Merci, madame la présidente.
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention. Vous avez dit vous-même que nous partageons le même constat. Les interventions de tous les parlementaires sont d'ailleurs allées dans le même sens.
Vous avez dit que le diagnostic est sans appel, qu'il faut une réponse forte et une mobilisation générale. Vous avez également indiqué que vous mènerez des consultations à partir de décembre, qui devraient se terminer avant la fin du mois de janvier ou le mois de février.
Je suis surpris de ne pas vous avoir entendu parler ne serait-ce qu'une seule fois de l'une de mes propositions. Votre rejet est complet ; vous n'essayez même pas d'en discuter : je ne comprends pas pourquoi.
Concernant le numerus clausus, je rappelle à mes collègues que, dans les années 1980, le ministère de la santé soutenait que la meilleure régulation médicale possible consistait à le diminuer. On en mesure aujourd'hui les conséquences ! Certains intervenants ont également dit tout à l'heure que ce numerus clausus a sensiblement augmenté ces dernières années. J'ai souligné, dans mon intervention, qu'il faut au minimum dix ans pour former un médecin. Madame la ministre, ce numerus clausus va-t-il évoluer ?
Vous savez très bien que l'internat régional présentait l'avantage d'adapter la répartition des internes aux besoins des régions, du moment où toutes les unités de formation et de recherche, les UFR, apportaient une réponse de façon homogène sur l'ensemble du territoire. J'ai mentionné tout à l'heure la possibilité donnée aux candidats à l'internat de passer une nouvelle fois cet examen. C'était possible dans certaines régions, et impossible dans d'autres. Ce numerus clausus est une réponse assez simple pour s'adapter aux besoins des régions. Je ne comprends pas que vous n'ayez pas même prononcé le mot « numerus clausus ».
J'aborde à présent le sujet du cumul emploi-retraite. C'est un peu la même chose. Notre collègue Véronique Besse est l'auteure de l'amendement introduisant cet aspect dans la proposition de loi. Je trouve que cela va dans le bon sens. J'ai rappelé la disponibilité de certains médecins à la retraite souhaitant, d'une certaine manière, continuer à exercer leur art.
Vous avez été très engagée sur la réforme des retraites, demandant que l'on puisse partir plus tôt. Partir plus tôt à la retraite, ce n'est pas forcément cesser toute activité ! Fermer la porte à cette possibilité n'est pas une bonne chose. Une fois de plus, on se prive des possibilités offertes par certains praticiens qui ont envie de poursuivre encore un peu leur activité. Dans les transmissions d'entreprise, on demande souvent que l'on puisse transmettre le savoir. Eh bien, de la même manière, des généralistes à la retraite auraient pu travailler deux jours par semaine dans une équipe médicale et aider les jeunes, les remplacer. Ils aspirent aussi – c'est important et cela n'a pas assez été dit tout à l'heure – à une vie différente de celle qu'ont menée un certain nombre de médecins actuellement en exercice.
Je propose une formation de deux fois six mois dans un centre hospitalier ou une maison médicale, avec un maître de stage. Je me permets à ce propos de rappeler un élément que je n'ai pas eu le temps de dire tout à l'heure, mais qui a été mentionné par les intervenants au cours de la discussion générale : sur le terrain, on s'aperçoit combien il est difficile d'être maître de stage ! Il faut vraiment en vouloir, pour être maître de stage référent.
Je vais reprendre brièvement les interventions de mes collègues. Je pense qu'il y a là, vraiment, des possibilités gâchées. Quoi qu'il en soit, quel est l'effet de ces douze mois ? C'est une sédentarisation. En fait, on propose à un garçon ou une fille, après six années d'études de médecine, d'aller passer six mois dans une zone « sous-médicalisée ». Quel mot diabolique : « sous-médicalisée » !
Mais quelle réalité ce terme recouvre-t-il ? Il y a des zones sous-médicalisées pratiquement partout : en région Centre sauf à Tours, en Auvergne sauf à Clermont-Ferrand. À trois kilomètres de Clermont-Ferrand, à Romagnat, à Aubière, à Chamalières ou ailleurs, on est en sous-densification ! Dans le Limousin, en dehors de Limoges, c'est terminé ! En Picardie, à quelques kilomètres d'Amiens, c'est terminé !
Rappelez-vous, madame la ministre : que faisaient les étudiants en médecine pendant ces douze mois, il y a encore quelques années ? Oui ou non, les obligeait-on à passer un externat dans un petit centre hospitalier ? La ville de Châteaudun compte douze médecins, qui sont tous passés par l'externat. Cela a permis de les fidéliser à un territoire. Ils ont connu ce territoire grâce à leur externat et se sont dit qu'ils allaient y passer leur vie. Leur externat leur a permis d'effectuer des remplacements, après quoi ils se sont installés dans cette région. C'est pour cela que l'internat régional est un système avantageux.
Je propose trois choix pour l'internat régional. Quelqu'un disait tout à l'heure que ma proposition allait limiter les choix. Mais pas du tout ! Avec l'internat régional, on peut justement choisir de passer le concours dans les régions que l'on affectionne plus que les autres ! Cette proposition de loi permet ce choix.
Vous nous dites donc à la fois que vous allez lancer une mobilisation générale, et que vous verrez ce qu'il est possible de faire au cours des consultations. Je sais bien que depuis quelques mois, sur beaucoup de sujets, on attend pour voir. On verra d'ailleurs ce qui va se passer sur le dossier du pacte de compétitivité. C'est extraordinaire : maintenant il faut attendre. On a attendu le rapport Gallois, on a attendu qu'il soit publié, et on attend encore que la TVA, qui était sortie par la fenêtre, revienne par la porte. Elle a simplement changé de nom. C'est à présent une restructuration de la TVA.
Madame la ministre, je vous dis avec un peu d'émotion et d'engagement que je ne veux pas que l'on attende sur ce sujet. Vous le savez, vous avez suffisamment de relais et de connaissances dans les territoires pour cela : mes propos ne sont pas excessifs ! Ils reflètent un mal-être considérable tant chez les professionnels de santé que dans la population.
Vous avez dit que mes propositions n'ont pas de sens parce qu'elles s'appliqueront en 2020. Ce n'est pas vrai. Seule l'obligation d'installation de trois ans des nouveaux médecins dans un secteur sous-médicalisé s'appliquera à partir de 2020. Cela ne dénature pas la proposition de loi. Il est trop facile d'écarter mes propositions du revers de la main et de dire « circulez, y'a rien à voir » ! Cela n'est pas vrai, et je ne vous laisserai pas dire ça.
Je m'arrêterai quelques instants sur la question de cette fameuse liberté d'installation. Mes chers collègues, allons-nous, oui ou non, baisser les masques sur cette question ? Madame la ministre, un biologiste peut-il s'installer là où il veut ? Peut-il travailler dans deux laboratoires différents, portant chacun une plaque à son nom ? Je pose la question. Et pourtant c'est une profession libérale ! Peut-il avoir trois laboratoires ? Certainement pas ! Alors qu'un radiologue, lui, peut exercer à plusieurs endroits : vous ne pouvez pas me dire le contraire. Un pharmacien installé à un endroit X ne peut pas s'installer à un endroit Y.
C'est pour cela que, lorsqu'on parle de liberté d'installation, cela me fait doucement rigoler ! Il est d'ailleurs grave de dire que ce texte porte atteinte à la liberté d'installation : il ne s'agit pas du tout de cela. Ou alors, madame la ministre, libéralisez tout ! Donnez à toutes les professions médicales la possibilité de s'installer là où elles veulent, en exerçant sur plusieurs sites ! Les contraintes qui pèsent sur les professions libérales, dans le domaine de la santé, sont fortes. Vous ne pouvez pas contester mes exemples : ils sont vrais !
De la même manière, les biologistes ont accepté de se soumettre à une accréditation. C'est une sacrée contrainte ! Nul ne dira le contraire.
Lorsqu'on m'oppose le principe de liberté d'installation, j'ai l'impression d'avoir attaqué un dogme ! Mais un polytechnicien, après qu'il a réussi le concours d'entrée et qu'il est sorti de l'école polytechnique, combien d'années doit-il travailler pour l'État ? Pendant combien d'années un infirmier formé au Centre hospitalier universitaire d'Orléans a-t-il un contrat avec l'État ? Un huissier de justice, un commissaire-priseur, un notaire s'installent-ils là où ils veulent ? On me dira qu'ils ont acheté une charge. Mais un médecin généraliste pouvait revendre son cabinet. Connaissez-vous beaucoup de généralistes qui vendent leur clientèle à l'heure actuelle, alors qu'ils l'ont achetée quelques années plus tôt, qu'ils l'ont remboursée, qu'ils se sont équipés ? Connaissez-vous beaucoup de dentistes qui revendent leur cabinet dentaire à l'heure actuelle ? Peut-être à Neuilly-sur-Seine, peut-être dans le centre-ville de Tours, peut-être dans des stations balnéaires, mais ailleurs, non !
La sacro-sainte liberté d'installation ne signifie donc pas grand-chose. J'ai combattu une proposition de Mme Bachelot selon laquelle un médecin partant en vacances devait le signaler à l'Agence régionale de santé. Et on nous parle de liberté ! Un pharmacien ne s'installe pas là où il veut, et doit en plus faire des gardes. Et on parle de liberté !
Je ne veux pas que l'on dise de moi que je pourfends la liberté d'installation. Les médecins généralistes n'ont-ils pas également l'obligation d'assurer la continuité des soins, c'est-à-dire de travailler certains week-ends et d'assurer des gardes ? La possibilité d'y déroger a été supprimée. Quand, dans mon département, les pharmaciens ont refusé le tour de garde, le préfet les a convoqués avec leurs syndicats, et les gardes ont été mises en place.
Tels sont les enseignements de la réalité. Vous me pardonnerez de dire ces choses avec, peut-être, un peu de véhémence. Je veux bien accorder à tous la liberté d'installation, mais alors, dès demain, laissez-moi m'installer dans dix laboratoires ! Laissez les autres praticiens de santé, qui ne bénéficient pas de la liberté d'installation, s'installer partout ! Cette liberté n'est donc pas mise à mal.
Je voudrais bien vous croire, madame la ministre. Je ne vous en veux pas : cela ne fait que quelques mois que vous êtes chargée d'une responsabilité très forte.