La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Ary Chalus.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition visant à lutter contre les démarches engagées par des Français pour obtenir une gestation pour autrui.
Cette proposition de loi vise à renforcer les sanctions applicables à l’encontre des agences organisant la pratique de la gestation pour autrui, en doublant les peines applicables, lesquelles passeraient de six à douze mois d’emprisonnement et de 7 500 à 15 000 euros d’amende.
Le deuxième article de cette proposition de loi prévoit que les Français ou les étrangers entreprenant des démarches auprès d’agences ou d’organismes en vue d’une gestation pour autrui encoureraient une peine de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Il dispose également que le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la naissance d’un enfant par une gestation pour autrui est punissable d’une année d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Ces dispositions manquent de clarté. En premier lieu, que signifie « entreprendre des démarches » ? En second lieu, quelle est la distinction entre le fait d’entreprendre des démarches et celui de « tenter d’obtenir » ?
Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste a affirmé à maintes reprises sa ferme opposition à la gestation pour autrui.
Lors des débats sur le mariage des couples de même sexe, nous avons défendu l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe, au nom du principe constitutionnel d’égalité entre les citoyens et de la justice sociale. Toutefois, nous restons défavorables à la marchandisation du corps humain. Or la gestation pour autrui constitue une marchandisation du corps : le recours à l’utilisation du ventre d’une femme constitue un acte commercial, que nous combattons unanimement.
L’article 16-7 du code civil, introduit par la loi du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, pose expressément le principe de la nullité de « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui ». Le principe du respect du corps humain fait l’objet d’un chapitre entier du code civil, qui consacre son indisponibilité et son inviolabilité.
Nous avons déjà dit qu’il nous apparaissait souhaitable de condamner et de poursuivre la gestation pour autrui, et de l’interdire au niveau européen.
La circulaire du 25 janvier 2013 de la garde des sceaux, relative à la reconnaissance des enfants nés à l’étranger de mères porteuses, n’ouvre pas le droit à la gestation pour autrui.
Non, cette circulaire ne constitue pas une reconnaissance du droit à la gestation pour autrui. Elle permet seulement la reconnaissance des enfants nés à l’étranger lorsque le lien de filiation avec un Français résulte d’un acte d’état civil étranger probant au regard de l’article 47 du code civil.
Par ailleurs, nous ne pouvons qu’être surpris par la solution envisagée pour surmonter le conflit existant entre les jurisprudences de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l’homme.
En effet, comme le rapporteur Jean Leonetti l’a précisé, la Cour de cassation, dans des arrêts des 31 mai 1991, 6 avril 2011 et du 13 septembre 2013 a toujours refusé la transcription des actes de naissance à l’état civil français des enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger. La Cour considère que la pratique de la gestation pour autrui contrevient à des principes essentiels du droit français, et qu’une « convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle, d’une nullité d’ordre public ».
En revanche, la Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt Mennesson contre France du 26 juin 2014, a condamné la France pour refus de transcription d’un acte de naissance à l’état civil français. Pour les juges, alors même que la gestation pour autrui constitue un contrat « contraire à l’ordre public », le refus de transcription sur les registres français des actes d’état civil établis à l’étranger des enfants issus d’une gestation pour autrui porte atteinte au droit au respect de leur vie privée.
Aggraver les sanctions pénales encourues par les agences et les personnes souhaitant obtenir la naissance d’un enfant par la pratique d’une gestation pour autrui ne permet en rien de lever les divergences existant entre le juge national et le juge européen.
Dans ces conditions, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne pourra pas voter la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, nous abordons une question délicate, qui touche à la manière dont la science et la technique sont capables de changer non seulement le monde, mais nos vies. La science et la technique peuvent beaucoup : elles l’ont prouvé dans le passé. Faut-il pour autant faire tout ce qu’elles permettent ? C’est aux sociétés de le décider.
Certains pays autorisent la gestation pour autrui, alors qu’elle est interdite en France. C’est donc bien un choix de société : tout ce qui est possible n’a pas vocation a devenir légal.
Certains disent que la gestation pour autrui existe depuis toujours. Certes, mais il fut un temps où on ne choisissait pas d’être enceinte ou non, sinon au péril de sa vie. Il fut un temps où l’enfant était le « bâton de vieillesse », que de riches couples infertiles pouvaient se procurer chez les pauvres. Les récits de Maupassant sont remplis de telles histoires – « L’Histoire d’une fille de ferme » et tant d’autres.
Mais une société, c’est bien plus que ça. Une société est constituée par le droit, intermédiaire entre la nature, les moeurs, le désir des individus et le marché, aujourd’hui où le désir devient marché. Le rôle du droit, le rôle de la loi, donc celui du politique, est de construire les règles dans lesquelles s’inscrira la société, notamment dans ses dimensions les plus fortes que sont la vie et la filiation.
Juridiction supranationale, la Cour européenne des droits de l’homme,siégeant en chambre, et non pas en grande chambre, s’est prononcé à deux reprises sur le cas des enfants issus d’une GPA, dans des arrêts concernant respectivement la France et la Belgique. Le problème, c’est qu’elle ne dit pas la même chose dans les deux cas.
Le fait que la France n’ait pas fait appel de la décision de la Cour nous laisse la liberté de débattre de cette question.
Ma position, que je partage avec un certain nombre de mes collègues, est donc tout à fait claire.
Le droit est un construit social et politique. Il doit l’être, car si le politique s’en dessaisit, alors c’est à la cour constitutionnelle, au Conseil d’État qu’il revient de la définir, et finalement à la CEDH qu’on utilise comme une arme face à la faiblesse du politique.
Il s’agit ici d’un enjeu de société, qui touche à la vie, au corps humain, à la filiation, à la mémoire des familles.
Eh bien nous sommes face à une situation difficile et complexe, et non pas à un problème purement technique.Nous ne pouvons pas nous contenter de dire que la gestation pour autrui étant interdite en France, cette question est réglée.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
La décision de la CEDH nous permet de mesurer cette complexité puisqu’il s’agit de trouver une solution pour des enfants qui sont là, bien vivants…
Vous êtes très agaçants, mes chers collègues, je vous serais reconnaissante de bien vouloir me laisser m’exprimer. Votre proposition de loi me semble juridiquement très instable. Le doublement de peines peu importantes ne représente pas grand-chose.Il faut aller plus loin et construire un dispositif solide, qui réaffirme la position de la France sur ce point.
À cet égard, le Premier ministre a pris une position extrêmement claire, en demandant au ministre des affaires étrangères de lancer une initiative au plan international. A titre personnel j’ai confiance en cette stratégie et je m’y associerai, avec un certain nombre de mes collègues.
C’est elle qui permettra à notre droit, héritier du droit romain, fondé sur des principes, de résister face à un droit fondé sur la coutume, dont l’influence se développe partout dans le monde. C’est elle qui nous permettra de réaffirmer qu’aucun contrat ne peut légitimer qu’une femme vende, prête ou donne son ventre, au risque de sa vie, à des familles, homosexuelles ou hétérosexuelles en souffrance : que la souffrance, psychologique ou physique de l’une n’est pas compensée par le bonheur des autres. Je suis contre cette contractualisation.
Transformer notre droit en un simple contrat, c’est faire des procureurs, des juges et des avocats de simples juristes rédigeant des actes contre rémunération. Ma position est donc simple et ferme : je pense que votre proposition de loi est mal ficelée. Voilà.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question de la gestation pour autrui, qui fait l’objet de la proposition de loi de Jean Leonetti, pose une question fondamentale : a-t-on le droit, parce que l’on a un « désir d’enfant » et que l’on a les moyens de payer, de louer le ventre d’une femme à l’étranger pour fabriquer un enfant, qu’on rapatriera ensuite en France ?
Cette question se pose depuis longtemps pour les couples hétérosexuels confrontés à l’incapacité médicale de procréer. Elle concerne désormais les couples homosexuels masculins, qui considèrent que le droit à l’enfant leur appartient depuis la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, la fameuse loi sur le mariage pour tous, traduction de la promesse no 31 du candidat Hollande.
C’est précisément ce problème de la filiation, et particulièrement la filiation par GPA, qui a le plus heurté la conscience de nos concitoyens, et qui a été à l’origine de mois entiers de controverses et de la mobilisation de centaines de milliers de Français de toutes sensibilités politiques.
Depuis le début de ce débat, le Gouvernement a perpétuellement zigzagué entre la nécessité de maintenir les principes fondamentaux de notre droit, qui interdisent la GPA, et la conséquence pourtant inévitable de son propre texte sur le mariage pour tous,…
…à savoir la revendication du droit à l’enfant, fut-ce en louant les services d’une femme qui portera l’enfant pour un couple tiers.
Vous le savez, la GPA est interdite en France. Le corps humain n’est en effet susceptible de n’être ni vendu, ni acheté, ni loué, et l’article 16-7 du code civil dispose expressément que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle ». Aux termes de l’article 16-9 du même code, cette disposition est d’ordre public. Elle a été introduite dans le code civil par la loi du 29 juillet 1994, traduction législative de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui, dans son fameux arrêt du 31 mai 1991 disposait que « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ».
S’appuyant sur le droit de l’enfant, la garde des sceaux, votre collègue, monsieur le secrétaire d’État, Mme Taubira, s’est crue cependant autorisée à édicter une circulaire en janvier 2013 visant à faciliter la délivrance de certificats de nationalité française aux enfants conçus par GPA à l’étranger, sur le fondement du droit du sang, selon lequel un enfant dont l’un des parents est français est lui-même français. Si l’on peut comprendre que le droit de l’enfant doive primer sur toute autre considération, il n’en demeure pas moins que cette circulaire aboutit à légaliser ex post un acte pourtant expressément interdit dans notre droit.
Dans le même esprit, la décision de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 juin dernier, par les arrêts Mennesson contre France et Labassee contre France, crée un véritable droit à la régularisation de l’état civil pour tous les enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui. Ce double détournement, compréhensible du point de vue du droit de l’enfant qui, lui, n’a rien demandé dans cette affaire, naturellement,…
… nous met tout de même dans une situation inacceptable, non seulement parce qu’il vient contredire le droit et la jurisprudence française, mais aussi parce qu’il risque d’ouvrir chez nous un véritable business de la GPA pour des entremetteurs ou des officines diverses sévissant notamment sur Internet, qui recherchent en France des clients en mal de ce mode de procréation.
Chefs-d’oeuvre d’hypocrisie juridique, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme se gardent d’ailleurs de remettre en cause le droit de la France de décider que cette interdiction est d’ordre public. La Cour reconnaît même que « les États doivent se voir accorder une ample marge d’appréciation, s’agissant de la décision […] d’autoriser ou non ce mode de procréation ». Mais, dans le même temps, en considérant que le refus de la transcription de l’acte de naissance, établi en exécution d’une décision étrangère dans le cadre d’une GPA autorisée à l’étranger – par exemple aux États-Unis – constitue une ingérence dans le droit à l’identité des enfants, ces arrêts aboutissent en fait au résultat exactement inverse. L’État français se voit donc obligé de transcrire dans le registre français d’état civil un tel acte de naissance, jusqu’ici interdit et même considéré comme une fraude à la loi.
En d’autres termes, au nom du droit de l’enfant, on en vient à justifier, et même à légaliser la marchandisation du corps de sa mère biologique, ce qui n’est rien d’autre qu’une forme d’esclavage moderne.
Même si, encore une fois, le droit de l’enfant doit primer, il est consternant que des juristes éminents parviennent à de telles conclusions. Il est encore plus consternant que ces conclusions viennent à s’appliquer directement en droit français compte tenu de la primauté du droit européen sur la loi nationale.
J’avais, voilà plusieurs mois, par la voie d’une résolution, demandé au Gouvernement de bien vouloir interjeter appel de l’arrêt de la CEDH. Le Gouvernement a laissé expirer le délai, sous le prétexte que la résolution du groupe UMP était une « injonction ».
Pourtant ces derniers jours, vous avez, par résolution également, réécrit la loi Veil, qui n’en avait pas besoin – merci pour elle !
Vous avez fait voter une résolution sur la Palestine, qui réécrit complètement la diplomatie de la France…
Je demande quelques instants pour terminer mon propos, madame la présidente.
Non seulement vous avez largement épuisé votre temps de parole, monsieur Lellouche, mais en outre vous sortez du sujet en discussion.
C’est pour illustrer l’incohérence du Gouvernement, madame la présidente ! C’est un exemple !
Au contraire, nous sommes en plein dans le sujet, madame la présidente !
Alors que le droit de résolution nous permettait de demander au Gouvernement français d’interjeter appel, vous n’avez pas exercé cette faculté. Le résultat, c’est qu’en France la GPA est à la fois frappée d’une interdiction d’ordre public et autorisée puisqu’il existe désormais une obligation de régularisation automatique de tous les actes d’état civil ainsi conclus à l’étranger.
L’orateur continue de s’exprimer après que le micro a été coupé. – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la question de la gestation pour autrui est un sujet d’une extrême sensibilité. Elle mérite un débat, elle mérite d’être appréhendée dans son ensemble.
C’est contraire à la dignité de la personne, il n’y a rien à discuter !
Nous devons sur ce sujet faire preuve de retenue, de dialogue et de discernement. Au travers de cette proposition de loi, vous choisissez le coup politique et la sentence : pour ma part, je le regrette.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Des couples français recourent à la GPA dans les pays où elle est autorisée ou tolérée, contournant ainsi la loi française, qui l’interdit sur notre sol. Dans le même temps, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France en juin dernier pour n’avoir pas reconnu à des enfants qui étaient nés de GPA leur filiation avec leurs parents d’intention, dont au moins un des deux est un parent biologique. La mère porteuse n’est en effet jamais la mère biologique des enfants qu’elles portent.
L’enfant né d’une gestation pour autrui est issu de gamètes qui ne sont pas celles de la mère porteuse : telle est la réalité aujourd’hui dans tous les pays du monde. C’est une certitude.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il y a procréation, et il y a gestation ! Il faut bien différencier les deux !
Monsieur Lellouche, je pense que vous avez déjà pu vous exprimer assez longuement aujourd’hui !
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Messieurs les députés, veuillez laisser M. Erwann Binet s’exprimer. Chacun parle à son tour, et c’est à présent celui de M. Binet. Monsieur Lellouche, je vous demande de vous taire, s’il vous plaît, et de laisser M. Binet s’exprimer !
Je vous remercie, madame la présidente.
Dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous motivez son dépôt par l’arrêt de la Cour de Strasbourg. Nous devrons pourtant le respecter.
Il est heureux, monsieur Lellouche, que le Gouvernement n’ait pas renvoyé l’affaire devant la grande chambre de la CEDH, parce qu’à une nouvelle condamnation de la France, qui ne faisait aucun doute,…
… nous aurions ajouté une humiliation.
Notre jurisprudence évoluera donc. Le Conseil d’État le montrera dans les semaines qui viennent, à l’occasion de l’arrêt qu’il rendra sur la circulaire Taubira, et il sera probablement suivi par la Cour de cassation.
Cet arrêt, cela a été rappelé, n’a aucune incidence sur notre choix d’interdire en France la gestation pour autrui.
Il exige en revanche que nous respections dignement les enfants nés par GPA vivant sur notre sol et que nous leur reconnaissions leurs droits fondamentaux. Aucun enfant ne devrait se voir reprocher les conditions de sa naissance.
Pour ma part, je crains autant le recours à des mères porteuses contre rémunération que la volonté de restreindre les droits des enfants en raison de leur mode de conception.
