Ratification de la convention n° 181 de l'OIT relative aux agences d'emploi privées (n° 1887).
La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
La commission examine, sur le rapport de M. Edouard Courtial, le projet de loi autorisant la ratification de la convention n° 181 de l'Organisation internationale du travail relative aux agences d'emploi privées (n° 1887).
Nous sommes saisis aujourd'hui de la convention n° 181 sur les agences d'emploi privées, et la Recommandation n° 188 sur les agences d'emploi privées, qui ont été adoptées à Genève, lors de la 85ème session de la Conférence internationale du travail après deux lectures successives. Cette convention est l'aboutissement d'un long processus débuté en novembre 2000, et auquel la France a apporté un soutien actif, car elle « offre un équilibre entre le besoin de flexibilité des entreprises et les besoins des travailleurs : environnement de travail sûr et conditions de travail décentes ».
De quoi parle-t-on ici ? D'un phénomène à la fois récent et en expansion, à savoir, le recours aux opérateurs privés dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Depuis une quinzaine d'années, l'accompagnement actif, et non le simple suivi par l'opérateur public, des demandeurs d'emploi se situe, en Europe, au coeur des politiques actives du marché du travail.
La littérature économique (Conseil d'analyse économique, « Accompagnement des chômeurs et sanctions, leurs effets sur le retour au plein emploi », 2000) sur le sujet a mise en évidence les effets bénéfiques de l'accompagnement renforcé des demandeurs d'emploi : une réduction significative de la durée de chômage, une meilleure qualité de l'emploi trouvé, et des épisodes moins fréquents de chômage.
Or, cet accompagnement est depuis quelques années de plus en plus assuré, en complément de l'action des opérateurs publics (Pôle emploi pour la France), par des opérateurs privés.
Le recours à des opérateurs privés de placement peut être motivé par différentes considérations, qui peuvent se combiner :
– la recherche d'innovation dans les méthodes d'accompagnement ;
– la couverture de zones géographiques dans lesquelles le service public de l'emploi est peu présent ;
– la mise en oeuvre de prestations spécifiques ou à destination de publics spécifiques (externalisation dite « de spécialité ») pour lesquels le service public ne dispose pas ou pas suffisamment des compétences nécessaires, compte tenu, notamment, de la faiblesse relative des besoins (par exemple l'accompagnement à la création ou à la reprise d'entreprise) ;
– l'amélioration de l'efficience et de l'efficacité, soit directe (achats de prestations moins coûteux que la réalisation directe de la prestation pour le service public, meilleur taux de retour à l'emploi), soit indirecte (effet de stimulation due à la concurrence sur des publics et prestations équivalents) ;
– comme le souligne l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, l'ouverture aux opérateurs privés de l'activité de placement peut « avoir des effets positifs sur l'emploi, en créant une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de main d'oeuvre ».
– les agences d'emploi privées peuvent être un moyen d'entrer sur le marché du travail, en particulier pour les demandeurs d'emploi défavorisés, et d'accroître l'employabilité des travailleurs en leur facilitant l'accès à la formation et en leur donnant la possibilité d'acquérir une expérience professionnelle dans différents types d'entreprises.
Cependant, le recours à des opérateurs privés pour remplir la traditionnelle mission de service public qu'est l'accompagnement des demandeurs d'emploi, doit être encadré afin de prévenir les éventuels abus et garantir la protection des travailleurs concernés.
A ce titre, l'objectif de la convention soumise aujourd'hui à notre approbation est double : d'une part, il s'agit de combler le vide juridique qui entourait l'action des agences privées pour l'emploi, et de mettre fin à ce qu'il faut bien qualifier de position quasi schizophrène sur le sujet : je rappelle en effet qu'alors même que depuis les années 1990, le recours aux opérateurs privés dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi, qui produit souvent des résultats encourageants, s'est accru, la convention n° 96 de l'OIT, référence en la matière, en interdit l'usage.
D'autre part, il s'agit, et telle a été la position de la France lors de la négociation de cette convention, d'instaurer un cadre réglementaire pour assurer la protection effective des travailleurs contre des pratiques abusives en matière de rémunération, de santé et de sécurité, de la part d'agences intérimaires ou d'entreprises utilisatrices peu scrupuleuses.
Sans entrer dans le détail de la convention, car le temps nous manque, la convention n° 181 autorise la création d'agences d'emploi privées mais exige la détermination d'un cadre juridique et des conditions d'exercice de leurs activités. L'article 1er en définit d'abord le champ, à savoir les agences de placement, les entreprises d'intérim, et les opérateurs chargés de l'accompagnement des demandeurs d'emploi
L'article 3 garantit que le statut juridique des agences d'emploi privées obéit aux législations et pratiques nationales.
Les articles 4 et 5 garantissent aux travailleurs recrutés par les agences d'emploi privées leur droit à la liberté syndicale et à la négociation collective ainsi que la protection contre toute forme de discrimination.
L'article 6 précise les conditions dans lesquelles doit être effectué le traitement des données personnelles concernant les travailleurs.
L'article 7 pose le principe d'interdiction de mise à la charge des travailleurs des frais des services fournis, en prévoyant des dérogations nationales à ce principe pour des catégories de services spécifiquement identifiés. On peut regretter le caractère particulièrement vague de la formulation de cette exception et la nécessité d'en contrôler étroitement l'application afin d'éviter toute dérive.
