Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 16 octobre 2014 à 10h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges :

Nous avions eu l'occasion de nous rencontrer à l'époque de notre évaluation de l'article 1er de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite « TEPA » ; je connais donc bien vos analyses et vos modèles, mais j'apprécie moins que vous vous définissiez comme keynésien : cela nuit à l'objectivité de vos analyses qui, comme vient de l'observer M. Robiliard, sont diamétralement opposées à d'autres que nous avons pu entendre. M. Jospin soutenait ainsi, me semble-t-il, que la croissance était restée faible entre 1997 et 2002.

Vous vous êtes cantonné à une période limitée, mais le but de notre commission d'enquête devrait être plutôt de mesurer l'impact des 35 heures jusqu'en 2014, car nous parlons de cycles longs. De fait, il est évident qu'une réduction du temps de travail crée spontanément des emplois : avez-vous d'ailleurs fait tourner vos modèles sur une hypothèse qui serait par exemple aujourd'hui de 32 heures ?

Le temps de travail, vous l'avez rappelé, diminue depuis 1919 ; François Mitterrand avait prévu de le ramener à 35 heures, pour en rester finalement à 39 heures après le tournant de 1983 ; mais des ajustements étaient possibles puisque l'euro n'existait pas. Cette diminution du temps de travail fut d'ailleurs couplée, en 1981, avec la retraite à soixante ans. Au plan sociologique, n'y a-t-il pas une contradiction entre, d'une part, la réduction du temps de travail et, de l'autre, l'allongement de la durée de la vie et l'avènement d'une économie de marché au détriment d'une économie de production ?

Au reste, le temps de travail importe moins que son coût : ce qui pose problème, ce sont les 35 heures payées 39, nonobstant les compensations dont vous avez parlé.

Le commerce extérieur de la France se fait à 70 % dans la zone euro : avant 2002, on pouvait jouer sur les dévaluations compétitives. C'est à ce moment-là que nos courbes commencent à diverger avec celles de l'Allemagne : la balance commerciale, excédentaire de 160 milliards d'euros outre-Rhin, est déficitaire de 60 milliards en France. Pourriez-vous donc nous en dire plus sur l'impact de l'euro ? Certains agitent l'idée d'une sortie de la monnaie unique à des fins politiques, oubliant les conséquences d'une telle décision sur notre dette.

M. Larrouturou plaide pour la réduction du temps de travail, mais il faut bien que les effets s'atténuent à partir d'un certain seuil ; sinon, il suffirait de partager indéfiniment le volume du travail pour annuler le chômage. Keynes a ses limites : l'équation libérale me semble plus complexe.

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