des valeurs locatives est en cours – de disposer, à partir de 2016, de références.
J’aimerais bien savoir ce qui adviendrait dans l’hypothèse où des contentieux seraient engagés. Si les collectivités locales percevaient des ressources sur la base d’évaluations par la suite contestées, ne risqueraient-elles pas un jour d’être obligées de rembourser ou certains contribuables de devoir payer davantage, tout cela impliquant une masse considérable d’actes administratifs ?
J’ignore comment s’expliquent autant de défaillances au sein des commissions locales et ce qu’il pourra en être à l’avenir. Mais s’il est bien un point sur lequel je suis d’accord avec les auteurs de l’amendement, c’est que tout cela résulte de désordres qui ne devraient pas être.
Il faut rappeler que les commissions communales ne décident pas : l’administration fiscale seule établit l’assiette. Simplement, ces commissions peuvent lui faire des propositions ou lui donner leur avis. Ensuite l’administration décide.
Pour abonder dans le sens des propos de notre collègue Dominique Lefebvre, je trouve étonnant que l’on puisse découvrir un jour que lesdits locaux de référence ont disparu. C’est quand même l’administration fiscale qui pilote tout cela !
Je rappelle que l’établissement de l’assiette, qui échappe aux collectivités locales, est, en droit français, une responsabilité de l’État, un service public soumis aux règles classiques. Si les locaux de référence antérieurs ont disparu, on peut procéder à une évaluation à partir d’autres locaux.
De surcroît, s’agissant des locaux commerciaux et industriels, la réforme en cours s’appliquera à partir de 2016. L’ensemble de ce bloc ne sera donc plus concerné par le changement de méthode qui nous occupe. Ne restera plus que le bloc des locaux d’habitation pour lequel j’espère que nous disposerons enfin, en 2018 ou en 2019, de bases plus représentatives.
L’amendement no 393 n’est pas adopté.
Avant de mettre aux voix l’article 17, je donne la parole est à M. le secrétaire d’État pour répondre à M. Frédéric Lefebvre.
Je vous confirme d’abord, comme vous l’avez rappelé, monsieur Lefebvre, qu’un certain nombre de réunions ont eu lieu au ministère sur le sujet de la fiscalité de nos compatriotes ne résidant pas sur le territoire national. J’ai pu participer à l’une d’entre elles, mon cabinet en ayant organisé d’autres, avec les services. Cela faisait suite à une proposition que j’avais faite après des demandes formulées par plusieurs parlementaires dont vous-même.
Nous avons donc pu travailler sur un certain nombre de sujets. Nous avons abouti sur quelques points, mais pas sur tous. Vous évoquez la question de la CSG-CRDS sur les revenus immobiliers perçus par les Français non-résidents. Une décision de justice doit être rendue prochainement sur le sujet.
Vous invoquez sans cesse l’avis de l’avocate générale, certes important, mais c’est bien l’arrêt définitif qui importe. Je vous ai déjà signifié, à plusieurs reprises, notamment au cours des réunions que je viens d’évoquer, que le Gouvernement n’avait pas l’intention d’anticiper une décision de justice, d’autant que celle-ci, selon nos informations, devrait a priori être rendue dans quelques semaines. Sur le sujet de la CSG-CRDS, le Gouvernement n’entend donc pas légiférer.
Concernant celui de la taxation des plus-values immobilières, là, des décisions de justice ont été rendues qui conduisent le Gouvernement à accepter l’un des amendements qui sera examiné ultérieurement au cours de notre discussion. Ayant cru comprendre, monsieur Lefebvre, que vous ne pourriez être des nôtres lors de son examen, je vous indique dès maintenant qu’il répondra à votre préoccupation, partagée par de nombreux députés et sénateurs qui, comme vous, représentent les Français établis à l’étranger.
C’est lors de l’examen d’un article à venir que nous vous proposerons une solution par le biais de divers amendements – dont d’ailleurs plusieurs identiques – qui répondront, je le crois, à votre préoccupation. Le Gouvernement n’a donc bien qu’une parole : lors des réunions de travail que j’ai évoquées, je vous avais en effet indiqué que ce problème serait réglé lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2015. Des députés ont déposé des amendements, dont certains résolvent le problème que vous soulevez. Le Gouvernement acceptera de régler cette question dans le sens que vous et d’autres parlementaires d’ailleurs souhaitez. J’ignore si cela pourra se faire ce soir. J’ai cru comprendre que nous en traiterions plus vraisemblablement vendredi, en fonction de l’avancement de nos travaux. Comme je suis très bavard, j’espère que ce ne sera pas samedi !
Sourires
Je crois avoir été clair.
L’article 17, amendé, est adopté.
Je suis tout d’abord saisie d’un amendement rédactionnel no 220 de Mme la rapporteure générale.
L’amendement no 220 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 392 .
Cet amendement de la commission des finances traite de l’attribution de compensation dans les intercommunalités et notamment de la règle qui permet de la réviser.
La loi du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires a modifié notamment, dans les communes de plus de 1 000 habitants, le mode d’élection des conseillers communautaires. Si cette règle a renforcé leur légitimité démocratique, son application rend très difficile, aujourd’hui, d’obtenir l’unanimité dans les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.
Cet amendement vise donc à substituer à la règle de l’unanimité celle d’une majorité qualifiée des deux tiers de l’organe délibérant de l’EPCI, couplée à une délibération à la majorité simple de l’ensemble des communes membres de l’EPCI.
La commission des finances a émis un avis favorable. Je rappelle qu’il existe quatre cas de révision des attributions de compensation, récapitulés à la page 262 de mon rapport. Madame Pires Beaune, vous avez eu raison d’indiquer qu’avec l’élection directe des délégués communautaires, des difficultés peuvent apparaître. J’insiste sur le fait que le conseil municipal de chacune des communes membres de l’EPCI devra avoir donné son accord à la révision.
Nous avions pris l’engagement, madame Pires Beaune, de travailler avec vous sur cette question. Je le rappelle d’autant plus facilement que ce sont plutôt les services d’un autre ministère que le mien qui l’ont fait. Quoi qu’il en soit, ce travail a abouti et fait l’objet d’un accord du Gouvernement. Celui-ci est donc favorable à cet amendement, que vous avez parfaitement présenté.
J’ai oublié de préciser que nous nous situions dans le cas de la libre révision de l’attribution de compensation. D’autres amendements, que nous examinerons ultérieurement, concernent les cas dérogatoires. Effectivement, je ne suis pas la seule à avoir travaillé sur ces questions : je pense en particulier à notre collègue Dominique Potier, qui n’est pas là ce soir mais que je souhaite associer à cette initiative.
Je voudrais simplement rappeler qu’il y deux ans, l’Assemblée nationale d’abord, puis le Sénat, ont adopté, à l’unanimité, des dispositions visant à rendre possible la création de nouvelles agglomérations.
Or, aujourd’hui, la création d’une communauté d’agglomération fût-elle votée à l’unanimité, il n’est pas dit que, par la suite, les attributions de compensation dont nous parlons puissent, elles, l’être avec la même ferveur, et ce pour différentes raisons, liées à des tendances politiques, constituées parfois dans certains conseils municipaux en opposition assez dure.
Par conséquent, adopter cet amendement marquerait un geste très fort à l’intention des EPCI qui ont vraiment envie de conduire un travail collectif, en y associant leurs conseils municipaux, et ont l’ambition de devenir des EPCI de progrès et de projet. Avec la nouvelle règle proposée, ces EPCI disposeront d’une possibilité de dialogue et d’efficacité redoublée.
L’amendement no 392 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 221 .
L’amendement no 221 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune pour soutenir l’amendement no 311 .
Si vous le permettez, madame la présidente, dans un souci de simplification, je présenterai en même temps l’amendement no 537 , dont l’exposé sommaire est identique et qui concerne lui aussi le sujet de l’attribution de compensation par un EPCI à ses communes membres.
Mon amendement no 311 vise les cas de fusion ou de modification de périmètre de l’EPCI. Alors qu’il est prévu à l’alinéa 12 de porter le montant de la révision possible de 5 % à 30 %, je suggère de se limiter à 15 %, passer de 5 % à 30 % me paraissant une marche trop haute.
L’amendement no 537 propose, quant à lui, de modifier l’alinéa 7 de l’article 1609 nonies C du code général des impôts relatif aux attributions de compensation. Il s’agit d’étendre le dispositif prévu par cet alinéa à tous les EPCI à fiscalité professionnelle unique, au lieu qu’il soit réservé aux seuls EPCI ayant adopté, depuis le 1er janvier 2010, un régime de taxe professionnelle unique.
Vous avez donc défendu également votre amendement no 537 , madame Pires Beaune.
Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
L’amendement no 311 est adopté.
À l’époque, monsieur le secrétaire d’État, être soumis au régime de la TPU avait un réel intérêt pour une communauté de communes ou tout autre type d’EPCI. Aujourd’hui, avec ce qui est proposé, tous les EPCI seront traités de la même façon. Je trouve un peu dommage que l’on gomme ainsi les avantages des EPCI qui avaient choisi le régime de la TPU.
L’amendement no 537 est adopté.
Je vous entends dire, madame Dalloz, que je ne vous réponds jamais. C’est pour ne pas être désagréable que je ne vous avais pas répondu, mais vos remarques n’ont rien à voir avec les deux amendements qui viennent d’être adoptés.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement no 339 .
Cet amendement concerne la collecte et le traitement des ordures ménagères et leur financement dans un cas très particulier qui est celui des communautés d’agglomération issues d’un syndicat d’agglomération nouvelle.
Dans le dispositif général, il y a trois éléments : la compétence collecte et la compétence traitement peuvent être dissociées, le financement de la compétence est lié à la collecte, et, là où il y a une redevance, il ne peut y avoir en même temps une taxe, probablement pour des questions de simplicité et d’égalité.
Dans le cas des SAN ou des communautés d’agglomération issues de SAN, préalablement à leur transformation en communautés d’agglomération, il y avait des services communs, l’ensemble des fonctions avaient été mutualisées, les communes ayant les deux compétences de la collecte et du traitement. Certaines communes avaient institué la taxe, d’autres la redevance, avec les conséquences que l’on sait. Ce n’est pas la même répartition entre les contribuables, et, dans un cas, cela figure en bas de la feuille d’impôt, dans l’autre, il y a une facture.
Actuellement, la compétence traitement, qui représente 50 % du coût total, et la compétence collecte sont dissociées, notamment parce que l’on n’arrive pas à régler la remontée au niveau communautaire de la compétence collecte avec un seul outil de financement.
Jusqu’à présent, on a toujours mis en avant la simplification et le principe d’égalité, en s’appuyant notamment sur des décisions de tribunaux administratifs. C’est la raison pour laquelle j’ai présenté un amendement spécifiquement ciblé sur ce cas, même si je sais pour avoir lu des réponses ministérielles à des questions que le problème peut se poser.
Simplifier, c’est faire remonter la compétence au niveau communautaire. Pour ce qui est du principe d’égalité, je rappelle que, lorsqu’il y a une taxe, on peut mettre en place des zones de service différenciées, ce qui est le cas à Cergy-Pontoise notamment, et avoir des taux différents. Aujourd’hui, si l’on s’en tient au principe juridique strict, l’égalité des usagers n’est pas respectée puisque 50 % du coût est réparti différemment suivant les communes selon qu’elles ont adopté le principe d’une taxe ou celui d’une redevance.
Je suis prêt à accepter une modification de mon amendement au cours de la navette pour préciser qu’il faut respecter des zones de service différentes, qui donnent lieu à des coûts différents, mais la solution que je propose permettrait de faire remonter la compétence. Je ne crois pas que cela irait totalement à l’encontre du principe d’égalité devant les charges puisqu’il s’agirait de cas spécifiques, et cela serait utile pour aller vers ce qui me semble nécessaire, le fait que l’ensemble de la compétence soit traitée au niveau intercommunal.
En résumé, il s’agit de faire coexister sur une communauté d’agglomération issue d’un SAN un financement par la taxe et un autre par la redevance lorsque les communes transfèrent la compétence de la collecte des ordures ménagères au niveau intercommunal.
Vous l’avez dit, cela déroge quelque peu au principe d’égalité, vous l’avez parfaitement dit, mais votre amendement est bien encadré et favorise la remontée d’une compétence vers la communauté d’agglomération. C’est pour cette raison que la commission y est favorable.
Le Gouvernement n’a pas d’opposition de principe sur l’idée. Il est donc favorable à cet amendement mais se réserve le droit d’y apporter quelques corrections pour qu’il soit plus sûrement applicable.
Pourquoi, et le Gouvernement pourra réfléchir à cette question lors de la lecture au Sénat ou lors de la navette, ne pas ouvrir la possibilité offerte aux communautés d’agglomération par l’amendement de M. Lefebvre à l’ensemble des EPCI ?
L’intercommunalité évolue actuellement, et l’une des compétences à intégrer, c’est la collecte et le traitement des ordures ménagères. Or ils ont des coûts différents, avec des prestataires de services différents, d’une commune à l’autre. Il faut donc attendre la fin des contrats d’affermage pour retraiter les marchés sur le nouveau périmètre de l’EPCI. Or l’intérêt manifeste, c’est d’intégrer la collecte et le traitement sur le nouveau territoire.
L’amendement de M. Lefebvre nous permettrait peut-être d’avancer, y compris en milieu rural, dans la mutualisation de moyens, avec, à terme, des coûts mieux maîtrisés et une vraie concurrence dans les appels d’offres. Tout le monde serait gagnant.
L’amendement no 339 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 222 .
L’amendement no 222 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 18, amendé, est adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement no 194 .
La redevance due pour l’usage « alimentation en eau potable » a fait l’objet de nombreux débats. Le Gouvernement nous propose de repousser d’un an l’entrée en vigueur de la majoration. Je vous propose de la repousser encore davantage.
Si on la repousse d’un an, vous serez en contradiction avec les déclarations du Président de la République, parce que c’est une nouvelle taxe qui sera mise en oeuvre à compter de 2015.
Et puis, cette redevance, c’est en fait un impôt. Il y a dissimulation de la réalité. Ce n’est pas une redevance pour rémunération de service rendu.
Voilà quelques éléments, mes chers collègues, pour vous inciter à faire preuve de prudence et à repousser l’entrée en vigueur de cette majoration.
Défavorable. Ce n’est pas un impôt, monsieur de Courson, c’est bien une redevance pour sanctionner les communes qui n’auraient pas rempli un certain nombre d’obligations.
C’est une disposition qui incite les collectivités à établir un diagnostic et à faire en sorte d’améliorer le rendement de leur réseau d’eau. Il n’y a pas de hausse d’impôt, au contraire. Si l’on repousse d’un an l’entrée en vigueur de la majoration, cette taxe ne sera pas acquittée pendant au moins un an encore alors qu’elle aurait dû l’être.
Vous proposez de la repousser de quatre ans supplémentaires, mais on perdrait alors tout effet incitatif. L’objet même de cette contribution est d’inciter à économiser l’eau pour quantité de raisons, notamment environnementales, sur lesquelles je ne reviendrai pas à ce stade.
Le Gouvernement est donc farouchement opposé à votre amendement, monsieur le député.
Monsieur le secrétaire d’État, confirmez-vous ou infirmez-vous la thèse de notre rapporteure générale selon laquelle il s’agit d’une redevance et non pas d’une imposition de toute nature ? Pour moi, ce n’est pas une redevance puisqu’une redevance est la contrepartie d’un service rendu. Il n’y a pas de service rendu en la matière. C’est donc bien une imposition de toute nature.
Nous avons eu ce problème pendant vingt-cinq ans pour ce qu’on appelait la redevance des eaux jusqu’à ce qu’une décision du Conseil constitutionnel, alors que nous le savions depuis des années, fasse tout tomber. Nous avons alors légiféré en catastrophe pour donner à ce qu’on appelait des redevances, qui alimentaient les agences de l’eau, le statut d’imposition de toute nature. Heureusement que la QPC n’existait pas encore parce que je ne sais pas si vous voyez quelle catastrophe cela aurait été si une telle QPC avait eu pour conséquence de faire tomber 3 à 4 milliards de recettes des agences de l’eau.
Ne recommençons donc pas le débat que nous avons eu pendant dix ans. C’est dommage que M. Emmanuelli ne soit pas là parce que nous avions exactement la même analyse à l’époque, et il a fallu régulariser la situation en catastrophe.
Appelons donc ce qui est une imposition de toute nature une imposition de toute nature et redevance ce qui est une redevance, mais là, il n’y a aucune contrepartie en termes de service rendu.
Est-ce une fausse redevance et une vraie imposition de toute nature ou l’inverse, monsieur le secrétaire d’État ? Confirmez-vous ou infirmez-vous la thèse de Mme la rapporteure générale ?
Je veux bien que nous soyons soumis à un interrogatoire toutes les cinq minutes sur tous les sujets. Je crois avoir montré, et je continuerai à le faire, ma volonté de n’éluder aucun débat et d’essayer de répondre précisément à toutes les questions mais, si, à chaque fois que nous abordons un sujet, nous sommes obligés de revenir à l’historique, à la sémantique…
Vous pouvez poser la question, monsieur de Courson, mais, pour l’amendement, cela n’a aucune influence. Pour reporter d’un an ou pas, que ce soit une redevance ou un impôt, cela ne change rien. Cela dit, mettons fin à cet épisode, c’est un impôt.
L’amendement no 194 n’est pas adopté.
L’article 19 est adopté.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 224 .
L’amendement no 224 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 20, amendé, est adopté.
Nous poursuivons l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 20 que nous avions commencé hier soir.
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l’amendement no 300 .
Cet amendement concerne la situation des casinos.
Il y en a 198 dans notre pays, 25 % d’entre eux sont déficitaires puisque, depuis sept ou huit ans, le produit de leurs jeux est en baisse sensible, pour différentes causes, notamment une nette augmentation des jeux en ligne.
Seuls 14 % des casinos ont un produit brut des jeux supérieur à 5 millions d’euros. Cet amendement technique vise à simplifier et à moduler les tranches des taux de barème du prélèvement progressif. Il faut en effet simplifier la fiscalité des casinos, car trop de mesures se sont empilées depuis l’origine des établissements, sans pour autant obérer les finances publiques, mais en accroissant la progressivité des prélèvements – plus les recettes seront élevées, plus elles seront taxées.
À cet effet, nous proposons de moduler les taux et les tranches du barème du prélèvement progressif sur le produit des jeux dans les casinos, de manière à alléger la charge fiscale des casinos de petite taille, tout en finançant une partie de cet allégement sur les tranches supérieures du barème, les casinos de plus grande taille. Il faut également considérer l’importance des coûts salariaux liés à l’exploitation des jeux, dans une filière qui compte environ 18 000 emplois. Dans les plus petits casinos des stations balnéaires ou thermales, la moyenne des emplois est de l’ordre d’une trentaine.
Nous proposons également de simplifier le dispositif d’abattement supplémentaire pour manifestations artistiques de qualité – vous savez que les casinos participent à l’animation des territoires sur lesquels ils sont implantés – afin de neutraliser l’impact budgétaire de la refonte du barème progressif et d’éviter ainsi une augmentation du coût du dispositif pour l’État et les collectivités locales. Cela permettra de rendre le dispositif plus équitable en accordant un taux de remboursement identique pour l’ensemble des casinos.
Cette réforme contribuerait à renforcer globalement la progressivité des prélèvements, en faveur des petits établissements de jeux, et à simplifier le régime fiscal des casinos. Elle permettrait aussi de tenir compte de leur environnement économique et de leur capacité contributive actuels.
Lors de l’examen de cet amendement au titre de l’article 88, la commission n’avait pas souhaité le retenir, faute de simulations permettant d’en apprécier la portée. Nous avons reçu depuis l’ensemble des simulations réalisées pour tous les casinos et, sur la base de ces données, j’émets à titre personnel un avis favorable sur l’amendement. S’agissant des communes, la refonte du barème aurait un impact positif ou neutre pour environ 90 % d’entre elles ; quelques-unes seraient pénalisées d’un montant inférieur à 1 000 euros. La suppression du prélèvement à employer – PAE – aurait un impact moins négligeable, mais il ne représente pas une recette pour les collectivités, c’est une modalité contrainte d’utilisation de la trésorerie du casino. Le prélèvement communal qui représente globalement pour les communes une recette trois fois moins importante que la fraction du prélèvement progressif qu’elles perçoivent est maintenu, de même que les autres contributions
Ceux que vous appelez les petits casinos, qui ont moins de 5 millions d’euros de produit brut des jeux et dont les charges sont les plus rigides, sont les plus touchés puisque 42 % d’entre eux sont déficitaires aujourd’hui. Cette dégradation économique impacte les finances publiques dans leur ensemble. En effet, le rendement de la fiscalité d’État sur les casinos était de 734 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2014 ; il a été abaissé à 701 millions d’euros au collectif d’été et passera sans doute à 678 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015. L’amendement que vous proposez va donc dans le bon sens, même s’il va coûter un peu d’argent à l’État, mais sans doute que M. le ministre nous précisera ce point.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui établit une répartition plus cohérente et plus équilibrée, pour tenir compte de la situation économique du secteur. Je crois qu’il y a actuellement 198 casinos dans ce pays.
Peut-être 199 depuis hier. J’espère que personne n’a été mis en redressement ou en liquidation entre-temps…
Sourires.
Monsieur Dufau, vous avez parfaitement présenté et développé votre amendement, mais j’ai une réserve qui me fait dire qu’il risque d’y avoir un tout petit aménagement au cours de la navette. La législation sur les casinos présente un point curieux. Il faut savoir tout d’abord que la fiscalité n’est pas la même sur les tables de jeu et sur les machines à sous. Elle est plus légère sur les premières, ce qui est logique puisqu’il y a pour elles des frais de personnels.
Ensuite, il existe deux sortes de machines : les machines où le jeu relève du pur hasard – la machine à sous classique – et celles sur lesquelles il est possible de jouer à la roulette, au poker ou au 21 – dans ce cas, le joueur se bat contre la machine au lieu d’affronter un croupier ou la banque. La fiscalité est différente sur ces deux types d’appareil. Pour les machines proposant un jeu interactif, elle est alignée sur celle des tables. Les syndicats du secteur sont venus me voir en me disant que cela n’était pas normal, d’autant que le nombre de machines à sous est, légalement, afin de préserver l’emploi, proportionnellement lié au nombre de tables du casino.
Le système est globalement bien conçu, à l’exception de cette anomalie sur la fiscalité des machines à sous classiques par rapport à celle des tables. En lien avec le ministère de l’intérieur, nous envisageons de corriger, peut-être, ce qui nous semble être une anomalie. Il faut préserver l’emploi dans ce secteur. En effet, quel que soit le jugement de moralité que l’on puisse porter sur celui-ci, il participe de fait à l’aménagement du territoire et à l’activité. Voilà peut-être une modification que je me permettrai de proposer pendant la navette. Cela étant dit, je lève le gage.
L’amendement no 300 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
Je relève que l’amendement est adopté à l’unanimité.
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement no 389 .
Monsieur le ministre, après les casinos et les jeux, nous revenons à la construction de logements en zone tendue… Une disposition spécifique avait été prise en loi de finances pour 2013 pour les syndicats d’agglomération nouvelle transformés en communautés d’agglomération, en l’occurrence Cergy-Pontoise et Évry, afin d’alléger les critères de participation à la montée en régime du Fonds de péréquation des recettes intercommunales, le FPIC, parce que ces deux anciennes villes nouvelles, transformées en communautés d’agglomération, avaient encore des programmes de logements importants. Paradoxalement, le syndicat d’agglomération nouvelle du secteur IV de Marne-la-Vallée, qui n’est pas encore transformé en communauté d’agglomération, n’avait pas été intégré au dispositif. Or, il existe dans ce SAN un programme de plusieurs milliers de logements en zone tendue.
L’amendement vise à permettre le financement des équipements collectifs, notamment des écoles, rendus nécessaires par ce programme ; sans quoi, les élus du secteur concerné, qui relève, je le souligne, d’une opération d’intérêt national, ne seront pas en mesure de financer les équipements qui accompagneront ces milliers de logements.
Monsieur Carrez, vous proposez d’étendre la pondération par un coefficient du potentiel fiscal agrégé prévu pour les ensembles intercommunaux composés d’une communauté d’agglomération issue de la transformation d’un SAN, aux SAN existants.
Le fonds de péréquation des recettes intercommunales, plus connu sous le nom de FPIC, étant un dispositif à enveloppe fermée, toute diminution du prélèvement des uns entraîne une majoration de celui des autres. Rien ne se perd, rien ne se crée… Les SAN existants sont contributeurs nets à hauteur de 17,5 millions d’euros. Toutes choses égales par ailleurs, avec votre amendement, ces SAN verraient leur contribution nette diminuer de 14 millions d’euros.
Cette baisse de contribution nette devra nécessairement être compensée par les autres EPCI. Si les SAN sont contributeurs nets au FPIC, c’est parce qu’ils ont un potentiel financier agrégé moyen par habitant de 1 271 euros, alors que le PFIA moyen national ne dépasse pas 672 euros. Par ailleurs, les SAN ont un revenu moyen par habitant relativement proche de la moyenne nationale, autour de 13 500 euros. Compte tenu de ces éléments et par souci de solidarité, il ne nous semble pas qu’il y ait lieu d’adopter votre amendement. Le Gouvernement y est donc défavorable.
Je tiens à repréciser un point, car il me semble que la fiche du ministre n’est pas exacte. Le dispositif, monsieur le ministre, est limité aux opérations d’intérêt national. Or, les chiffres que vous donnez prennent en compte le SAN Ouest Provence, comprenant notamment, autour de l’étang de Berre, Istres, Fos-sur-Mer et Miramas, qui dispose de ressources considérables, mais qui n’est plus classé en opération d’intérêt national. Vos chiffres ne sont donc pas exacts, monsieur le ministre. Comme je l’ai dit, il s’agit exclusivement, dans mon amendement, du SAN du secteur IV de Marne-la-Vallée, en zone tendue, où un programme de plusieurs milliers de logements, soutenu par l’État, puisqu’il est classé en opération d’intérêt national, est nécessaire. Or, ce programme ne pourra pas être réalisé sans la pondération que je propose, car les équipements ne pourront pas être financés.
C’est en fait toute l’histoire du FPIC qui est désormais remise en cause en France. Le problème qui se pose, c’est celui de la rapidité nécessaire pour s’adapter à des prélèvements qui vont croissant. Aujourd’hui, avec le FPIC, nous assistons à une accélération du prélèvement à un moment où la crise est très profonde et où le chômage touche toutes les catégories sociales. C’est pourquoi le Gouvernement doit réfléchir à un moratoire sur ces prélèvements.
Nous ne pouvons pas continuer de cette manière, parce que nous sommes en train de forcer les collectivités territoriales à matraquer leurs contribuables, au profit certes de communes ou de SAN plus pauvres. Il est urgent de lever le pied.
Le Gouvernement n’avait pas bien lu votre amendement, monsieur Carrez, et il reconnaît volontiers que la précision concernant les opérations d’intérêt national lui avait échappé. De fait, le SAN Ouest Provence, qui vient fausser les statistiques et les chiffres que j’ai donnés tout à l’heure, est exclu du dispositif. Il n’en demeure pas moins que les mouvements à l’intérieur du FPIC coûteraient 4 ou 5 millions d’euros et que le PFIA des SAN est important.
Par ailleurs, je ne vois pas l’intérêt de traiter les SAN relevant d’une opération d’intérêt national différemment de ceux qui n’en relèvent pas.
Pour cette question de péréquation, le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement no 389 n’est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 376 .
Deux départements concentrent actuellement plus de 55 % des 52 millions de mètres carrés de bureaux en Île-de-France : il s’agit de Paris et des Hauts-de-Seine. La construction neuve a tendance à se concentrer de plus en plus dans ces deux départements. Sur les 2,5 millions de mètres carrés de bureaux neufs ayant reçu l’agrément de l’État en 2012 et 2013, les Hauts-de-Seine représentaient 42 % des surfaces, Paris 25 % et les six autres départements d’Île-de-France seulement 23 %. Cette concentration de l’emploi dans l’ouest et le centre de la région parisienne va à l’encontre du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, dont le rééquilibrage habitat-emploi entre l’est et l’ouest de la région et la relance de la construction de logements figurent parmi les principaux objectifs.
Il est admis depuis plusieurs années que la création d’une aide aux maires bâtisseurs est indispensable pour relancer la construction de logements, et l’instauration d’une telle aide a été annoncée à plusieurs reprises par le Premier ministre durant les dernières semaines. Pour abonder cette fameuse aide, nous proposons la création d’une taxe sur les bureaux vacants spécifique aux territoires d’Île-de-France caractérisés par une offre excessive de bureaux. Son produit pourrait être affecté au comité régional de l’habitat et de l’hébergement d’Île-de-France.
Cet amendement vise à appliquer aux bureaux ou aux « locaux à usages professionnels » la taxe qui pourrait exister sur les logements vacants. Or l’immobilier professionnel connaît, par nature, une rotation plus importante que l’immobilier à usage d’habitation. Dans ce cadre, comment peut-on apprécier précisément le critère de vacance ? Enfin, on sait bien que la reconversion de bureaux en logements nécessite des travaux qui peuvent être coûteux : il conviendrait de soumettre ces locaux à une fiscalité plus favorable plutôt que de leur appliquer une nouvelle taxe. Pour ces trois raisons, la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, puisque la taxe qu’il propose d’instituer se superposerait à une taxe existante. La taxe sur les bureaux, qui s’applique aux bureaux et aux locaux d’activité d’Île-de-France même lorsqu’ils sont vacants, a été significativement augmentée depuis 2011 afin de financer la société du Grand Paris. Il n’y a donc pas lieu d’ajouter une taxe supplémentaire. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je souhaite citer quelques chiffres. La taxe sur les bureaux évoquée par le secrétaire d’État générait 450 millions d’euros de recettes fiscales en 2012 ; or son produit fiscal sera de 690 millions d’euros en 2015. Elle était déductible de l’impôt sur les sociétés ; elle ne l’est plus, puisque l’article 14 de ce collectif supprime sa déductibilité du résultat des entreprises, ce qui représente un coût moyen annuel de 185 millions d’euros pour les entreprises.
À ces presque 300 millions d’euros d’augmentation de la taxe sur les bureaux depuis 2012 s’ajoutent donc les 185 millions correspondant au coût de sa non-déductibilité, mais aussi les augmentations successives du versement transport, de même que la taxe sur les parkings et la surtaxe sur le foncier non-bâti votées il y a quinze jours à peine dans le cadre de l’examen des articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2015. Ainsi, les entreprises franciliennes subissent une augmentation des taxes spécifiques d’un milliard d’euros, sans compter la hausse de la fiscalité nationale ou locale – je pense en particulier à la taxe professionnelle et à la contribution économique territoriale. Ce milliard d’euros de taxes supplémentaires pour les entreprises franciliennes sert uniquement à financer les transports, tant en investissement qu’en exploitation. Ce montant devient absolument colossal ! Il ne faut donc pas s’étonner que quelques chefs d’entreprise montrent aujourd’hui des signes de mauvaise humeur.
Il faut ajouter l’augmentation du versement transport liée à l’instauration du pass Navigo unique !
Monsieur Carrez, vous me faites penser à M. Dassault lorsqu’il intervient pour nous faire pleurer sur le sort des multinationales.
Je vous propose de faire l’inventaire des bureaux vacants en Île-de-France et plus particulièrement à Paris – ce document existera sans doute bientôt. Qui sont les propriétaires de ces bureaux vacants ? Je pense que nous n’aurions pas beaucoup de surprises : nous découvririons que ce sont, pour l’essentiel, des banques ou des multinationales. Il serait extrêmement intéressant d’inscrire en regard du nom de ces propriétaires le montant des dividendes qu’ils versent aux actionnaires. Il n’y aurait pas besoin d’un mouchoir pour essuyer les larmes de ceux qui sont dans la misère ; en revanche, nous pourrions remuer le mouchoir pour montrer à quel point la situation est scandaleuse.
L’amendement no 376 n’est pas adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 377 .
Au risque de me répéter, la pénurie de logements est très importante en Île-de-France, alors que le nombre de logements vacants est absolument considérable. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter lors de l’examen des derniers projets de loi relatifs au logement.
Plusieurs dizaines de milliers de logements sont assujettis à la taxe sur les logements vacants, la TLV, instituée dans les zones tendues. Le montant de cette taxe a été augmenté par la loi de finances rectificative d’août 2012 mais reste fixé à un niveau beaucoup trop faible en Île-de-France – trop faible, en tout cas, pour inciter les propriétaires à mettre leur bien en vente ou en location afin d’en permettre l’usage comme résidence principale.
Par ailleurs, le niveau de construction de logements est très faible en Île-de-France ; il est très nettement inférieur aux objectifs programmés par le SDRIF, lequel prévoit 70 000 nouveaux logements par an.
Nous proposons d’instaurer une taxe additionnelle, dont le produit fiscal permettrait d’attribuer aux communes cette aide aux maires bâtisseurs, que l’exécutif appelle de ses voeux, tout en incitant les propriétaires de logements vacants à les remettre sur le marché.
Défavorable. Comme vous l’avez rappelé, monsieur Chassaigne, la taxe sur les logements vacants a déjà été augmentée dans le cadre de la loi de finances rectificative d’août 2012. La commission a souhaité maintenir cette taxe à son niveau actuel.
L’aide est tellement incitative que la question des familles vivant dans la rue à Paris n’est pas réglée ! La question de la vacance de milliers de logements n’est pas réglée non plus. Si l’on considère qu’il est normal, dans cette société, que des logements restent vacants alors que des centaines de familles sont à la rue, alors on peut continuer comme cela. Je crois qu’il s’agit véritablement d’un problème de civilisation.
Hier matin, lors d’une question orale sans débat – un exercice qui permet le débat, comme chacun sait –, j’ai interpellé le Gouvernement sur la question du logement en région parisienne et des obligations qui nous sont faites en la matière. Il faut savoir, monsieur Chassaigne, qu’il existe des dizaines de milliers de logements sociaux vacants en périphérie de la région parisienne. Si notre politique d’aménagement du territoire permettait aux entreprises de s’implanter où se trouvent les logements, ce serait beaucoup plus facile. Or la construction de 70 000 logements par an en Île-de-France aboutira, en vingt ans, à la livraison de 1,4 million de nouveaux logements et donc à l’installation de 5 millions de personnes supplémentaires. On est en train de « thromboser » la région parisienne, où plus personne ne pourra circuler.
Monsieur Chassaigne, c’est une politique de gribouille que vous proposez. Il est urgent de retrouver une véritable politique d’aménagement du territoire et d’inciter les populations à s’installer où se trouvent les logements vacants, par le biais d’aides aux entreprises.
Je m’étonne qu’une personne aussi attachée à la langue française, qui intervient souvent afin de préserver la qualité de notre langue, ne soit pas à même de lire ou de comprendre ce que je viens d’expliquer. Dans ce cas précis, il ne s’agit pas de construire des logements dans l’enceinte de Paris, mais tout simplement de pénaliser la vacance de logements.
Je ne sais pas si c’est une politique de gribouille que d’envisager que des familles à la rue puissent disposer d’un logement ! La politique de gribouille serait plutôt d’accepter ce type d’inégalité et ce scandale de notre société actuelle !
L’amendement no 377 n’est pas adopté.
Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous parliez de justice dans la taxation des jeux. Il n’y a pas qu’entre les bandits manchots et la roulette du casino que des inégalités doivent être corrigées.
Lorsque la loi du 12 mai 2010 a ouvert la possibilité de parier en ligne sur les jeux hippiques, nous avons demandé et obtenu la création d’une redevance au profit des collectivités ayant des hippodromes sur leur territoire, à l’instar de ce qui était prévu pour les casinos. Dans certaines collectivités, en effet, des centaines d’hectares en zone ND sont dédiés aux hippodromes, mais les communes concernées ne percevaient pas de juste rétribution. Nous avons donc fait voter un amendement qui a bien fonctionné : de très nombreuses communes nous en ont remerciés.
Cependant, une commune sur le territoire duquel est situé un hippodrome n’a pas joué le jeu. Un amendement adopté à l’initiative de M. Charasse a alors affecté le produit de cette redevance aux EPCI – communautés de communes ou communautés d’agglomération –, et non plus aux communes. En voulant résoudre un problème, cet amendement a pénalisé 90 %, si ce n’est 99 %, des autres communes concernées.
C’est pourquoi j’ai déposé cet amendement no 153 , que votre prédécesseur avait approuvé en 2012, monsieur le secrétaire d’État. Le rapporteur général – c’était vous, à l’époque – avait émis un avis défavorable. Cet amendement vise à affecter la redevance aux EPCI, lorsqu’ils existent, mais aussi aux communes propriétaires des hippodromes ou faisant un effort en faveur des investissements pour une activité qui est une industrie verte, pourvoyeuse de très nombreux emplois et très écologique. Je propose donc d’amender légèrement la législation actuelle, monsieur le secrétaire d’État.
Cet amendement a été repoussé par la commission puisque le prélèvement, créé en 2010 au profit des communes – M. Myard l’a rappelé –, a été réaffecté aux EPCI en 2013.
Les hippodromes occupent des emprises relativement larges et sont généralement situés sur les territoires de plusieurs communes, ce qui justifie l’affectation du produit de la redevance aux EPCI et non aux communes. Ce n’est peut-être pas le cas chez vous, monsieur Myard, mais cette situation est quand même assez fréquente.
Je me souviens de cet épisode, monsieur Myard. Il avait déchaîné beaucoup de passion. Nous avons d’ailleurs failli revivre cela lorsqu’il fut question, je crois, des casinos.
Le Gouvernement n’entend pas modifier la législation actuelle. Il s’en remet à la possibilité pour les communes de procéder par voie conventionnelle à une répartition qui leur convienne, comme le permet la loi.