L'article 8 garantit une protection adéquate pour les travailleurs migrants.
L'article 9 précise que tout pays membre doit prendre des mesures pour s'assurer que le travail des enfants ne soit ni utilisé ni fourni par des agences d'emploi privées.
L'article 10 prévoit les conditions appropriées en vue d'une instruction de plainte en cas d'abus et de pratiques frauduleuses. L'article 11 précise tous les domaines où les pays membres doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir une protection adéquate pour tous les travailleurs employés par les agences d'emploi.
L'article 13 stipule que les pays membres doivent veiller à la coopération entre le service public de l'emploi et les agences d'emploi privées.
Dans ce cadre, et c'est évidemment capital, les autorités publiques conservent la compétence pour décider en dernier ressort d'une formulation d'une politique du marché du travail comme de l'utilisation et du contrôle des fonds publics destinés à cette politique.
Les articles 14 à 24 reprennent les dispositions classiques sur l'application de la convention et son contrôle, les relations avec d'autres accords internationaux, l'entrée en vigueur, le règlement des différends, la dénonciation, les possibilités de révision et les versions du texte faisant foi. Il est notamment précisé à l'article 15 que la convention n'affecte pas les dispositions plus favorables applicables en vertu d'autres conventions internationales du travail aux travailleurs recrutés, placés ou employés par les agences d'emploi privées.
Quels seront les effets juridiques de la ratification de cette convention en droit national ? Aucun, ce qui est plutôt bon signe, car cela indique que la législation française est déjà conforme à la convention n° 181 de l'OIT. Certes, la question du recours au secteur privé pour des prestations d'accompagnement a émergé plus tardivement en France que dans d'autres pays européens, tels que le Royaume-Uni et l'Allemagne. En prônant une plus grande personnalisation des services rendus aux demandeurs d'emploi, la Commission européenne l'a fortement encouragé dès 1998, notamment pour développer l'innovation dans les méthodes d'accompagnement des demandeurs d'emploi, pour réduire les coûts et pour stimuler les services publics de l'emploi.
La France n'avait pas ratifié la convention n°181 en raison du monopole du placement détenu par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), devenue Pôle emploi. Mais la loi du 18 janvier 2005 y a mis fin.
Ainsi, dès la fin du monopole de placement détenu par l'ANPE en 2005, l'Unedic a expérimenté le recours à des opérateurs privés pour accélérer le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi présentant, notamment, un risque de chômage de longue durée.
Depuis 2008, dans un contexte de forte montée du chômage, le recours aux opérateurs de placement constitue principalement pour Pôle emploi un moyen d'adaptation de ses capacités à la conjoncture et cible en particulier des personnes nécessitant un suivi approfondi et personnalisé. Certaines prestations obéissent à une logique de spécialité (cadres, créateurs d'entreprise, jeunes diplômés). Les opérateurs privés de placement jouent un rôle complémentaire par rapport au service public de l'emploi. Pôle emploi peut ainsi y avoir recours en mobilisant les compétences spécialisées dont il ne dispose pas en interne (en particulier en matière d'évaluation des compétences et de formation), ou pour augmenter ses capacités d'action et confronter ses méthodes et résultats à ceux d'autres opérateurs.
Rappelons enfin qu'en France, les agences d'emploi privées n'interviennent sur le marché du placement que dans le cadre des appels d'offres de l'opérateur de l'État et cela pour deux raisons :
– d'une part, les services de Pôle emploi étant gratuits pour les entreprises, celles-ci n'ont pas un intérêt économique à avoir recours directement aux agences d'emploi privées dont les services sont payants ;
– d'autre part, le marché du placement n'est pas encore très développé.
Au final, l'adoption de la convention n'entraînera pas de modification législatives ou réglementaires en droit français et n'en modifiera pas fondamentalement la pratique. Elle permettra en revanche à la France de se mettre en conformité avec le droit international : l'article 23 de la convention n° 181 dispose que la ratification de ladite convention vaut dénonciation de la convention n° 96 précédemment évoquée.
Pour terminer, je n'exprimerai que deux réserves sur ce texte et les conditions de sa ratification.
Tout d'abord, et comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, lors des travaux préparatoires à son adoption, la délégation française avait émis trois souhaits :
– couvrir le champ du travail temporaire avec ce texte ;
– conserver toute latitude pour réglementer les activités comprises dans le champ de la convention ;
– réintégrer dans le texte de la convention certaines dispositions de la recommandation (interdiction de la mise à disposition de travailleurs pour remplacer les salariés d'une entreprise en grève).
Si les solutions adoptées répondaient aux préoccupations françaises sur les deux premiers points, en revanche, le report des dispositions souhaitées dans la convention n'a pas été obtenu. Il figure cependant dans la recommandation n° 188 qui accompagne la convention, mais dont la portée juridique est évidemment moindre.
Seconde réserve, la France, qui est le deuxième État de l'OIT à avoir ratifié le plus grand nombre de conventions et qui a milité au sein de cette organisation en faveur de cette convention, a attendu trop longtemps avant de solliciter des assemblées parlementaires l'autorisation de procéder à sa ratification, alors qu'elle est en vigueur depuis mai 2000, ce qui est regrettable sachant que la fin du monopole du placement public a été actée dans son principe en 2005. Nous ne sommes pas les seuls cependant, puisque sur les 27 pays qui l'ont ratifiée, on compte seulement douze États membres de l'Union européenne (ni l'Allemagne, ni la Grande-Bretagne n'ont à ce jour ratifié la convention).
