Intervention de Patrick Mennucci

Séance en hémicycle du 4 décembre 2014 à 15h00
Déchéance de nationalité pour les atteintes aux forces armées et de police — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mennucci :

Dans le cadre du dispositif déjà appliqué par l’État français, votre proposition de loi est inutile, stigmatisante – mais pas à l’égard des Normands, comme vous l’avez sans doute remarqué – et très probablement inconstitutionnelle. Certes, le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision du 16 juillet 1996 que, bien que portant atteinte au principe d’égalité entre les Français, la déchéance de nationalité n’était pas contraire à la Constitution, mais il a assorti cette sanction de garanties que vous avez oubliées, monsieur Meunier. Il a ainsi estimé que l’autorité administrative ne pouvait retirer la nationalité que dans un délai fixé.

D’ailleurs, ces derniers jours – Mme Pascale Boistard l’a rappelé – le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur la déchéance de la nationalité d’un individu définitivement condamné le 28 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Paris pour avoir participé à une association de malfaiteurs dans le but de commettre un acte terroriste. Si besoin était, la preuve est ainsi apportée que la déchéance de la nationalité de ces individus est possible. Nous en avons la démonstration très claire, puisque le Conseil d’État vient de demander au Conseil constitutionnel de trancher cette question, ce qu’il fera dans un délai que nous ne connaissons pas. Mais, en tout état de cause, nous savons que le Conseil d’État a transmis la demande de cet individu, de ce terroriste. Nous sommes en effet dans un État de droit, et même un terroriste a le droit de saisir le Conseil constitutionnel, comme la preuve est en train d’en être apportée.

Le Conseil d’État a jugé cette demande sérieuse. Aussi, la discussion sur votre proposition de loi doit-elle tenir compte de ce contexte. Personne ne sait quand le Conseil constitutionnel rendra sa décision mais, quoi qu’il en soit, vous devriez, en tenant compte de cela, retirer cette proposition dans l’attente d’une décision qui risque d’être en nette contradiction avec ce que vous défendez aujourd’hui.

En outre, monsieur Meunier, je n’ai pas trouvé dans votre texte les critères d’appréciation des actes incompatibles avec la qualité de Français, quand il s’agit pour l’autorité administrative de décider de la déchéance de la nationalité avant tout jugement. Depuis dix ans, seules deux personnes ont subi cette sanction, qui est prononcée sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir. Je n’ai pas trouvé dans votre texte – peut-être est-ce imputable à une rédaction précipitée – la façon dont vous envisagez de procéder.

D’une manière générale, votre proposition de loi est rédigée à la hâte. La preuve en est la série d’amendements que vous avez ensuite déposés pour vous rattraper aux branches et tenter de dissimuler les travers juridiques du texte.

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