La diversité des situations entre les communes – qu’elles résistent toutes seules contre les autres, ou le contraire – ne permet pas, à mon sens, au législateur d’aller plus loin ; il indique que l’EPCI prend sa part et les communes le reste, la répartition pouvant se faire aujourd’hui par voie conventionnelle entre les collectivités. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à votre amendement.
Cette affaire est vraiment marquée par une inéquité totale. Je me permets, monsieur le secrétaire d’État, de vous dire que j’avais vu votre prédécesseur pour lui en parler, et chacun était bien conscient qu’il y avait là quelque chose qui n’allait pas.
Prenons l’exemple de ma commune, qui a un hippodrome. Elle a procédé à une expropriation pour le sauver, il y a vingt ans. Nous l’avons racheté parce que la société Cora voulait y construire un hypermarché. Nous l’avons donc sauvé, et nous avons fait des travaux considérables. Personne ne nous a jamais aidés pour cet hippodrome, d’une superficie de 30 hectares et situé en plein milieu de ma commune. Alors que nous en sommes propriétaires, qu’il est au coeur de ma commune et que nous avons fait tous les travaux, les 150 000 euros qui devaient nous revenir partent à l’intercommunalité ! Je pense qu’il faut simplement ajuster cette règle pour que la répartition du produit de ce prélèvement soit normale et équitable. Aucune raison ne justifie, dans le cas cité, qu’une intercommunalité perçoive ce produit.
C’est très simple, il faut juste ajouter un petit mot au texte en vigueur, et c’est précisément l’objet de cet amendement. Adoptons-le et tout le monde sera satisfait. J’insiste sur ce point parce que nous sommes le seul hippodrome du département du Nord. Nous avons tout fait pour sauver cet hippodrome, nous avons dépensé des sommes importantes. Vraiment, je n’arrive pas à comprendre. J’étais allé voir votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d’État, et son directeur de cabinet : tout le monde était d’accord. Je pense qu’il faut rectifier ce qui avait été mal rédigé. Je le dis courtoisement, gentiment, mais il y a un problème qu’il faut aujourd’hui régler.
J’ai eu grand plaisir, monsieur le secrétaire d’État, à vous entendre dire que la loi de 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et la régulation des jeux en ligne vous convenait, puisque vous avez finalement déclaré que vous ne souhaitiez pas y toucher. Dieu sait pourtant combien le débat fut vif et comme les critiques de l’opposition de l’époque étaient nombreuses ! Vraiment, je me réjouis d’apprendre que, finalement, cette loi convient.
Je parlais de la répartition, monsieur Lamour ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit !
Nous avions eu un très large débat, effectivement, sur l’affectation des taxes, en particulier pour les communes accueillant un hippodrome. Dans le cadre des auditions que j’avais menées en tant que rapporteur du projet de loi, nous nous étions aperçus, finalement, que diverses dispositions permettaient à des communes ou à des intercommunalités de bénéficier des retombées de l’hippodrome. Certaines communes se plaignaient d’ailleurs elles-mêmes d’avoir dû supporter pendant de très nombreuses années – c’est le cas de notre collègue – les frais relatifs à l’aménagement et à l’entretien de l’hippodrome. Il avait effectivement fallu trouver a posteriori un dispositif permettant de régler un certain nombre de ces problèmes pour que le produit de cette fiscalité soit réparti de manière homogène et équitable. Imposer que le produit du prélèvement soit versé aux EPCI serait faire fi des efforts consentis directement par un certain nombre de communes, seules.
Dans ce domaine, monsieur le secrétaire d’État, ce qui est intéressant, c’est la souplesse et, surtout – vous l’avez dit vous-même, d’ailleurs –, la possibilité pour les communes de déterminer par convention la répartition du produit de cette taxe, importante à la fois pour le fonctionnement des hippodromes et le rayonnement des communes concernées.
En règle générale, la loi sert à régler la plupart des cas. Je ne suis absolument pas d’accord avec vous, madame la rapporteure générale. Ce que vous avez dit, c’est l’exception, car, en règle générale, les hippodromes sont situés sur une seule commune. On ne peut pas légiférer pour des exceptions, ce qui est pourtant ce que fait la loi aujourd’hui. Il y a quelques cas, effectivement, d’hippodromes s’étendant sur plusieurs communes, auquel cas le versement à l’EPCI peut se justifier. Pour la ville de Paris, ce n’est pas tout à fait fortuit, parce que cela peut tomber, ensuite, dans l’escarcelle de la métropole. C’est loin d’être négligeable pour la ville de Paris.
Il me semble, en l’occurrence, qu’il serait utile que le produit du prélèvement revienne aux communes. Vous parlez du conventionnement, monsieur le secrétaire d’État, mais, on le sait très bien, c’est parfois dur, et ce, quelle que soit la couleur politique. Il y a des grippe-sous partout ! Ils sont à l’aune de Bercy, dirai-je.
Ce qu’il faut, Jean-François Lamour l’a dit très justement, c’est de la souplesse, et pas de rigidité ni de dogmatisme.
L’amendement no 153 est adopté.
Je suis saisie d’un amendement no 119 rectifié de la commission des affaires économiques, qui fait l’objet de trois sous-amendements du Gouvernement, nos 575, 576 et 577 rectifié.
La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement.
Comme vous le savez, la loi ALUR a créé les opérations de requalification des copropriétés dégradées, les ORCOD.
Par cet amendement, la commission des affaires économiques propose d’exonérer ces opérations d’un certain nombre de taxes locales, ce qui favoriserait leur réalisation.
Bien entendu, il est aussi proposé que cette exonération ne soit valable que si les collectivités territoriales ne s’y opposent pas. Je crois que c’est de bonne méthode. On décrète beaucoup, ici, d’exonérations de fiscalité locale, mais il faut permettre aux collectivités qui vont, d’une manière ou d’une autre, les subir de s’y opposer.
Cet amendement vise dont à favoriser les ORCOD et leur accorder un avantage fiscal.
Les trois sous-amendements du Gouvernement, nos 575, 576 et 577 rectifié, peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour les soutenir.
Je vais essayer de faire court. En gros, il est question dans cet amendement de dispositions qui existent déjà. Cela ne coûte donc a priori rien. Qu’est-ce que cela apporte donc ? Cela sécurise notamment, en l’inscrivant dans la loi, l’exonération de taxe foncière, qui était accordée plutôt par voie d’instruction fiscale que par voie légale. Le Gouvernement pourrait donc être favorable à cet amendement, sous réserve de l’adoption des trois sous-amendement suivants.
Le sous-amendement no 576 a pour objet de retirer aux collectivités la possibilité de revenir sur l’exonération de droits de mutation à titre onéreux. En effet, une telle possibilité serait contradictoire avec les règles d’exonération desdits droits applicables en cas d’expropriation ou de préemption.
Le sous-amendement no 575 apporte certaines précisions quant à la fin de l’exonération de taxe foncière.
Enfin, le sous-amendement no 577 rectifié a pour objet d’ouvrir un nouveau délai aux collectivités qui voudraient s’opposer à l’application, dès 2015, d’une telle mesure.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les trois sous-amendements ?
L’amendement no 119 rectifié que vient de défendre M. Pupponi a été accepté par la commission des finances avant même le dépôt des sous-amendements, mais ceux-ci apportent des précisions techniques bienvenues.
L’amendement, auquel la commission des finances a été favorable, vise à accompagner fiscalement l’une des dispositions de la loi ALUR, votée le 24 mars dernier. Il prévoit que les opérations concernées, c’est-à-dire les opérations de requalification conduites sous l’égide de l’État ou d’un établissement public foncier, soient exonérées de droits de mutation à titre gratuit ainsi que de droits d’enregistrement, et que les logements ainsi acquis par un établissement public foncier soient exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ans.
Nous regrettons tout de même l’absence de chiffrage. Nous aimerions avoir quelque idée de l’impact financier de cette proposition. Et, dernière question, ces exonérations donneront-elles lieu à compensation pour les collectivités ?
La question de la compensation revient régulièrement dans cet hémicycle. Normalement, il y a compensation, mais on sait très bien que celle-ci ne sera pas totale. En effet, les compensations sont de plus en plus partielles. D’où l’idée que les collectivités locales aient désormais leur mot à dire chaque fois qu’une exonération est proposée. En effet, cela revient, d’une certaine manière, pour elles à être privées de recettes fiscales – cela peut certes être un choix pour certaines d’entre elles. Mais l’amendement prévoit qu’une collectivité puisse s’opposer à cette exonération. Mais si elle ne le fait pas, l’exonération est de droit, ce qui veut dire que la collectivité accepte de se priver d’une partie de ses recettes fiscales.
Les sous-amendements nos 575 , 576 et 577 rectifié , successivement mis aux voix, sont adoptés.
L’amendement no 119 rectifié , ainsi sous-amendé, est adopté.
La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement no 375 .
De très nombreuses communes de l’aire urbaine de Paris sont, de longue date, en déficit de logement social. Or, pour la plupart d’entre elles, les taux de taxe foncière sur les propriétés bâties appliqués sont plus bas que ceux appliqués dans d’autres communes franciliennes. Il apparaît légitime, dans ce contexte, que les propriétaires de locaux de ces communes participent à l’effort financier indispensable pour accompagner la relance de la construction de logements. C’est le sens de la taxe additionnelle que nous proposons par cet amendement.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Bien entendu, monsieur le président Chassaigne, nous souscrivons à l’idée qu’il faut atteindre les objectifs définis par la loi SRU. Et on ne peut que regretter que certaines communes ne les atteignent pas encore. Cependant, vous proposez de faire peser sur des propriétaires de logements le poids de décisions prises par les communes ou découlant de la gestion des maires, et dans lesquelles ils n’ont aucune responsabilité. C’est pour cette raison que la commission a repoussé votre amendement.
Monsieur Chassaigne, franchement, je ne vois pas pourquoi vous voulez pénaliser les propriétaires dans certaines communes au prétexte que ces communes ne respecteraient pas le pourcentage minimal de logements sociaux prescrit. Enfin ! Vous rendez-vous compte ? Vous pénaliseriez d’ailleurs ceux-mêmes que vous cherchez à attirer ou à pouvoir loger dans ces communes ! Je connaissais l’imagination et la créativité de certaines administrations, mais, là, franchement… Je ne parle même pas des problèmes juridiques, notamment constitutionnels, que cela pourrait poser.
Ce serait totalement contre-productif. Vous majoreriez la taxe foncière acquittée par des contribuables modestes au motif que leur commune n’a pas suffisamment de logements sociaux ! C’est absolument inconcevable. Le Gouvernement est donc absolument défavorable à cet amendement.
L’amendement no 375 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement no 55 rectifié .
Dans la ligne des travaux de la mission d’information sur la fiscalité agricole, cet amendement touche au problème des bâtiments de stockage des matières entrantes et de la biomasse sèche et humide issue de l’activité de compostage. Un vrai problème se pose, car on tend à fiscaliser ces activités comme si elles étaient de nature commerciale. La production de biomasse sèche, notamment, est le plus souvent réalisée par un collectif d’exploitants réunis au sein d’une société commerciale dédiée.
Cet amendement, dont le coût serait relativement modique, vise à régler ce problème sur le plan fiscal, au profit des exploitants agricoles disposant de bâtiments de stockage de biomasse sèche.
Ces amendements ont été examinés plusieurs fois, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Ils ont été à chaque fois rejetés. Il est vrai que la France a du retard en matière de méthanisation, mais ce n’est pas le cas pour ce qui est du compostage.
Comme l’a dit Mme la rapporteure générale, ces amendements ont fait l’objet de longs débats lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015. Une disposition sur ce sujet a été adoptée : le Gouvernement ne souhaite pas la modifier. Il est donc défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Les amendements nos 55 rectifié , 56 et 57 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 545 rectifié du Gouvernement.
Cet amendement traduit l’engagement du Gouvernement pour la réalisation du projet de centre de stockage profond de déchets radioactifs à Bure, prévu par la loi du 26 juin 2006, projet dénommé CIGÉO.
Cet amendement a deux objets. D’une part, il prolonge, pour les années 2015 et 2016, le niveau des deux taxes affectées aux groupements d’intérêt public – les GIP – de la Meuse et de la Haute-Marne. Ces taxes, d’un montant de 30 millions d’euros par an chacune, visent à soutenir le développement économique de ces territoires. Cette prorogation répond à une demande formulée par les collectivités.
D’autre part, cet amendement clarifie le régime fiscal du futur centre en garantissant la réalisation du projet, et en assurant des retombées fiscales pour les collectivités concernées. Ainsi, une première taxe dite « de stockage », portera sur les installations souterraines du centre. La fiscalité locale de droit commun n’y est pas adaptée, notamment car il est difficile d’appréhender – tenez-vous bien ! – la valeur locative foncière de ces installations de stockage souterrain. Cet amendement propose donc d’exonérer les installations souterraines des impositions de droit commun – taxe foncière et cotisation foncière des entreprises –, auxquelles les installations de surface seront en revanche soumises.
Au total, nous estimons que les collectivités territoriales percevront 50 millions d’euros de recettes fiscales une fois que le centre de stockage sera ouvert et en phase d’exploitation.
L’amendement no 545 rectifié est adopté.
L’amendement no 47 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement no 87 .
Cet amendement, dont M. Fauré est à l’origine, concerne les associations foncières pastorales. Ces associations existent depuis très longtemps – elles ont été créées en 1972 – et contribuent à maintenir sur nos territoires le pastoralisme, un mode d’élevage à mon goût trop peu pratiqué, qui permet la reconquête d’espaces, et préserve la faune et la flore.
Actuellement, la loi favorise ce mode d’élevage, car les parcelles incluses dans les associations foncières pastorales sont exonérées de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Cette exonération, prévue pour une durée de vingt ans, prendra fin au 31 décembre 2014. Cet amendement propose simplement de prolonger cette exonération pour une durée de trois ans.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, et lève le gage. On me dit que le montant de ce gage est égal à epsilon !
L’amendement no 87 , modifié par la suppression du gage, est adopté.
Je reprends une discussion que nous avons eue au cours de l’examen du projet de loi de finances, et qui portait sur cinq amendements déposés par ma collègue Éva Sas et moi-même, concernant les entrepôts commerciaux. De ces cinq amendements, je n’en ai redéposé qu’un seul aujourd’hui.
À l’issue des discussions que j’ai mentionnées, vous aviez souhaité qu’une réflexion plus globale fût menée, pour aboutir lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Certes, je le vois bien, il n’y a pas eu assez de temps pour que cette réflexion puisse vraiment aboutir – sauf pour l’amendement, voté hier soir, à propos de l’augmentation de la TASCOM, la taxe sur les surfaces commerciales.
L’amendement que je défends aujourd’hui propose de revoir la classification et les valeurs locatives des entrepôts logistiques – dont je signale au passage que la surface a été multipliée par douze en trente ans. Désormais, du fait même des activités qui y ont lieu, ces entrepôts seraient plutôt assimilables à des établissements industriels. De fait, le régime fiscal qui leur est applicable n’est plus approprié. Cet amendement vise à le modifier en conséquence.
Nous avions, lors de l’examen du projet de loi de finances, déposé un autre amendement – que nous n’avons pas déposé à nouveau sur ce texte –, lequel proposait que les entreprises concernées déposent deux déclarations, l’une au titre d’établissement commercial, l’autre au titre d’établissement industriel, afin que l’administration fiscale puisse choisir le régime fiscal le plus approprié. Un autre amendement encore proposait de revoir l’exonération de TASCOM pour les commerces ouverts avant 1960 qui, bizarrement, bénéficient encore aujourd’hui d’une exonération.
Je suis un peu frustré, car aucune proposition n’a été faite sur ces sujets dans le cadre de ce PLFR.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur Alauzet, cet amendement a déjà été examiné dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Vous souhaitez imposer à ces entreprises une double déclaration. En commission des finances, nous avons expliqué que nous ne comprenons pas en quoi cela permettrait de clarifier les critères d’interprétation de l’administration.
Certes, l’appréciation de l’administration peut avoir un caractère subjectif, mais elle se fait sous le contrôle du juge de l’impôt, lequel peut, le cas échéant, opérer des requalifications. L’avis de la commission est donc défavorable.
Comme l’a rappelé Mme la rapporteure générale, et comme vous l’avez dit vous-même, nous avons déjà vu cet amendement. Il pose le problème de l’application de ce que l’on appelle la jurisprudence Miroline, elle-même liée à une décision plus ancienne, de 1920, sur les blanchisseries de Pantin.
Du temps de Léon Blum, en effet. Je n’ai aucun mérite à vous donner ces précisions : je les découvre à mesure que je vous les lis.
Sourires.
Monsieur Alauzet, vous demandez que deux déclarations soient faites pour le même local, l’administration étant ensuite libre de choisir sur quelle déclaration elle s’appuiera pour évaluer les bases imposables. Franchement, je ne crois pas qu’il s’agirait d’une bonne procédure, car cela alourdirait gravement l’obligation déclarative des contribuables, sans d’ailleurs lever nécessairement la difficulté pour l’administration, qui reste de savoir quelle méthode d’évaluation choisir en fonction de la nature des bâtiments et de l’activité qui s’y déroule.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement qui, certes, soulève une question délicate, mais n’y apporte pas une réponse satisfaisante.
L’activité économique évolue, et c’est normal ; de ce fait, ces entrepôts ne remplissent plus la même fonction qu’il y a trente ans. Aujourd’hui, leur fonction est beaucoup plus dynamique. Je demande donc simplement que l’on adapte la législation pour prendre en compte ces évolutions.
Nous avions présenté encore un autre amendement, proposant de prendre en compte les activités de vente à distance dans ces entrepôts. Il est clair que ces nouvelles activités économiques entraînent de profonds bouleversements. D’ailleurs, je ne doute pas que vos services réfléchissent à ces évolutions, afin de faire évoluer la législation le moment venu. Sans cela, des entreprises se retrouveront confrontées à une concurrence déloyale.
L’amendement no 302 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à insérer un nouvel article après l’article 1499 du code général des impôts. Le problème de l’évaluation de la valeur locative des biens imposables à la CFE est entier. Une vraie difficulté se pose pour distinguer les entreprises industrielles, qui produisent des pièces en masse, et les entreprises artisanales.
Parmi les 63 000 entreprises qui ont disparu en 2013, une grande majorité étaient artisanales. La CFE a aussi contribué à alourdir la facture pour ces entreprises dont la rentabilité s’amoindrissait, et qui souffraient d’une certaine fragilité. C’est d’autant plus dommage que ces entreprises artisanales sont de vrais moteurs pour l’aménagement des territoires, notamment ruraux. Je propose donc, par cet amendement, d’en revenir à des règles de bon sens en matière de cotisation foncière des entreprises.
Mme Dalloz a parfaitement résumé le sujet. J’ajouterai simplement qu’il est très difficile de comparer les entreprises artisanales aux entreprises industrielles. Les entreprises industrielles sont taxées sur des machines utilisées à temps plein, car on y travaille souvent en « trois huit ». À l’inverse, les entreprises artisanales ne comptent souvent qu’une personne, l’artisan lui-même, travaillant sur sa machine. Or la machine de l’artisan est imposée de la même manière que la machine industrielle ! Je souhaite donc – il me semble que c’est raisonnable – que la spécificité de l’artisanat soit reconnue.
Ces deux amendements relèvent du même esprit. Les cas dans lesquels une entreprise artisanale a, au sens des règles relatives à la détermination des valeurs locatives, un caractère industriel, doivent être relativement rares. Je ne dis pas que ces cas sont inexistants, mais qu’ils sont rares.
Mais la jurisprudence est claire : exclure du champ d’application de la méthode comptable les entreprises artisanales qui ont recours à des moyens techniques importants afin de préserver leur compétitivité constituerait une rupture du principe d’égalité devant l’impôt et une aide d’État – au détriment, d’ailleurs, des ressources fiscales des collectivités territoriales.
Plusieurs dispositions permettent de limiter la charge fiscale des entreprises artisanales. Lorsque le travail manuel est prépondérant, elles bénéficient ainsi d’une exonération de cotisation foncière des entreprises. Ce n’est pas le caractère artisanal ou non de l’entreprise qui est retenu, mais la pratique à l’intérieur de l’entreprise – essentiellement artisanale ou essentiellement utilisatrice de machines.
Voilà quel est l’état du droit, et il est tout à fait cohérent. le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
Je saisis l’occasion de ces deux amendements et de celui de notre collègue Éric Alauzet, monsieur le secrétaire d’État, pour appeler votre attention et celle de vos services sur le problème que posent ces deux méthodes d’évaluation s’agissant des locaux d’activité. Il existe la méthode comptable pour les locaux industriels, et celle de la valeur locative cadastrale pour les locaux commerciaux.
Lors de la réforme de la taxe professionnelle, je me suis aperçu que compte tenu de ces deux méthodes différentes, on avait abouti progressivement, sans y prendre garde, entre 1975 – année de la mise en place de la taxe professionnelle – et aujourd’hui, à une déformation…
… de la répartition de la charge de la taxe professionnelle très défavorable aux industries.
En effet, la méthode comptable incorpore les biens au fur et à mesure qu’ils entrent dans le bilan, et à une valeur brute bilan, sans tenir compte ensuite des amortissements. Ce sont donc de nouvelles valeurs brutes qui sont prises en compte au fur et à mesure que les biens sont remplacés, alors qu’il n’y a pas eu de révision des bases, sinon très faible, pour les valeurs locatives cadastrales. Petit à petit, sans qu’on y prenne garde, les valeurs comptables ont acquis une pondération très forte par rapport aux valeurs des locaux commerciaux, ce qui explique ce que disait à l’instant Éric Alauzet.
Nous devons donc être très vigilants là-dessus. Nous sommes tous d’accord sur l’objectif : ne pas trop charger nos entreprises industrielles, qui sont celles qui sont les plus en difficulté. Je profite donc de ces amendements pour évoquer ce sujet, qui est un sujet de fond.
Je vais le retirer, madame la présidente. Mais auparavant, permettez-moi d’en dire quelques mots. Cet amendement est le fruit d’un travail de plusieurs années. Je rappelle que les incidences de la réforme de la taxe professionnelle ont fait l’objet d’une mission sénatoriale, dont le rapport avait conclu à la nécessité d’introduire cette mesure de consolidation des cotisations à l’échelle des groupes. J’espère que nous en tirerons les conséquences dans les semaines qui viennent.
L’amendement no 334 est retiré.
L’amendement no 503 est retiré.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
Je vous informe qu’à la demande du Gouvernement, l’Assemblée examinera d’abord, à vingt et une heures trente, l’amendement no 573 portant article additionnel après l’article 31. Nous reprendrons ensuite le cours normal de la discussion.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly