Intervention de Philippe Meunier

Séance en hémicycle du 4 décembre 2014 à 15h00
Déchéance de nationalité pour les atteintes aux forces armées et de police — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Meunier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Peu importe l’idéologie qui les fait agir : aujourd’hui, nos forces armées combattent le djihadisme, mais rien ne dit que demain, des Français ne prendront pas les armes contre notre pays pour d’autres motifs.

Je vous proposerai donc deux amendements principaux visant à permettre de décréter la perte de nationalité de tout Français binational coupable de tels actes et à instaurer un crime d’indignité nationale, automatiquement sanctionné de la dégradation nationale, à l’encontre de tout autre Français auteur de tels faits, puisque l’on ne peut le rendre apatride en vertu de nos accords internationaux.

Je précise, à propos de l’amendement de M. Jean-Christophe Lagarde, que notre droit constitutionnel nous interdit également de conditionner l’accès et le séjour des Français sur notre territoire national à une quelconque décision ministérielle.

L’instauration d’un mécanisme de perte de nationalité à la place de la déchéance de nationalité permet d’écarter les arguments relatifs au caractère anticonstitutionnel de la proposition de loi initiale, puisque la perte de nationalité concerne tout Français binational, qu’il soit né Français ou qu’il ait acquis la nationalité française d’une manière ou d’une autre, contrairement à la déchéance, qui ne vise que ceux qui ont acquis la nationalité française.

La perte de nationalité n’est pas encadrée dans des limites temporelles pour sanctionner les faits reprochés, contrairement à la procédure de déchéance, enserrée dans un délai de dix ou quinze ans, que la proposition de loi initiale écartait. La perte de nationalité peut être prononcée par décret après avis simple du Conseil d’État – et non après avis conforme comme pour la déchéance – et, si cet avis est négatif, le Gouvernement peut le surmonter en adoptant le décret en conseil des ministres. Cela suppose que ledit décret soit signé par le Président de la République et par le Premier ministre.

De plus, je vous proposerai par amendement de préciser le champ géographique des faits sanctionnés par la perte de nationalité. Ces faits devront s’être produits sur un théâtre d’opération extérieure où la France est engagée ou sur le territoire français, au profit d’un État ou d’une organisation contre lesquels la France est engagée militairement.

J’insiste sur le fait que la proposition de loi que je souhaite vous faire adopter vise à protéger nos militaires et nos forces de sécurité lorsqu’ils sont engagés dans une guerre ou dans un conflit extérieur.

Enfin, je souhaite que l’individu devenu étranger à la suite de la perte de la nationalité française puisse faire l’objet, à la discrétion du Gouvernement, d’une mesure d’expulsion lorsqu’il est présent sur le territoire national, ou d’une interdiction administrative de territoire lorsqu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national. Ces mesures administratives complémentaires sont justifiées par le fait que la présence en France de l’individu en question constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France. Elles ne pourraient être prises qu’après épuisement des voies de recours contentieuses dont l’individu dispose pour contester le décret de perte de nationalité devant le Conseil d’État. Il s’agit d’une garantie procédurale indispensable au regard de notre droit constitutionnel.

J’en viens à l’instauration d’un crime d’indignité nationale assortie d’une peine d’indignité nationale pour les Français. À la fin de la Seconde guerre mondiale, le général de Gaulle adopta l’ordonnance du 26 août 1944 instituant un crime d’indignité nationale pour sanctionner sévèrement les Français ayant collaboré avec l’ennemi. Cette ordonnance fut abrogée par la loi d’amnistie du 5 janvier 1951.

Ce crime n’était pas passible d’une peine d’emprisonnement, car les faits reprochés n’étaient suffisamment graves pour la justifier – il s’agissait en effet d’actes de collaboration avec la propagande allemande et de commerce avec l’ennemi. Cependant, il était sanctionné par une peine de dégradation nationale entraînant la déchéance des droits civiques, civils et politiques, ainsi qu’un certain nombre d’interdictions professionnelles et d’autre nature.

Je crois qu’il convient aujourd’hui de s’en inspirer à l’encontre des ressortissants français sans double nationalité qui trahissent notre pays en portant les armes contre nos militaires et nos forces de sécurité.

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