Au bénéfice de ces remarques, je vous invite, mes chers collègues, à adopter ce projet de loi.
Je vous remercie pour le rapport très détaillé que vous avez présenté sur un texte très important.
J'aurais d'abord une question sur l'article 2 de la convention. N'étant pas un spécialiste des travailleurs de la mer, je voudrais savoir pourquoi les gens de la mer ne bénéficient pas de l'application de la convention.
Ensuite, vous avez souligné à quel point la ratification de la convention intervient tardivement et je m'associe à cette remarque. Enfin, dans les articles 8 à 12, on évoque la protection adéquate des travailleurs migrants. Je rappelle qu'il faut être très attentif à cette question sur notre territoire, car des pratiques frauduleuses sont régulièrement découvertes, notamment dans les secteurs agricoles et dans le BTP. Des travailleurs migrants sont exploités de manière scandaleuse.
Ce texte n'est pas une convention mais un voeu pieu. Chaque fois qu'il est écrit que les dispositions s'appliquent dans le cadre de la législation nationale on vide les dispositions de leur substance. Prenons l'exemple des articles 11 et 12 sur la liberté syndicale, si la loi du pays énonce que cette liberté s'exercice sous l'autorité du parti il n'y a pas de véritable liberté syndicale. Ce n'est pas un sujet en France où la liberté syndicale est forte, mais tel n'est pas le cas partout.
L'article 1.b me pose également problème. Il y est énoncé que les agences peuvent mettre les travailleurs « à la disposition d'une tierce personne physique ou morale (ci-après désignée comme « l'entreprise utilisatrice»), qui fixe leurs tâches et en supervise l'exécution ». Cette formule n'est-elle pas douteuse au regard de la législation française sur le délit de marchandage ?
J'approuverai la convention mais il n'y a pas de quoi s'extasier.
Je remercie le rapporteur pour ses précisions sur le texte de la convention. Par philosophie je suis attaché à ce que le placement relève d'une mission régalienne. Comme vous l'avez expliqué cela n'est pas remis en cause par la convention. C'est important dès lors que des discussions ont été engagées dans le cadre du partenariat transatlantique qui ouvrent cette possibilité. Je rappelle aussi que certaines organisations patronales demandent aujourd'hui la remise en cause de la participation de la France aux instruments de l'Organisation internationale du travail s'agissant notamment des plans de licenciement collectif.
La convention examinée est utile. Les agences d'emploi privées apportent de l'efficacité et font preuve d'une capacité d'innovation. Sur les coûts je serai plus réservé car cela revient en fait très cher quand on regarde les publics concernés. Elles permettent de s'adapter aux fluctuations du chômage ce que Pôle emploi peut difficilement faire compte tenu du statut de ses agents. Elles permettent enfin de cibler certains publics.
J'aurais une différence d'expression avec Jacques Myard : ce texte n'est pas un voeu pieu mais un voeu impie. J'étais déjà opposé à la convention 180 de Genève et à la loi de janvier 2005. Les expressions utilisées dans le texte sont très connotées : la notion de marché ne me paraît pas appropriée, celle de placement est également connotée et rappelle le placement des jeunes filles dans les familles. Mais les choses sont installées et il est proposé aujourd'hui d'encadrer par des dispositions d'Etat les errements de telles pratiques de placement. Je laisserai donc faire, mais sans enthousiasme.
Ce texte énonce des intentions avec lesquelles on ne peut qu'être d'accord. Mais s'il est un domaine où on constate un grand écart entre le théorique, les intentions et le réel, c'est bien celui des demandeurs d'emploi. Renvoyer à une logique de négociation et de contrat entre des organismes qui ont tous pouvoirs et des personnes fragiles n'est pas réaliste. Quand on évoque la question des organisations syndicales dans ce genre de situation, on sait aussi qu'en réalité elles n'existent pas. Moi aussi je voterai ce texte sans enthousiasme.
À Jean-Paul Dupré, je réponds que pour les travailleurs de la mer, il existe des dispositions spécifiques. S'agissant de l'article 8 et de la protection des salariés, évidemment il s'agit avec cette convention d'adopter un cadre normatif assurant un socle de droits, qui n'empêche pas les parties d'adopter des dispositions plus précises et plus protectrices. J'ajoute que même si en France, compte tenu du caractère avancé de notre législation, la ratification de cette convention n'aura pas d'effet juridique majeur, ce n'est pas le cas dans de nombreux pays. Par ailleurs, comme vous l'avez rappelé, Jean-Marc Germain, il ne s'agit pas de remettre en cause la mission régalienne de l'État et je souligne que les agences privées sont en France précisément missionnées par l'opérateur public. J'avoue ne pas savoir pour quelles raisons le Royaume-Uni et l'Allemagne n'ont pas ratifié le texte. Enfin, Serge Janquin, je conclurai sur l'intérêt de fixer un cadre juridique à la pratique des agences privée, qui est, qu'on le veuille ou non, aujourd'hui répandues. Il ne s'agit pas de nier la réalité de notre pays.
C'est un sujet très important sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler. Nous sommes toujours face au même problème, celui de la ratification de textes internationaux inférieurs à notre législation. Cela ne remet pas en cause cette législation et en outre, dans les pays où la législation sociale est moins développée, cela permet d'encadrer le recours à ces pratiques. En conséquence, même si l'application en France est théorique, il y a un intérêt à ratifier pour les pays moins développés. C'est tout le rôle de l'OIT de rehausser le droit social. Le désir d'une flexibilité maximale en Allemagne et au Royaume-Uni explique sans doute que ces pays n'avaient pas ratifié cette convention.
Dans la mesure où l'on renvoie à la pratique et à la loi nationale, cela n'a de valeur opérationnelle, nulle part !
L'essentiel a été dit. Les aspects régaliens ne sont pas concernés et l'on doit se réjouir de ce texte à vocation internationale, s'il rend des services à des États pour contribuer à l'amélioration de leurs législations sociales. Sans enthousiasme excessif, le groupe SRC approuvera cette convention.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 1887).
Azerbaïdjan : accord relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels (n° 784)
La commission examine, sur le rapport de M. Thierry Mariani, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan relatif à la création et aux conditions d'activités des centres culturels (n° 784).
L'accord qui nous est soumis a été passé avec l'Azerbaïdjan et concerne les conditions de fonctionnement des centres culturels établis bilatéralement.
Il existe depuis 2004 un centre culturel français à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, centre qui a pris en 2011 l'appellation d'Institut français d'Azerbaïdjan dans le cadre de la réforme de notre réseau culturel. Cet institut français est certes assez modeste, avec un budget d'environ 350 000 euros et 25 employés à temps plein ou partiel. Il joue cependant un rôle significatif dans la promotion de la francophonie, puisqu'il a dispensé en 2013 des cours de français à près de 300 personnes. C'est en partie grâce à lui que le français reste la 3ème langue étrangère enseignée en Azerbaïdjan, après le russe et l'anglais, mais devant l'allemand. Il gère également une médiathèque qui comporte plus de 7 500 titres et organise des examens, des manifestations culturelles et des actions d'information sur les études en France.
Avec le Lycée français de Bakou, créé plus récemment, l'Institut français d'Azerbaïdjan est donc un élément essentiel de notre présence culturelle et éducative dans ce pays. Cette présence est d'autant plus nécessaire qu'à Bakou comme ailleurs, nous sommes dans une sorte de concurrence avec les autres grands pays, puisque sont également implantés l'agence USAID, le British Council, l'institut Confucius, un centre culturel russe, l'institut Yunus Emre pour la Turquie, etc.
Il est en effet important d'être présent en Azerbaïdjan, car ce pays est un partenaire intéressant. D'abord sur le plan économique, du fait de ses ressources en hydrocarbures et de sa position géographique. L'Azerbaïdjan n'est certes ni le Qatar, ni la Russie. Il ne détiendrait en effet qu'à peine 0,5 % des réserves mondiales d'hydrocarbures et a sans doute dépassé son pic de production pour le pétrole, qui est exploité depuis le XIXème siècle. Il n'en restait pas moins, en 2013, le 21ème producteur mondial de pétrole et le 8ème fournisseur de la France, étant à l'origine de plus de 5 % de nos importations de brut. Et pour le gaz, il reste des perspectives significatives avec la mise en exploitation prochaine du gisement de Shah Deniz II, dont GDF Suez s'est engagé à écouler une partie de la production. Géographiquement, le pays est aussi sur la route de transit éventuelle du gaz du Turkménistan dans l'hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé.
Ces ressources pétrolières font également de l'Azerbaïdjan un pays prospère, qui a connu une croissance très rapide dans les années 2000, a bien traversé la crise de 2008 et affiche encore aujourd'hui une croissance enviable, puisqu'elle devrait approcher les 5 % pour l'année en cours. C'est donc un pays solvable qui attire les entreprises françaises – non seulement Total ou GDF Suez, qui sont là pour d'évidentes raisons, mais aussi la CNIM, qui a fourni l'usine d'incinération de Bakou, Alstom, qui finalise actuellement le contrat de fourniture des voitures du métro de Bakou, ou encore Danone, Lactalis et Air Liquide. C'est aussi un marché où les exportations françaises sont en forte augmentation, tirées par les ventes d'Airbus, même si le commerce bilatéral reste fortement déficitaire pour la France.
L'Azerbaïdjan est également un partenaire politique qui compte et avec lequel nous avons d'ailleurs des relations de haut niveau très suivies, puisque, rien qu'au cours de l'année 2014, le président Hollande s'est rendu à Bakou en mai et le président Aliyev à Paris en octobre. Ces relations de haut niveau ne sont pas seulement justifiées par les enjeux économiques.
Elles sont liées aussi au rôle pris par la France dans les tentatives de règlement du principal problème international auquel l'Azerbaïdjan est confronté, celui du conflit avec l'Arménie et la région séparatiste du Haut-Karabagh. Sans revenir sur ce conflit, vous savez que depuis le cessez-le-feu de 1994, une grande partie du territoire de l'Azerbaïdjan, allant bien au-delà du Haut-Karabagh à proprement parler, est occupé par les forces arméniennes, occupation que l'ONU et le Conseil de l'Europe ont condamnée. La France copréside avec la Russie et les États-Unis ce que l'on appelle le Groupe de Minsk, lequel n'a certes pas réussi à régler le conflit, mais a jusqu'à présent évité une nouvelle escalade malgré des incidents très fréquents sur la ligne de démarcation.