C’est tout autant inacceptable. Vous prétendez protéger les unes au nom des valeurs de la République, et vous refusez aux autres leurs droits fondamentaux.
Devant la complexité de cette question, nous ne pouvons pas rester inefficaces et spectateurs : voilà au moins un point sur lequel nous nous rejoignons. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur, mettre un terme définitif au recours à la GPA par nos compatriotes.
Y parviendrez-vous avec ce texte ? En aucune façon, selon moi. Il ne sera pas efficace.
Dans un premier temps, vous proposez de doubler les peines encourues aux termes de l’article 227-12 du code pénal par ceux qui mettent en relation les mères porteuses et les parents. Il s’agit toujours d’agences étrangères, fonctionnant depuis des pays autorisant la GPA et communiquant, nous l’avons dit, par le biais de sites en ligne. Ces intermédiaires sont aujourd’hui hors d’atteinte du droit français et de l’article 227-12. Doubler les menaces ne ferait que redoubler notre impuissance à les sanctionner.
Dans un deuxième temps, et c’est là la vraie nouveauté, vous voulez créer une nouvelle peine à l’encontre des parents ayant tenté de recourir ou ayant eu recours à la GPA.
Ceux-là même qui acceptent de quitter leur pays et de payer des sommes mirobolantes, qui acceptent de se voir refuser en France la reconnaissance d’un lien de filiation avec leur propre enfant biologique ; eux qui prennent le risque de voir leur enfant vivre avec une autre nationalité que la leur, aux prix des difficultés quotidiennes que l’on sait, ceux-là seront-ils dissuadés par l’existence d’une peine de prison et d’une amende ? Moi qui ai rencontré un grand nombre de ces couples et leurs enfants, quoi que je puisse penser de leur démarche, à laquelle je n’adhère absolument pas, j’ai acquis une certitude : vos menaces n’auront que peu de poids par rapport à leur motivation.
Et vos exclamations ne les impressionneront pas davantage !
Le dispositif que vous nous présentez sera inefficace et non dissuasif.
L’existence de ces peines ne fera que produire des GPA clandestines et sauvages et une situation encore pire que celle d’aujourd’hui.
De surcroît, votre dispositif transgresse quelque peu les fondements de notre droit pénal.
Marie-Anne Chapdelaine développera davantage ce point à l’appui de la motion de rejet préalable déposée par le groupe SRC.
La vraie dimension du problème de la GPA dépasse nos frontières : nous sommes en face d’un phénomène mondial, qui exige donc une réponse internationale.
En réaction à l’avis de la CEDH, vous voulez ériger des murs pour protéger nos principes.
Quel manque d’ambition pour le pays qui a légué au monde les droits de l’homme !
Dresser des murs, quel aveu de faiblesse dans notre société mondialisée, !
Nous sommes attachés en France au principe de l’indisponibilité du corps humain et à la dignité des personnes. Plutôt que de dresser des barricades de papier, portons ce débat au niveau international ; ayons le courage de nous confronter aux positions des pays qui autorisent la gestation pour autrui.
J’en viens à ma conclusion, madame la présidente, si toutefois on veut bien me laisser y venir.
Votre proposition de loi ne sert à rien.
C’est un drapeau, un étendard qui ne vous sert qu’à marquer votre territoire et ne fera peur à personne. Rangeons-le sagement et, ensemble, ayons le courage d’affronter cette question en proposant, en France et au-delà de nos frontières, de partager les valeurs que nous prônons.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mesdames, messieurs les députés, le sujet est suffisamment important pour que nous écoutions les arguments des uns et des autres.
Nous allons à présent entendre M. Xavier Breton. Vous avez la parole pour cinq minutes, monsieur le député.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jean Leonetti vise à lutter contre les démarches visant à recours à une gestation par une mère porteuse. Elle est aussi l’occasion de réaffirmer clairement notre détermination à lutter contre la GPA.
Rappelons tout d’abord que la GPA est expressément interdite dans notre pays. L’article 16-7 du code civil dispose en effet que « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. » Dans un arrêt de 1991, la Cour de cassation a indiqué très clairement les raisons qui justifient cette interdiction : « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes ».
On sait en effet que, par sa nature même, la GPA comporte des dérives inacceptables. Inacceptables d’abord pour les femmes, car la gestation pour autrui est la porte ouverte à l’exploitation des plus vulnérables d’entre elles.
La GPA procède aussi d’une vision réductrice et fonctionnelle de la grossesse, alors que, comme l’écrit très bien Jean Leonetti dans son rapport, la grossesse « engage l’ensemble du corps et le psychisme d’une femme. »
La GPA engendre également des dérives inacceptables pour les enfants, car l’abandon d’un enfant par sa mère méconnaît totalement les relations qui se nouent entre eux in utero, relations qui, on le sait, jouent un rôle important dans le développement ultérieur de l’enfant.
C’est vrai !
On imagine aussi les dégâts causés par la GPA sur des enfants qui, un jour, apprendront avoir fait l’objet d’un contrat pour leur conception et leur naissance.
La GPA est donc interdite parce qu’elle instrumentalise la personne humaine : instrumentalisation de la mère porteuse, considérée comme un moyen, comme un outil de production ; instrumentalisation de l’enfant, qui est réduit à être l’objet d’un droit, un droit à l’enfant, ce qui est contraire au respect de sa dignité.
Autant de raisons qui devraient nous conduire à condamner fermement et unanimement la GPA : ce n’est malheureusement pas le cas. Nous assistons en effet depuis deux ans à une tentative de légitimation de la GPA.
Légitimation politique tout d’abord, dans le cadre de la loi Taubira. Parce que celle-ci n’est fondée que sur une seule logique, celle de l’égalité, elle reconnaît un droit à l’enfant qui, inéluctablement, conduit à la PMA pour convenance et à la GPA.
Préparé par la loi Taubira, le glissement vers la GPA a été, de surcroît, cautionné, et même encouragé par la circulaire Taubira du 25 janvier 2013.
Plus récemment, c’est l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme en juin dernier qui vient menacer l’efficacité de l’interdiction de la GPA par notre pays.
C’est dans ce contexte d’affaiblissement programmé de l’interdiction de la GPA que nous examinons, fort opportunément, la proposition de loi de Jean Leonetti. Elle nous invite à envoyer un signal inverse en renforçant la lutte contre la GPA.
Cette proposition de loi est aussi l’occasion d’aller plus loin en incitant notre pays à prendre la tête du combat pour l’abolition universelle de la GPA comme contraire au principe de dignité inaliénable de la personne humaine.
C’est tout le sens des amendements que nous avons déposés, et qui demandent au Gouvernement de prendre des initiatives fortes : proposer à l’assemblée générale des Nations unies l’adoption d’une résolution interdisant la GPA dans le monde ; inviter les institutions européennes à prendre une position solennelle sur l’interdiction de la GPA ; compléter l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne afin que soit respectée l’interdiction de la GPA ; proposer l’adoption d’un protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, contre le recours à la GPA ; proposer l’adoption d’une convention internationale spécifique sur l’interdiction de la GPA.
Vous le voyez, les moyens de lutter contre la GPA, en France, mais aussi au niveau international, ne manquent pas. La lutte contre la GPA peut être un formidable combat. Encore faut-il en avoir la volonté.
Or le Gouvernement et sa majorité ne la manifestent pas. Pire, ils escamotent tout débat sur la GPA.
La majorité a escamoté le débat en commission en votant les amendements de suppression de M. Coronado, alors même que notre collègue venait de se livrer à un vibrant plaidoyer en faveur de la GPA. La majorité a escamoté le débat en déposant une motion de rejet qui, si elle était votée, nous priverait de l’examen du texte et d’un véritable débat sur la GPA.
La lutte contre la gestation par autrui passe par des discours, mais surtout par des actes. La proposition de loi de Jean Leonetti va dans ce sens. C’est pourquoi nous devons l’examiner, la soutenir et la voter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sur ce sujet éminemment sensible, il est légitime que les convictions s’expriment avec passion, mais je ne doute pas que nous puissions nous retrouver, même si certains propos m’étonnent et me déçoivent.
Le point de départ, c’est bien le mariage pour tous. Mais cette loi n’a fait que révéler une volonté de modifier la société en profondeur. En effet les mères porteuses, la gestation pour autrui, ne concernent pas uniquement, loin s’en faut, les couples homosexuels, mais bien d’abord les couples hétérosexuels. Il n’y a donc pas de faux combat, d’homophobie, comme je l’ai entendu ce matin, ou de procès d’intention.
Nous voulons faire sortir le Gouvernement de son ambiguïté. Le double langage a commencé en janvier 2013, lorsque la garde des sceaux a publié une circulaire reconnaissant la nationalité française aux enfants nés par mère porteuse à l’étranger. Si j’ai déposé une proposition de loi dès le mois d’octobre 2013, c’est que je pressentais que les choses allaient évoluer. C’est bien volontiers que je m’associe aujourd’hui à celle de Jean Leonetti, parce qu’il faut réagir et faire sortir le Gouvernement de ce faux-semblant. Il est grand temps que les masques tombent !
Depuis la CEDH a rendu deux arrêts, dont on nous explique qu’ils ne changent rien tout en changeant les choses. Le Premier ministre lui-même, dans un entretien donné fort opportunément le 5 octobre au journal La Croix, soit deux jours avant une grande manifestation de la Manif pour tous, a déclaré que le Gouvernement excluait d’autoriser la transcription automatique, car cela équivaudrait à reconnaître et à normaliser la GPA. Mais alors, je ne comprends pas : les arrêts de la CEDH sont applicables ou ils ne le sont pas.
Il n’y a pas de demi-mesure en la matière. Sur quels critères pourrait-on ne pas en tenir compte ? Qui serait juge de cette incohérence ? Personne !
Nous revenons sur de grands principes qui jusqu’alors semblaient faire l’unanimité : celui de l’indisponibilité du corps humain, inscrit dans le code civil – notre « constitution civile » – ; le principe, plus éminent encore, de la dignité de la personne humaine, principe à valeur constitutionnelle dégagé en 1994. Va-t-on balayer cette dignité pour faire plaisir à quelques marchands, puisqu’ il existe désormais un marché international de la GPA ?
Dans ces conditions, la volonté de lutter contre la GPA et le recours à des mères porteuses, devrait être partagée par un nombre grandissant de personnes. Il me semble que c’est le cas, en dépit de ce que prétendent certains des orateurs qui m’ont précédé. C’est le cas de personnalités telles que Lionel Jospin, Jacques Delors, Yvette Roudy, ancienne ministre des droits des femmes – excusez du peu –, qui ont publié une tribune dans Libération le 13 juillet 2014. C’est le cas aussi de dix de nos collègues, dont Anne-Yvonne Le Dain – elle était plus claire alors – dénonçant dans une lettre ouverte une jurisprudence « cheval de Troie ». En effet, la jurisprudence de la CEDH est bien un cheval de Troie qui risque d’emporter la France.
Il n’y a pas de mère porteuse éthique ; il n’y a pas de GPA éthique !
Je rappelle à notre collègue Binet que la procréation pour autrui existe et que, dans ce cas, il y a un lien direct de sang.
Il n’y a pas alors implantation d’ovocyte. Il faut le répéter, car il y a des confusions sur ce point.
La GPA, même gratuite, ne saurait être éthique. Le principe est ou il n’est pas. Nous, nous refusons très clairement la réification, la marchandisation des corps. Il ne peut y avoir d’enfant à tout prix, même si ce prix est de 120 000 euros ou 150 000 dollars ou de je ne sais combien.
Qu’on ne me demande pas de plaindre les couples qui doivent passer par tout un parcours compliqué – rester un an en Inde, par exemple –, même si j’ai beaucoup d’empathie pour ceux qui sont obligés de se résoudre à de telles extrémités. On peut comprendre leur douleur et ressentir de la compassion envers eux sans pour autant accepter ces trafics et cedumping éthique.
Oui, le législateur doit s’emparer de ces questions et ne pas être un simple greffier de l’opinion. Il faut punir pour dissuader : tel est l’objet de cette proposition de loi.
Nous devons aller plus loin et pas nous contenter de demi-mesures : que les masques tombent enfin ! Le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères nous annoncent des mesures internationales : je leur réponds « Banco ! Allons-y ! ». Prônons une convention de prohibition, montrons que la France a le sens de l’éthique et que le courage a encore un sens dans ce pays !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je souhaite remercier mes collègues, MM. Poisson, Fromantin, Lellouche, Breton et Gosselin, qui ont exposé avec force et talent les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à la GPA et pourquoi les actes doivent suivre les paroles. Ils ont également exprimé notre regret que le Gouvernement n’ait pas exercé de recours contre la décision de la CEDH. Ils ont enfin incité le Gouvernement – et je prie M. le secrétaire d’État d’entendre leur appel – de sortir de l’ambiguïté, lui qui prétend être totalement opposé à cette pratique tout en ne faisant rien pour l’empêcher.
« Comment allez-vous expliquer aux Françaises et aux Français que, s’ils ont de l’argent, ils pourront aller acheter un bébé à l’étranger et le faire inscrire comme leur fils ou leur fille sur l’état civil français, tandis que, s’ils ne sont pas assez fortunés, ils devront subir l’interdiction qui demeurerait en droit français applicable aux contrats de mère porteuse réalisés en France ? » Cette phrase figure dans une tribune signée, entre autres, par M. Jospin et M. Delors. Effectivement, si nous ne prenons pas une initiative au niveau international, il nous sera difficile d’expliquer que seuls ceux qui n’ont pas d’argent devront subir les foudres de la loi et que l’argent affranchit de la morale et de l’éthique.
Je veux dire à Mme Le Dain que je partage ses inquiétudes et que j’espère qu’elle aura assez d’influence sur le Gouvernement pour qu’il agisse de façon efficace.
Je voudrais rappeler à Mme Massoneau que ce n’est pas l’opposition qui a rouvert le débat sur la GPA mais la décision de la CEDH qui dépouille notre droit civil de tout moyen de dissuasion. Si nous n’avons pas cherché à aggraver les peines en 2011, c’est que le refus de transcription dans l’état civil était suffisamment dissuasif. Aujourd’hui, ce dernier rempart est tombé.
Il faut donc trouver des solutions alternatives.
Enfin, je veux rappeler à M. Binet que, dans le droit français, la mère est celle qui accouche. La génétique n’a jamais fait une filiation. Autrement, les donneurs de gamètes seraient tous les pères ou les mères des enfants qui en seraient issus.
Vous ne teniez pas le même discours lors des débats sur le mariage pour tous !
Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons une initiative du Gouvernement. J’ai bien compris que, pour la majorité, notre initiative était, soit trop faible, soit trop forte, soit inadaptée. Eh bien ! que le Gouvernement fasse une proposition, même modeste, puisqu’il affirme vouloir se battre et remédier au fait que la CEDH ait fait tomber le rempart de notre droit civil, pour que nous ayons, soit une solution sur le plan international, soit un droit pénal qui soit efficace au-delà de nos frontières.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur, à entendre ce type de débat, pas seulement aujourd’hui, mais de façon permanente, je comprends que la parole a une utilité en soi.
Contrairement à ce que vous avez laissé entendre, en essayant d’opposer les riches, qui auraient le bonheur de pouvoir s’affranchir...
Puisque c’est vous qui tenez ces propos, vous me permettrez de répondre à l’argument, à défaut de répondre à la personne.
Je ne crois pas qu’on puisse opposer en l’occurrence les riches et les pauvres. Vous aviez l’air de dire que les riches auraient le bonheur de s’affranchir de la règle, tandis que les pauvres ne le pourraient pas. Or le combat que nous menons est d’abord un combat moral, éthique.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons la faiblesse de penser que le bonheur vient justement de ce que l’on respecte les règles éthiques.
À l’inverse, peut-être, de la morale libérale qui voudrait que le riche puisse trouver le bonheur dans l’affranchissement des règles morales. Mais cela renvoie à d’autres débats.
Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.
Vous êtes bien nerveux, messieurs de l’opposition !
Je ne peux pas vous laisser dire qu’il ne se passe rien. La loi existe et elle est appliquée. Près de dix procédures sont en cours, dont la moitié concerne des intermédiaires, c’est-à-dire des agences ayant pour mission de faciliter la mise en relation de couples et de mères porteuses. Ces enquêtes sont complexes et nécessitent des investigations poussées, mais la justice est à l’oeuvre.
Nous pouvons évidemment consacrer de très nombreuses séances à vous entendre revenir sur cette problématique de la GPA, avec cet effet paradoxal : alors qu’il existe un très large consensus dans ce pays pour refuser la GPA, vos vos incriminations répétées pourraient laisser penser que ce débat partage la société entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre la GPA !
Vous montez en épingle un point de vue extraordinairement minoritaire dans notre société pour en faire l’un des objets centraux de nos débats. Vous vous focalisez sur une question et créez un problème là où il existe, en conscience, une très large majorité, non seulement parmi les élus, mais aussi dans l’opinion.
C’est dire que votre objectif, une fois encore, n’est pas moral, mais politicien. Nous ne pouvons pas vous suivre là-dessus.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’ai reçu de M. Bruno Le Roux et des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne connais pas une évolution de nos pratiques sociales, heureuse ou pas, qui n’ait pas été débattue dans cette Assemblée. Je ne vois pas plus parfaite illustration à mon propos que l’anniversaire du vote de la loi Veil il y a quelques jours.
Mme Veil n’appartenait pas à ma famille politique mais cela ne m’empêche pas de rendre hommage à cette très grande dame.
Lorsque nous sommes amenés à nous prononcer, il nous appartient de prendre nos responsabilités en permettant au droit de les reconnaître ou de ne pas les tolérer.
Notre débat de ce jour est de cette nature et il nous appelle à prendre nos responsabilités.
Le groupe socialiste a pris les siennes en prenant position contre la GPA
Vous aviez présenté un amendement en ce sens au projet de loi relatif au mariage pour tous !
Il continuera à les prendre, se faisant fort de poursuivre l’intérêt général, vaille que vaille.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Notre ordre du jour répond à deux principes simples : celui de la conformité de nos propositions au droit et celui de l’efficacité politique. Sur ces deux points, la proposition de loi débattue fait fausse route.
Fausse route sur le plan juridique car la proposition est intervenue après les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme de juin 2014.
Beaucoup les ont commentées, peu les ont analysées, d’où des excès de langage qui ont blessé et heurté certains de nos concitoyens. N’oublions pas, mes chers collègues, que notre sujet est incarné par des espoirs, des doutes. Il est souvent fait de chair et de souffrances. Gardons-nous d’en jouer et rappelons que les décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme ne remettent nullement en cause l’interdiction de la GPA.
La première sortie de route juridique tient dans les termes de sa rédaction. Chacun reconnaît ici les qualités de M. Leonetti. Sans vouloir lui faire offense, elles ne se retrouvent pas – une fois n’est pas coutume – dans la rédaction de cette proposition de loi. La voter en l’état nous amènerait à nous réapproprier tôt ou tard le sujet.
L’article 1er ne peut que nous amener à nous interroger sur le caractère très général de l’infraction. Il dépasse en effet le cadre de l’incitation à la gestation pour autrui. Interrogeons-nous également sur l’aggravation de cette infraction, déjà très difficile à appréhender.
La première disposition de l’article 2 vise la personne qui entame des démarches auprès d’une agence ou d’organismes et qui, ce faisant, permet ou facilite une opération de GPA rémunérée. Nous sommes là dans l’affichage. En effet, pourquoi se référer à la GPA qui n’existe qu’en droit civil, plutôt qu’à l’infraction, plus précise mais moins populaire, de l’article 227-12 alinéa 3 du code pénal qui punit déjà le fait de porter un enfant en vue de le remettre à une autre personne ?
Par ailleurs, il importe de souligner l’imprécision de la notion de « démarche ». Une personne qui n’aurait jamais l’intention de passer à l’acte mais qui ferait simplement preuve de curiosité pourrait être concernée. Plus fort, si vous me permettez cette expression, cette disposition se traduirait par une dépénalisation partielle puisque le droit en vigueur punit déjà les entremetteurs d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Chacun reconnaîtra ici que cette dépénalisation est particulièrement mal venue.
Cette première disposition conduirait à introduire dans le code pénal un désordre inquiétant en même temps qu’une sorte de doublon alors que nous avons l’obligation constitutionnelle de légiférer de façon intelligible. Je vous invite à la respecter avant que d’autres ne le fassent.
L’alinéa 3 de ce second article pose également de sérieuses questions. Il reviendrait à punir les personnes, notamment les parents qui « obtiennent ou tentent d’obtenir la naissance d’un enfant par la pratique de la GPA pour le compte d’autrui, sur le sol français ou à l’étranger, contre un paiement quelle qu’en soit la forme, d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Les GPA ne se pratiquent qu’à l’étranger, chacun le sait ici, et parfois à nos frontières.
S’agit-il alors de contourner pour la circonstance la règle d’incompétence des tribunaux français quand une infraction est commise à l’étranger, sans même un commencement d’exécution en France ? Rappelons que les tribunaux français ne sont amenés à appliquer le droit français à des délits commis dans un pays étranger que de manière exceptionnelle, surtout lorsque le pays où l’infraction a lieu n’incrimine pas les faits.
Il existe certes des exceptions, comme le tourisme sexuel, mais les étendre à une nouvelle infraction en dehors de toute réflexion globale n’est pas acceptable. Une politique pénale se doit d’être construite et réfléchie.
Il y a une deuxième sortie de route juridique : la GPA est déjà interdite en France parce qu’elle est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes. Elle est interdite par le droit civil, qui frappe de nullité les conventions portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui. Elle est interdite par le droit pénal, l’article 227-12 alinéa 3 du code pénal définissant la GPA comme le fait de « porter un enfant en vue de le remettre à une autre personne » et punissant tout entremetteur, les peines étant doublées au cas où la GPA a un but lucratif.
Madame la présidente, mes chers collègues, sur un plan politique, la route qui nous est proposée n’est, ni plus praticable ni plus judicieuse.
Si j’ai d’abord évoqué des arguments juridiques ou techniques, c’est qu’ils suffisent à eux seuls pour justifier l’intensité de nos réserves mais chaque article est aussi contestable sur le plan politique.
Le premier l’est notamment parce que proposer exclusivement d’aggraver les peines encourues pour garantir l’efficacité de la proposition traduit, soit une certaine naïveté, soit une volonté d’affichage. Connaissant les qualités de M. Leonetti, je penche bien entendu pour la seconde hypothèse. L’inverse serait lui faire offense.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Plus que tout, mes chers collègues, traiter un sujet aussi difficile dans deux parties différentes du code pénal, l’une réservée à la protection de la filiation et l’autre à l’éthique biomédicale, pose une lourde question. Cette lourdeur a d’ailleurs son équivalent dans le choix de la cible : les parents plutôt que les entremetteurs. J’y vois là, au-delà des sensibilités politiques qui nous séparent, une méthode et un goût de l’amalgame qui me mettent mal à l’aise.
Vous aurez compris, mes chers collègues, que je vous invite sans hésitation à rejeter cette proposition de loi parce que le droit en vigueur est suffisant, que les dispositions qui nous sont proposées sont mal préparées et inapplicables, mais surtout parce qu’elles heurtent l’ardente obligation qui est la nôtre de légiférer sans a priori et dans la sérénité.
Permettez-moi d’en appeler à un travail serein et approfondi pour parfaire l’état du droit, notamment au regard de la législation et de la coopération internationale. Si j’appelle de mes voeux ce travail sérieux et constructif, c’est parce que je veux croire que nous avons tous à coeur de garantir la reconnaissance de la filiation au nom de l’intérêt de l’enfant.
Madame la présidente, monsieur le président, mes chers collègues, je vous remercie pour votre attention.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Puisque vous avez admis que la sagesse de M. Leonetti était unanimement reconnu, pourquoi vous obstinez-vous à refuser le débat ? C’est d’autant plus étonnant que Manuel Valls lui-même a dit, dans l’entretien qu’il a donné au journal La Croix : « Nous sommes déterminés à renforcer la répression des entremetteurs qui organisent en réalité un marché de l’humain, à la fois très organisé et très lucratif ».
Nous vous proposons de travailler sur ce sujet, vous pourriez en profiter ! Nous vous proposons de prendre des mesures que le Premier ministre estimait essentielles, à la veille, il est vrai, d’une manifestation organisée par la Manif pour tous.
Pourquoi persister à refuser ce débat de société pourtant fondamental ? Il est très regrettable que vous rejetiez ainsi la proposition d’un homme sage soutenue par d’autres hommes sages.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous voterons bien entendu contre cette motion de rejet, fidèles à la ligne qui a toujours été la nôtre. Le décalage est inouï entre les affirmations du Premier ministre, qui fait de grands discours contre la GPA, et cette motion de rejet, qui prétend que ce n’est pas un sujet, traduisant ainsi le refus persistant de regarder la réalité en face. Cette contradiction trouve sa source dans la loi Taubira, qui, au nom du principe d’égalité, introduit un droit à l’enfant et autorise l’adoption plénière pour les couples de même sexe. Selon ce même principe, la GPA est la suite logique de la loi Taubira.
Cette motion de rejet n’est que la traduction d’une incohérence, d’une impossibilité à débattre sur le fond du sujet de la GPA, dans la mesure où elle est en contradiction totale avec le principe d’égalité évoqué lors de l’examen de la loi Taubira.
Voilà pourquoi nous voterons contre cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 39 Nombre de suffrages exprimés: 38 Majorité absolue: 20 Pour l’adoption: 22 contre: 16 (La motion de rejet préalable est adoptée.)
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures cinq.
La parole est à M. Philippe Meunier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quand un individu tire sur un soldat français, il tire sur la nation. Quand un Français tire sur un soldat français, il n’est plus digne d’appartenir à notre communauté nationale.
Cette proposition de loi vise à sanctionner les Français qui ont fait le choix de combattre la France en prenant les armes, directement ou indirectement, contre les forces armées et de sécurité françaises ou leurs alliés, comme c’est le cas au Mali ou en Irak. Telle qu’elle est rédigée, cette proposition de loi vise donc à déchoir de la nationalité française les binationaux qui l’ont acquise, dès lors qu’ils auront été arrêtés, surpris ou identifiés pour de tels faits.
Cette mesure serait prise par décret, après avis simple du Conseil d’État, sauf si la déchéance a pour résultat de rendre l’intéressé apatride. Elle pourrait être prononcée à tout moment, car l’article unique de la proposition de loi prévoit d’écarter l’application du premier alinéa de l’article 25-1 du code civil, qui limite les cas de déchéance de nationalité à des faits accomplis avant l’acquisition de la nationalité ou à ceux qui ont été commis dans un délai de dix ans à compter de la date de cette acquisition.
Cette proposition de loi a été rejetée par la commission des lois.
J’avais pourtant proposé à la commission des amendements visant à améliorer la rédaction de cette proposition de loi, la renforcer dans son objectif et garantir sa conformité à notre Constitution, mais elle les a rejetés en adoptant un amendement de suppression proposé par la majorité pour des raisons qui nous échappent encore.
Il est pourtant absolument essentiel que les Français qui prennent les armes contre nos armées ou nos forces de sécurité soient lourdement sanctionnés, quelle que soit la cause de leur rébellion, qu’ils soient nés français ou qu’ils aient acquis la nationalité française. Il est en effet scandaleux que de tels individus continuent à jouir des bienfaits de notre République alors qu’ils trahissent notre pays.
Peu importe l’idéologie qui les fait agir : aujourd’hui, nos forces armées combattent le djihadisme, mais rien ne dit que demain, des Français ne prendront pas les armes contre notre pays pour d’autres motifs.
Je vous proposerai donc deux amendements principaux visant à permettre de décréter la perte de nationalité de tout Français binational coupable de tels actes et à instaurer un crime d’indignité nationale, automatiquement sanctionné de la dégradation nationale, à l’encontre de tout autre Français auteur de tels faits, puisque l’on ne peut le rendre apatride en vertu de nos accords internationaux.
Je précise, à propos de l’amendement de M. Jean-Christophe Lagarde, que notre droit constitutionnel nous interdit également de conditionner l’accès et le séjour des Français sur notre territoire national à une quelconque décision ministérielle.
L’instauration d’un mécanisme de perte de nationalité à la place de la déchéance de nationalité permet d’écarter les arguments relatifs au caractère anticonstitutionnel de la proposition de loi initiale, puisque la perte de nationalité concerne tout Français binational, qu’il soit né Français ou qu’il ait acquis la nationalité française d’une manière ou d’une autre, contrairement à la déchéance, qui ne vise que ceux qui ont acquis la nationalité française.
La perte de nationalité n’est pas encadrée dans des limites temporelles pour sanctionner les faits reprochés, contrairement à la procédure de déchéance, enserrée dans un délai de dix ou quinze ans, que la proposition de loi initiale écartait. La perte de nationalité peut être prononcée par décret après avis simple du Conseil d’État – et non après avis conforme comme pour la déchéance – et, si cet avis est négatif, le Gouvernement peut le surmonter en adoptant le décret en conseil des ministres. Cela suppose que ledit décret soit signé par le Président de la République et par le Premier ministre.
De plus, je vous proposerai par amendement de préciser le champ géographique des faits sanctionnés par la perte de nationalité. Ces faits devront s’être produits sur un théâtre d’opération extérieure où la France est engagée ou sur le territoire français, au profit d’un État ou d’une organisation contre lesquels la France est engagée militairement.
J’insiste sur le fait que la proposition de loi que je souhaite vous faire adopter vise à protéger nos militaires et nos forces de sécurité lorsqu’ils sont engagés dans une guerre ou dans un conflit extérieur.
Enfin, je souhaite que l’individu devenu étranger à la suite de la perte de la nationalité française puisse faire l’objet, à la discrétion du Gouvernement, d’une mesure d’expulsion lorsqu’il est présent sur le territoire national, ou d’une interdiction administrative de territoire lorsqu’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national. Ces mesures administratives complémentaires sont justifiées par le fait que la présence en France de l’individu en question constituerait une menace grave pour l’ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France. Elles ne pourraient être prises qu’après épuisement des voies de recours contentieuses dont l’individu dispose pour contester le décret de perte de nationalité devant le Conseil d’État. Il s’agit d’une garantie procédurale indispensable au regard de notre droit constitutionnel.
J’en viens à l’instauration d’un crime d’indignité nationale assortie d’une peine d’indignité nationale pour les Français. À la fin de la Seconde guerre mondiale, le général de Gaulle adopta l’ordonnance du 26 août 1944 instituant un crime d’indignité nationale pour sanctionner sévèrement les Français ayant collaboré avec l’ennemi. Cette ordonnance fut abrogée par la loi d’amnistie du 5 janvier 1951.
Ce crime n’était pas passible d’une peine d’emprisonnement, car les faits reprochés n’étaient suffisamment graves pour la justifier – il s’agissait en effet d’actes de collaboration avec la propagande allemande et de commerce avec l’ennemi. Cependant, il était sanctionné par une peine de dégradation nationale entraînant la déchéance des droits civiques, civils et politiques, ainsi qu’un certain nombre d’interdictions professionnelles et d’autre nature.
Je crois qu’il convient aujourd’hui de s’en inspirer à l’encontre des ressortissants français sans double nationalité qui trahissent notre pays en portant les armes contre nos militaires et nos forces de sécurité.
Je vous propose donc d’inscrire un crime d’indignité nationale au chapitre de notre code pénal qui vise la trahison et l’espionnage.
Ce crime serait puni des mêmes peines que celles qui sont encourues pour avoir entretenu des intelligences avec une puissance étrangère en vue de susciter des hostilités ou des actes d’agression contre la France, prévues par l’article 411-4 du code pénal, auxquelles s’ajouterait une peine de dégradation nationale obligatoire.
En conséquence, les individus poursuivis risqueraient trente ans de détention criminelle, car les faits constitutifs de l’infraction sont très graves dès lors que les individus auront porté ou tenté de porter les armes contre nos militaires ou nos forces de police, lesquelles sont dépositaires de l’autorité publique. Les individus concernés risqueraient également une amende de 450 000 euros d’amende et, à titre complémentaire, une peine de dégradation nationale qui devrait être obligatoirement prononcée par le juge, soit à titre définitif, soit pour une durée de trente ans au plus sur décision spécialement motivée.
La dégradation nationale emporterait un certain nombre d’interdictions pour le condamné, telles que la privation de tous ses droits, civiques et politiques et de ses droits publics, diverses interdictions professionnelles dans les secteurs public et privé, et l’impossibilité de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction.
Je vous proposerai enfin de modifier le titre de la proposition de loi afin de tirer les conséquences des modifications que je vous propose.
Le groupe UMP a voté le projet de loi du Gouvernement renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme qui complète notre arsenal législatif.
Nous avons su prendre nos responsabilités.
En adoptant nos amendements, vous écarterez tout risque d’inconstitutionnalité et vous répondrez aux attentes de nos compatriotes, et plus particulièrement de nos armées. J’en appelle à votre sens des responsabilités.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Le respect est une question difficile à trancher, même dans cet hémicycle, apparemment !
Il est regrettable, s’agissant d’une affaire aussi grave, que le Gouvernement soit représenté par la secrétaire d’État chargée des droits des femmes !
Mais la question des droits des femmes est très grave, monsieur le député, si j’en juge par la manière dont vous en débattez parfois.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Philippe Meunier, la proposition de loi que vous soumettez au Parlement vise à créer une nouvelle procédure de déchéance de nationalité concernant tout individu « qui aura été arrêté, surpris ou identifié, portant les armes ou se rendant complice par fourniture de moyens, contre les forces françaises ou leurs alliés à l’occasion d’une intervention de l’armée française ou des forces de police ».
Cette proposition de loi n’est pas totalement nouvelle : elle s’inspire très directement d’une disposition adoptée en 2010 par l’Assemblée nationale dans le cadre de la première lecture de la loi Besson mais rejetée par le Sénat, et que le Gouvernement d’alors avait renoncé à réintroduire tant sa constitutionnalité semblait incertaine.
Comme nous allons le voir, ce qui était inconstitutionnel hier le demeure immanquablement aujourd’hui.
La procédure que vous proposez de créer ajoute de nouveaux cas de déchéance de la nationalité française à ceux prévus par les articles 25 et 25-1 du code civil. Je vous rappelle qu’aux termes de ces deux articles, lorsqu’il estime que le comportement de l’un de ses ressortissants ne correspond plus à certaines conditions élémentaires permettant de se réclamer de la nationalité française, l’État peut déclencher une procédure conduisant à retirer à l’intéressé sa qualité de Français.
Néanmoins, parce que les conséquences d’une telle mesure sont très lourdes, cette procédure est strictement encadrée.
Dès lors qu’il n’est pas question de créer des apatrides, elle ne peut en effet s’appliquer qu’aux personnes qui, outre la nationalité française, possèdent au moins une deuxième nationalité.
Par ailleurs, elle ne peut être mise en oeuvre qu’à rencontre de personnes ayant obtenu la nationalité française par naturalisation.
En outre, les faits qui justifient la mesure de déchéance doivent avoir été commis avant l’acquisition de la nationalité française ou bien dans les dix années qui suivent cette acquisition. Comme vous le savez, depuis 2006, ce délai a été porté à quinze ans en cas de condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou en cas d’action terroriste.
Enfin, la déchéance ne peut être prononcée que dans un délai de dix ans à partir de la date où les faits ont été commis. Là aussi, depuis 2006, ce délai est passé de dix à quinze ans dans les deux situations précises que je viens d’évoquer.
Les motifs qui autorisent la mise en oeuvre de la procédure de déchéance sont également limités. Tels qu’ils sont prévus par l’article 25 du Code civil, ils sont, depuis 1998, au nombre de quatre : l’individu incriminé doit avoir fait l’objet d’une condamnation pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, ou bien constituant un acte de terrorisme ; il doit avoir fait l’objet d’une condamnation pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte à l’administration publique commise par une personne exerçant une fonction publique ; il doit avoir fait l’objet d’une condamnation pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ; enfin, il doit avoir commis, au profit d’un État étranger, des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Ces actes n’ont pas besoin d’avoir été sanctionnés par une condamnation. Ils sont appréciés par l’administration, sous le contrôle du juge.
J’ajoute que le décret qui prononce la déchéance doit être bien sûr motivé et ne peut être pris que sur avis conforme du Conseil d’État.
Comme vous le constatez, cette mesure est donc réservée à des cas bien précis. De fait, depuis 1999, elle n’a été utilisée qu’à huit reprises, à l’encontre d’individus condamnés pour acte de terrorisme. J’appelle à toutes fins utiles votre attention sur le fait qu’aucune déchéance n’a été prononcée entre 2007 et 2012 contre une en 2014 – celle-ci fait l’objet, comme vous le savez sans doute, d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Ce dispositif législatif est équilibré et sévère et il n’est pas nécessaire de le durcir encore. En effet – je me permets d’insister sur ce point –, les faits que vous visez paraissent pouvoir être couverts en cas de condamnation, soit par le premier cas énoncé à l’article 25 du code civil, soit par le deuxième cas prévu par ce même article. En l’absence de condamnation, le fait de se livrer à des actes incompatibles avec la qualité de Français au profit d’un État étranger pourra également entrer dans le champ d’application de la déchéance de nationalité.
Par ailleurs, votre proposition de loi est anticonstitutionnelle à bien des égards…
…puisqu’elle ne satisfait pas aux conditions énoncées par le Conseil constitutionnel dans sa décision no 96-377 DC du 16 juillet 1996.
Contrairement au dispositif actuel que je viens de rappeler, vous ne faites aucune distinction entre les Français nés français et ceux qui ont acquis la nationalité française après leur naissance, qui sont pourtant les seuls à pouvoir être concernés par une telle mesure. En effet, une déchéance prononcée à l’encontre d’une personne née française serait immanquablement jugée disproportionnée par le Conseil constitutionnel.
Vous n’avez pas bien écouté le rapporteur, madame la secrétaire d’État !
Le Conseil constitutionnel a également précisé que la faculté pour le Gouvernement de déchoir de la nationalité française ceux qui l’ont acquise ne devait s’exercer que « dans une durée limitée ». Le législateur ne peut donc prévoir sans encourir la censure du juge constitutionnel que la déchéance puisse être prononcée sans aucune limitation dans le temps.
Par ailleurs, en disposant que le Gouvernement peut déchoir de sa nationalité française tout individu « qui aura été arrêté, surpris ou identifié, portant les armes ou se rendant complice par fourniture de moyens, contre les forces françaises ou leurs alliés à l’occasion d’une intervention de l’armée française ou des forces de police », la proposition de loi place le Gouvernement en situation de compétence liée, tout en demeurant très imprécise sur la nature des faits susceptible d’entraîner cette sanction.
Une telle imprécision ne sera pas admise par le juge constitutionnel, eu égard à la gravité de la sanction que constitue la déchéance de nationalité. Sur un sujet aussi grave, il ne peut y avoir de place pour le flou juridique ou l’imprécision, particulièrement dès lors que le Gouvernement est placé en situation de compétence liée. Que signifie, par exemple, être « identifié », se rendre « complice par fourniture de moyens » ou encore « porter les armes contre les forces de police » ?
Je précise enfin que votre proposition substitue à l’avis conforme du Conseil d’État un avis simple, supprimant ainsi une garantie très importante au regard de la constitutionnalité de la mesure.
Ce qui n’était pas constitutionnel hier n’a donc aucune raison de le devenir aujourd’hui.
Il ne suffit pas de se répéter pour avoir raison.
Le droit de la nationalité est un droit qui ne doit être touché que d’une main tremblante mais en gardant la tête froide. Les dispositions actuelles paraissent susceptibles de couvrir, dans le respect de notre Constitution, les cas visés dans l’exposé des motifs de la loi. Le Gouvernement est décidé à les appliquer, et notamment à déchoir de leur nationalité les personnes qui auraient été reconnues coupables d’actes de terrorisme dans les conditions prévues par le code civil. Le dispositif que vous prévoyez, notamment en raison de son imprécision, est à la fois impraticable, inutile et inconstitutionnel. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à la présente proposition de loi.
Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58-1 de notre règlement. Je remercie Mme la secrétaire d’État d’avoir défendu la motion de rejet, ce qui est assez inédit dans cette assemblée…
Madame la secrétaire d’État, je ne suis pas absolument certain que vous soyez ici, cet après-midi, de votre plein gré, que vous assistiez avec joie à nos débats…
C’est gentil de vous soucier de moi !
…et que vous ayez suivi ce texte depuis suffisamment longtemps pour être parfaitement à l’aise pour discuter des dispositions de la proposition de loi de notre collègue Philippe Meunier. Mais, chère madame, vous n’y êtes certainement pour rien et je ne vous incrimine pas.
Je souhaite simplement, madame la présidente, qu’à l’occasion de la prochaine Conférence des présidents, vous interpelliez, de la part de notre groupe, le président de l’Assemblée nationale et le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement sur cette question. Car si personne ne remet en cause la qualité personnelle de Mme Boistard, il serait utile pour nos débats que le Gouvernement missionne dans cet hémicycle des ministres qui sont directement en charge des sujets que nous traitons.
Mme Boistard n’a pas répondu sur la totalité de la proposition de loi !
J’y vois deux avantages. Le premier est d’ordre technique et porte sur le fond du sujet, que personne ne doit pouvoir remettre en cause, même si je ne doute pas que Mme Boistard s’intéresse de près à ces questions depuis longtemps. Ce serait par ailleurs une marque de respect envers le Parlement, à laquelle nous ne sommes plus très habitués par les temps qui courent. Nous serions fort aise, madame la présidente, que vous puissiez transmettre cette protestation au président de l’Assemblée.
Monsieur le député, vous n’êtes pas un néophyte : vous savez que d’une part, le Gouvernement mandate qui il souhaite pour le représenter aux bancs du Gouvernement, et d’autre part que tous les ministres sont compétents sur tous les textes examinés ici. Je ne transmettrai donc pas votre requête à la Conférence des présidents, mais elle sera inscrite.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est exposée depuis des décennies au phénomène du terrorisme, qu’il soit d’origine internationale, étatique, groupusculaire ou interne.
Afin de lutter contre ce phénomène multiforme et mouvant, la France a, dès le milieu des années 1980, mis en place un arsenal juridique permettant de lutter efficacement contre les actes de terrorisme tout en respectant les principes de l’État de droit.
S’il n’est ni nouveau ni spécifique à la France, le développement du djihadisme radical dans notre pays s’est très fortement accentué ces derniers mois.
La France est aujourd’hui confrontée à un important phénomène de départ en Syrie d’individus aux profils très divers – des jeunes gens, mais parfois des familles entières.
Comme le Premier ministre l’a rappelé lors de son déplacement à Beauvais le 19 novembre dernier, plus de mille Français se trouvent actuellement sur le sol syrien ou irakien. Les Français seraient, parmi les combattants étrangers, la communauté la plus représentée. Certains d’entre eux participent même avec empressement aux mises en scènes barbares orchestrées par l’État islamique et sont actifs sur les réseaux sociaux.
Une cinquantaine d’entre eux auraient trouvé la mort sur place – au moins ils ne seront plus une menace pour notre pays.
Si de nombreux pays européens sont concernés par ce phénomène, la France est l’un des rares pays, voire le seul, à intervenir militairement dans ces zones où des ressortissants français djihadistes peuvent être au contact direct de nos forces armées. Cela est particulièrement vrai au Mali et dans la bande sahélo-saharienne, mais aussi en Irak où nos pilotes de l’armée de l’air sont engagés.
Gilles Kepel, spécialiste de l’Islam et du monde arabe, rappelle dans son dernier ouvrage les principes édictés dans l’Appel à la résistance islamique mondiale, rédigé par le syrien Abou Moussab al-Souri, ex-lieutenant de Ben Laden, capturé par les Américains puis « rendu » au régime syrien pour finalement être libéré. Il est considéré comme l’un des théoriciens et le stratège de l’État islamique.
Je cite ses préconisations : « Il faut viser trois types de cibles en Occident : les Juifs, mais pas les synagogues, plutôt les centres sociaux, les musulmans apostats qui servent sous l’uniforme des mécréants et les événements sportifs ». L’affaire Mohamed Merah, l’attentat commis par les frères Tsarnaev à Boston, l’assassinat, en mai 2013, d’un soldat britannique en pleine rue, ceux commis au musée juif de Bruxelles, montrent que ses directives ont, hélas, été respectées à la lettre.
Les forces de l’ordre, quels que soient leur niveau et leur lieu d’intervention, sont donc tout particulièrement exposées.
Nous ne pouvons accepter que des ressortissants français prennent les armes contre les forces armées et de sécurité françaises tout en continuant de bénéficier des bienfaits et droits attachés à la qualité de citoyen français, alors même qu’ils bafouent et répudient les droits les plus élémentaires que l’on doit à sa Patrie et à la République.
C’est pour répondre à cette situation scandaleuse que notre excellent collègue Philippe Meunier présente cette proposition de loi visant à déchoir de la nationalité tout individu portant les armes contre les forces armées françaises et de police. Le sujet est tellement important, notamment pour nos militaires, que le groupe UMP a inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire.
Elle vise à permettre la déchéance de la nationalité française de tout Français qui aura été arrêté, surpris ou portant les armes contre les forces françaises ou les forces de polices. le groupe UMP proposera d’amender le texte initial afin d’en préciser la portée et de permettre que tous les Français puissent être concernés par la perte de nationalité, quelle que soit la façon dont elle a été acquise.
Il proposera également de rétablir le crime d’indignité nationale assorti d’une peine de dégradation nationale. Je défendrai au nom du groupe UMP un amendement visant à réécrire l’article unique de la proposition de loi afin de remplacer la procédure de déchéance de nationalité par une procédure de perte de nationalité. Dès lors, tous les Français risqueront la perte de nationalité, quelle que soit la façon dont ils l’ont acquise, sauf s’ils en deviendraient apatrides, ce qui restreint finalement la mesure aux binationaux.
De même, la procédure sanctionnera les faits reprochés sans aucune limitation de temps, contrairement à la procédure de déchéance enserrée dans un délai de dix ou quinze ans. En outre, la sanction prise par décret ne nécessitera pas un avis conforme du Conseil d’État dont doit être assortie la déchéance de nationalité mais un avis simple dont le Gouvernement pourra s’affranchir s’il est négatif en adoptant le décret en conseil des ministres. Enfin, l’amendement proposera que l’individu devenu étranger en raison de la perte de nationalité française fasse l’objet d’une mesure d’expulsion s’il est présent sur le territoire national ou d’une interdiction administrative de territoire s’il ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national. Le groupe UMP souhaite donc rétablir le crime d’indignité nationale assorti d’une peine de dégradation nationale.
Le rétablissement de ces deux peines vise les ressortissants français qui trahissent notre pays en portant les armes ou en se rendant complices, par la fourniture de moyens, d’opérations menées contre les forces armées ou les forces de sécurité françaises sur un théâtre d’opérations extérieures où la France est engagée ou sur le territoire national au profit d’un État ou d’une organisation que la France combat à l’étranger. Le crime d’indignité nationale serait puni de trente ans de détention criminelle et 450 000 euros d’amende. La dégradation nationale serait quant à elle une peine prononcée en complément par le juge à titre définitif ou pour une durée de trente ans par décision spécialement motivée. Je précise que cette peine emporte un certain nombre d’interdictions pour le condamné, en particulier la privation de tous ses droits civiques, politiques et publics, diverses interdictions professionnelles dans le secteur public et privé et l’impossibilité de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction.
Les Françaises et les Français attendent de nous que nous soyons extrêmement fermes et sans compassion à l’endroit des personnes ayant choisi la barbarie. Alors même que nos services de renseignement redoutent un retour important de djihadistes malheureusement détenteurs de la nationalité française, l’adoption de notre proposition de loi devient urgente et nécessaire. D’ailleurs, plusieurs djihadistes encore français, plus pour longtemps j’espère dès que nous aurons adopté la proposition de loi, ont contacté des avocats spécialistes du terrorisme pour préparer leur retour en France.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, exposer la doctrine du gouvernement de la France à propos du retour potentiel de terroristes sur le territoire national ?
J’attends la réponse que formulera tout à l’heure Mme la secrétaire d’État, monsieur Mennucci, vous n’êtes pas encore ministre ! Pour conclure, je rappelle que le juge antiterroriste Trévidic estime qu’un tiers des djihadistes qui reviennent nourrissent un projet terroriste. Quant au directeur de l’unité de coordination de la lutte antiterroriste, il considère que la question n’est même plus de savoir s’il y aura un attentat en France mais quand il aura lieu ! Il s’agit donc bien d’une véritable guerre contre le terrorisme dans laquelle le Gouvernement a pu compter sur l’esprit de responsabilité du groupe UMP qui a approuvé le 13 novembre dernier le projet de loi contre le terrorisme en dépit des insuffisances du texte. On ne peut malheureusement pas en dire autant du groupe socialiste dont chacun se souvient sûrement qu’il a voté contre la loi antiterroriste du 23 janvier 2006. J’ose donc espérer un sursaut de lucidité afin que la proposition de loi et les amendements présentés par Philippe Meunier et le groupe UMP recueillent le même assentiment de la part du groupe socialiste que celui manifesté par notre groupe il y a quelques semaines à propos de la loi antiterroriste.
J’ose espérer que le groupe socialiste sorte du déni qui l’empêche de voir la vérité en face. J’ose espérer qu’à l’issue de la discussion générale vous émettrez un avis favorable à la proposition de loi, madame la secrétaire d’État, car la République aurait tout à gagner à nous voir présenter un front uni sur un tel sujet !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le terrorisme, cancer de notre temps, évolue. C’est aujourd’hui surtout le djihadisme qui en est l’incarnation et nous menace. Sous nos yeux, tandis que se multiplient dans le monde les conflits armés, un phénomène extrêmement préoccupant se développe : l’engagement de citoyens français aux côtés des terroristes islamistes contre nos propres forces ! La France n’est pas un cas isolé et fait partie, avec la Belgique et le Royaume-Uni, des pays européens les plus touchés par une réalité qui, hélas, s’amplifie avec le temps, d’autant plus que nos troupes sont engagées contre les islamistes dans plusieurs parties du monde comme l’a précisé mon excellent collègue. On dénombrait au mois de mars 2013 cinquante Français impliqués dans les filières djihadistes, 800 en juillet dernier et aujourd’hui 1 132 selon le procureur de Paris M. François Molins, dont 376 présents en Syrie et en Irak parmi lesquels au moins quatre-vingt-huit femmes et dix mineurs. On compterait 109 personnes mises en examen par les magistrats du pôle antiterroriste du tribunal de grande instance de Paris.
Comme je l’ai demandé à M. le ministre de l’intérieur le 29 octobre dernier dans le cadre de la commission des affaires étrangères, combien de Français partis pour le djihad ne sont pas encore répertoriés ? De combien de Mohammed Merah potentiels parlons-nous exactement ? Ces compatriotes n’hésitent pas à prendre les armes pour combattre aux côtés des terroristes contre nos forces, en Afghanistan ou au Mali par exemple, tel ce Français arrêté par les forces françaises au Mali le 30 avril 2013, converti à l’islam en 1985 et parti rejoindre en 2012 avec sa famille les troupes d’Al-Qaeda au Maghreb islamique pour combattre contre l’armée française engagée dans ce pays dans le cadre de l’opération « Serval » ! La menace pour notre pays et pour les forces françaises est donc bien réelle ! Elle est d’autant plus inquiétante que la plupart de ces citoyens français ont pour objectif de revenir en Europe et en France afin de s’y transformer en véritables machines à tuer, passant de l’endoctrinement idéologique et de la formation militaire aux attaques barbares isolées contre nos civils !
Ce sont précisément ces citoyens que vise la proposition de loi. Dois-je vous rappeler, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, que le djihadisme a tué chez nous il y a deux ans, à Toulouse, dans une école de la République, à bout portant, trois enfants de quatre, cinq et sept ans ainsi que leur papa, et la veille des militaires, nos propres soldats ? Il ne s’agit pas là d’un simple cauchemar mais d’une triste réalité ! Je crains hélas qu’un tel danger prenne forme à tout instant à Paris ou n’importe où sur notre territoire. Dois-je rappeler que Mehdi Nemmouche, djihadiste français, a commis un quadruple assassinat au Musée juif de Bruxelles le 24 mai dernier ? Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à déchoir de sa nationalité tout Français arrêté, surpris ou identifié luttant contre les forces françaises ou leurs alliés les armes à la main ou par fourniture de moyens à l’occasion d’une intervention de l’armée française ou des forces de police, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride.
Dès le mois de septembre, Jean-Christophe Lagarde a également proposé de déchoir de leur nationalité les Français ayant pris les armes au profit de groupes terroristes. J’ai moi-même proposé à deux reprises une telle disposition lors du débat dans l’hémicycle du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme, en première puis en deuxième lecture. La déchéance de nationalité doit demeurer l’exception, nous en sommes tous d’accord. En vertu des principes de la République, la naturalisation ne saurait être assimilée à une admission provisoire et révocable dans la communauté nationale. L’acquisition de la nationalité doit demeurer un acte fort et symbolique constituant l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi et irréprochable. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause ces valeurs fondamentales.
Pour autant, est-il acceptable que des Français luttant contre leur propre pays, contre nos propres forces, continuent de jouir des bienfaits et des droits attachés à leur qualité de citoyen français ? Des individus qui vomissent la France et s’affichent ouvertement comme ennemis de la France peuvent-ils encore revendiquer la nationalité française ? Laisser la nationalité française à ceux qui bafouent les devoirs les plus élémentaires dus à notre République, n’est-ce pas une aberration ? Outre la portée symbolique que l’on a bien voulu lui prêter, une telle disposition serait avant tout une mesure de prévention et de protection que doit la République à l’armée française et à nos forces de police mais aussi à l’ensemble de nos concitoyens. Oublions donc nos clivages politiques, chers collègues, et soutenons ensemble une telle mesure ! La lutte contre le terrorisme n’est ni de droite, ni de gauche, mais bien une cause nationale !
Notre droit actuel permet de déchoir de leur nationalité les individus s’étant livrés au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France, mais il ne prévoit pas explicitement le cas de ceux qui portent les armes contre nos soldats ou nos forces de police. La proposition de loi pallierait cette carence en traitant un phénomène nouveau qui menace les bases et la sécurité de notre société. À ce titre, rappelons que le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 16 juillet 1996 qu’en raison de l’objectif de renforcement de la lutte contre le terrorisme, la différence de traitement résultant de la déchéance peut être prévue sans contrevenir au principe d’égalité. Enfin, la proposition de loi présente aussi l’avantage de ne pas appliquer aux individus visés par le texte la condition selon laquelle les faits reprochés à l’intéressé doivent avoir été commis antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans un délai de dix ans à compter de la date de son acquisition, ce qui évitera d’aboutir à des situations absurdes dans lesquelles un citoyen français naturalisé depuis onze ans engagé dans un mouvement terroriste échappe à une procédure de déchéance de nationalité.
Si je salue la proposition de loi, je m’interroge aussi sur ses limites. En effet, elle ne vise pas tous les individus engagés dans les filières djihadistes et ne traite pas le cas des détenteurs de la seule nationalité française. Pourquoi être timoré dans une démarche ambitieuse et s’abstenir de dépasser les obstacles constitutionnels afin de s’assurer qu’aucun individu, binational ou non, ne puisse revenir en France et faire usage de ses droits pour tuer ? Pouvons-nous vraiment courir le risque qu’un « Toulouse II » se matérialise ? L’exercice est délicat, je le concède, car contrairement aux terroristes, nous avons, nous, des considérations de respect de l’autre et de la vie humaine qui limitent notre capacité d’action. Nous sommes fiers des principes énoncés dans notre Déclaration des Droits de l’Homme et notre Constitution. La France accorde une importance inégalée au respect juridique et moral de l’individu. Nous sommes heureusement des humanistes. C’est pourquoi la France hésite souvent à prendre des mesures radicales rappelant les régimes totalitaires que nous réprouvons évidemment.
Parmi les djihadistes français répertoriés, certains disposent uniquement de la nationalité française, c’est un fait ! Peut-on pour autant considérer que leurs actes sont moins graves ou encore que le danger qu’ils font courir à nos compatriotes en cas de retour est moins grand ? Certainement pas ! Je présenterai tout à l’heure un amendement dont l’initiative revient à Jean-Christophe Lagarde visant à approfondir la démarche afin qu’elle concerne tous les Français engagés dans des filières djihadistes contre les forces armées françaises et de police et non seulement les binationaux. Ainsi, même si elle n’a que la nationalité française, la personne soupçonnée de s’être engagée dans des groupes terroristes à l’étranger devrait demander à son retour une autorisation d’entrée sur le territoire au ministère de l’intérieur. L’État pourrait alors refuser l’accès au territoire, contrôler les conditions d’un retour et imposer un processus de déradicalisation pour les éventuels repentis voire les arrêter directement à leur arrivée dans le territoire.
De même, il est nécessaire d’élargir le dispositif de la proposition de loi aux Français ayant participé directement ou indirectement à des opérations armées aux côtés de terroristes en France ou à l’étranger quelles que soient leurs cibles et leurs victimes. Bien entendu, la lutte contre le terrorisme et le développement des filières djihadistes ne saurait se résumer à cette mesure. La France doit adapter son arsenal juridique aux nouvelles réalités du terrorisme, comme nous avons commencé à le faire avec la loi relative à la lutte contre le terrorisme présentée par le Gouvernement et votée de façon unanime, ce qui est une bonne chose. Il faut « décapiter » le terrorisme, pour utiliser un terme que les djihadistes aiment tant. La France doit aussi, comme je l’ai expliqué à de nombreuses reprises, définir une ligne diplomatique cohérente et rompre tout lien avec des régimes terroristes ou financiers du terrorisme, ce qui n’est pas le cas actuellement. Ces régimes, nous les connaissons.
Par exemple ! Appelons un chat un chat, cher collègue ! Le terrorisme ne naît pas du néant, il se nourrit du soutien logistique, financier, idéologique et militaire des États terroristes ! Ces États, nous les connaissons et nous les fréquentons, hélas ! Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous soutiendrons la proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen de la proposition de loi visant à déchoir de la nationalité française tout individu portant les armes contre les forces armées françaises et de police – et j’aurais aimé qu’on y adjoignît les représentants de l’État.
Cette proposition présentée par nos collègues du groupe UMP et portée par le rapporteur Philippe Meunier vise à limiter les actions engagées contre l’armée française par des hommes et des femmes enrôlés dans des actes de terrorisme, en les empêchant de bénéficier de la nationalité française.
Nous partageons certains de leurs constats. L’intensification de la menace terroriste et la radicalisation de ressortissants français qui conduit ceux-ci à commettre des actes de terrorisme sur des terrains étrangers sont saisissantes.
L’attaque de trois militaires à Toulouse et à Montauban les 11 et 15 mars 2012, suivie de la tuerie du collège lycée juif Ozar Hatorah de Toulouse le 19 mars par Mohammed Merah, qui ont fait sept victimes au total, ont mis sur la scène médiatique le problème de l’islam radical. La question de la radicalisation des ressortissants français se pose avec encore plus d’acuité depuis l’attaque du Musée juif de Bruxelles par Mehdi Nemmouche le 24 mai 2014.
Depuis le 29 juin 2014, l’organisation terroriste « État islamique en Irak et au Levant », sévissant en Irak et en Syrie, s’est proclamée « État islamique », en établissant un califat sur les territoires qu’elle contrôle, sous la direction de Abou Bakr al-Baghdadi, auto-proclamé « chef des musulmans partout dans le monde ». Cet État islamique, non reconnu par la communauté internationale, a pour idéologie le respect rigoureux des préceptes de l’islam ainsi que la guerre sainte contre ses ennemis.
De nombreux ressortissants français ou des personnes résidant sur le territoire français sont partis volontairement à l’étranger dans le but de participer à des activités terroristes. Au 17 juillet 2014, les services français recensaient 899 personnes concernées par ce phénomène, soit une progression de 58 % en six mois, tandis que le Premier ministre Manuel Valls évoquait dans son discours de politique générale du 16 septembre 2014 un nombre de 930 personnes impliquées dans le terrorisme en Syrie et en Irak. Ces départs volontaires représentent une menace majeure pour la France, mais le Premier ministre a déclaré que l’armée française est prête à répondre à cette menace, sans doute la plus importante de ce début de vingt et unième siècle.
De nombreuses actions sont menées pour prendre la mesure de la menace terroriste. Le 15 septembre 2014 a ainsi été organisée à Paris, par la France et l’Irak, une conférence internationale sur la paix et la sécurité en Irak réunissant les représentants d’une trentaine d’États. Cette conférence internationale avait pour but de réfléchir aux actions à mettre en place pour endiguer la progression de l’État islamique. Engagement a été pris d’amplifier l’aide humanitaire et de renforcer les mesures en faveur de la lutte contre le terrorisme.
Lors de sa conférence de presse du 18 septembre 2014, le Président de la République François Hollande a confirmé l’intervention militaire des troupes françaises en Irak, « dans un délai court, dès qu’elles auront identifié les cibles ». L’intervention a débuté le lendemain.
Ce constat a conduit le Gouvernement à adopter le 23 avril dernier, en Conseil des ministres, un « plan de lutte contre la radicalisation violente et les filières terroristes ». La récente loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a permis d’encadrer ce plan et de prendre des dispositions de prévention et de répression des actes terroristes.
Cette loi institue un dispositif d’interdiction de sortie du territoire des ressortissants français lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils souhaitent se déplacer à l’étranger afin de commettre des actes terroristes ou sur un théâtre d’opérations terroristes dans des conditions susceptibles de les conduire à constituer une menace lors de leur retour sur le territoire national.
