Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 21h30
Égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire — Discussion générale

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

J'aurais eu plaisir à répondre aux interventions des membres de l'opposition. Toutefois, dans la mesure, où ceux qui sont intervenu ne sont plus présents, je m'adresserai aux députés de la majorité.

Nous partageons un constat : il est nécessaire d'apporter des réponses fortes à l'absence des professionnels de santé. Nous parlons, en effet, des médecins, mais nous devons également considérer tous les professionnels de santé sur nos territoires dans la mesure où leur absence a des conséquences importantes non seulement sur la prise en charge des patients, mais aussi sur la vie dans les territoires. Un territoire privé d'école et de professionnels de santé est un territoire qui ne se projette pas dans l'avenir. Plusieurs d'entre vous ont évoqué la nécessité de s'engager dans une forme de pacte de confiance pour nos territoires et pour la population.

Madame Annie Le Houerou, je partage totalement votre analyse. En effet, l'absence de population médicale a un impact sur le fonctionnement de nos hôpitaux. La désertification médicale aboutit d'ailleurs à des surcoûts. Ainsi, les services d'urgence sont encombrés par des personnes qui s'y rendent alors qu'elles pourraient être prises en charge dans leur territoire, donc à proximité, dans des conditions plus satisfaisantes.

Je répondrai à M. Gabriel Serville que le Gouvernement sera, évidemment, particulièrement attentif à la situation des outremers et, en particulier, de la Guyane.

Plusieurs intervenants ont fait observer qu'il était nécessaire de ne pas écarter la possibilité de recourir au salariat et à des centres de santé. Cette démarche est essentielle. En effet, dans certains territoires, c'est grâce à la mise en place de structures salariées que nous pourrons avancer. J'ai demandé, de ce point de vue, à l'IGAS de conduire une mission sur les conditions économiques dans lesquelles peuvent fonctionner les centres de santé. Nous savons, en effet, qu'aujourd'hui leur modèle n'est pas satisfaisant alors même qu'ils doivent le plus souvent prendre en charge des populations dans des conditions particulières.

Madame Linda Gourjade, je fais mienne votre analyse. Vous avez beaucoup insisté sur la confiance. Nous n'avancerons que si nous parvenons à ne pas opposer les patients aux professionnels de santé. Nous devons faire en sorte de répondre aux besoins des patients, à savoir l'offre de santé de proximité, et ce en entendant les aspirations des professionnels. Ainsi, 80 % des internes en médecine générale déclarent aujourd'hui être prêts ou ne pas être opposés à l'idée de s'installer dans un territoire rural. Mais, lorsqu'ils voient les conditions dans lesquelles ils sont, actuellement, amenés à s'y installer, ils hésitent et disent clairement qu'ils ont besoin d'un travail d'équipe et d'une coopération entre les professionnels. Vous avez raison de ce point de vue, de souligner l'importance de la coopération.

Michel Issindou a insisté, à juste titre, sur le fait que l'accès aux soins dans les territoires doit s'inscrire dans une politique plus globale d'accès aux soins et d'égalité d'accès aux soins. Il convient de lever les obstacles que constituent les honoraires pratiqués par certains professionnels, d'où la nécessité de lutter contre les dépassements d'honoraires et de mettre en place des mesures volontaristes dans les secteurs les plus isolés, qu'ils soient ruraux ou urbains. J'y insiste en effet : nous parlons beaucoup, ici, des territoires ruraux parce que nombre d'entre vous sont concernés, mais des secteurs urbains rencontrent aussi de grandes difficultés. Comme je l'ai précédemment indiqué, contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, c'est à Paris et dans le Val-de-Marne que la récente chute du nombre de médecins généralistes a été la plus spectaculaire, même si l'offre globale y demeure, certes, importante tout comme la présence hospitalière. Vous avez eu raison, monsieur le député Issindou, de rappeler que des mesures figurent dans la loi HPST. Or ces mesures éparses ne s'inscrivant pas dans une politique volontariste, elles n'ont pas recueilli l'assentiment des professionnels de santé. Elles n'ont, par conséquent, pas été mises en oeuvre et n'ont pas abouti. Nous devons donc faire en sorte que ce que nous allons mettre en place soit porté par l'ensemble des partenaires : les patients, les populations représentées par leurs élus et les professionnels de santé.

Monsieur Richard Ferrand, je partage totalement l'idée selon laquelle les hôpitaux doivent être considérés comme le socle de la présence médicale dans nos territoires. Pourquoi un professionnel de santé libéral irait-il s'installer dans un territoire dont on aurait retiré les établissements hospitaliers « pilotés » par la puissance publique ? Il s'y rendra d'autant moins qu'aujourd'hui, quand on parle de coopération entre les professionnels, ce n'est pas simplement d'une coopération entre professionnels de ville, mais aussi d'une coopération entre médecins installés dans des cabinets et centres hospitaliers dont nous devons garantir l'effectivité. Un médecin veut pouvoir, aujourd'hui, accéder à de l'imagerie, à des examens biologiques, à des spécialistes qui n'exercent, parfois, qu'en établissement hospitalier. De ce point de vue, cette coordination entre le médecin de ville et l'hôpital de proximité – la proximité pouvant être un niveau hospitalier variable selon les territoires – est évidemment fondamentale.

Je conclurai mon propos en disant à Mme la présidente de la commission des affaires sociales que, oui, nous avons une obligation de résultats. Les Français attendent, nos concitoyens veulent que leur soient apportées des garanties en matière de santé. La santé est un droit fondamental. Il est inacceptable qu'il ne soit pas exercé dans les mêmes conditions selon le lieu d'habitation. De ce point de vue, nous devons, en confiance, faire preuve de volonté et avancer avec force. C'est la raison pour laquelle je veux, monsieur le député Vigier, si tant est que j'y parvienne, vous rassurer. Il ne s'agit pas d'engager des concertations pour reculer, mais de discuter immédiatement de propositions concrètes grâce auxquelles nous pourrons progresser très rapidement.

Cette volonté n'a jamais existé. D'ailleurs, les propositions qui figurent dans votre texte de loi ne sont pas de nature à répondre aux défis. La mesure coercitive la plus symbolique de cette proposition de loi, à savoir l'obligation d'exercer dans un territoire donné, interviendra à partir de 2020, donc dans huit ans. Or nous ne pouvons pas attendre huit ans. Les autres dispositions ne sont pas, à elles seules, de nature à renverser la situation. On ne résoudra pas les problèmes dans nos territoires par le biais d'autorisations administratives. S'agissant du numerus clausus, les modalités d'une meilleure répartition existent puisqu'elles sont de nature réglementaire. La nécessité de mettre en place des stages est, évidemment, absolument impérative. Nous devrons progresser sur ce point de manière coordonnée. Les mesures que vous proposez ne sont donc pas de nature à nous permettre de faire face à ce grand défi qui appelle une politique plus vaste, cohérente et globale pour répondre aux attentes légitimes des concitoyens et des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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