L'intérêt des relations politiques avec l'Azerbaïdjan tient aussi à la position prudente et équilibrée de la diplomatie de ce pays. De plus en plus, on assiste en effet dans l'ancien espace soviétique à une polarisation entre les pays qui sont en conflit avec la Russie et cherchent le soutien occidental – l'Ukraine, la Géorgie, la Moldavie – et les pays qui acceptent, même avec des réticences, d'entrer dans l'Union eurasiatique avec la Russie – le Belarus, le Kazakhstan, l'Arménie. Dans ce contexte, l'Azerbaïdjan a une position originale, car il est parvenu jusqu'à présent à maintenir de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu'avec l'Occident, en affirmant sa volonté d'indépendance. Il n'est candidat, ni à l'OTAN, ni à l'Union européenne, ni à l'Union eurasiatique.
Dans ce tableau général, l'accord que nous étudions aujourd'hui a une portée assez limitée. En fait, on peut, comme pour l'accord que nous avons examiné précédemment, dire que son impact sur la réalité des choses est nul, au point que quand j'ai contacté notre conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) à Bakou, il a été étonné car le centre culturel fonctionne sans aucun problème et il était convaincu que l'accord dont nous discutons était ratifié depuis longtemps…
C'est pourquoi je serai bref sur le contenu de cet accord. Tout d'abord, il acte formellement l'existence du centre culturel français à Bakou, lequel n'a pas eu besoin, je l'ai dit, de cet accord pour exister et fonctionner, mais y trouvera une consolidation de son statut en droit international. L'accord autorise aussi, par réciprocité, l'ouverture éventuelle d'un centre culturel azerbaïdjanais à Paris, sachant que, pour le moment, il existe seulement une section culturelle de l'ambassade, qui a été inaugurée en 2012 par le président Aliyev en personne.
L'accord comprend ensuite des dispositions relatives aux missions et aux activités des centres culturels. Ces mentions peuvent apparaître triviales, mais sont importantes, car elles visent à garantir la liberté des centres culturels visés – en l'espèce pour le moment le seul Institut français d'Azerbaïdjan – dans la programmation de leurs activités, dès lors qu'elles sont nommées dans l'accord. L'accord garantit aussi la liberté des centres culturels pour organiser des activités hors de leurs locaux et le libre accès du public à ces activités.
Il comprend enfin des dispositions classiques dans ce genre d'accords, telles que des exemptions fiscales pour l'importation de biens, notamment culturels, par les centres culturels, ainsi que des dispositions concernant les personnels. À cet égard, l'accord permet notamment que le centre culturel de Bakou soit dirigé par un diplomate, en l'espèce le COCAC conformément à la pratique dans notre réseau culturel. Ce statut diplomatique du directeur concourt aussi à garantir le libre fonctionnement du centre, qui ne bénéficie pas en tant que tel de la même immunité. Mais, je le redis, le COCAC m'a confirmé que notre centre culturel ne rencontrait aucune difficulté.
Je vous invite donc à approuver cet accord qui a été négocié à la demande de la France et consolide juridiquement l'existence d'un outil de notre politique d'influence dans un pays qui est, pour des raisons économiques et politiques, un partenaire important.
Je tiens à saluer le travail qui a été effectué dans le cadre de ce rapport. Lors d'une visite en Azerbaïdjan, il y a quelques années, j'avais assisté à une conférence animée en français à l'institut du pétrole. J'avais été stupéfait de l'emploi de la langue française par les ingénieurs azerbaïdjanais. Cela tient au fait que le français était la langue des organisations syndicales de l'URSS. Si notre langue a gardé une bonne position en Azerbaïdjan, c'est grâce à la CGT. Je voudrais donc lui rendre hommage, une fois n'est pas coutume. Cela dit, l'influence du français a bien décru depuis. Pour terminer mon propos, cet excellent accord doit être approuvé.
Dans un élan francophone et francophile, je voudrais m'associer à l'hommage de Jacques Myard à la CGT. S'agissant du projet de loi qui nous est soumis, j'ai apprécié la synthèse qui a été faite par Thierry Mariani dans son rapport et les éléments contextuels qui y sont apportés. Les 350 000 euros dépensés pour notre centre culturel envoient un signe positif aux autorités d'Azerbaïdjan. Ce projet est également un moyen de promouvoir la francophonie. Nous aurions tort de négliger l'importance des anciennes républiques soviétiques de cette région, car elles auront peut-être un rôle à jouer entre l'Europe et la Russie. Il est important que la France soit présente là où elle le peut, comme c'est le cas en Azerbaïdjan avec ce modeste accord culturel qu'il convient de ratifier.
Je voterai également pour la ratification de cet accord. Je constate cependant que la question des droits de l'homme n'a pas été évoquée. Il y a encore quelques semaines, l'Azerbaïdjan assurait la présidence du comité des ministres du Conseil de l'Europe. Monsieur le rapporteur, vous siégez à l'Assemblée parlementaire de cette institution, comme un certain nombre d'entre nous ici. Vous avez donc connaissance des pressions exercées sur les défenseurs des droits de l'homme, retenus en détention ou emprisonnés. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, s'était rendu en Azerbaïdjan afin de dresser un état des lieux de la situation. Il a déclaré hier que cette mission avait été l'une des plus difficiles depuis le début de son mandat.
À l'occasion de l'Assemblée parlementaire de Madrid, le Conseil avait invité une jeune défenseuse des droits de l'homme, originaire d'Azerbaïdjan et travaillant pour International Media Report basée à Copenhague, qui avait souligné les difficultés liées au respect des droits dans son pays. Deux jours après son intervention, la mère de cette dernière a fait l'objet de pressions policières. Je pense qu'au vu de circonstances comme celles-ci, il est essentiel de rappeler que certaines choses ne sont pas tolérables dans la maison des droits de l'homme qu'est le Conseil de l'Europe.
Certes, les centres culturels ont pour vocation de promouvoir notre langue et notre culture mais la promotion des droits de l'homme et de l'État de droit font également partie de leurs missions. Je vous renvoie, pour exemple, aux projets entrepris par le centre culturel français de Budapest, bien que le contexte ne soit pas entièrement comparable.
La situation présente est révélatrice d'une difficulté au regard de l'acceptation de la Convention européenne des droits de l'homme, qui unit fondamentalement les États qui ont décidé de rejoindre le Conseil de l'Europe. L'Azerbaïdjan est un partenaire important de la France. Il convient toutefois de lui rappeler les devoirs qui lui incombent. J'espère que cet accord le permettra.
Je voudrais d'abord remercier monsieur Mariani pour cet exposé très complet. Je regrette cependant qu'il n'ait pas abordé la question de la liberté de la presse. Vous savez bien qu'elle est inexistante dans ce pays qui est aujourd'hui dirigé par le clan Aliyev.
J'ai moi-même été interdit de séjour à la suite d'une visite. Je rappelle également, à ce propos, que le président de la délégation française au Conseil de l'Europe, René Rouquet, également membre du comité de suivi, s'était vu refuser son visa lorsque l'Azerbaïdjan présidait le comité des ministres du Conseil. J'ai demandé les raisons de ce refus au ministre qui m'a précisé que M. Rouquet comme moi-même n'aurions pas dû nous rendre au Haut-Karabagh. Je considère toutefois que cela ne justifie pas la décision prise par l'Azerbaïdjan. Par ailleurs, madame Leyla Yunus, qui a été décorée de la Légion d'honneur, est toujours en prison aujourd'hui.
Le président Aliyev et le président arménien, monsieur Sarkissian, étaient en France tout récemment à l'invitation du Président de la République. Cette rencontre s'inscrivait dans le processus de paix entre les deux pays. Or, quelques jours après, un hélicoptère transportant trois soldats du Karabagh a été abattu.
Un accord avec une vraie république démocratique ne pourrait être qu'adopté. Tel n'est pas le cas de l'Azerbaïdjan. Le cas du Qatar a été évoqué tout à l'heure, mais l'Azerbaïdjan appelle le même genre de distance. C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.
Peut-on avoir quelques informations sur les activités du centre culturel azerbaïdjanais en France ?
Pouvez-vous nous donner des précisions sur le poids des échanges commerciaux bilatéraux et le solde de notre balance commerciale ?
La première pierre du centre culturel de Bakou a été posée par Nicolas Sarkozy, lors d'une visite éclair de deux heures en Azerbaïdjan, contre deux jours en Arménie. Je suis aussi un républicain, et je tiens aux droits de l'homme qui ont été proclamés lors de la Révolution française de 1789. Mais nous devons être réalistes. L'Azerbaïdjan est un partenaire stratégique pour nous en Asie centrale. En premier lieu, en raison de nos importations de pétrole. Mais aussi à cause de son positionnement stratégique : ce pays tâche de garder une certaine indépendance vis-à-vis de la Russie, qui cherche à reprendre en main la région, mais aussi de l'Ouest, dont la Géorgie et l'Ukraine ont cherché à se rapprocher avec les conséquences que l'on sait. J'ai, comme M. Rochebloine, beaucoup d'amitié pour l'Arménie. Ma circonscription compte d'ailleurs des communautés arméniennes. Mais il faut bien avouer que nos échanges avec l'Arménie sont bien plus modestes qu'avec l'Azerbaïdjan et que ce pays est passé complètement sous la coupe de la Russie. Par ailleurs, l'Arménie occupe une partie du territoire azerbaïdjanais, le Haut-Karabagh. La France doit donc entretenir des relations équilibrées avec les trois pays caucasiens : Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie. Le centre culturel est un projet très modeste, qui ne coûte pas grand-chose. Je souhaiterais même que nous fassions davantage dans ce pays en progrès, à l'image de sa capitale, Bakou, qui est en train de devenir un nouveau Dubaï.
Je pense qu'on ne peut pas passer sous silence les graves entorses aux droits de l'homme perpétrées en Azerbaïdjan. Mais je souhaite aborder nos relations avec ce pays à travers un autre prisme, celui de l'outil diplomatique que représente le sport. Il me semble que c'est là un vrai enjeu, et je souhaite que notre commission conduise une mission d'information à ce sujet en 2015. C'est particulièrement pertinent en Azerbaïdjan, parce que ce pays accueillera en juin 2015 la première édition des Jeux européens. Pour cette occasion, des entreprises françaises se sont positionnées. Au-delà des aspects économiques, ces jeux peuvent être un moyen de faire progresser le français en Azerbaïdjan : il serait dommage que le centre culturel ne soit pas pleinement associé à cette manifestation sportive. Les jeux européens sont un outil d'influence à la fois pour l'Azerbaïdjan et pour les acteurs étrangers qui ont des compétences à faire valoir dans ce domaine.
Je me suis rendu à plusieurs reprises en Azerbaïdjan, et j'ai même participé à une mission de contrôle des élections. Certes, il y a fort à faire pour démocratiser le système. Mais au moins, les élections se tiennent, ce qui n'est toujours le cas dans les pays de la région. Il faut replacer le régime azerbaïdjanais dans son contexte. En premier lieu, le pays a accédé à l'indépendance dans des conditions particulièrement violentes : l'Allée des Martyrs, à Bakou, est là pour nous le rappeler. Par ailleurs, il doit encore faire face à l'occupation du Haut-Karabagh par l'Arménie, qui s'accompagne d'un afflux de réfugiés vivant dans des conditions dramatiques. Comme cela a été rappelé, le président Aliyev déploie des efforts considérables pour assurer l'indépendance de son pays, de la Russie en particulier, et l'on peut supposer qu'il doit faire face à des tentatives de déstabilisation en sous-main. Il faut donc avoir toutes ces circonstances à l'esprit.
Par ailleurs, il est important que nous renforcions notre présence en Asie centrale, où les Allemands et les Turcs sont bien mieux implantés que nous d'un point de vue économique. J'encourage donc toutes les initiatives qui vont dans ce sens : si nous pouvons soutenir la présence culturelle de la France, il faut le faire. Nous avons en la Première dame d'Azerbaïdjan une alliée : elle participe fréquemment à des manifestations culturelles en France. Le meilleur moyen pour favoriser la démocratisation d'un pays, c'est d'encourager son ouverture. Cette mécanique a probablement joué un rôle dans l'effondrement de l'URSS.
Je m'abstiendrai lors du vote sur ce projet de loi, ne pouvant cautionner les violations des droits de l'homme observées en Azerbaïdjan. Ce pays est dirigé par un clan qui s'approprie toutes les richesses. L'ouverture de centres culturels ne va pas changer la donne ! Le peuple arménien se trouve aujourd'hui dans une situation catastrophique et cela est dû à une politique manifeste de l'Azerbaïdjan. Il n'est donc pas possible d'avoir un regard compassionnel – et complice – sur ce pays. Je comprends qu'il faille pratiquer la realpolitik, souvent inspirée par les intérêts économiques suscités par les ressources que possèdent certains pays, mais nous ne pouvons pas aller jusqu'à la compromission.
L'Azerbaïdjan s'est-il engagé à accorder des visas à tous les athlètes pour les Jeux européens ? Ce n'est pas une question fortuite. Par le passé, nous avons dû déplacer une réunion de l'UIP prévue à Bakou parce que les autorités azerbaïdjanaises se refusaient à accorder un visa à certains parlementaires. Par ailleurs, le centre culturel de Bakou travaille-t-il en lien avec les autres centres culturels français de la région ?
Evidemment, je ne suis pas contre le fait que nous ayons des relations avec l'Azerbaïdjan. Mais notre diplomatie doit rester ferme. En effet, ce pays est dirigé par un clan. Les dernières élections ont été gagnées avec 97 % des voix ! On dit que la Première dame, qui a été reçue en France, pourrait succéder à son mari ! Je trouve préoccupant que nous choisissions des endroits comme l'Azerbaïdjan et le Qatar pour les compétitions sportives. Je suis pour que nous ayons des relations avec l'Azerbaïdjan, mais des relations vraies. Or, ce n'est pas le cas actuellement. Les engagements ne sont pas respectés. Le président Aliyev père – c'est une affaire de famille ! – avait signé des accords de paix sous l'égide du président Chirac, qui ensuite ont été déniés. Vive la démocratie en Azerbaïdjan !
Le débat que nous avons maintenant est récurrent, j'y reviendrai à la fin de mon propos, après avoir répondu aux autres questions. Comme vous le savez, c'est un pays que je connais bien, j'en ai présidé le groupe d'amitié à l'Assemblée.
S'agissant des échanges économiques, notre balance commerciale est déficitaire avec l'Azerbaïdjan, mais elle l'est par construction, celui-ci étant un grand producteur de pétrole. 1,7 milliard d'euros d'importations de notre côté, constitué à 99% d'hydrocarbures. 266 millions d'importations depuis la France de l'autre, pour moitié constituées par des avions Airbus. Nous dépendons de notre côté de la signature de gros contrats comme la station d'incinération à Bakou, que la CNIM a décrochée il y a quelques années.
Quant à l'apprentissage de la langue française, il y a aujourd'hui 80 000 personnes qui apprennent le français en Azerbaïdjan, sur un total de 9 millions d'habitants. La francophilie de la population et des dirigeants est évidente. Les autorités ont proposé de financer en totalité le lycée français – lequel reste pour autant complétement géré par la France –, ce qui est le cas de bien peu de nos partenaires. Il faut se réjouir que de la pose de la première pierre par Nicolas Sarkozy à l'inauguration de l'établissement par François Hollande, il y ait là une véritable continuité de notre politique. Pour ma part, je soutiens l'apprentissage du français et toute forme de coopération culturelle, comme moyens de renforcer nos liens bilatéraux, mais aussi de favoriser l'ouverture de ce pays sur la voie de la démocratisation.
Madame Guittet, j'ai posé sur place la question de l'attribution de visas aux athlètes et on m'a répondu qu'il n'y aurait pas de difficultés pour les Arméniens. Mais la politique de l'Azerbaïdjan est bien connue : le pays considère que l'occupation d'une grande partie de son territoire est illégale et refuse donc l'entrée à tous ceux qui se rendent dans cette zone en y reconnaissant la souveraineté arménienne.
Madame Fourneyron, vous avez raison, le sport et la culture font partie intégrante de la diplomatie de l'Azerbaïdjan. J'ai pu visiter les équipements qui ont été construits à Bakou et qui sont des plus modernes. J'ai aussi rencontré l'équipe française qui participe à l'organisation des Jeux européens : la préparation se déroule bien.
Sur les questions plus politiques, qui ne sont pas l'objet du rapport, je souhaite rappeler pour commencer que les dernières élections ont été validées par trois organisations internationales que sont le Conseil de l'Europe, l'OSCE et le Parlement européen. J'ai fait moi-même partie des observateurs internationaux. Ces élections sont-elles non démocratiques parce qu'Ilham Aliyev a été élu à 84 % ? Je réponds non : l'institut de sondage français Opinion way prévoyait le même score à la sortie des urnes.
Par ailleurs, j'ai une profonde sympathie pour l'Arménie et je rappelle que j'ai voté en faveur de la proposition de loi visant à reconnaître le génocide arménien ; cependant il faut rappeler que l'Azerbaïdjan est un pays en guerre, avec des incidents déplorables des deux côtés. J'ajoute que les 800 000 réfugiés sont bien en Azerbaïdjan et pas en Arménie. Enfin, une partie du territoire de l'Azerbaïdjan est aujourd'hui occupée de manière illégale par l'Arménie, tout autour du Haut-Karabagh. C'est comme si un État voisin de la France qui réclamait Reims occupait pour ce motif tout le nord de notre pays.
Pour répondre à monsieur Le Borgn', je participe come lui aux travaux du Conseil de l'Europe, où pour l'heure la question de la définition des prisonniers politiques est bloquée. Il faut bien voir aussi qu'il y a une guerre d'influence dans la zone, notamment entre l'Iran et la Russie. L'Azerbaïdjan a de bons rapports avec la Turquie et la Géorgie, mais connaît des tensions avec ses trois autres voisins. Il y a 15 millions d'Azéris en Iran, Tabriz est une ville azérie, et ce pays mène des actions de déstabilisation contre l'Azerbaïdjan depuis des années. Je me souviens d'articles de presse qui qualifiaient de prisonniers politiques des islamistes radicaux. Il faut donc garder une certaine distance.
Il y a évidemment d'immenses progrès à faire, je suis le premier à le dire, sur le plan de la protection des droits de l'homme, mais nous sommes tout de même en situation de guerre. L'important est de maintenir le dialogue au sein des organisations internationales. Qui parle aujourd'hui du pays voisin, le Turkménistan, qui n'est pas membre du Conseil de l'Europe ? Faut-il, au motif qu'ils ont encore des progrès à faire, pénaliser les pays qui font au contraire cet effort de discussion au sein des instances internationales ?
Nous sommes dans une société de tradition musulmane qui est un exemple de tolérance religieuse. Il n'y a pas de policiers devant l'ambassade d'Israël à Bakou. Les synagogues côtoient dans ce pays les églises et les mosquées. Les tenues vestimentaires rendent compte d'une forte tradition de laïcité.
J'ai interrogé un certain nombre d'autorités locales sur le cas individuel évoqué ; il m'a été répondu que la personne en question se livrait à des opérations d'espionnage pour le compte d'un autre État. Je signale dans mon rapport que ce pays essaie d'échapper à la fois la pression américaine et russe. C'est pourquoi aussi de nombreuses ONG se déchaînent. Regardons aussi du côté du grand voisin qu'est l'Iran. Veut-on des élections avec de la transparence, de la démocratie, avec les risques que cela comporte ?
En conclusion je rappelle qu'il s'agit très modestement, dans ce rapport, d'approuver le financement du centre culturel d'un pays qui est pour moi un modèle de tolérance et demeure un ami de la France.
Je vous remercie pour ces réponses extrêmement argumentées qui démontrent une connaissance approfondie du pays. Personnellement je voterai ce rapport car je pense qu'il faut encourager les relations culturelles entre nos deux pays pour que l'Azerbaïdjan se rapproche des standards et des valeurs qui sont les nôtres.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 784).
Informations relatives à la commission
Au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 2014 à 9h45, la commission des affaires étrangères a nommé :
– Mme Valérie Fourneyron, rapporteure sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan relatif aux services aériens (n° 2346).
La séance est levée à onze heures quinze.