Elle institue également un dispositif d’interdiction administrative du territoire lorsque leur présence constitue une menace réelle, du point de vue de l’ordre et de la sécurité publics, pour les intérêts fondamentaux du pays.
En outre, elle renforce les mesures d’assignation à résidence des étrangers condamnés à des peines d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme. Les dispositions de nature répressive sont également renforcées, les peines encourues étant aggravées.
Enfin, elle prévoit un renforcement des moyens d’investigation et de prévention de la commission d’actes de terrorisme. Tous ces dispositifs, proportionnés et efficaces, permettent de répondre aux besoins de prévention et de répression des actes de terrorisme.
II apparaît donc souhaitable d’attendre la mise en oeuvre effective de ces actions, et il ne nous semble pas nécessaire de multiplier les dispositions de lutte contre le terrorisme, d’autant que la proposition de loi soumise à notre examen comporte de nombreuses dispositions critiquables.
En effet, elle contrevient au principe d’égalité, car elle ne peut être appliquée à l’ensemble des ressortissants français, et elle introduit donc de fait une différenciation et une catégorisation des citoyens.
La déchéance de nationalité des ressortissants français par attribution, c’est-à-dire de ceux qui possèdent la nationalité française depuis leur naissance, ne peut intervenir que dans trois cas : s’ils acquièrent une autre nationalité, s’ils disposent d’une double nationalité et se comportent dans les faits comme le ressortissant d’un autre État, et enfin s’ils disposent d’un emploi dans une armée étrangère ou un service public étranger et refusent d’y renoncer malgré l’injonction du Gouvernement. À défaut de disposer d’une autre nationalité, le ressortissant français se retrouverait dans un cas d’apatridie, interdit par le droit international, et notamment par la Convention internationale relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954, l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, qui prévoit que « tout individu a droit à une nationalité », l’article 24 alinéa 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, et les conventions de 1954 relative au statut des apatrides et de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.
Pour ce qui concerne les ressortissants français par acquisition, c’est-à-dire les personnes nées non françaises et qui se sont vu octroyer la nationalité française ensuite, la déchéance de nationalité peut être prononcée dans les dix ans suivant l’acquisition de celle-ci, selon les termes de l’article 25-1 du code civil, que la présente proposition de loi souhaite supprimer.
Or l’article 25 du code civil prévoit que la déchéance de nationalité peut être prononcée dans quatre cas : lorsque le ressortissant a été condamné pour un crime ou un délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, en cas de condamnation pour atteinte commise par une personne exerçant une fonction publique à l’encontre de l’administration publique, d’absence de soumission aux obligations du service national, ou encore si le ressortissant a mené des actions incompatibles avec sa qualité de Français ou préjudiciables aux intérêts de la France au profit d’un État étranger.
L’article 2 de la proposition de loi instaure dans le code civil un article 25-2 qui prévoit la déchéance de la nationalité française de tout Français arrêté, surpris ou identifié, portant les armes ou se rendant complice par la fourniture de moyens d’un acte contre les forces françaises ou leurs alliés.
Nous ne sommes pas plus favorables aux pistes d’amélioration proposées par le rapporteur en commission des lois.
En effet, les amendements visant à instaurer une perte de nationalité assortie d’une interdiction de se maintenir ou de revenir sur le territoire français à la place de la déchéance de nationalité pour les Français binationaux, de naissance ou par acquisition, nous paraissent tout aussi contestables. Si le passage de la déchéance de nationalité à la perte de nationalité évite l’écueil de l’inégalité entre Français de naissance et Français par acquisition, elle n’en demeure pas moins une mesure disproportionnée…
… et cette perte de nationalité doit demeurer une mesure exceptionnelle.
De plus, la distinction avec les seuls ressortissants français demeure, ceux-ci ne pouvant se voir opposer la perte de nationalité, sauf à devenir apatride.
L’instauration d’un crime d’indignité nationale assorti d’une peine de dégradation nationale, consistant en la privation des droits civils et politiques, en l’interdiction d’exercice de certaines professions et en l’interdiction de séjour dans certains lieux est contraire au principe de liberté des citoyens.
Cette distinction emporte également une différenciation des peines encourues par les auteurs d’une infraction, contrevenant ainsi aux principes d’égalité et de prévisibilité des délits et des peines.
Ces dispositions apparaissent complexes, et entraînent de trop grands risques quant à la protection des intérêts des ressortissants français.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, le groupe RRDP votera contre cette proposition de loi, en conformité avec le rejet du texte par la commission.
Madame la secrétaire d’État, chère Pascale Boistard, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ne nous y trompons pas : la proposition de loi présentée par nos collègues de l’UMP n’a pas pour but d’améliorer le dispositif de lutte contre le terrorisme et de répression du terrorisme.
Elle s’inscrit simplement dans un dispositif politique inspiré par votre penseur, M. Buisson – on a les philosophes qu’on mérite…
… qui consiste à prendre nos compatriotes qui ont des origines au Maghreb comme « têtes de Turcs », si vous m’autorisez cette vieille expression française.
Votre texte n’a pour but, comme en attestent d’ailleurs les propos approbateurs des députés du Front national en commission des lois, que de courir après le Front national.
Nous n’allons tout de même pas dire qu’il fait mauvais parce qu’ils annoncent qu’il fait beau !
Cette initiative est fondée sur des préjugés défendus par une partie de l’UMP – un courant minoritaire, je l’espère, à l’Assemblée nationale, si j’en juge par les effectifs venus la soutenir.
Votre proposition de loi ne correspond pas à la réalité. Elle n’a d’autre but que d’envoyer des signaux au Front national…
Il y a de plus en plus de Français de gauche qui votent Front national !
… de faire des clins d’oeil, quasiment des oeillades, au vieux chef et à ses deux héritières.
Car si ce n’était pas le cas, pourquoi mettre tout ce dispositif législatif en place, alors que tant d’autres propositions de loi de l’UMP attendent leur niche, sans compter que ce texte ne concerne en réalité qu’une poignée d’individus, est redondant avec la législation actuelle…
… et est très probablement anticonstitutionnel ? Nous le savons tous, et le rapporteur le premier, comme nous savons que le droit international auquel notre pays obéit interdit de fabriquer des apatrides.
Ce texte ne concerne que les binationaux ayant acquis la nationalité française il y a moins de dix ans. Or si on estime les naturalisations sur les dix dernières années à 2 millions d’individus et qu’on déduit les vieux, les enfants, ceux qui ont renoncé à leur ancienne nationalité, qui sont l’immense majorité, qu’on retire les honnêtes gens, sachant qu’il n’est pas d’examen plus complexe que celui auquel il faut satisfaire pour acquérir la nationalité française – la moindre infraction, même un excès de vitesse, vous interdit de devenir Français –, si on retire, donc, tous ces gens dont l’honnêteté a été rigoureusement contrôlée, de qui parlons-nous exactement ? De la dizaine de personnes condamnées définitivement depuis 2008 et que l’autorité administrative a déchus du beau nom de Français ! De qui parlons-nous cet après-midi ? Ayez le courage de le dire ! Ayez le courage de dire ce que vous dites en privé ou ce que vous entendez dans vos circonscriptions et que vous n’avez pas le courage de contredire ! Dites la vérité !
« Tout Français qui aura été arrêté, surpris ou identifié, portant les armes ou se rendant complice par fourniture de moyens… »
La vérité, c’est que vous essayez encore une fois de racler les suffrages de ceux de vos électeurs qui sont tentés de voter pour le Front national.
Au lieu d’expliquer que cela existe déjà, au lieu d’argumenter sur le travail de l’État, auquel vous souscrivez d’ailleurs la plupart du temps, au lieu de mettre 100 % des Français, d’où qu’ils viennent, du côté du droit et de la République, au lieu d’examiner – comme nous le ferons au sein de la commission d’enquête sur le djihadisme créée à l’initiative de notre collègue Éric Ciotti – les moyens d’éradiquer le phénomène, vous utilisez les préjugés et les images pour fabriquer ce texte mal ficelé, qui ne s’attaque en rien aux causes profondes du mal.
Peut-on faire perdre à Maxime Hauchard, de la vallée de l’Eure, la nationalité française, lui qui est normand et dont la famille est peut-être devenue française en 911 ou en 1315, quand les barons normands ont prêté allégeance au roi de France ?
Nous en discuterons.
Aujourd’hui, de qui parlons-nous ? Votre initiative va-t-elle dissuader les « Hauchard », ou d’autres encore, de se livrer au terrorisme ? Non.
Dans le cadre du dispositif déjà appliqué par l’État français, votre proposition de loi est inutile, stigmatisante – mais pas à l’égard des Normands, comme vous l’avez sans doute remarqué – et très probablement inconstitutionnelle. Certes, le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision du 16 juillet 1996 que, bien que portant atteinte au principe d’égalité entre les Français, la déchéance de nationalité n’était pas contraire à la Constitution, mais il a assorti cette sanction de garanties que vous avez oubliées, monsieur Meunier. Il a ainsi estimé que l’autorité administrative ne pouvait retirer la nationalité que dans un délai fixé.
D’ailleurs, ces derniers jours – Mme Pascale Boistard l’a rappelé – le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la déchéance de la nationalité d’un individu définitivement condamné le 28 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Paris pour avoir participé à une association de malfaiteurs dans le but de commettre un acte terroriste. Si besoin était, la preuve est ainsi apportée que la déchéance de la nationalité de ces individus est possible. Nous en avons la démonstration très claire, puisque le Conseil d’État vient de demander au Conseil constitutionnel de trancher cette question, ce qu’il fera dans un délai que nous ne connaissons pas. Mais, en tout état de cause, nous savons que le Conseil d’État a transmis la demande de cet individu, de ce terroriste. Nous sommes en effet dans un État de droit, et même un terroriste a le droit de saisir le Conseil constitutionnel, comme la preuve est en train d’en être apportée.
Le Conseil d’État a jugé cette demande sérieuse. Aussi, la discussion sur votre proposition de loi doit-elle tenir compte de ce contexte. Personne ne sait quand le Conseil constitutionnel rendra sa décision mais, quoi qu’il en soit, vous devriez, en tenant compte de cela, retirer cette proposition dans l’attente d’une décision qui risque d’être en nette contradiction avec ce que vous défendez aujourd’hui.
En outre, monsieur Meunier, je n’ai pas trouvé dans votre texte les critères d’appréciation des actes incompatibles avec la qualité de Français, quand il s’agit pour l’autorité administrative de décider de la déchéance de la nationalité avant tout jugement. Depuis dix ans, seules deux personnes ont subi cette sanction, qui est prononcée sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir. Je n’ai pas trouvé dans votre texte – peut-être est-ce imputable à une rédaction précipitée – la façon dont vous envisagez de procéder.
D’une manière générale, votre proposition de loi est rédigée à la hâte. La preuve en est la série d’amendements que vous avez ensuite déposés pour vous rattraper aux branches et tenter de dissimuler les travers juridiques du texte.
Mes chers collègues, comme nous l’avons décidé hier, nous allons travailler, dans les mois qui viennent, dans le cadre de la commission d’enquête créée à l’initiative de M. Ciotti. Vous avez pu constater que nous n’y avons pas fait obstacle : nous la considérons en effet utile dans le cadre du travail que la République doit accomplir sur cette question. Ce sera l’occasion, pour nous comme pour vous, de vérifier tous ces éléments de façon sérieuse, en bénéficiant des garanties apportées par la commission d’enquête, hors de la pression médiatique.
Nous savons que, malheureusement – cela a été rappelé – plus de 1 100 Français ont rejoint en Syrie, en Irak mais aussi, parfois, au Sahel, les groupes de Daech ou d’AQMI. Peu importent leurs origines : ce qui compte est que nous les empêchions d’y aller, que nous convainquions ceux qui auraient l’idée de le faire d’y renoncer et que nous sanctionnions ceux qui partent : le dispositif juridique français le permet pleinement. Il nous faut « déprogrammer » ceux qui s’y sont rendu. C’est un aspect fondamental à nos yeux, pour ceux qui pourraient croire qu’il y a une légitimité à accomplir de telles actions.
Grâce au travail du Gouvernement, du ministre de l’intérieur, de la DGSE mais aussi d’associations qui, aujourd’hui, occupent le terrain, nous savons que les djihadistes, ou que ces djihadistes en herbe, sont d’origines sociales très diverses et que, très souvent, leurs familles sont athées – 80 %, selon le rapport de la DGSE.
Souvent, ces djihadistes en herbe ou réels sont issus de familles sans lien culturel avec l’islam : 45 % des 650 parents qui ont utilisé le numéro vert créé par l’État à ce sujet appartiennent à d’autres cultures et à d’autres religions.
Vous le savez bien : 99,99 % de ceux qui vont au djihad aujourd’hui sont des Français qui ne seraient pas concernés par votre loi.
Par votre proposition de déchéance, vous ne poursuivez qu’un but : stigmatiser une partie de la population. La vérité est que vous nous faites perdre du temps dans le travail, dans la réflexion que nous devons conduire sur ce sujet.
Interruptions sur les bancs du groupe UMP.
Vous cherchez simplement à hystériser l’opinion. Vous avez l’habitude : une fois, c’est le voile, la fois suivante, c’est la cantine, une troisième fois, c’est le piteux débat que vous avez fini par remballer sur l’identité nationale.
Mes chers collègues, ce texte ne constitue qu’une tentative assez faible, il faut le dire, de reprendre un peu la main dans le domaine de la sécurité. Vous êtes enfermés dans une idée que vous vous faites de la gauche et que vous ressassez : la gauche serait laxiste, les socialistes ne s’intéresseraient pas à ces questions.
Messieurs, qui mène aujourd’hui la guerre contre Daech d’une façon absolument déterminée…
…si ce n’est la France, sous l’autorité du Président de la République ? Qui, aujourd’hui, combat le terrorisme, à la fois sur le territoire national et dans les zones de guerre, où il faut aller ?
Qui a réussi à transformer nos relations avec le grand État qu’est l’Algérie pour s’en faire un allié au Sahel, sur les questions de terrorisme et de renseignement, si ce n’est François Hollande ? Vous feriez mieux d’observer ce que fait le Gouvernement que de nous apporter, un jeudi soir, à l’Assemblée nationale, un texte mal fagoté, inutile, qui n’a pour but que de dresser les uns contre les autres.
Je veux vous dire que ce gouvernement est intransigeant, qu’il lutte contre le terrorisme, qu’il s’appelle Daech, AQMI ou ce que vous voulez,…
...de façon beaucoup plus efficace – j’insiste sur ces mots – que vous ne l’avez fait dans le passé : je fais référence, par exemple, à cette malheureuse affaire de la Libye. Vous pourriez vous interroger sur les conséquences, en matière de terrorisme, des actions que vous avez organisées, en permettant à des groupes comme le MUJAO et AQMI, entre autres, de se saisir de l’arsenal de Kadhafi : c’est vous qui l’avez permis !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous avez créé, dans les pays du Sahel, aux frontières de l’Algérie et de la Tunisie, une situation qui n’est pas réglée aujourd’hui.
Ces États sont obligés de se tourner vers la France pour qu’elle les aide à régler ces problèmes.
La vérité, messieurs, est que votre texte est inutile : le Gouvernement français combat le terrorisme et le djihadisme avec une détermination absolue mais, à la différence de vous, il le fait dans le respect de la Constitution et des principes de la République.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lutter contre la menace terroriste, donner les meilleures garanties de protection à ceux qui exposent leur intégrité physique et parfois mettent leur vie en jeu pour nous protéger, qu’ils portent un uniforme de l’armée française, de la police ou de la gendarmerie nationale, est une préoccupation qui anime tous les républicains, tous ceux qui sont attachés aux beaux mots de liberté et de démocratie.
C’est dans cet esprit qu’un large consensus, certes teinté de nuances, a prévalu il y a quelques semaines dans cet hémicycle, lors de l’examen, puis de l’adoption, à la quasi-unanimité, du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, proposé par le ministre de l’intérieur au nom du Gouvernement.
C’est dans le même esprit que nous vous avons suivis hier, chers collègues de l’UMP, dans votre volonté de création d’une commission d’enquête, au sein de notre assemblée, sur la surveillance des filières et des individus djihadistes.
Cette volonté de rassemblement sur des sujets qui le justifient ne saurait néanmoins prévaloir sur une proposition qui ne se justifie pas. Le texte de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, tout comme les débats qui l’ont éclairé la semaine dernière au sein de la commission des lois, me donnent la désagréable impression que nos collègues UMP, qui en sont les auteurs, les promoteurs ou les défenseurs, sont tombés en état de récidive.
Ce qui nous est proposé est en effet de constitutionnalité douteuse, de facture juridique éminemment fragile, de portée extraordinairement limitée et d’une utilité dont il vous est peu aisé de convaincre. Le tout est néanmoins, comme d’habitude, habilement paré d’un appel au fameux bon sens que vous aimez à qualifier de populaire. Mais, dans le cas d’espèce, associer cet adjectif au concept de bon sens me semble plutôt relever d’une volonté de faire prendre à nos concitoyens des vessies pour des lanternes.
Bref, tout ceci donne une impression de déjà-vu, de nostalgie du discours de Grenoble, tant nous avons été habitués, durant les deux précédents quinquennats, à ces textes aux titres chatoyants, aux objectifs que personne ne pourrait contester, mais dont l’efficacité s’est avérée nulle.
À première vue, en effet, proposer de déchoir de la nationalité française tout individu qui porterait les armes contre nos soldats ou nos forces de l’ordre…
…peut apparaître comme une idée simple et juste.
Cette vision est, en fait, juste simpliste. Elle peut abuser ceux de nos concitoyens qui ignorent que le code civil, en son article 25, prévoit déjà des dispositifs de déchéance de la nationalité, notamment – cela a été dit – à l’encontre des condamnés pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme.
Vous le voyez, mes chers collègues, dans l’état actuel de notre droit, le spectre des fautes exposant à la sanction de déchéance de la nationalité en France est donc large, et les faits visés par la proposition de loi peuvent y être inclus. Mais il est vrai qu’un jugement et une condamnation sont exigés. Même lorsque la déchéance de la nationalité peut être prononcée en l’absence de jugement, ce qui est le cas prévu par l’alinéa 4 de l’article 25 du code civil, s’agissant des personnes s’étant livrées, au profit d’un État étranger, à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France, comme Patrick Mennucci vient de le rappeler, les faits sont appréciés par l’administration sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir. De telles dispositions ne constituent nullement une entrave. Elles sont simplement conformes aux principes généraux de notre droit.
Ce qui nous est proposé aujourd’hui est de pouvoir s’affranchir de toute intervention du juge. En cela, ce texte est de facture juridique éminemment fragile : si c’est fortuit, c’est regrettable, si c’est délibéré, c’est préoccupant.
La portée limitée, extraordinairement limitée, de cette proposition n’est pas non plus décelable au premier coup d’oeil ; elle apparaît à la fin de l’alinéa 2 de son article unique, qui dispose que la sanction ne s’appliquera pas si la déchéance a pour résultat de rendre apatride celui qui en fait l’objet.
En clair, ce texte ne vise que les personnes disposant d’une double nationalité. Permettez-moi d’emprunter une réplique du film d’Henri Verneuil Le Président, dans une scène d’anthologie censée se dérouler dans cet hémicycle : « Il y a aussi des poissons volants, mais ce n’est pas la majorité du genre ! ». Ne vous en déplaise, chers collègues de l’UMP, parmi les individus que vous visez dans votre proposition de loi, il y a certes des binationaux, mais c’est loin d’être la majorité du genre.
Et quand bien même, pour ceux-là, votre texte viendrait à être adopté, qu’il ne résisterait sans doute pas bien longtemps à la censure.
En effet, si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 juillet 1996, a jugé que la déchéance de la nationalité n’était pas contraire à la Constitution, il n’en a pas moins rappelé que l’autorité administrative ne pouvait prendre une telle décision que pour une durée limitée. Aucune condition temporelle n’étant prévue dans ce texte, sa constitutionnalité reste douteuse, chers collègues, en dépit de ce que vous affirmez.
Ayant sans doute tardivement pris conscience de toutes ces failles, les auteurs ont bricolé en dernière minute quelques amendements aux références historiques hasardeuses, pour introduire un crime d’indignité nationale ou une peine de dégradation nationale et maintenant la perte de la nationalité. Peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Ces amendements n’ont heureusement pas prospéré en commission.
Au-delà de ces éléments juridiques, les auteurs peinent à convaincre de l’utilité de leur proposition. Tout d’abord, – et vous l’indiquez vous-même dans votre rapport, monsieur le rapporteur – durant les trente-sept dernières années pour lesquelles nous disposons de statistiques, c’est-à-dire de 1973 à 2010, la déchéance de la nationalité n’a concerné que vingt et une personnes, dont sept seulement étaient impliquées dans la préparation d’actes de terrorisme ; aucun cas durant le quinquennat précédent et un seul depuis le début de l’actuel.
Ensuite, parce que les individus au coeur de l’actualité à laquelle vous êtes si sensibles – je veux parler du millier de nos compatriotes qui se sont égarés ou envisageraient de le faire dans des aventures djihadistes – ne seraient pas pour l’immense majorité concernés par votre texte. S’ils commettent la folie d’aller porter les armes au nom d’une idéologie barbare d’un autre temps, c’est massivement en territoire étranger, notamment en Syrie et en Irak, où ils ne se retrouvent ni face à des soldats, ni face à des policiers ou des gendarmes français, même si j’ai bien entendu le cas d’école proposé par notre collègue Verchère, du pilote qui serait tombé de son avion.
Pour ceux-là, le plan de lutte contre les filières terroristes et la radicalisation violente et le numéro vert à l’intention des familles qui perçoivent le basculement de l’un ou l’une des leurs, mis en place par le Gouvernement au titre de l’indispensable prévention – totalement absente de votre texte – constituent des réponses bien plus adaptées. Ces dispositifs ont permis de détecter 625 individus à risque depuis leur création.
Quant à la nécessaire répression, les dispositions de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme que nous avons adoptées il y a un mois, notamment s’agissant des conditions de sortie et de retour sur le territoire national,…
…comme des nouvelles incriminations possibles pour une entreprise terroriste individuelle, apportent les outils nécessaires pour protéger notre société, en plus de tout ce qui existe déjà dans le code civil et le code pénal.
Pour vous dire l’opposition du groupe socialiste, républicain et citoyen à cette proposition de loi, j’ai voulu m’en tenir à ces éléments factuels. On aurait pu dire bien d’autres choses. Mais finalement, sur l’intention comme sur le contexte, ce sont nos collègues d’extrême droite membres de la commission des lois qui ont tout dit, en qualifiant les auteurs de « pickpockets législatifs ». Je ne suis pas certain d’avoir compris si, dans leur bouche, il s’agissait d’un compliment…mais l’oratrice qui va me succéder à la tribune nous éclairera sans doute sur le sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, la nation, ça s’hérite ou se mérite.
Il est bon de rappeler certaines choses, chers collègues.
Cette idée de bon sens permet d’unir les Français par une communauté d’histoire, de culture, de valeurs et d’intérêts qui forme comme l’écrivait Bainville « la richesse intellectuelle et morale de la France, son équilibre, son génie. »
Cet équilibre, quarante ans de laxisme d’État, d’immigration incontrôlée – que vous le vouliez ou non –, de mépris de l’idée nationale l’ont rompu. Les causes qui incitent aujourd’hui le législateur à revoir le processus d’exclusion de la communauté nationale doivent être regardées en face, libérées des oeillères du politiquement correct.
Ce sont vos usines de production intensive de Français de papier et votre fascination pour le modèle communautariste anglo-saxon qui ont rendu notre tradition assimilationniste inopérante. Sous couvert de tolérance et de bons sentiments, vous avez privé ces Français d’une identité fière à laquelle se rattacher.
Ni tout à fait d’ici, ni tout à fait d’ailleurs (« Murmures sur quelques bancs du groupe SRC), ces personnes se sont fabriqué une identité de substitution imprégnée d’une religiosité meurtrière et construite sur la haine du pays qui n’a su exiger d’eux les apprentissages, les sacrifices nécessaires pour faire pleinement partie de notre civilisation millénaire.
L’UMP retrouve dans l’opposition le courage qui lui manquait hier aux affaires : aucune déchéance ne fut prononcée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, pendant lequel la France découvrit avec horreur Mohamed Merah premier « loup solitaire » d’une meute qui ne cessera de s’agrandir. À gauche, Manuel Valls fit des promesses musclées, comme à son habitude, suite à l’affaire Nemmouche. Le voilà Premier ministre, mais aucun projet ne fut jusqu’ici inscrit à l’ordre du jour.
Après la charte de la laïcité dans les écoles, sûrement la gauche va-t-elle proposer d’accrocher au mur des prisons une charte de la nationalité. Soyons sérieux, le rôle des hommes et des femmes politiques n’est pas de réciter les valeurs de la République ou de les exposer dans de jolis cadres, mais de les défendre.
Ce sont vos renoncements qui font aujourd’hui de la France anciennement fille aînée de l’Église, la fille aînée du djihadisme.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Selon les mots du procureur François Molins : « Nous n’avons jamais été confrontés, dans l’histoire de l’antiterrorisme, à de tels nombres. » Et les effectifs sont largement minorés. Ces barbares qui brûlent leur passeport français, tirent sur nos soldats et décapitent nos compatriotes, sont pour nombre d’entre eux détenteurs de la double nationalité. Cette aberration qui permet l’existence d’une catégorie de citoyens aux multiples allégeances,…
…certains Français allant accomplir leur service militaire dans des armées étrangères.
Vous le savez, cette proposition de loi est cosmétique car l’article 25 du code civil permet déjà de priver de nationalité un Français pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, crimes et actes de terrorisme.
Nos voisins britanniques, eux, ont engagé une vingtaine de procédures de déchéance, quand cette idée soulève les coeurs tendres et complices des ministres socialistes !
Si modification législative il doit y avoir, ce doit être pour remplacer cette possibilité par une application systématique de la déchéance aux djihadistes binationaux qui, doublée de la restauration de la double peine, supprimée par l’UMP, permettrait d’évacuer du territoire ces menaces pour notre société.
Retrouver la valeur de la nationalité française pour susciter à nouveau son respect, tel est le projet ambitieux que les Français attendent que nous portions. Pour cela, il suffit de regarder dans le rétroviseur du suicide français et de voir la succession de choix laxistes qui nous ont conduits jusqu’ici. Parmi eux, la suppression, sous l’impulsion de Mme Guigou en 1998, de l’alinéa 5 de cet article 25 du code civil qui donnait la possibilité de retirer la nationalité octroyée à un naturalisé ayant été condamné, en France ou à l’étranger, pour un crime entraînant plus de cinq ans d’emprisonnement selon le droit français.
Restaurer cette disposition enverrait un message salvateur : devenir Français implique des devoirs et un comportement exemplaire. Si vous rompez ce contrat, vous n’êtes pas le bienvenu.
Le rapporteur de la présente proposition a osé quelques initiatives significatives que je salue.
Je pense à la perte de nationalité pour le djihadiste né Français. En effet, de nombreux binationaux visés par cette loi sont nés sur notre sol et ont donc bénéficié d’une acquisition automatique de la nationalité à dix-huit ans. Ce droit du sol a été maintenu dans le code civil par Napoléon pour soutenir les effectifs de la Grande Armée.
Aujourd’hui, ce droit du sol, devenu inadapté en raison de flux migratoires sans précédent, alimente les rangs d’organisations qui combattent la France. Triste ironie de l’Histoire !
Quant à la dégradation nationale, elle paraît être une bonne réponse à l’impossibilité de créer des cas d’apatridie en retirant leurs droits civiques, politiques et l’accès à certaines fonctions publiques aux seuls Français.
Je voterai ce texte, pour le symbole,
« On avait compris ! » sur les bancs du groupe SRC
Au moins, votre intervention clarifie les choses. Mais vous n’avez pas parlé de la Russie.
…car l’arsenal du droit est déjà en grande partie à notre disposition. Il ne manque en réalité que le diagnostic des erreurs passées, le courage et la volonté. Malheureusement, ces qualités ne se votent pas dans l’hémicycle.
S’il est un membre du Gouvernement qui devrait soutenir cette proposition de loi de l’UMP, c’est bien vous, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes. Je déplore que vous n’ayez pas bien suivi mon intervention. J’ai en effet précisé que les amendements proposés par le groupe UMP et moi-même visaient à gommer les risques d’inconstitutionnalité et élargissaient le champ d’application de la loi afin que les auteurs d’actes barbares, notamment à l’égard des femmes, soient très sévèrement sanctionnés.
M. Patrick Verchère et M. Meyer Habib ont décrit la situation de façon extrêmement claire. Celle-ci est grave, dangereuse pour la sécurité des personnes qui habitent ces théâtres d’opérations extérieures, mais aussi pour nos compatriotes métropolitains. Il est vrai, monsieur Habib, que la proposition de loi vise à faire perdre la nationalité française à ceux qui portent les armes contre les soldats français.
Vous avez raison, elle ne s’étend pas à tous les terroristes, et ce sujet nécessitera peut-être une autre proposition de loi.
Les propos de M. Ary Chalus m’ont stupéfié. Il a en effet considéré que perdre la nationalité était une peine disproportionnée quand un Français tire sur des soldats français. S’il ne soutient pas notre proposition de loi, il ne risque pas de soutenir celle de notre collègue Meyer Habib.
Monsieur Mennucci, notre proposition de loi n’aurait rien à voir avec l’actualité. Je laisse les Français juges.
Si. Des centaines de Français, binationaux ou non, se sont aujourd’hui engagés…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je vous rappelle que la proposition de loi vise à faire perdre la nationalité française à tous ceux qui portent les armes contre nos militaires s’il s’agit des binationaux et peu importe le mode d’acquisition de la nationalité. Quant aux Français sans double nationalité qui doivent aussi être sanctionnés, je demande le rétablissement du crime pour indignité nationale, que l’on doit au général de Gaulle et qui n’est pas une condamnation hasardeuse, comme j’ai pu l’entendre dans l’intervention de M. Popelin.
Pour ce qui est de la commission Ciotti, l’un n’empêche pas l’autre, monsieur Mennucci. Nous pouvons fort bien approuver cette proposition de loi et continuer à étudier le djihadisme pour en mesurer les causes et les conséquences.
M. Popelin a tenu le même discours que M. Mennucci, mais sans l’accent marseillais.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
S’agissant des références historiques, celles-ci ne sont pas hasardeuses contrairement à ce que vous avez prétendu.
Madame Marion Maréchal Le Pen, il y a en effet des combattants qui ont la double nationalité, mais certains ne l’ont pas. C’est la raison pour laquelle cette proposition de loi enrichie par nos amendements permet – ainsi que vous l’indiquiez – de corriger cette situation.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Sourires.
Telles sont, madame la présidente, les précisions que je souhaitais apporter.
Monsieur le rapporteur, vous sembliez déplorer le fait que je n’ai pas réagi à vos amendements. En fait, je me suis exprimée par rapport au texte que vous avez déposé, texte au demeurant peu compatible avec la Constitution. Nous verrons dans la suite de la discussion si vos amendements ont véritablement corrigé les déficiences du texte pour permettre sa validation par le Conseil constitutionnel.
Monsieur Verchère, concernant le traitement réservé aux terroristes français qui reviennent sur notre territoire…
Peu importe.
Lorsque des terroristes de nationalité française reviennent sur le territoire français, il se passe une chose simple : leur interpellation, leur traduction en justice et une action renforcée pour démanteler les filières. Le Gouvernement est engagé sur ces actions, comme vous l’avez du reste rappelé à la tribune.
Monsieur le député Meyer Habib, vous avez exprimé des inquiétudes que nous partageons, mais on ne peut interdire à un Français l’entrée sur le territoire français et le bannissement n’existe plus.
On ne peut pas non plus créer un apatride en privant un citoyen de sa seule citoyenneté – je vous renvoie cet effet la convention de New York de 1961 sur la réduction de l’apatridie.
Enfin, il existe une règle intangible, qui n’est pas inscrite dans nos textes, mais que nous pouvons faire nôtre, notamment dans la lutte contre le terrorisme, et sur laquelle nous pouvons nous retrouver : pour mener à bien ce combat, mieux vaut montrer sa force que ses peurs. Or, un texte rédigé dans de telles conditions et avec si peu de précision démontre plutôt de la peur que de la force. Je réitère donc mon avis défavorable à son propos.
J’appelle maintenant l’article unique du texte de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, la commission n’ayant pas adopté de texte.
La parole est à M. Patrick Mennucci, pour soutenir l’amendement no 7 .
On peut considérer que l’amendement no 7 est défendu. Je tiens cependant à réagir, car certaines choses sont difficilement supportables. Monsieur Meunier, vos remarques sur l’origine et l’accent des députés dans cette enceinte sont très étranges. Depuis toujours en effet, il y a eu au sein de l’Assemblée nationale des gens qui venaient de tout le pays et qui avaient des accents très différents. C’est même cela qui fait la France.
Il est, du reste, assez logique que ce soit l’auteur de ce texte que nous combattons qui soit capable de formuler de telles remarques.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Meunier, rapporteur, pour donner l’avis de la commission.
L’avis de la commission est favorable à cet amendement de suppression. J’y suis, pour ma part, évidemment défavorable.
Quant à votre accent, monsieur Mennucci, il me rappelle celui de mon ami Dominique Tian et m’est très agréable à l’oreille.
Avis favorable.
Il est dommage que nous ne passions pas à la discussion des amendements. En effet, monsieur Mennucci, si votre amendement est adopté, l’article unique sera supprimé. Je regrette que nous ne puissions débattre, comme certains l’ont proposé tout à l’heure, d’une amélioration de ce texte grâce à nos amendements – celui du rapporteur et celui du groupe UMP – visant à instaurer un nouveau cas de perte de nationalité à la place de la déchéance de nationalité, assorti de l’interdiction de se maintenir sur le territoire ou d’y revenir.
Cet amendement de suppression anticipe sur une éventuelle décision du Conseil constitutionnel, dont nul ne sait si elle sera positive ou négative. Je regrette donc que cet article unique fasse l’objet d’une telle censure.
En écho à M. Verchère, je regrette d’autant plus ce que vous allez faire dans un instant que, si vous voulez voter contre cet article unique, vous pouvez laisser les discussions se dérouler sur les amendements et on verra alors si vos déclarations à leur endroit sont sincères ou non. Une fois ces amendements votés – ou non –, vous pourrez toujours refuser de voter l’article unique.
Vous nous avez reproché des postures, mais c’est vous qui en adoptez, …
… car vous ne voulez pas aborder le sujet au fond, ni accepter un débat sur ce que nous avons trouvé nécessaire pour améliorer le texte et sur quoi nous avions réfléchi en amont.
Madame la secrétaire d’État, votre position sur cet amendement de suppression de l’article unique est incohérente avec les propos que vous venez de tenir. Vous avez en effet évoqué votre souhait implicite que soient discutés les amendements présentés, qui lèvent une partie des risques que vous avez soulevés dans votre intervention liminaire : vous dites une chose et vous faites le contraire.
Ne préjugez pas du vote de l’Assemblée ! Ce n’est pas le Gouvernement qui vote.
Si nous refusons de voter cet amendement de suppression et si nous passons à l’examen des amendements, chacun retrouvera sa place dans le débat et ceux qui nous regardent ou nous écoutent pourront également vérifier ce que veulent les uns et les autres, quitte à ce que la majorité, s’il en existe une pour le faire, décide de ne pas voter l’article unique.
Sur ce sujet très grave, je le répète, il n’y a pas de droite ni de gauche.
Il s’agit en effet de la France et de la sécurité de tous nos concitoyens. Tout le monde conviendra qu’il faut aboutir.
Il faut certes tenir compte des contraintes constitutionnelles, mais cessez donc de passionner ce débat…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
…et d’en faire un débat entre la droite et gauche, car ce n’est pas ce qu’il est. C’est bien plus grave que cela.
L’amendement no 15 reprend les amendements nos 12 et 13 qui n’ont pas été examinés du fait du rejet de l’article unique par l’adoption d’un amendement de la majorité. Il a pour objet d’élargir la déchéance de nationalité aux actes de terrorisme contre les civils, au-delà des actes contre les forces armées et de police auxquels se limite la proposition de loi.
On ne peut certes pas être apatride – encore que mon père l’ait été pendant 60 ans de sa vie et que, si une telle mesure pouvait éliminer ne serait-ce qu’un acte terroriste, ce serait déjà une bonne chose. L’amendement tend donc à instaurer une autorisation d’entrée sur le territoire pour les terroristes qui n’ont que la nationalité française et qui ne peuvent donc pas être déchus de leur nationalité. Cet amendement tend donc en quelque sorte à contourner le fait qu’une personne qui a uniquement la nationalité française ne puisse pas en être déchue.
Avis défavorable de la commission. En outre, une décision du Conseil constitutionnel va à l’encontre de cet amendement.
Monsieur le député Meyer Habib, votre amendement, comme celui qui aurait pu être présenté précédemment, ajoute aux dispositions actuelles du premier cas de l’article 25, qui permet de prononcer la sanction de la déchéance à l’encontre des Français condamnés pour un délit ou un crime constituant un acte de terrorisme, de nouvelles dispositions poursuivant le même objectif, à savoir sanctionner de déchéance les Français qui auront porté les armes ou se seront rendus complices, par fourniture de moyens, au profit de groupes terroristes.
Il n’établit aucune distinction entre les Français de naissance et ceux qui ont acquis la nationalité française, ne laisse au Gouvernement aucune marge d’appréciation sur l’opportunité de prononcer la déchéance, ne fixe aucun délai au-delà duquel la déchéance ne pourrait plus être prononcée, substitue à l’avis conforme du Conseil d’État un avis simple et n’exige pas que la personne visée par la mesure de déchéance ait été préalablement condamnée par le juge pénal pour avoir commis un acte de terrorisme. Or, cette exigence figure dans le premier cas traité dans l’article 25, qui répond à la nécessité de ne prononcer la sanction de la déchéance qu’à l’encontre de personnes dont il est établi par le juge pénal qu’elles ont effectivement commis l’acte qui leur est reproché et que cet acte constitue bien un acte de terrorisme au sens du code pénal.
Ces premiers éléments montrent déjà qu’il n’est pas possible de donner un avis favorable à votre amendement. Avis défavorable, donc.
Madame la secrétaire d’État vient de dire l’essentiel quant à la constitutionnalité de la mesure proposée – le rapporteur l’avait du reste déjà dit lui aussi.
Monsieur Habib, je souhaiterais cependant comprendre votre proposition. Il faudrait donc qu’un terroriste ait une autorisation d’entrer sur le territoire national – c’est-à-dire que cette personne téléphonerait à la DGSE pour dire : « Bonjour, je suis un terroriste français et je voudrais rentrer sur le territoire national » ?
Votre démonstration est incroyable ! C’est une vue de l’esprit, qui témoigne d’une méconnaissance totale des réseaux terroristes, que de croire qu’une interdiction de rentrer sur le territoire sera suffisante pour empêcher des terroristes de rentrer en France. Techniquement, en termes de pouvoirs de police, c’est inopérant.
Sur le fond, se pose une autre question : lorsqu’un terroriste français que nous avons repéré à l’étranger se rend sur le territoire national, sa place, s’il est Français, est dans une prison française, aux mains de la justice française, dans le cadre d’une action de déprogrammation. Il ne s’agit pas de le laisser dans un pays étranger d’où il pourra revenir à tout instant commettre des actes terroristes en France.
Votre proposition est donc non seulement anticonstitutionnelle, mais elle est aussi inopérante et, très honnêtement, n’apporte rien à la lutte contre le terrorisme. Le groupe SRC repoussera cet amendement.
Monsieur Mennucci, la place d’un terroriste est bien évidemment en prison. Cependant, si l’amendement n’est pas adopté, un Français membre de Daech et possédant une seule nationalité pourra, à son retour en France, passer la frontière au guichet de contrôle des passeports sans être nécessairement arrêté.
Ce n’est pas cela : s’il n’a pas le droit de rentrer, si sa rentrée sur le territoire est interdite, il figurera automatiquement sur les fichiers du ministère de l’intérieur.
Tout récemment, trois terroristes sont rentrés en France et les services du ministère de l’intérieur ont claironné qu’ils avaient été arrêtés, alors que ce n’était pas encore le cas – on sait ce qu’il en est advenu, même s’il s’agit d’une erreur.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
L’erreur aurait eu lieu, même si votre amendement avait été en vigueur !
Je le répète : il n’y a pas, sur ce sujet, de gauche et de droite. Nous essayons de renforcer au maximum le dispositif, ce qui n’est pas simple, compte tenu de la Constitution. L’adoption de cet amendement pourrait apporter un avantage face aux terroristes qui n’ont que la nationalité française et qui doivent être arrêtés à l’entrée du territoire.
L’amendement no 15 n’est pas adopté.
Cet amendement devrait – je le dis avec mon accent lyonnais – satisfaire M. Mennucci, car il concerne tout le monde. Il tend en effet à rétablir le crime d’indignité nationale. Cette proposition, qui ne stigmatise personne et touche tout le monde, permet de dire à nos compatriotes que tout n’est pas possible : quand on est Français, on ne peut pas tirer sans conséquences sur un soldat français.
La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement no 11 .
Le rétablissement du crime d’indignité nationale peut nous rassembler : qui peut penser qu’il serait normal qu’un terroriste ayant porté les armes contre les forces françaises conserve l’ensemble de ses droits quand il revient sur le territoire national, même s’il est probablement condamné ? C’est vrai qu’ils font de la prison, monsieur Mennucci, et heureusement ! Mais ma question portait tout à l’heure sur ceux qui négocient leur retour : je voulais être sûr que même ceux qui négocient quelque chose seront arrêtés dès leur arrivée et condamnés.
Avec cet amendement, nous allons un peu plus loin : ils sont condamnés à une peine de prison mais, lorsqu’ils en sortiront, ils seront privés d’un certain nombre de droits, tout simplement. Je ne souhaite pas en effet, et les Français non plus, que quelqu’un ayant porté les armes contre les forces françaises, contre les forces de sécurité sur le territoire national ou dans un autre pays, puisse encore avoir le droit de vote, être éligible à une élection municipale ou à une élection législative, ou encore avoir la possibilité de siéger dans des organismes ou des associations, comme une maison des jeunes et de la culture, où il pourrait accompagner des enfants et peut-être même jouer avec eux.
Je suis donc très favorable à cet amendement cosigné par l’ensemble du groupe UMP car il permettra à ceux qui ont été condamnés à une peine de prison lorsqu’ils sont revenus en France de ressasser toute leur vie ce qu’ils ont fait et de se dire : « Je suis peut-être un Français de seconde zone, mais je le mérite parce que j’ai porté les armes contre l’armée française, contre les Français. »
Messieurs les députés Meunier et Verchère, le crime d’indignité nationale n’a figuré dans notre arsenal répressif qu’à un moment très particulier de notre histoire : la Libération. Il visait les Français qui, par leur comportement, parce qu’ils avaient collaboré avec les forces d’occupation nazies, avaient jeté la Nation tout entière dans la honte. Il faut se garder d’atténuer la particularité de cette période, me semble-t-il,…
…période sombre de notre histoire, et de galvauder la portée de la répression de ces comportements à la Libération.
En outre, les incriminations sont maintenant définies de manière plus précise pour être conformes aux principes constitutionnels de nécessité et de légalité des délits et des peines. Or les faits qui sont visés dans cet amendement tombent maintenant sous le coup de la trahison définie par l’article 411-1 du code pénal comme l’ensemble des infractions suivantes commises par un Français : le fait de livrer à une puissance étrangère des troupes appartenant aux forces armées françaises ou des matériels, équipements et appareils affectés à la défense nationale, l’intelligence avec une puissance étrangère et le sabotage. De la même façon, sont punis le fait de provoquer à s’armer contre l’autorité de l’État ou le fait de provoquer des militaires français à passer au service d’une puissance étrangère. Enfin, la participation à une activité de mercenaire est également réprimée.
Il en résulte que les faits visés par l’incrimination d’indignité nationale peuvent déjà être réprimés par le droit en vigueur ; votre amendement n’est donc pas fondé du point de vue du droit et ne répond pas à des difficultés pratiques. Il constitue même un anachronisme d’un point de vue politique. Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.
Mme la secrétaire d’État, le crime d’indignité nationale a effectivement concerné les Français qui ont collaboré avec l’occupant étranger, en l’occurrence nazi. Je vous rappelle accessoirement que la présente proposition de loi concerne des Français qui portent les armes contre des soldats français – des soldats français de la République ! Je ne sais pas si pour vous, cela est accessoire ou peu important !
Porter les armes contre des soldats français quand on est Français, c’est aussi grave que de collaborer avec l’ennemi quand il occupe le territoire national ; un ennemi de la France reste un ennemi de la France !
L’avis de la commission est défavorable mais, évidemment, j’y suis favorable à titre personnel.
Mme la secrétaire d’État, je suis très surpris et, au fond, un peu déçu par les propos qu’elle a tenus tout à l’heure.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Vous prenez cela très à la légère, et chacun le voit ! Vous pourriez au moins faire semblant de vous intéresser au sujet que vous avez souhaité verrouiller !
Je voudrais faire remarquer que lorsque l’on affirme que la période à laquelle l’ancienne peine de crime d’indignité nationale se référait était une période sombre de l’histoire de notre pays, on a raison ! Mais demain, lorsque – et je ne le souhaite pas ! – nous aurons dans notre pays des personnes qui se seront livrées à des actes que nous essayons aujourd’hui de dénoncer et contre lesquels nous essayons de lutter, malgré vous,…
…si demain ces personnes sont condamnées et sortent ensuite de prison comme si de rien n’était, sans la moindre indication du fait qu’ils sont indignes de faire partie de la Nation française, je crois que ce jour-là, et je vous le dis les yeux dans les yeux, nous entrerons dans une nouvelle période sombre de l’’histoire de notre pays !
Nous avons achevé la discussion de la proposition de loi. L’Assemblée ayant rejeté l’article unique ainsi que les articles additionnels, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférences des présidents.
Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2014.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures cinquante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly