Mais la question des droits des femmes est très grave, monsieur le député, si j’en juge par la manière dont vous en débattez parfois.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Philippe Meunier, la proposition de loi que vous soumettez au Parlement vise à créer une nouvelle procédure de déchéance de nationalité concernant tout individu « qui aura été arrêté, surpris ou identifié, portant les armes ou se rendant complice par fourniture de moyens, contre les forces françaises ou leurs alliés à l’occasion d’une intervention de l’armée française ou des forces de police ».
Cette proposition de loi n’est pas totalement nouvelle : elle s’inspire très directement d’une disposition adoptée en 2010 par l’Assemblée nationale dans le cadre de la première lecture de la loi Besson mais rejetée par le Sénat, et que le Gouvernement d’alors avait renoncé à réintroduire tant sa constitutionnalité semblait incertaine.
Comme nous allons le voir, ce qui était inconstitutionnel hier le demeure immanquablement aujourd’hui.
La procédure que vous proposez de créer ajoute de nouveaux cas de déchéance de la nationalité française à ceux prévus par les articles 25 et 25-1 du code civil. Je vous rappelle qu’aux termes de ces deux articles, lorsqu’il estime que le comportement de l’un de ses ressortissants ne correspond plus à certaines conditions élémentaires permettant de se réclamer de la nationalité française, l’État peut déclencher une procédure conduisant à retirer à l’intéressé sa qualité de Français.
Néanmoins, parce que les conséquences d’une telle mesure sont très lourdes, cette procédure est strictement encadrée.
Dès lors qu’il n’est pas question de créer des apatrides, elle ne peut en effet s’appliquer qu’aux personnes qui, outre la nationalité française, possèdent au moins une deuxième nationalité.
Par ailleurs, elle ne peut être mise en oeuvre qu’à rencontre de personnes ayant obtenu la nationalité française par naturalisation.
En outre, les faits qui justifient la mesure de déchéance doivent avoir été commis avant l’acquisition de la nationalité française ou bien dans les dix années qui suivent cette acquisition. Comme vous le savez, depuis 2006, ce délai a été porté à quinze ans en cas de condamnation pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou en cas d’action terroriste.
Enfin, la déchéance ne peut être prononcée que dans un délai de dix ans à partir de la date où les faits ont été commis. Là aussi, depuis 2006, ce délai est passé de dix à quinze ans dans les deux situations précises que je viens d’évoquer.
Les motifs qui autorisent la mise en oeuvre de la procédure de déchéance sont également limités. Tels qu’ils sont prévus par l’article 25 du Code civil, ils sont, depuis 1998, au nombre de quatre : l’individu incriminé doit avoir fait l’objet d’une condamnation pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, ou bien constituant un acte de terrorisme ; il doit avoir fait l’objet d’une condamnation pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte à l’administration publique commise par une personne exerçant une fonction publique ; il doit avoir fait l’objet d’une condamnation pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ; enfin, il doit avoir commis, au profit d’un État étranger, des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France.
Ces actes n’ont pas besoin d’avoir été sanctionnés par une condamnation. Ils sont appréciés par l’administration, sous le contrôle du juge.
J’ajoute que le décret qui prononce la déchéance doit être bien sûr motivé et ne peut être pris que sur avis conforme du Conseil d’État.
Comme vous le constatez, cette mesure est donc réservée à des cas bien précis. De fait, depuis 1999, elle n’a été utilisée qu’à huit reprises, à l’encontre d’individus condamnés pour acte de terrorisme. J’appelle à toutes fins utiles votre attention sur le fait qu’aucune déchéance n’a été prononcée entre 2007 et 2012 contre une en 2014 – celle-ci fait l’objet, comme vous le savez sans doute, d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Ce dispositif législatif est équilibré et sévère et il n’est pas nécessaire de le durcir encore. En effet – je me permets d’insister sur ce point –, les faits que vous visez paraissent pouvoir être couverts en cas de condamnation, soit par le premier cas énoncé à l’article 25 du code civil, soit par le deuxième cas prévu par ce même article. En l’absence de condamnation, le fait de se livrer à des actes incompatibles avec la qualité de Français au profit d’un État étranger pourra également entrer dans le champ d’application de la déchéance de nationalité.
Par ailleurs, votre proposition de loi est anticonstitutionnelle à bien des égards…