Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, rapporteur :

L'accord qui nous est soumis a été passé avec l'Azerbaïdjan et concerne les conditions de fonctionnement des centres culturels établis bilatéralement.

Il existe depuis 2004 un centre culturel français à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, centre qui a pris en 2011 l'appellation d'Institut français d'Azerbaïdjan dans le cadre de la réforme de notre réseau culturel. Cet institut français est certes assez modeste, avec un budget d'environ 350 000 euros et 25 employés à temps plein ou partiel. Il joue cependant un rôle significatif dans la promotion de la francophonie, puisqu'il a dispensé en 2013 des cours de français à près de 300 personnes. C'est en partie grâce à lui que le français reste la 3ème langue étrangère enseignée en Azerbaïdjan, après le russe et l'anglais, mais devant l'allemand. Il gère également une médiathèque qui comporte plus de 7 500 titres et organise des examens, des manifestations culturelles et des actions d'information sur les études en France.

Avec le Lycée français de Bakou, créé plus récemment, l'Institut français d'Azerbaïdjan est donc un élément essentiel de notre présence culturelle et éducative dans ce pays. Cette présence est d'autant plus nécessaire qu'à Bakou comme ailleurs, nous sommes dans une sorte de concurrence avec les autres grands pays, puisque sont également implantés l'agence USAID, le British Council, l'institut Confucius, un centre culturel russe, l'institut Yunus Emre pour la Turquie, etc.

Il est en effet important d'être présent en Azerbaïdjan, car ce pays est un partenaire intéressant. D'abord sur le plan économique, du fait de ses ressources en hydrocarbures et de sa position géographique. L'Azerbaïdjan n'est certes ni le Qatar, ni la Russie. Il ne détiendrait en effet qu'à peine 0,5 % des réserves mondiales d'hydrocarbures et a sans doute dépassé son pic de production pour le pétrole, qui est exploité depuis le XIXème siècle. Il n'en restait pas moins, en 2013, le 21ème producteur mondial de pétrole et le 8ème fournisseur de la France, étant à l'origine de plus de 5 % de nos importations de brut. Et pour le gaz, il reste des perspectives significatives avec la mise en exploitation prochaine du gisement de Shah Deniz II, dont GDF Suez s'est engagé à écouler une partie de la production. Géographiquement, le pays est aussi sur la route de transit éventuelle du gaz du Turkménistan dans l'hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé.

Ces ressources pétrolières font également de l'Azerbaïdjan un pays prospère, qui a connu une croissance très rapide dans les années 2000, a bien traversé la crise de 2008 et affiche encore aujourd'hui une croissance enviable, puisqu'elle devrait approcher les 5 % pour l'année en cours. C'est donc un pays solvable qui attire les entreprises françaises – non seulement Total ou GDF Suez, qui sont là pour d'évidentes raisons, mais aussi la CNIM, qui a fourni l'usine d'incinération de Bakou, Alstom, qui finalise actuellement le contrat de fourniture des voitures du métro de Bakou, ou encore Danone, Lactalis et Air Liquide. C'est aussi un marché où les exportations françaises sont en forte augmentation, tirées par les ventes d'Airbus, même si le commerce bilatéral reste fortement déficitaire pour la France.

L'Azerbaïdjan est également un partenaire politique qui compte et avec lequel nous avons d'ailleurs des relations de haut niveau très suivies, puisque, rien qu'au cours de l'année 2014, le président Hollande s'est rendu à Bakou en mai et le président Aliyev à Paris en octobre. Ces relations de haut niveau ne sont pas seulement justifiées par les enjeux économiques.

Elles sont liées aussi au rôle pris par la France dans les tentatives de règlement du principal problème international auquel l'Azerbaïdjan est confronté, celui du conflit avec l'Arménie et la région séparatiste du Haut-Karabagh. Sans revenir sur ce conflit, vous savez que depuis le cessez-le-feu de 1994, une grande partie du territoire de l'Azerbaïdjan, allant bien au-delà du Haut-Karabagh à proprement parler, est occupé par les forces arméniennes, occupation que l'ONU et le Conseil de l'Europe ont condamnée. La France copréside avec la Russie et les États-Unis ce que l'on appelle le Groupe de Minsk, lequel n'a certes pas réussi à régler le conflit, mais a jusqu'à présent évité une nouvelle escalade malgré des incidents très fréquents sur la ligne de démarcation.

L'intérêt des relations politiques avec l'Azerbaïdjan tient aussi à la position prudente et équilibrée de la diplomatie de ce pays. De plus en plus, on assiste en effet dans l'ancien espace soviétique à une polarisation entre les pays qui sont en conflit avec la Russie et cherchent le soutien occidental – l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie – et les pays qui acceptent, même avec des réticences, d'entrer dans l'Union eurasiatique avec la Russie – le Belarus, le Kazakhstan, l'Arménie. Dans ce contexte, l'Azerbaïdjan a une position originale, car il est parvenu jusqu'à présent à maintenir de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu'avec l'Occident, en affirmant sa volonté d'indépendance. Il n'est candidat, ni à l'OTAN, ni à l'Union européenne, ni à l'Union eurasiatique.

Dans ce tableau général, l'accord que nous étudions aujourd'hui a une portée assez limitée. En fait, on peut, comme pour l'accord que nous avons examiné précédemment, dire que son impact sur la réalité des choses est nul, au point que quand j'ai contacté notre conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) à Bakou, il a été étonné car le centre culturel fonctionne sans aucun problème et il était convaincu que l'accord dont nous discutons était ratifié depuis longtemps…

C'est pourquoi je serai bref sur le contenu de cet accord. Tout d'abord, il acte formellement l'existence du centre culturel français à Bakou, lequel n'a pas eu besoin, je l'ai dit, de cet accord pour exister et fonctionner, mais y trouvera une consolidation de son statut en droit international. L'accord autorise aussi, par réciprocité, l'ouverture éventuelle d'un centre culturel azerbaïdjanais à Paris, sachant que, pour le moment, il existe seulement une section culturelle de l'ambassade, qui a été inaugurée en 2012 par le président Aliyev en personne.

L'accord comprend ensuite des dispositions relatives aux missions et aux activités des centres culturels. Ces mentions peuvent apparaître triviales, mais sont importantes, car elles visent à garantir la liberté des centres culturels visés – en l'espèce pour le moment le seul Institut français d'Azerbaïdjan – dans la programmation de leurs activités, dès lors qu'elles sont nommées dans l'accord. L'accord garantit aussi la liberté des centres culturels pour organiser des activités hors de leurs locaux et le libre accès du public à ces activités.

Il comprend enfin des dispositions classiques dans ce genre d'accords, telles que des exemptions fiscales pour l'importation de biens, notamment culturels, par les centres culturels, ainsi que des dispositions concernant les personnels. À cet égard, l'accord permet notamment que le centre culturel de Bakou soit dirigé par un diplomate, en l'espèce le COCAC conformément à la pratique dans notre réseau culturel. Ce statut diplomatique du directeur concourt aussi à garantir le libre fonctionnement du centre, qui ne bénéficie pas en tant que tel de la même immunité. Mais, je le redis, le COCAC m'a confirmé que notre centre culturel ne rencontrait aucune difficulté.

Je vous invite donc à approuver cet accord qui a été négocié à la demande de la France et consolide juridiquement l'existence d'un outil de notre politique d'influence dans un pays qui est, pour des raisons économiques et politiques, un partenaire important.

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