Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani, rapporteur :

Le débat que nous avons maintenant est récurrent, j'y reviendrai à la fin de mon propos, après avoir répondu aux autres questions. Comme vous le savez, c'est un pays que je connais bien, j'en ai présidé le groupe d'amitié à l'Assemblée.

S'agissant des échanges économiques, notre balance commerciale est déficitaire avec l'Azerbaïdjan, mais elle l'est par construction, celui-ci étant un grand producteur de pétrole. 1,7 milliard d'euros d'importations de notre côté, constitué à 99% d'hydrocarbures. 266 millions d'importations depuis la France de l'autre, pour moitié constituées par des avions Airbus. Nous dépendons de notre côté de la signature de gros contrats comme la station d'incinération à Bakou, que la CNIM a décrochée il y a quelques années.

Quant à l'apprentissage de la langue française, il y a aujourd'hui 80 000 personnes qui apprennent le français en Azerbaïdjan, sur un total de 9 millions d'habitants. La francophilie de la population et des dirigeants est évidente. Les autorités ont proposé de financer en totalité le lycée français – lequel reste pour autant complétement géré par la France –, ce qui est le cas de bien peu de nos partenaires. Il faut se réjouir que de la pose de la première pierre par Nicolas Sarkozy à l'inauguration de l'établissement par François Hollande, il y ait là une véritable continuité de notre politique. Pour ma part, je soutiens l'apprentissage du français et toute forme de coopération culturelle, comme moyens de renforcer nos liens bilatéraux, mais aussi de favoriser l'ouverture de ce pays sur la voie de la démocratisation.

Madame Guittet, j'ai posé sur place la question de l'attribution de visas aux athlètes et on m'a répondu qu'il n'y aurait pas de difficultés pour les Arméniens. Mais la politique de l'Azerbaïdjan est bien connue : le pays considère que l'occupation d'une grande partie de son territoire est illégale et refuse donc l'entrée à tous ceux qui se rendent dans cette zone en y reconnaissant la souveraineté arménienne.

Madame Fourneyron, vous avez raison, le sport et la culture font partie intégrante de la diplomatie de l'Azerbaïdjan. J'ai pu visiter les équipements qui ont été construits à Bakou et qui sont des plus modernes. J'ai aussi rencontré l'équipe française qui participe à l'organisation des Jeux européens : la préparation se déroule bien.

Sur les questions plus politiques, qui ne sont pas l'objet du rapport, je souhaite rappeler pour commencer que les dernières élections ont été validées par trois organisations internationales que sont le Conseil de l'Europe, l'OSCE et le Parlement européen. J'ai fait moi-même partie des observateurs internationaux. Ces élections sont-elles non démocratiques parce qu'Ilham Aliyev a été élu à 84 % ? Je réponds non : l'institut de sondage français Opinion way prévoyait le même score à la sortie des urnes.

Par ailleurs, j'ai une profonde sympathie pour l'Arménie et je rappelle que j'ai voté en faveur de la proposition de loi visant à reconnaître le génocide arménien ; cependant il faut rappeler que l'Azerbaïdjan est un pays en guerre, avec des incidents déplorables des deux côtés. J'ajoute que les 800 000 réfugiés sont bien en Azerbaïdjan et pas en Arménie. Enfin, une partie du territoire de l'Azerbaïdjan est aujourd'hui occupée de manière illégale par l'Arménie, tout autour du Haut-Karabagh. C'est comme si un État voisin de la France qui réclamait Reims occupait pour ce motif tout le nord de notre pays.

Pour répondre à monsieur Le Borgn', je participe come lui aux travaux du Conseil de l'Europe, où pour l'heure la question de la définition des prisonniers politiques est bloquée. Il faut bien voir aussi qu'il y a une guerre d'influence dans la zone, notamment entre l'Iran et la Russie. L'Azerbaïdjan a de bons rapports avec la Turquie et la Géorgie, mais connaît des tensions avec ses trois autres voisins. Il y a 15 millions d'Azéris en Iran, Tabriz est une ville azérie, et ce pays mène des actions de déstabilisation contre l'Azerbaïdjan depuis des années. Je me souviens d'articles de presse qui qualifiaient de prisonniers politiques des islamistes radicaux. Il faut donc garder une certaine distance.

Il y a évidemment d'immenses progrès à faire, je suis le premier à le dire, sur le plan de la protection des droits de l'homme, mais nous sommes tout de même en situation de guerre. L'important est de maintenir le dialogue au sein des organisations internationales. Qui parle aujourd'hui du pays voisin, le Turkménistan, qui n'est pas membre du Conseil de l'Europe ? Faut-il, au motif qu'ils ont encore des progrès à faire, pénaliser les pays qui font au contraire cet effort de discussion au sein des instances internationales ?

Nous sommes dans une société de tradition musulmane qui est un exemple de tolérance religieuse. Il n'y a pas de policiers devant l'ambassade d'Israël à Bakou. Les synagogues côtoient dans ce pays les églises et les mosquées. Les tenues vestimentaires rendent compte d'une forte tradition de laïcité.

J'ai interrogé un certain nombre d'autorités locales sur le cas individuel évoqué ; il m'a été répondu que la personne en question se livrait à des opérations d'espionnage pour le compte d'un autre État. Je signale dans mon rapport que ce pays essaie d'échapper à la fois la pression américaine et russe. C'est pourquoi aussi de nombreuses ONG se déchaînent. Regardons aussi du côté du grand voisin qu'est l'Iran. Veut-on des élections avec de la transparence, de la démocratie, avec les risques que cela comporte ?

En conclusion je rappelle qu'il s'agit très modestement, dans ce rapport, d'approuver le financement du centre culturel d'un pays qui est pour moi un modèle de tolérance et demeure un ami de la France.

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