Intervention de Michèle Bonneton

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi semble favorable au consommateur. Ses auteurs sous-entendent qu'il existe une véritable rente gazière préjudiciable aux usagers et proposent de s'y attaquer. Vouloir supprimer cette rente est tout à fait louable.

La proposition de loi qui nous est soumise naît donc d'un constat : la facture des usagers est injustement surévaluée au regard du prix réel du gaz sur le marché actuel. L'usager est donc victime de la formule qui permet de fixer le prix du gaz à l'échelon national et qui retient comme principale référence le prix des produits pétroliers.

Cette situation résulte de tensions spéculatives plus fortes sur le pétrole que sur le gaz. Cela tient à deux raisons. D'une part, les régions pétrolifères sont situées en grande partie dans des zones d'instabilité, voire de conflits. D'autre part, les réserves mondiales estimées de gaz devraient assurer notre approvisionnement pour une période plus longue que celles de pétrole. Qu'adviendra-t-il du prix du gaz à l'avenir ?

En dehors des mauvaises décisions prises par le gouvernement précédent, une des limites intrinsèques du marché tient à son incapacité structurelle à se projeter à moyen terme, et il est risqué de fonder une politique sur des suppositions bien aléatoires.

À chaque fois que le prix du pétrole s'envole, c'est parce que le risque de pénurie semble très proche. Jusqu'au début des années 2000, le cours du baril évoluait essentiellement selon les événements politiques au Moyen-Orient, presque au jour le jour. Ces dernières années, les fluctuations et la hausse moyenne des prix résultent principalement des difficultés à augmenter les capacités d'extraction et de raffinage, qui sont à leur maximum, alors que la demande des pays émergents croit considérablement.

Que notre approvisionnement soit assuré par la conclusion de contrats à terme ou que nous achetions sur les marchés spot, c'est-à-dire au jour le jour sur le marché international, la fixation du prix des énergies fossiles nous échappe en partie. Espérer qu'une loi française puisse à elle seule garantir dans la durée la baisse du prix du gaz ne nous convainc absolument pas.

Ce texte crée un autre risque, loin d'être négligeable : que la baisse du prix favorise le gaspillage, entraînant de fâcheuses conséquences sur le plan environnemental.

Nous devons donc répondre à un double défi : d'une part, faire en sorte que les mesures prises n'aient pas un impact négatif sur l'environnement ; d'autre part, rendre l'énergie plus accessible aux entreprises et aux ménages, particulièrement ceux dont les revenus sont les plus modestes.

La combustion du gaz, du pétrole et de toutes les énergies fossiles conduit à des rejets massifs de dioxyde de carbone dans l'atmosphère, responsables de l'effet de serre et du dérèglement climatique, aujourd'hui avéré.

Le recours au gaz de schiste ne constitue pas non plus une solution. En effet, les résultats enregistrés en Amérique du Nord sont beaucoup moins intéressants que prévu, et le coût unitaire est nettement plus élevé que ce qu'espéraient les investisseurs. La proportion de gaz récupérée est nettement inférieure aux prévisions. Il faut donc multiplier les forages ; or c'est le coût du forage et le volume de gaz réutilisé qui détermine le coût de revient de l'exploitation.

Cette technique pose aussi un problème préoccupant en matière de changement climatique. Le gaz naturel qui n'est pas récupéré va s'ajouter aux gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Il faut préciser que ce gaz, le méthane, à un impact sur le dérèglement climatique vingt-cinq fois plus important que celui du dioxyde de carbone à volume comparable. Enfin, la combustion en elle-même de ce surplus de réserves potentielles entraînerait aussi un rejet supplémentaire de dioxyde de carbone, ce que nous devons absolument éviter.

Pour réduire le coût de l'énergie et la facture énergétique, nous devons avant toute chose promouvoir une politique qui vise à réduire la consommation à confort égal. L'objectif est de développer une politique ambitieuse de sobriété énergétique qui passe par l'isolation des bâtiments, la réduction de la consommation des appareils électroménagers, des procédés industriels, et ainsi de suite. C'est d'ailleurs ce que le ministère du logement propose dans le projet de loi de finances pour 2013 en prévoyant l'isolation renforcée d'un million de logements par an, dont 500 000 dans l'ancien. C'est un premier pas.

En tant qu'écologistes, notre préférence va à une refonte globale de la fiscalité fondée sur l'impact environnemental des activités.

Nous souhaitons aller vers une écofiscalité en accord avec les priorités fixées par la feuille de route issue de la conférence environnementale de septembre dernier. À cet égard, nous regrettons que les propositions faites par notre groupe durant la discussion budgétaire n'aient pas été retenues par le Gouvernement. C'était l'occasion de faire progresser notre pays sur la voie de la transition énergétique.

Ainsi, pour ce qui est de la rente gazière, nous souhaitons la création d'une taxe qui permettrait de financer les économies d'énergie en aidant à l'amélioration de la performance thermique des bâtiments ou en favorisant les techniques faiblement consommatrices d'énergie. Nous préférons les négawatts aux mégawatts, même si ces derniers sont moins chers. De plus, cette taxe serait favorable au développement des énergies renouvelables moins émettrices de dioxyde de carbone : biomasse, énergie solaire, éolien et autres.

Il manque à cette proposition de loi une véritable vision d'avenir. C'est un texte qui, pour reprendre son intitulé, est « déconnecté » d'une réflexion globale sur la transition énergétique. Il n'apporte pas de solution pérenne. Notre pays doit reprendre l'initiative après le retard accumulé, notamment à la suite de la mise au placard du Grenelle de l'environnement, en oeuvrant pour la transition énergétique.

La loi devra fixer les orientations et choix stratégiques de la France en matière énergétique et la question de la tarification des différentes sources d'énergie en sera un volet incontournable.

Du fait des insuffisances de ce texte, notre groupe ne l'approuvera pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion