J’avais alors, et j’en suis fière, voté ce texte, désireuse que j’étais de faire avancer les choses plutôt que de cliver. Ayant aussi participé à la commission Coppens, j’étais en effet tout à fait convaincue de la nécessité de reconnaître, au niveau constitutionnel, et au travers de plusieurs grands principes fondamentaux, un droit de l’homme à l’environnement, de même que j’étais éclairée sur les fondements, les enjeux et les réels effets d’une telle reconnaissance.
Aujourd’hui, sous la pression de lobbies, la droite présente une proposition de loi constitutionnelle qui a pour but de vider de sa substance le seul principe à valeur directement constitutionnelle de la charte de l’environnement, le principe de précaution.
Gardez-le à l’esprit tout au long de notre débat : l’objectif poursuivi par les auteurs est d’ôter de la force à ce qui est désormais ni plus ni moins que l’un des droits de l’homme garantis par notre Constitution ! Je suis effrayée en le disant. Et le plus impensable, mes chers collègues, c’est que ce qui motiverait cette proposition, c’est le progrès ! Comment un progrès, qu’il soit scientifique, technique, économique ou social pourrait-il impliquer et justifier une atteinte aux droits de l’homme ?
Dans son exposé des motifs, cette proposition se gargarise de considérants voulant convaincre, sinon de la nécessité, du moins de l’intérêt de reformuler le principe de précaution, profitant de l’occasion pour l’amoindrir, le caricaturer, le vider de son sens et de son effectivité.
On nous vante la formulation suivante : « principe d’innovation responsable ». À première vue, c’est justement l’objet du principe de précaution. On pourrait aussi décliner de nombreuses autres définitions comme, par exemple, la mise en application clairvoyante et prudente des progrès scientifiques et techniques. Mais quel serait l’intérêt de reformuler à l’infini ce qui a déjà été acté ? Il faut cesser de vouloir sans cesse réinventer l’eau chaude, de vouloir changer de vocable au risque de ne plus pouvoir échanger avec le reste de la communauté internationale en refusant la normalisation des concepts.
Le principe de précaution jouit d’un contenu validé au niveau international lors de la déclaration de Rio puis du Traité de Maastricht, qui fonde dans son article 130 R toute la politique de la Communauté en matière d’environnement sur les principes de précaution et d’action préventive. Il a aussi une définition précise, issue de la loi Barnier de 1995.
Même la jurisprudence a reconnu et étendu le champ d’application du principe de précaution au domaine de la santé publique. Ainsi, ce principe a été légitimement invoqué devant nos juridictions pour suspendre l’autorisation de mise en culture de maïs transgénique.